Intervention de Laurence Rossignol

Séance en hémicycle du 15 septembre 2015 à 16h00
Adaptation de la société au vieillissement — Présentation

Laurence Rossignol, secrétaire d’état chargée de la famille, de l’enfance, des personnes âgées et de l’autonomie :

Monsieur le président, madame la rapporteure de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les députés, il y a quasiment un an, presque jour pour jour, je présentais devant vous le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, auquel votre assemblée avait activement contribué. Cette deuxième lecture marque une nouvelle étape du travail parlementaire sur ce texte qui fait l’objet d’une attente forte de la part des personnes âgées et de leurs proches, des élus et des professionnels du secteur.

Dans le quotidien des familles, dans le déroulement d’une vie, l’avancée en âge constitue une source de joies mais aussi de profondes inquiétudes. La vieillesse est une terre inconnue. Aucun d’entre nous ne sait par avance quelle vieillesse sera la sienne. Vivre mieux et vivre vieux, chacun le souhaite, mais comment ? Choisir son lieu de vie, bénéficier d’un accompagnement de qualité, rester proche de sa famille et de ses amis, entretenir le lien avec l’extérieur et continuer d’être un membre à part entière de la société : voilà la vieillesse idéale.

C’est ce gouvernement qui donne aujourd’hui des réponses concrètes à nos âgés et à leurs familles, grâce au projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement.

Alors que l’État se doit de réaliser d’importantes économies budgétaires, ce sont plus de 650 millions d’euros qui seront consacrés à améliorer la prise en charge de la perte d’autonomie, mais également – et c’est là une avancée majeure – à anticiper la perte d’autonomie pour la retarder le plus possible. Certains jugeront que c’est encore insuffisant. Nous partageons sans doute le constat que les besoins sont grands. Mais je tiens à rappeler que, dans le contexte budgétaire actuel, une enveloppe de 650 millions d’euros est un choix politique qui démontre toute la détermination du Gouvernement à construire des droits nouveaux, des droits sociaux, pour nos concitoyens.

Ce projet de loi apporte en effet des réponses concrètes pour améliorer le quotidien des familles et agir en leur faveur, les accompagner et les soutenir. Concrète, je vais l’être aussi, parce qu’il ne s’agit pas là de simples incantations.

Nous engageons tout d’abord une véritable réforme de justice sociale, grâce à la revalorisation de l’allocation personnalisée d’autonomie – APA – à domicile. Quatorze ans après la création de l’APA par le gouvernement Jospin, cet acte II permettra une meilleure couverture des besoins, couplée à une participation financière réduite des usagers, un soutien renforcé aux personnes les plus dépendantes et la suppression de tout reste à charge pour les bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA. Nous entendons ainsi respecter et soutenir le choix de nos aînés, qui souhaitent en grande majorité pouvoir continuer de vivre à leur domicile.

Nous donnons également aux personnes âgées le choix du modèle d’habitat qui leur convient, avec des moyens permettant l’adaptation du domicile, avec le développement de l’offre d’habitat intermédiaire et des domiciles partagés, la modernisation des logements foyers, renommés « résidences autonomie », ou encore la sécurisation du modèle des résidences services.

Avec ce projet de loi, nous créons des droits nouveaux qui viendront soulager les familles. Je pense tout particulièrement à la reconnaissance des proches aidants et à la création du droit au répit. Cette aide permettra de financer, en complément de l’APA à domicile, un hébergement temporaire, un accueil de jour, ou encore un renforcement de l’aide à domicile.

Des droits nouveaux sont également ouverts aux personnes âgées immigrées, avec la création d’une procédure d’acquisition de la nationalité française par déclaration, introduite par votre Assemblée et reprise par le Sénat.

Ce projet de loi réaffirme aussi les droits et libertés des personnes âgées. Leur participation à la construction des politiques publiques qui les concernent sera renforcée, au travers de la création des conseils départementaux de la citoyenneté et de l’autonomie, les CDCA.

Leurs droits fondamentaux seront également protégés. Les personnes âgées pourront désormais désigner une personne de confiance dans le cas où elles rencontreraient des difficultés dans la connaissance et la compréhension de leurs droits.

Ce projet de loi est un projet global et ambitieux qui appelle l’ensemble de la société à se mobilier pour s’adapter.

Cette mobilisation commence avec les professionnels et gestionnaires qui interviennent auprès des personnes âgées. Ils ont d’ores et déjà été soutenus par la revalorisation des salaires de la branche de l’aide, de l’accompagnement et des soins à domicile, intervenue dès 2015 à hauteur de 25 millions d’euros.

Cette mobilisation appelle également l’adaptation de l’ensemble des politiques publiques, du transport jusqu’au logement en passant bien entendu par la silver economy et la mise en oeuvre de son contrat de filière.

Cette mobilisation s’étend, enfin, à l’ensemble des générations, notamment par le déploiement de MONALISA, la mobilisation nationale contre l’isolement des âgés. Nous nous devons de mettre en lumière ces initiatives qui révèlent toute la capacité de notre société à se réinventer et à créer de nouveaux cadres de solidarité adaptés aux nouveaux besoins qui se dessinent.

Ces mesures sont inscrites dans un texte porteur de sens, qui donne une vision de la société guidée par quatre objectifs : l’autonomie, l’anticipation, la transversalité et la bientraitance.

Le texte réaffirme la place de la solidarité nationale et rappelle notre objectif : celui d’agir en faveur de l’autonomie des personnes âgées. Nous refusons qu’une situation de fragilité soit le synonyme d’une démission annoncée, comme un déclin qui interviendrait avec fatalité.

Il s’agit de répondre à une ambition, celle d’améliorer l’accompagnement de la perte d’autonomie pour mieux la compenser, mais également d’anticiper la perte d’autonomie de façon à la retarder le plus possible. En développant l’anticipation, nous changeons le paradigme de nos politiques publiques. À cet égard, la conférence des financeurs constituera un outil majeur, et le fait que vingt-six départements ont d’ores et déjà répondu positivement à notre invitation de participer à sa préfiguration est, à n’en pas douter, le signe que ces collectivités ont la volonté de s’impliquer dans une évolution qu’elles jugent nécessaire.

Agir en faveur de l’autonomie des personnes, c’est se donner les moyens de répondre au mieux à des besoins pluriels en évoluant au fil des parcours. Or, cela ne sera possible qu’en instaurant davantage de transversalité et une meilleure coordination entre les différents acteurs intervenant auprès des personnes âgées. C’est un véritable défi que de créer ces espaces d’échanges et de rencontres et de casser les silos existants.

En intégrant les services d’aide à domicile et de soins infirmiers, le développement des services polyvalents d’aide et de soins à domicile, les SPASAD, s’inscrit pleinement dans cette démarche de décloisonnement.

De même, la création du Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge est une traduction concrète de l’approche pluridisciplinaire et intergénérationnelle que notre société doit nécessairement adopter pour s’adapter au vieillissement. Je veux vous dire ici mon attachement à un Haut conseil rassemblant les différents âges de la vie et en souligner la pertinence. Car il ne faut pas oublier que les personnes âgées ne sont pas hors de la famille, bien au contraire.

La création d’un tel conseil répond évidemment à un souci constant de simplification, mais au-delà, il promeut, dans sa transversalité, une vision porteuse de sens pour la société.

Enfin, nous affirmons avec ce texte notre volonté de construire une société « bientraitante ». La bientraitance n’est pas une évidence : c’est une éthique, pour chacun de nous comme pour les professionnels, qu’ils agissent auprès des enfants, des familles ou des personnes âgées. Nous devons non seulement donner à chaque acteur accompagnant les personnes âgées les moyens de repérer et de prévenir les risques de maltraitance, mais aussi être particulièrement attentifs à la manière dont ces personnes sont accompagnées et parfois représentées, dans le respect de leur dignité et de leur volonté.

Dans le cadre de cette seconde lecture, plusieurs sujets, j’en suis certaine, feront l’objet de votre part, comme de celle du Gouvernement, d’une attention particulière.

Je souhaite que nous puissions poursuivre ce travail constructif, à la hauteur des attentes de nos concitoyens.

Je tiens d’abord à revenir sur la réforme des régimes juridiques des services d’aide et d’accompagnement à domicile, les SAAD, sujet examiné par la commission des affaires sociales et qui a su, pour le moins, rythmer notre été.

Les sénateurs se sont emparés de cette question en mars dernier, dans le cadre de la refondation de l’aide à domicile impulsée par ce projet de loi, et à la suite de plusieurs rapports – d’origine parlementaires ou signés de la Cour des comptes – qui, tous, pointaient la complexité et les problèmes générés par le système dual hérité de la loi Borloo de 2005.

L’article introduit au Sénat comportait toutefois plusieurs difficultés, dont le fort risque inflationniste que ferait peser la tarification automatique sur les dépenses locales et la faible structuration territoriale liée à l’absence de toute généralisation avant 2021.

L’initiative sénatoriale a eu toutefois le mérite d’ouvrir un débat dont – la concertation l’a montré – les acteurs du secteur avaient besoin, notamment pour lever certaines ambiguïtés et sortir du dogmatisme.

Il y a l’existant : plus de 8 000 structures qui interviennent auprès des publics fragiles, et près de 450 000 emplois en mode prestataire. Il nous fallait concilier nos exigences en termes d’emploi, de qualité de service, d’accessibilité financière et de structuration territoriale de l’offre, tout en maîtrisant les dépenses locales.

Comme je l’ai rappelé à plusieurs reprises, la voie est étroite. Face à cette complexité, il aurait été tentant, pour ne pas dire facile, de ne rien changer. Mais je souhaite, afin de relever le défi de la réforme de l’APA à domicile, que ce projet de loi apporte une pierre importante à la refondation des services à domicile. Sur ce point, la rédaction initiale m’a parue timide, et j’ai donc choisi d’entrer pleinement dans le dossier, d’engager des concertations et de travailler avec les parlementaires en lien étroit avec les autres ministères concernés.

Par ailleurs, si le contentieux européen nous interdit tout statu quo dans ce domaine, la volonté du Gouvernement ne se limite pas, et de loin, à sa résolution ; notre but est de rendre plus lisible ce secteur d’activité et de garantir l’accès à une offre de qualité sur l’ensemble du territoire, y compris dans les zones les moins denses et les plus éloignées.

La solution que je propose et qui a été adoptée par la commission des affaires sociales le 15 juillet dernier consiste à aligner les régimes juridiques des SAAD intervenant en mode prestataire auprès des publics fragiles sur celui de l’autorisation. Il s’agit là d’un dossier particulièrement technique et nous n’entrerons pas dans ces détails dans l’immédiat. Réservons-nous pour l’examen de l’article 32 bis !

Pour autant, en choisissant le régime de l’autorisation, nous affirmons que l’aide à domicile en direction des publics fragiles n’est pas une prestation banalisée dans le marché des services. Nous affirmons qu’elle requiert une forme intelligente de régulation pour garantir la qualité des prestations répondant aux besoins des personnes vulnérables sur l’ensemble du territoire. Nous affirmons enfin que ces interventions sont largement solvabilisées par la solidarité nationale, dans une logique de protection sociale des publics les plus fragiles, et qu’elles relèvent du code de l’action sociale et des familles.

L’intervention à domicile demande aussi souplesse, réactivité et dynamisme afin de répondre au mieux à des besoins qui vont nécessairement s’accroître. J’ai donc conduit cette réforme avec responsabilité, en veillant bien évidemment à préserver la liberté de choix des bénéficiaires ainsi que la liberté d’entreprendre.

Ainsi, avec le maintien de la liberté tarifaire pour les gestionnaires qui le souhaitent, la bascule automatique dans l’autorisation d’une durée de quinze ans, l’absence d’appel à projets pendant sept ans, le dispositif constitue une évolution progressive et sécurisante.

Le travail de concertation et d’échanges qui s’est accentué cet été avec l’ensemble des fédérations, l’Assemblée des départements de France, et plusieurs parlementaires, que je remercie, a permis de mettre en lumière un certain nombre d’ajustements nécessaires au bon fonctionnement du dispositif afin notamment de proposer une autorisation rénovée et adaptée au secteur du domicile.

Je vous les présenterai en détail lors de l’examen de l’amendement du Gouvernement à l’article 32 bis. Pour ce qui est de l’aide à domicile, la notion de capacité autorisée étant peu opérante sur la base du nombre d’heures d’intervention, je vous proposerai de clarifier le droit sur ce point.

Je tiens enfin à revenir sur deux préoccupations qui ont parfois pris des proportions déraisonnables.

La fin du droit d’option entre agrément et autorisation ne constitue en rien un désengagement de la puissance publique. Le rôle de suivi des DIRECCTE, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, et la publication par les services de l’État d’un cahier des charges national en sont la preuve. Parler de retrait de l’État, de désengagement, de désintérêt, comme j’ai pu le lire ici ou là, au moment où le Gouvernement prend un engagement financier conséquent avec l’acte II de l’APA à domicile, qui créera de l’activité pour l’ensemble de ces services, me semble quelque peu excessif.

Par ailleurs, si certains départements ont pu avoir pour habitude d’écarter des services en raison de leur statut juridique, ces pratiques sont désormais en train d’évoluer. Dans le cas où elles persisteraient, les garanties de transparence apportées par cette réforme permettront de les mettre en lumière. En outre, le département, désormais pilote de l’offre à domicile sur son territoire, devra solliciter l’ensemble des acteurs afin de répondre aux besoins de sa population.

Je tiens à le réaffirmer clairement ici : dans le cadre national que nous posons, nous avons besoin d’un véritable maillage constitué de l’ensemble des services, avec leurs différents statuts juridiques mais également leurs modes d’intervention, si nous voulons être en mesure de proposer une qualité adaptée aux besoins de chacun.

Comme je l’avais annoncé en commission des affaires sociales, le Gouvernement présentera également en séance un certain nombre d’avancées relatives à la question des droits, à la sécurisation du modèle des résidences services, à la contractualisation et à la tarification des EHPAD, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.

À ce sujet, les nombreuses concertations conduites cet été avec les représentants des gestionnaires et des usagers ont permis de s’accorder sur les lignes de force d’une réforme ambitieuse et volontariste.

Les EHPAD occupent une place considérable dans le domaine de l’accompagnement des personnes âgées en perte d’autonomie ainsi que sur le plan économique. Leurs relations avec les autorités de tarification se devaient d’être modernisées et l’autonomie des gestionnaires accrue, suivant la logique d’efficience et de simplification poursuivie par notre gouvernement. La mise en place dès 2017 des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens « pluri-EHPAD » et qui peuvent intégrer d’autres établissements pour personnes âgées ou personnes handicapées en est le symbole.

Au plan local, gestionnaires et autorités pourront, pour un ensemble d’établissements, partager leur diagnostic et suivre la même trajectoire, suivant une logique particulièrement pertinente sur le plan de la réponse aux besoins de la population dans ses différentes composantes.

Cette modernisation s’assortit d’une réforme de la tarification des soins en EHPAD, elle aussi pensée sous l’angle de la visibilité et de la simplicité. Cette réforme de la tarification est avant tout un engagement du Gouvernement à dimensionner les crédits accordés aux besoins de chaque EHPAD, en prenant en compte la dépendance et l’état de santé des résidents accueillis. C’est un engagement fort qui permettra de renforcer les moyens humains de près 80 % des établissements.

Aux côtés des EHPAD mais aussi des résidences autonomie et des autres formes de logement intermédiaire, les résidences services pour personnes âgées offrent une réponse adaptée, de par les prestations qu’elles proposent, et représentent un segment économique en fort développement, notamment sous la forme des monopropriétés.

Je vous proposerai un amendement fixant un cadre normatif pour les résidences services, notamment pour les personnes âgées, et propre à sécuriser les pratiques contractuelles entre les gestionnaires et les résidents, s’agissant en particulier des contrats de bail et des services associés. Cette évolution permettra le déploiement de ce type d’habitat, qui répond aux besoins de la population, dans des conditions clarifiées pour l’ensemble des parties.

S’agissant enfin de la personne de confiance, l’inscription de sa définition dans le code de l’action sociale et des familles, adaptée aux particularités de l’accompagnement dans le secteur social et médico-social, est une avancée majeure pour la protection des personnes vulnérables. J’introduirai un amendement qui renforcera les droits des personnes protégées et permettra à celles pour qui la mesure de protection porte sur les actes relatifs à la personne de procéder à la désignation d’une personne de confiance, avec l’autorisation du conseil de famille ou du juge.

Le projet de loi relatif à l’adaptation de la société constitue une priorité de ce Gouvernement, et cette priorité s’incarne dans un calendrier. Le Premier ministre s’est engagé à ce que ce projet de loi soit voté avant la fin de l’année pour une entrée en vigueur pleine et entière au 1er janvier 2016. L’examen de ce texte dès le début de la session extraordinaire de cette assemblée s’inscrit pleinement dans cet objectif et nous permettra de l’atteindre.

Nous avançons donc sur le chemin parlementaire. Nous allons mettre à profit ce temps pour enrichir ce texte de vos contributions et pour préparer l’entrée en vigueur de la loi, ce à quoi je m’attache en élaborant, depuis quelques mois, les décrets d’application de la loi.

Le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement est à la fois merveilleusement humain et, sur certains points, redoutablement technique. En seconde lecture, nous allons nous concentrer sur les évolutions que le travail parlementaire a mises en lumière et qui exigent que nous soyons concentrés sur nos objectifs : accompagner les personnes qui vieillissent, garantir à toutes l’égalité d’accès aux services médico-sociaux et adapter notre société au vieillissement d’un nombre croissant de personnes. Pour cela il nous faudra saisir toutes les opportunités sociales, économiques et humaines que suggère ce texte.

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