Intervention de Christophe Bouillon

Séance en hémicycle du 16 septembre 2015 à 22h00
Prévention des risques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Bouillon :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires européennes, monsieur le président de la commission du développement durable, chers collègues, la transposition de plusieurs textes européens regroupés sous un unique thème et dans un même projet de loi est maintenant une pratique courante au sein de notre assemblée ; nous le faisons ce soir dans le domaine de la prévention des risques.

Il est temps, en effet, d’adapter notre cadre réglementaire : les lois qui encadrent les activités à risque sont trop anciennes et inadaptées. Nous devons nous munir d’une réglementation solide et apte à prévenir les risques d’aujourd’hui.

L’enjeu est important : l’intégration de la législation européenne dans notre cadre juridique national et dans les délais impartis est une obligation essentielle inhérente à l’appartenance de la France à l’Union européenne. Je ne vous apprends rien si j’ajoute que tout manquement nous exposerait à des sanctions de la Cour de justice de l’Union européenne. La France n’accuse aucun retard dans la transposition, excepté pour la directive sur les forages offshore, pour laquelle nous avions jusqu’au 19 juillet dernier. J’en profite ici pour saluer le travail de Mme la ministre et son engagement à ne pas enregistrer de retard dans ce domaine de la prévention des risques.

Le présent projet de loi prévoit la transposition de directives et de règlements européens très importants et très attendus. Je pense tout d’abord à la directive 2015412 concernant la possibilité pour les États de restreindre ou d’interdire la culture d’organismes génétiquement modifiés, mais aussi à la directive concernant la sécurité des opérations de forage d’hydrocarbures en mer.

Concernant tout d’abord le titre I et la transposition de la directive 201330 relative à l’activité offshore, je me permets de citer une phrase de Franscisco de Quevedo : « Qui s’embarrasse à regretter le passé perd le présent et risque l’avenir. » Personnellement, et comme beaucoup aujourd’hui, je regrette avec force la tragique catastrophe de Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique en 2010. C’est la raison pour laquelle, aujourd’hui, nous devons penser à l’avenir. Avec ces dispositifs, nous souhaitons prévenir tout risque de même nature. L’objectif recherché est la sécurité des opérations pétrolières et gazières en mer et la limitation des conséquences en cas d’accident.

La France dispose de structures offshore au large de la Guyane, dans le canal du Mozambique et dans les Terres australes et antarctiques françaises. Or notre cadre normatif actuel est trop ancien et certainement inadapté : il est donc primordial de le renforcer. Nul besoin de rappeler ici que ce type d’activités a, potentiellement, un impact très fort sur l’environnement.

Sans trop m’étendre sur le contenu du texte, je juge toutefois important de souligner que l’évaluation des risques d’accidents et les moyens à mettre en oeuvre pour limiter leur probabilité et leurs conséquences seront renforcés. Ainsi le projet de loi exige-t-il des entreprises pétrolières qu’elles disposent des moyens techniques et financiers pour faire face à un éventuel accident et pour assurer une indemnisation rapide des dommages causés aux tiers. Il prévoit aussi que l’administration puisse exiger des industriels un rapport sur les circonstances de tout accident majeur hors de l’Union européenne dans lequel ils seraient impliqués.

Le texte exige plus de transparence de la part des bénéficiaires d’un permis de concession. Je citerai un seul exemple : celui de l’obligation de délivrer aux autorités publiques un rapport sur les dangers majeurs dès la demande d’autorisation de travaux.

Enfin, il est important de souligner que le champ d’application de la responsabilité environnementale en milieu marin se trouve élargi. Nous parlerons désormais de responsabilité sans faute : c’est une réelle avancée.

Autre avancée majeure de ce projet de loi : la transposition de la directive 2015412. Permettez-moi de m’arrêter un instant sur la question des OGM, comme viennent de le faire nombre de mes collègues. La mise sur le marché des organismes génétiquement modifiés a suscité ces dernières années d’âpres débats, dont l’écho résonne encore dans l’Assemblée.

Avec la précédente directive, les États membres ne pouvaient s’opposer aux autorisations délivrées par la Commission européenne que dans le cadre de clauses de sauvegarde fondées sur des risques graves pour la santé ou l’environnement, ce qui était évidemment source de contentieux.

Avec son titre IV, le projet de loi modifie le code de l’environnement et le code rural afin de transposer la nouvelle directive sur les OGM, publiée le 13 mars dernier. Ce nouveau mécanisme, attendu par la France de longue date, permet au Gouvernement de demander à une entreprise d’exclure le territoire français de sa demande d’autorisation de mise sur le marché d’un OGM.

En cas de refus de l’entreprise, ou si la France n’a pas formulé de demande d’exclusion, celle-ci pourra restreindre ou interdire la mise en culture pour des motifs liés à la politique environnementale, à l’aménagement du territoire, à l’affectation des sols, aux incidences socio-économiques, à la volonté d’éviter la présence d’OGM dans d’autres produits, à la politique agricole ou à l’ordre public – sept « motifs sérieux » pouvant justifier la restriction ou l’interdiction. La France se dote ainsi d’un cadre normatif facilitant la mise en oeuvre d’un moratoire national durable concernant la culture de semences génétiquement modifiées autorisées au niveau européen.

Le projet de loi contient également des dispositions relatives aux stockages souterrains d’hydrocarbures et de produits chimiques, aux installations classées, aux équipements sous pression, au commerce de produits chimiques dangereux, aux gaz à effet de serre fluorés, ou encore aux autorisations de mise sur le marché des produits biocides.

Pour conclure, je souhaite me rapprocher de la pensée du sociologue Ulrich Beck, qui publiait en 1986 son ouvrage La Société du risque. Notre société, nos sociétés – nous ne sommes pas isolés – sont devenues de vraies « manufactures à risques ». Nous devons rester unis face à ces risques, nous devons travailler collectivement pour répondre aux risques émergents et ne surtout pas tomber dans le piège du repli sur soi, au risque justement de plonger nos sociétés dans la peur.

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