La réunion

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L'audition débute à quinze heures cinq.

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Pour débuter les travaux de cette commission d'enquête, M. le rapporteur Nicolas Sansu et moi-même avons souhaité interpeller les principales instances assurant la représentation des élus locaux – représentation institutionnelle et représentation d'intérêts. C'est pourquoi notre programme s'engage avec l'audition de M. André Laignel, président du Comité des finances locales (CFL), et aussi, je le note au passage, premier vice-président délégué de l'Association des maires de France (AMF). Je ne présenterai ni l'homme ni l'institution, tant l'un et l'autre sont connus de chacun.

Le contexte aussi est bien connu : des collectivités territoriales appelées à contribuer au redressement des finances publiques par le biais d'une réduction des dotations de l'État à hauteur de 11 milliards d'euros entre 2014 et 2017, après une diminution de 1,5 milliard d'euros entre 2013 et 2014. De ce processus, le CFL est acteur tout autant qu'observateur : l'Observatoire des finances locales a rendu en juillet son dernier rapport annuel. Monsieur le président Laignel, quelles évolutions constate-t-on aujourd'hui en matière de dépenses d'investissement ? Comment les interpréter ? L'investissement local est-il menacé ? Comment le préserver ?

Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vous demande de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(M. André Laignel prête serment.)

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André Laignel, président du Comité des finances locales

Je vous remercie de m'avoir invité à présenter devant vous l'état de nos finances locales.

Le rapport de l'Observatoire des finances locales pour 2015 a été présenté au mois de juillet dernier au Comité des finances locales, qui l'a adopté à l'unanimité. C'est donc bien au nom du CFL que je m'exprime aujourd'hui.

Je commencerai par souligner que les difficultés n'ont pas commencé en 2015, ni en 2014 – le CFL a signalé depuis plusieurs années que la baisse des moyens des collectivités territoriales poserait rapidement problème. C'est en 2010 que se situe le basculement, avec le plafonnement de la taxe professionnelle (TP), puis le gel des dotations aux collectivités locales. Celles-ci ont ensuite diminué de 1,5 milliard d'euros en 2014 et le Gouvernement a prévu, comme vous l'avez dit, une baisse supplémentaire de 11 milliards d'euros entre 2015 et 2017.

C'est la suppression de la taxe professionnelle qui a constitué le facteur principal des difficultés rencontrées : en effet, elle a été mal compensée, puisque les dotations prévues à cet effet n'ont jamais été réévaluées. Auparavant, les communes pouvaient compter sur une augmentation de 3 % à 4 % par an de la TP ; désormais, les dotations sont gelées – non seulement elles n'augmentent plus, mais elles sont rognées par l'inflation.

Ce sont donc de très mauvais coups qui ont été portés aux finances des collectivités locales. C'est dans ce contexte, que je tenais à rappeler, que s'inscrivent les difficultés actuelles.

Le rapport présenté au mois de juillet porte sur l'année 2014 – je m'aventurerai à parler un peu de l'année 2015, mais à partir d'estimations, alors que pour 2014 nous avons des chiffres définitifs émanant de l'État. Ce rapport du CFL est le vingtième : nous disposons donc d'analyses sur une longue durée.

Nous avons constaté en 2014 un nouvel effet de ciseau. Toutes collectivités confondues, les dépenses de fonctionnement ont connu une hausse de 2,3 %. Cela montre d'ailleurs plutôt une bonne maîtrise des dépenses par les collectivités, car les charges imposées ont été importantes – la Cour des comptes les a estimées entre 1,2 et 1,3 milliard. Les recettes de fonctionnement n'ont quant à elles augmenté que de 0,7 %. Les concours de l'État ont diminué, en 2014, de 5,5 %. Il a donc fallu trouver des compensations.

S'agissant des investissements, je soulignerai que les dépenses d'équipement ont diminué de 9,9 % pour l'ensemble des collectivités, et même de 12,9 % pour le bloc communal. Pour les départements, la diminution est de 2,2 %, mais ce chiffre vient après des baisses conséquentes lors des années précédentes. Seules les régions augmentent leurs dépenses d'équipement de 5,9 %, essentiellement pour investir dans le domaine ferroviaire.

Les subventions des départements aux communes ont diminué de 8,2 %. Les communes subissent donc la baisse des dotations de l'État, mais aussi celle des subventions reçues des régions et des départements : il y a là un net effet domino.

Il faut toujours lier fonctionnement et investissement : raisonner sur les seuls investissements n'apporte aucune solution.

J'en viens maintenant au besoin de financement, c'est-à-dire ce que l'on appelle le déficit au sens maastrichtien. Ce terme de « déficit » ne me paraît pas pertinent : les collectivités territoriales ont l'obligation de voter des budgets en équilibre. Le besoin de financement, c'est donc la part d'emprunt qui ne peut être consacrée qu'à l'investissement. Il s'est établi à 6,19 milliards d'euros, en baisse de 1,78 milliard. Le principal effort de résorption du déficit – tel qu'il est communiqué aux instances européennes – a donc été consenti par les collectivités territoriales.

Les chiffres de l'épargne nette – plus intéressante pour nos analyses que l'épargne brute, qui comprend aussi les remboursements d'emprunts – sont malheureusement très significatifs. L'ensemble de l'épargne nette a, en 2014, diminué de 14,4 % pour l'ensemble des collectivités locales – de 17,6 % pour le bloc communal, de 6,7 % pour les départements dont l'épargne avait déjà plongé les années précédentes, de 15,1 % pour les régions.

De 2011 à 2014, la baisse de l'épargne nette s'établit à 28,9 %, de façon équilibrée entre les différents types de collectivités locales : 30 % pour le bloc communal, 31 % pour les départements, 27 % pour les régions.

Pour compenser la baisse des moyens, les collectivités ont puisé dans leur trésorerie : en deux ans, celle-ci a été amputée de 6,6 milliards d'euros. Mais c'est un fusil à un seul coup !

Le CFL considère que la gestion des finances locales est dans l'ensemble saine et maîtrisée. L'ensemble des dépenses – fonctionnement et investissement – a baissé de 0,4 % en 2014, l'essentiel des réductions ayant porté sur l'investissement. Le besoin de financement est en baisse, et la part de la dette publique des collectivités territoriales – qui réalisent pourtant 70 % des investissements publics civils – n'est que de 9,2 %. Il faut enfin souligner que le taux de prélèvements obligatoires des administrations publiques locales ne s'élève qu'à 6 % du PIB ; la part des collectivités territoriales dans les prélèvements obligatoires est sensiblement la même qu'il y a vingt ans. On ne peut pas, comme on le fait parfois, parler de dérive.

Nous avons tous conscience qu'un effort est nécessaire pour parvenir à redresser les finances de notre pays. Mais le CFL estime que cet effort pèse aujourd'hui de façon disproportionnée sur les collectivités territoriales.

Le bilan, c'est donc une épargne qui s'affaiblit fortement, voire qui s'effondre, des investissements en berne, une trésorerie entamée.

Pour 2015, nous ne pouvons raisonner que sur des estimations, fondées sur les budgets primitifs votés par les collectivités – alors que j'utilisais jusqu'ici des comptes administratifs 2014 définitivement arrêtés. Mais les chiffres me semblent significatifs : l'épargne nette des départements serait en baisse de 18,5 %, et celle des régions de 18,8 %.

Voilà résumée, par la sécheresse d'une énumération de chiffres, la situation de nos finances locales. Le rapport définitif de l'Observatoire des finances locales est déjà en ligne, et sera envoyé rapidement à chaque parlementaire.

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Vous venez de confirmer, s'il en était besoin, que cette commission d'enquête demandée par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine aborde un sujet crucial pour tous nos territoires. Nous ne pouvons pas accepter l'évolution qui se dessine. Demander trop d'efforts aux collectivités locales, c'est contreproductif !

J'approuve entièrement ce que vous avez dit du lien entre fonctionnement et investissement : l'un ne va pas sans l'autre. Il est question de lancer des fonds d'aide à l'investissement, mais il s'agira toujours de compléments : que feront ceux qui n'ont plus les moyens d'investir du tout ? L'effondrement de l'épargne nette, en particulier de celle du bloc communal, est un phénomène très inquiétant.

Il faut également poser la vaste question de l'impôt économique, qui est peu à peu supprimé, ou en tout cas fortement diminué ; dans le même temps, les impositions nationales qui pèsent sur l'activité économique baissent également, pour atteindre des montants très faibles, notamment sous l'effet du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Il faudrait, je crois, lancer une réflexion sur un nouvel impôt économique territorial : si l'on admet – ce qui n'est pas mon cas – qu'il faut diminuer les dotations de l'État, il faudra bien trouver des ressources qui permettront aux territoires de préserver leur autonomie financière, aujourd'hui mise en danger.

Il nous faudra également évoquer – ce qu'a fait l'AMF – cette conséquence directe des baisses de dotation qu'est la suppression de services publics de proximité, notamment par les communes. André Laignel et moi-même, élus de territoires voisins, connaissons bien la situation d'une commune proche des nôtres, où le maire a décidé de fermer une piscine.

Vous serait-il possible de nous apporter des éléments complémentaires sur l'année 2015 ? Les chiffres que vous nous avez donnés laissent d'ores et déjà entrevoir une dégradation énorme pour les régions et départements, et je ne vois pas comment il pourrait en être autrement pour le bloc communal.

En 2014 ont eu lieu des élections municipales. Pouvez-vous estimer la part du cycle électoral dans la diminution des investissements ? On parle souvent de la moitié. L'investissement repart-il en 2015, une fois le cycle électoral terminé ?

Les besoins de financement sont, semble-t-il, en baisse : c'est une conséquence logique de la situation que vous décrivez, où l'on ne peut pas investir ni être sûr de pouvoir rembourser un emprunt, mais constatez-vous également une restriction du crédit ?

Enfin, il nous faudra aborder la question de la péréquation. On sait qu'une réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) est en préparation. Le Comité des finances locales a été saisi, et notre collègue Christine Pires Beaune a rendu un rapport sur ce sujet. Une telle réforme, dans un contexte de rétraction de la DGF, vous paraît-elle souhaitable ? Je suis pour ma part extrêmement réticent : le risque serait d'avoir des perdants et des “perdants-perdants”.

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André Laignel, président du Comité des finances locales

Je vais essayer de répondre de façon synthétique à toutes ces questions.

S'agissant de l'effet global des baisses de dotations sur notre économie, cela fait maintenant plus de deux ans que je demande au Gouvernement une étude sur ce sujet. Je n'ai pas eu de réponse – votre commission d'enquête en apportera certainement. C'est à coup sûr une préoccupation. Si l'on nous démontrait que la baisse des dotations améliore la situation économique et l'emploi, je l'accepterais sans réserve ! Ce n'est pas du tout l'impression que donnent les chiffres que nous connaissons ; je ne demande qu'à être contredit, mais encore faut-il que l'on ait des éléments pour l'être.

S'agissant du lien entre investissement et fonctionnement, nous sommes entièrement d'accord : il est très fort. Même si des projets sont subventionnés de façon significative – un taux de subventionnement de 60% relève d'ailleurs de plus en plus du rêve –, une collectivité qui n'a plus d'épargne nette ne peut faire quoi que ce soit. Il faut desserrer les contraintes à la fois sur l'investissement et le fonctionnement, sinon seules les collectivités les plus aisées – qui ne sont pas les plus nombreuses – pourront se saisir des opportunités de financement qui se présentent – de plus en plus rarement, il faut l'avouer. Une relance de l'investissement dans notre pays est indispensable, et les collectivités territoriales en seront l'un des leviers essentiels.

J'aurais en effet dû rappeler que 2014 était une année d'élections municipales. Lors des élections précédentes, la baisse de l'investissement avait été de 5 % environ. Nous sommes cette fois au-delà de 10 % : le cycle électoral a certainement joué, mais il n'est pas seul en cause – on peut en effet estimer son effet à la moitié du total. Or la baisse des dotations n'était à ce moment-là que de 1,5 milliard d'euros ! Tentons une projection pour 2015, où la baisse sera de 3,67 milliards, soit 2,4 fois plus : on en arriverait à une baisse de 12 %… Les estimations de l'AMF notamment sont aujourd'hui légèrement inférieures. Mais, l'an dernier, lorsque j'annonçais une baisse de 10 %, on me traitait de défaitiste honteux – et l'on a fini au-delà de 12 % ! Je reste donc très prudent, mais je serais vraiment étonné que la baisse ne dépasse pas 8 ou 10 %. Un vaste sondage réalisé par l'AMF auprès de collectivités de toutes tailles laisse prévoir une baisse de 25 % à 30 % d'ici à 2017 ; ces taux corroborent ceux qui résultent des projections réalisées par ailleurs par l'AMF.

Je répète qu'il s'agit là d'estimations.

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Sait-on ce qu'ont représenté, au sein de la masse des investissements, les investissements dans les zones d'activité, par exemple, qui ont représenté un volume important de dépenses ces dernières années ? Comment sont répartis les investissements ?

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André Laignel, président du Comité des finances locales

Le rapport de l'Observatoire propose une ventilation des investissements par grandes catégories – sport, culture, action économique… – mais je ne crois pas que l'on puisse savoir ce qu'ont représenté en particulier les investissements dans les zones d'activité.

Suivant le type de collectivité, les investissements ne sont, bien sûr, pas de même nature : les régions investissent surtout dans les lycées et les transports ferroviaires, les départements dans les collèges et les routes. Les communes et intercommunalités investissent de façon beaucoup plus diversifiée – domaine scolaire, sport, petite enfance aussi, même si malheureusement les crèches, on le sait bien, sont rarissimes en milieu rural.

J'en reviens aux questions de M. le rapporteur. Sur la réforme de la DGF, le Comité des finances locales a voté une délibération à l'unanimité, sauf deux abstentions et un refus de vote – celui d'un président du conseil général, les départements n'étant pas concernés, puisque la réforme ne vise que le bloc communal. Six associations de maires et de présidents d'intercommunalités – l'AMF déjà citée, l'Assemblée des communautés de France (AdCF), l'Association des communautés urbaines de France (ACUF), l'Association des maires de grandes villes de France (AMGVF), Villes de France (VDF) et l'Association des petites villes de France (APVF) – ont également adopté une résolution commune – ce qui n'était pas évident, au vu des conflits d'intérêts qui peuvent exister entre les grandes et les petites villes, entre les communes et les établissements publics. Leurs propositions ont été reprises par le CFL.

Une réforme de la DGF paraît à tous nécessaire : plus de transparence et de justice sont nécessaires. Mais cette réforme doit s'inscrire dans la durée : elle ne peut pas être brutale.

Le Comité des finances locales souhaite une loi spécifique. Après avoir énormément travaillé, il considère qu'une application de la réforme à l'occasion de la loi de finances pour 2016 serait prématurée, certains problèmes demeurant à régler. Nous ne voudrions pas que se répète l'histoire de la réforme de la taxe professionnelle, décidée en quarante-huit heures et qui demande encore aujourd'hui de nombreuses adaptations…

Nous proposons une démarche en deux temps. Dès le projet de loi de finances pour 2016 – car il ne s'agit pas pour nous de gagner du temps pour repousser éternellement la réforme – il serait possible de travailler sur la péréquation, et en particulier sur la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) et la dotation de solidarité rurale (DSR). Il faut notamment mettre fin aux effets de seuil que nous connaissons aujourd'hui, et qui entraînent d'extraordinaires injustices à l'intérieur de la péréquation, pourtant censée rétablir la justice. En matière de DSU, il faut modifier le dispositif actuel de ciblage, au profit probablement d'un système logarithmique, qui permettrait un lissage. Il faut également améliorer les critères de péréquation, en prenant mieux en compte les revenus des habitants et l'effort fiscal – il ne paraît pas raisonnable de tendre la sébile quand on ne fait pas l'effort de prélever l'impôt !

Quant au Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC), des améliorations peuvent également, à notre sens, être apportées dès la loi de finances, en relevant par exemple jusqu'à la moyenne le seuil de potentiel financier déterminant les contributeurs. Il serait également important de mieux articuler entre eux les différents dispositifs de péréquation, ainsi que de mettre en place des mécanismes visant à remédier aux distorsions engendrées par le FPIC. C'est un problème que j'avais soulevé dès le départ, et qui est dû à l'attribution du FPIC au niveau intercommunal : aujourd'hui, il y a des communes pauvres dans des intercommunalités riches, et des communes riches dans des intercommunalités pauvres. Les deux cas posent problème. À titre personnel, j'estime que la péréquation devrait être ramenée au niveau de la commune.

Tout cela peut être mené à bien dès la loi de finances.

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Considérez-vous qu'il soit possible d'améliorer la gestion des collectivités locales ? Le CFL mène-t-il une réflexion sur ce sujet ? Notre système fait d'empilements et de superpositions doit pouvoir être optimisé : faut-il prévoir une réorganisation plus vaste ? Une rationalisation ne pourrait que servir les citoyens.

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André Laignel, président du Comité des finances locales

Beaucoup a déjà été fait pour améliorer la gestion de presque toutes les collectivités locales – oui, je suis optimiste. Des efforts de rationalisation, de mutualisation ont été consentis. Président depuis plus de vingt ans de la communauté de communes du pays d'Issoudun, je suis moi-même une sorte de Monsieur Jourdain de la mutualisation : j'en faisais “sans le savoir” depuis la création de l'intercommunalité…

Notre système peut, bien sûr, être amélioré. La loi spécifique que j'évoquais permettrait justement de mener une véritable réforme de fond, et d'aborder la question d'une dotation minimale, parfois appelée « dotation universelle », pour les communes, mais aussi celle des dotations liées à la ruralité, ou encore à la centralité. Les charges de centralité sont en effet devenues une préoccupation essentielle, notamment pour les petites villes bourgs et les villes moyennes.

Nous proposons de prendre le temps d'élaborer cette loi en 2016, pour qu'elle s'applique au 1er janvier 2017. Le rapport de Christine Pires Beaune porte sur ces différentes dotations. Mais, aujourd'hui, personne ne sait définir précisément les charges de centralité ou de ruralité. Certains voudraient utiliser le critère de nombre d'habitants, mais cela ne peut pas fonctionner ! Je suis maire d'une commune qui rassemble 60 % de la population de l'intercommunalité, mais possède 90 % des équipements : si l'on attribue les dotations en fonction de la population, nous pourrions même recevoir moins qu'aujourd'hui.

Il faut donc réformer, et nous sommes pour l'essentiel en accord avec l'architecture du rapport de Christine Pires Beaune. Mais une définition claire de ces notions est indispensable. Le diable se cache souvent dans les détails !

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Nous savons tous que la fiscalité locale a augmenté, parfois de façon notable. Disposez-vous de données sur ce point, notamment pour les départements ?

D'autre part, nous qui sommes nombreux à être aussi élus locaux savons bien que les subventions aux associations ont subi des coupes claires. Cette conséquence inévitable de la baisse des dotations est pourtant un coup terrible porté à la société civile. Sur ce point, avez-vous des chiffres à nous communiquer ?

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J'aimerais revenir sur la question de la péréquation. En effet, l'un des enjeux des finances locales, c'est la bonne gestion : or, la péréquation est un système très opaque qui opère des redistributions sans que l'on sache exactement vers quoi. Aucune étude, aucune analyse objective ne montre à quoi servent les fonds redistribués ! Il semblerait pourtant qu'ils aillent, dans beaucoup de communes, notamment franciliennes, à l'augmentation des dépenses de personnel et des subventions aux associations. Or, à cause de ce système illisible, certains élus locaux apparaissent comme de mauvais gestionnaires, et d'autres comme de bons gestionnaires, alors que ni les uns ni les autres n'y sont pour quoi que ce soit… C'est un problème grave.

Ne serait-il pas pertinent de réfléchir plutôt à une dimension contractuelle ? Au lieu de faire des chèques en blanc, comme c'est le cas aujourd'hui, ne faudrait-il pas consacrer les fonds redistribués à des projets précis ?

On dit que l'on redistribue en fonction du potentiel fiscal. Mais alors, il faut bien dire que l'on impose en fonction du revenu – ce n'est plus une imposition locale ! Cela va à l'encontre de toute la philosophie des collectivités territoriales et de leur fiscalité.

Ce qui compte, pour une équipe municipale, ce sont les variations des budgets d'année en année. Maire d'une ville de 90 000 habitants, je le sais bien : ce qui est difficile à gérer, ce sont les baisses brutales, voire les hausses brutales. Or l'extrême complexité de notre système de péréquation multiplie ces cas.

La péréquation, c'est une belle idée, intellectuellement satisfaisante ; dans la pratique, c'est catastrophique.

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André Laignel, président du Comité des finances locales

En ce qui concerne la baisse des subventions aux associations, vous avez raison, et nous en entendons tous beaucoup parler, même si je ne peux pas vous donner de chiffres. Je mentionnais un effet domino de la réduction des moyens : les associations sont en bout de chaîne.

Les collectivités territoriales disposent, il faut en être conscient, d'un nombre de variables d'ajustement très réduit. Elles peuvent emprunter, mais il faut ensuite rembourser, ce qui constitue un risque. Elles peuvent diminuer leurs charges – réduire les investissements, voire fermer des services publics. Elles peuvent aussi augmenter les impôts ou les tarifs.

Mais il faut souligner que la suppression de la taxe professionnelle a perturbé, voire déréglé l'ensemble de la fiscalité locale. Jusque-là, les ménages acquittaient environ 52 % des taxes locales, et les entreprises 48 %. Maintenant, l'équilibre est plutôt à 75 % et 25 % ; de plus, les collectivités territoriales n'ont plus le pouvoir de fixer le montant de la plupart des impositions économiques – c'est par exemple le cas de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), dont le montant est fixé à l'échelle nationale.

Autrement dit, comme tous les impôts sont liés, toute augmentation de la fiscalité locale pèse aux trois quarts sur les ménages : cela rend très difficile le recours à l'impôt.

S'agissant du manque de clarté de la redistribution, je note que le calcul de la DGF elle-même n'est pas évident… C'est le résultat de l'empilement législatif des trente dernières années – vous le voyez, je n'accuse pas un camp politique plutôt qu'un autre. La DGF elle-même, souvenons-nous-en, visait à l'origine à compenser la suppression du versement représentatif de la taxe sur les salaires (VRTS).

La péréquation résulte elle aussi d'un empilement de mesures et de compensations successives. C'est en effet un dispositif très complexe, avec plus de soixante-dix critères, dont certains contradictoires… Une réforme est donc en effet indispensable.

Certaines dotations sont bien ciblées – je pense par exemple à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR). Dans d'autres cas, l'usage de la dotation est laissé à l'entière appréciation de la collectivité territoriale. Faut-il revenir sur ce point ? C'est un autre débat.

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On sait que, globalement, la suppression de la TP a entraîné une baisse importante des moyens alloués au bloc communal. Je ne suis pas spécialiste du sujet, mais je rencontre beaucoup de maires et il me semble que la situation est très variable d'une commune à une autre : pouvez-vous préciser ce point ?

D'autre part, la baisse des dotations risque d'entraîner aussi une baisse des attributions de fonds européens : de nombreux projets ne pourront pas, par exemple, être accompagnés par le Fonds européen de développement régional (FEDER) puisque les collectivités locales ne pourront pas obtenir les contreparties nationales. Le CFL a-t-il travaillé sur ce sujet ?

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L'État espérait une réduction des dépenses de fonctionnement des collectivités locales, qui avaient beaucoup augmenté. Or on constate une forte inertie sur ce point – il est plus facile de réduire les dépenses d'investissements que les dépenses de fonctionnement. Mais ne peut-on espérer que, dans un deuxième temps, des efforts supplémentaires portent sur le fonctionnement, et qu'une partie de la baisse de l'investissement sera ainsi effacée ?

Avez-vous calculé, par ailleurs, à quelle année nous a ramené la baisse des investissements ?

Le CFL peut-il faire des recommandations sur la qualité des investissements, sur leur ciblage ? Ce sont d'ailleurs des questions qui se posent de plus en plus pour les entreprises.

Peut-on comparer la situation française à celle d'autres pays européens ?

Enfin, je doute beaucoup, moi aussi, qu'une réforme de la DGF soit pertinente au moment où tout va mal.

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André Laignel, président du Comité des finances locales

Sur ce tout dernier point, je ne peux que vous rejoindre : il serait bien difficile de faire une telle réforme, qui ne ferait que des perdants – ou à tout le moins une immense majorité de perdants.

Les fonds européens constituent bien sûr pour nous une préoccupation. L'utilisation du fonds Juncker, notamment, demandera que des sommes importantes – des dizaines de millions d'euros – soient réunies : le Gouvernement en est conscient, et recherche des solutions, notamment par la mutualisation. Plus généralement, il faudra surtout trouver des fonds à investir pour amorcer la pompe, si vous me passez l'expression.

La réforme de la taxe professionnelle a paradoxalement été une bonne affaire pour les communes dont le territoire ne comptait pas ou peu d'entreprises. Celles qui recevaient des fonds importants en TP, en revanche, ont beaucoup perdu puisque les compensations ont été gelées à leur niveau de 2010. Ces recettes – qui augmentaient auparavant de façon régulière – sont donc non pas stables, mais en baisse, du fait de l'inflation. Or il faut savoir que l'inflation n'est pas au même niveau pour les collectivités locales que pour les ménages : nous avons lancé, avec l'AMF, un « panier des maires » qui montre une hausse des prix souvent une fois et demie supérieure au chiffre national. Le ministère ne reprend pas cette initiative à son compte, mais ne conteste pas qu'il s'agisse d'une approche intéressante.

La seule bonne raison de faire cette réforme, c'était d'alléger les taxes payées par les entreprises industrielles – cet objectif a d'ailleurs été en partie manqué puisque c'est parfois le tertiaire qui en a le plus bénéficié. Mais le résultat, c'est que les villes industrielles sont les grandes perdantes de la suppression de la taxe professionnelle. Or, souvent, ce ne sont pas des villes riches, bien au contraire.

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Beaucoup de choses ont été dites, je n'aborderai donc que quelques points.

Tout d'abord, il me paraît difficile d'évoquer le basculement de 2010 sans rappeler la crise économique qui s'est déclenchée en 2008. Il faut aussi se souvenir que la TP était universellement critiquée. Et sa suppression a eu aussi des effets positifs, notamment la fin de la concurrence entre les territoires. Vous évoquiez tout à l'heure les charges de centralité : les villes qui les supportaient devaient avoir une fiscalité plus élevée que les villes périphériques, qui, par conséquent, attiraient plus facilement les entreprises… C'était un cercle vicieux, qui a enfin cessé. Les compensations ont-elles été bien faites ? L'histoire le dira.

D'autre part, il a beaucoup été question des investissements, ce qui n'est pas illogique ; mais il me semble que nous n'avons pas assez parlé des services publics de proximité. Or les collectivités locales, pour boucler leur budget, diminuent leurs investissements mais sont aussi souvent conduites à abandonner des pans entiers de nos services publics – les piscines ont été citées, on pourrait aussi citer les maisons de santé, et il y aurait bien d'autres exemples. Cela crée des disparités entre les communes moyennes et grandes d'un côté, et les communes rurales, qui souffrent énormément. Notre commission d'enquête devra, je crois, examiner de près cette question de la ruralité, à laquelle, j'en suis convaincu, nous sommes tous ici très attachés.

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Mon cher collègue, avez-vous, outre ces considérations, une question à poser ?

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Il me semble qu'il faut aussi engager le débat entre nous, monsieur le président…

Monsieur Laignel, vous n'avez pas répondu sur la question de la hausse des impôts locaux. Y a-t-il eu un transfert de la fiscalité nationale vers la fiscalité locale ?

En ce qui concerne la réforme de la DGF, il a été question d'un dispositif bonus-malus : les communes qui feraient des efforts de diminution de leur masse salariale ou de mutualisation seraient récompensées, ou en tout cas moins pénalisées. Avez-vous mené une réflexion sur ce point ?

Le rebond des investissements espéré par M. Alauzet me paraît très peu probable : faire diminuer les dépenses de fonctionnement est extrêmement difficile tant que l'on ne touche pas, notamment, au statut des fonctionnaires territoriaux.

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Une péréquation « fléchée », telle que la propose M. de Mazières, serait mieux compréhensible et donc, je crois, presque plus supportable.

Ma question porte sur l'impact économique de la forte baisse des investissements. Vous avez évoqué la forte part des collectivités locales dans les investissements publics. De plus, on ne peut pas dissocier fonctionnement et investissement, cela a été dit : lorsqu'une crèche n'est pas construite, on n'embauche pas de puéricultrices… Quelles sont les politiques publiques les plus affectées par les réductions de moyens ? Quels sont les types d'investissements les plus touchés ? Enfin, beaucoup d'emplois dépendent aussi de la commande publique : a-t-on une idée des conséquences des baisses de dotations en matière d'emploi ?

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André Laignel, président du Comité des finances locales

Je ne reviens pas ici sur l'histoire de la suppression de la TP. J'admets qu'une réforme était nécessaire, tout en contestant que les compensations aient été bien faites ; je constate aussi que cette réforme a porté atteinte à la libre administration des collectivités territoriales. Celles-ci perdent de plus en plus la maîtrise de leur fiscalité : les régions n'ont plus, aujourd'hui, de fiscalité propre.

Je ne suis pas sûr de partager votre optimisme sur la fin de la concurrence entre les territoires. La situation s'est inversée : aujourd'hui, les maires qui n'auraient sur leur commune qu'un regard purement comptable ont intérêt à n'avoir que des quartiers résidentiels. Pourquoi accepter, voire soutenir, l'installation d'industries bruyantes, polluantes, alors que l'on n'aura presque aucun retour financier ? Les zones industrielles ne rapportent rien, coûtent cher ; mieux vaut construire des pavillons…

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Et même si l'on en crée une, et que des entreprises s'y installent, il n'est pas sûr que la commune y gagne des habitants !

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André Laignel, président du Comité des finances locales

Je le sais bien ! On peut donc débattre longuement des effets pervers de la suppression de la taxe professionnelle.

Sur la ruralité, en revanche, l'élu de l'Indre que je suis ne peut que vous approuver : les différences d'accès aux services publics sont bien réelles – mais elles ne sont pas récentes. Il est vrai qu'aujourd'hui, la situation devient critique. Mais cela relève moins, je crois, des finances locales que des politiques d'État.

Vous parlez, monsieur Audibert Troin, d'un dispositif de type bonus-malus. Mais qui jugerait de la qualité de la gestion, quels seraient les critères choisis ? Vous évoquez la question des dépenses de personnel. J'en ai débattu il y a peu avec le secrétaire d'État au budget, qui se plaignait de l'augmentation de 4,2 %, en 2014, des dépenses de personnel des collectivités territoriales. Mais 40 % de cette hausse résultait de dépenses imposées par l'État ! L'augmentation de rémunération des fonctionnaires de catégorie C est parfaitement justifiée : ce ne sont pas des riches, nous le savons bien ! Mais l'État bloque nos recettes et nous impose de nouvelles dépenses.

Et puis, pourquoi choisir tel critère plutôt que tel autre ? C'est aux collectivités territoriales qu'il revient de prendre des décisions, d'arbitrer entre différentes dépenses : faut-il, par exemple, décider d'économiser de l'énergie pour pouvoir payer un poste en plus à la crèche ? Ce sont là de vrais choix politiques. Laisser l'État définir les critères d'une bonne gestion serait admettre un recul supplémentaire de la libre administration des collectivités locales. Ces critères pourraient devenir rapidement très contraignants. À titre personnel, je suis donc très réservé, et le CFL n'a pas retenu cette proposition.

Il en va de même pour le fléchage de la péréquation : je comprends votre raisonnement, mais quels critères adopter ? S'il ne s'agit que d'abonder des politiques de l'État, alors il suffit de renvoyer aux contrats de plan. Lorsque le Premier ministre propose un fonds de soutien à l'investissement des communes, ce que je demandais depuis plus de deux années, je ne peux qu'applaudir : mais le fléchage ne devra pas être trop strict. Il ne doit pas s'agir, par exemple, d'un simple renforcement du plan numérique.

Je demeure pour ma part un ferme défenseur des communes, si archaïque que cela paraisse à certains. Je ne souhaite pas voir reculer les libertés locales.

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Vous n'êtes néanmoins pas hostile aux communes nouvelles.

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André Laignel, président du Comité des finances locales

Bien sûr que non, et d'autant moins que c'est un dispositif que j'ai moi-même lancé, avec Jacques Pélissard, dans le cadre de l'AMF ! J'y suis donc tout à fait favorable, à condition qu'il soit à la disposition des collectivités territoriales, de façon entièrement libre.

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André Laignel, président du Comité des finances locales

Absolument.

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Le CFL pourrait d'ailleurs se pencher sur certains cas de communes nouvelles qui innovent, optimisent leur gestion et diminuent leur fiscalité de façon très intéressante.

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Vous n'avez pas répondu, monsieur Laignel, sur l'évolution des impôts locaux en 2015. Aujourd'hui, les maires essayent plutôt de limiter les hausses. Quelles conséquences ont eu sur ce point les élections municipales ?

Il existe des exemples étrangers intéressants : ceux des communes allemandes, ou espagnoles, par exemple. Ils ont rencontré de graves problèmes, mais n'ont pas subi le même traitement que celui qui nous est infligé aujourd'hui.

Il serait logique que les dépenses des intercommunalités stagnent ou augmentent aux dépens de celles des communes : observe-t-on une telle évolution ?

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André Laignel, président du Comité des finances locales

On constate en effet une montée en puissance des intercommunalités. L'essentiel de l'augmentation des dépenses de personnel du bloc communal concerne d'ailleurs les intercommunalités, en raison des transferts de services. Tout cela demanderait une analyse fine.

Les questions sont si nombreuses que j'ai oublié, vous avez raison, de répondre sur la question des impôts. D'après les chiffres dont nous disposons actuellement, les impôts augmenteraient en 2015 de 2,6 % pour le bloc communal – concerné par les élections l'année dernière. C'est une augmentation comparable à celles des autres années post-électorales.

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L'inflation n'était pas la même lors des cycles électoraux précédents.

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André Laignel, président du Comité des finances locales

Pas tout à fait, c'est vrai, mais il n'y a en tout cas pas d'augmentation massive. Quelques villes ont défrayé la commune, mais les deux tiers des communes n'ont pas augmenté leur taux d'imposition.

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Elles seront mathématiquement obligées de le faire en 2016.

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André Laignel, président du Comité des finances locales

Lorsque l'État a décidé de plafonner la TP, j'ai parlé de supplice du garrot : je n'avais pas tort, je crois, car l'effet s'accumule d'une année sur l'autre. Il est donc tout à fait possible que vous ayez raison. Mais les arbitrages budgétaires – augmenter les impôts pour investir, ne pas les augmenter parce que la population de la commune est pauvre… – se feront commune par commune, intercommunalité par intercommunalité : c'est le sens et la noblesse de la politique locale. Aujourd'hui, on ne peut en tout cas pas parler de hausses massives ou généralisées.

S'agissant des comparaisons internationales, on peut toujours les tenter, mais elles sont extrêmement délicates. L'Allemagne est un pays fédéral, ce qui change tout. Quant à l'Espagne, pays où les libertés locales sont également très fortes, les collectivités y rencontrent de graves difficultés – pensez au taux d'endettement de Barcelone, qui ne serait pas accepté en France. La règle selon laquelle les collectivités françaises sont obligées de voter des budgets en équilibre nous garantit d'ailleurs des dérives qu'ont connues certaines villes allemandes ou espagnoles : en Allemagne, certains équipements publics ont dû être vendus au privé. Il est possible de regarder ce qui se passe ailleurs, mais il est difficile de s'en inspirer. La France compte, vous le savez, des collectivités territoriales bien plus nombreuses que ses voisins : à mon sens, cette particularité est une richesse.

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La baisse du prix du pétrole a permis, nous dit-on, d'économiser 20 milliards d'euros en 2014, dont 4 milliards pour les collectivités territoriales. C'est un chiffre que l'on pourrait rapporter aux 3 milliards d'euros d'économies demandés. L'avez-vous constaté ? Votre rapport aborde-t-il ce point ?

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André Laignel, président du Comité des finances locales

Nous n'avons pas de chiffres sur ce point, et je ne sais pas ce qu'il en est globalement, mais très honnêtement je peux vous assurer que si nos collectivités ont fait quelques économies de carburant, celles-ci sont sans commune mesure avec les baisses de moyens que nous avons connues. En tout cas, c'est le cas chez moi…

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André Laignel, président du Comité des finances locales

Il faut toujours se méfier de la macro-économie, monsieur le président : on fait dire beaucoup de choses à des chiffres nationaux.

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Monsieur Laignel, nos deux villes – deux villes moyennes du centre de la France, il est vrai – sont peut-être des villes atypiques mais, dans ma commune, la baisse des prix de l'énergie doit représenter 10 % environ de la baisse des dotations…

Merci de votre clarté et de votre défense de la commune et de la libre administration des collectivités territoriales.

Notre commission devra débattre en profondeur de la péréquation. Aujourd'hui, ce qui est mis en cause, c'est la péréquation horizontale ; mais nous n'avons pas de péréquation verticale digne de ce nom. Nous pourrions donc la créer, en l'asseyant sur un nouvel impôt économique. Dans notre pays, certaines ressources économiques sont très peu sollicitées. Jean-Paul Delevoye disait qu'au XIXe siècle on avait taxé la terre, et au XXe siècle l'industrie ; qu'il fallait donc, au XXIe siècle, taxer la finance. Celle-ci doit participer au bien-être collectif, ce qu'elle ne fait pas aujourd'hui.

En revanche, le fléchage de la péréquation me paraît contradictoire avec l'idée de libre administration des collectivités territoriales, à laquelle je suis attaché.

J'espère que nous pourrons présenter une première mouture de notre rapport lors du congrès des maires.

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Par respect pour les personnes que nous auditionnerons, ainsi que pour la commission elle-même, il me semblerait plus sage d'achever notre enquête avant de remettre un rapport, afin que celui-ci soit le plus fidèle possible à nos travaux. Ne partons pas bille en tête avec nos idées préconçues…

Merci encore, monsieur Laignel. Nous regarderons de très près le rapport de l'Observatoire des finances locales.

L'audition s'achève à seize heures quarante.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux EPCI

Réunion du mardi 1er septembre 2015 à 15 heures

Présents. – M. Éric Alauzet, M. Olivier Audibert Troin, M. Sylvain Berrios, Mme Jeanine Dubié, M. Alain Fauré, Mme Viviane Le Dissez, Mme Marie-Lou Marcel, M. François de Mazières, M. Hervé Pellois, M. Nicolas Sansu.

Excusés. – Mme Catherine Beaubatie, M. Etienne Blanc, M. Jean-Luc Bleunven, M. Alain Calmette, M. Yannick Favennec, M. Jean-Marc Fournel, M. Laurent Furst, M. Philippe Gosselin, Mme Monique Orphé, Mme Christine Pires Beaune, Mme Régine Povéda, M. Frédéric Roig, M. Martial Saddier, M. Claude Sturni.