Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, le projet de loi qui nous est soumis nous propose de transposer dans notre droit plusieurs directives européennes dans le domaine de la prévention des risques.
La première de ces directives concerne la sécurité des opérations pétrolières et gazières en mer, dite « directive offshore ».
Son adoption date de 2013 et fait suite à l’accident de la plateforme mobile Deepwater Horizon, survenu lors du forage du puits de Macondo et qui a causé, le 20 avril 2010, la plus importante marée noire de l’histoire du golfe du Mexique.
Pour mémoire, cette plateforme avait été louée par la compagnie pétrolière BP pour forer le puits le plus profond jamais oeuvré en offshore. Le désastre écologique a été sans précédent aux États-Unis, avec un volume de pétrole répandu de 4,9 millions de barils, soit 780 millions de litres, et la fuite n’a été déclarée colmatée qu’en septembre par le gouvernement fédéral américain.
Cet événement a mis en lumière l’insuffisance d’encadrement des conditions de forage et d’extraction, les lacunes du système de contrôle américain comme celles de l’industrie pétrolière et gazière dans son ensemble et l’inadaptation des moyens d’intervention dans ce type de situation accidentelle. La directive tend donc à augmenter la sécurité des opérations pétrolières et gazières en mer et à s’assurer que l’exploitant dispose des capacités techniques et financières nécessaires pour faire face aux différents impacts et dangers induits par son projet.
L’activité offshore de la France a été principalement marquée, dans la période récente, par des explorations au large de la Guyane française par les sociétés Tullow, Shell, puis Total. Des permis de recherche sont également en cours de validité dans le canal du Mozambique. Les autorisations délivrées sont déjà très encadrées sur le plan législatif et réglementaire. Nous ne pouvons que saluer la transposition stricte de la directive dans notre droit interne.
Si le débat reste ouvert, il porte sur l’opportunité de poursuivre ces opérations ou, plus exactement, de les situer dans la perspective d’une transition énergétique dont l’un des objectifs essentiels est de tourner la page des énergies carbonées.
La transposition de plusieurs autres directives nous est proposée. Elle concerne les produits et équipements à risques, tels que les explosifs ou les équipements sous pression, les stockages souterrains de gaz, d’hydrocarbures ou de produits chimiques, les transports transfrontaliers de déchets et la particularité des déchets d’équipements électriques et électroniques.
Enfin, un volet concerne les produits chimiques, en particulier avec certains gaz à effet de serre fluorés, puis la mise sur le marché des produits biocides soumis à une procédure confiée à l’ANSES, comme les produits phytosanitaires. Je n’ai pas de remarques particulières à formuler sur ces différents aspects. Il convient d’ailleurs de noter que l’essentiel des amendements déposés sont rédactionnels, de précision ou de conformité juridique.
Je m’attarderai davantage sur les dispositions proposées relatives à l’encadrement de la mise en culture des organismes génétiquement modifiés.
Une première directive a été adoptée en mars 2001 sur le sujet, mais elle n’était pas satisfaisante, car les points de vue divergeaient parmi les États membres sur les conditions de l’autorisation et de l’interdiction des OGM. Ainsi, aucune majorité qualifiée au Conseil ne se dégageait lors des processus d’autorisation de mise sur le marché.
Les gouvernements ne pouvaient alors déroger à ces autorisations que dans le cadre des mesures d’urgence ou des clauses de sauvegarde prévues par la réglementation. Il ne pouvait s’agir que de mesures temporaires fondées sur la démonstration d’un risque grave mettant en danger de façon manifeste la santé ou l’environnement.
Le dispositif se révélait extrêmement périlleux et complexe pour les États membres qui ne souhaitaient pas la culture d’OGM sur leur territoire. Il convenait donc de donner aux États de nouveaux moyens juridiquement solides pour interdire la culture d’OGM dès lors qu’ils en avaient la volonté.
C’est ainsi que nous avons abouti à la directive du 11 mars 2015, modifiant la précédente directive et qu’il nous appartient de transposer dans notre droit national.
Désormais, un État – la France en particulier – peut demander, lors d’une sollicitation de mise sur le marché d’un OGM ou d’un groupe d’OGM, que son territoire national en soit exclu, selon des modalités que définit le projet de loi dans ses articles 18 et 19. Incontestablement, il s’agit d’une avancée en matière de respect des souverainetés nationales.
Néanmoins, cet équilibre trouvé pourrait être remis en cause dans le cadre de l’accord de libre-échange du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, négocié entre l’Union européenne et les États-Unis. Cet accord – pour ce que nous en savons, car le secret entoure les négociations – prévoit un redoutable mécanisme de règlement des différends entre entreprises et États.
Déjà présent dans plusieurs traités bilatéraux ou internationaux de libre-échange, ce mécanisme vise à introduire le droit, pour les entreprises, d’attaquer un État devant un tribunal arbitral. Ainsi, une multinationale qui verrait interdire l’accès de ses OGM au territoire national d’un État membre de l’Union européenne qui en aurait souverainement décidé ainsi, pourrait demander des compensations susceptibles de s’élever à plusieurs millions de dollars et qui seraient prises dans la poche des contribuables, par l’intermédiaire du Trésor public.
Un tel dispositif piétinerait le droit européen et les droits nationaux, mais constituerait également une menace pour la sécurité alimentaire et l’environnement. Puisque nous traitons ici de l’encadrement de la mise en culture des OGM, non seulement cet encadrement et la liberté des États seraient menacés, mais toute une série d’autres conséquences s’ensuivrait.
Les nouvelles règles de passation des marchés publics interdiraient toute discrimination fondée sur la qualité de la production, ce qui signifie qu’il serait impossible de mettre en place des programmes publics favorisant l’utilisation d’une alimentation durable, biologique et produite localement, par exemple dans les cantines scolaires.
Revenons aux OGM. L’étiquetage des aliments qui en contiennent ne serait pas autorisé et il pourrait en être de même pour tous les éléments de traçabilité des produits mis sur le marché.
Enfin, autre conséquence fondée sur l’expérience de l’Accord de libre-échange nord-américain – ALENA –, conclu entre les États-Unis, le Canada et le Mexique : plus d’un million et demi de fermiers mexicains ont fait faillite parce qu’ils n’étaient pas en mesure de rivaliser avec le maïs transgénique américain qui envahissait le marché mexicain.
Vingt ans après la conclusion de l’ALENA, le Mexique, auparavant autosuffisant – il produisait l’intégralité de son maïs –, est désormais contraint d’importer au moins le quart de cet aliment de base et 40 % de son alimentation.
Le traité de libre-échange transatlantique – TAFTA – est une sorte de copier-coller de l’ALENA. Les mêmes causes produisent les mêmes effets : ce que nous votons aujourd’hui, qui conforte les souverainetés nationales – ne boudons pas notre plaisir, car les évolutions institutionnelles européennes nous ont davantage habitués à un accroissement de la supranationalité –, risque demain d’être remis en cause, avec toutes les conséquences que j’ai évoquées.
Il me semble utile d’avoir un échange sur cet aspect au moment où nous allons débattre et voter la transposition de ces directives européennes.