Je vous remercie de nous donner l'occasion de nous exprimer au sujet de cette question importante qu'est la baisse des dotations dans une mise en perspective économique et sociale.
Sur le plan macroéconomique, les collectivités locales représentent 70 % de l'investissement public, hors recherche et développement réalisés par l'État en interne. Selon la Commission européenne, l'investissement public français est en décroissance, et va atteindre un point bas sur une période de dix ans en ne représentant plus que 3,1 % du PIB à l'horizon de 2016 : on assiste donc à une décroissance tendancielle de l'investissement public que je qualifierai de préoccupante, et dont les collectivités locales sont partie prenante.
Les dépenses publiques évoluent dans le cadre d'un effort de redressement des finances publiques s'élevant à 50 milliards d'euros. Ce qui est extrêmement préjudiciable, c'est que, quelle que soit l'évolution du redressement des finances publiques, l'effort porte exclusivement sur l'investissement public, qui constitue pourtant un moteur essentiel de la croissance pour l'État et les collectivités locales, en temps ordinaire mais encore davantage en période de crise. Je démontrerai cette affirmation en évoquant successivement trois points : premièrement, les besoins en investissements publics ; deuxièmement, l'évaluation de l'effet macroéconomique de la baisse des dotations de 11 milliards d'euros sur trois ans ; troisièmement, l'effet à plus long terme de l'investissement public et du capital public.
Nous avons besoin d'investissements publics. Ayant été modérateur d'une table ronde sur le thème « Accélérer le retour de la croissance par l'investissement » dans le cadre de la grande conférence sociale qui s'est tenue en juillet 2014 au Conseil économique, social et environnemental, j'ai eu l'occasion d'entendre dire que de nouveaux besoins économiques, de l'ordre de 60 milliards d'euros, avaient été identifiés – dont 20 milliards d'euros environ semblaient concerner les collectivités locales, notamment l'eau, les déchets, les transports, les réseaux énergétiques, la rénovation thermique et l'efficacité énergétique. Le simple fait de pallier la dépréciation, c'est-à-dire le vieillissement du stock de capital public, pour le mettre à niveau et répondre à une demande sociale, engendre un accroissement de l'investissement public, et non une baisse de celui-ci.
L'évaluation de l'effet macroéconomique de la baisse des dotations de 11 milliards d'euros sur trois ans est complexe. En effet, l'ampleur de cette baisse est inédite et la réaction probable des collectivités locales nous est inconnue. L'arbitrage entre l'effet de la baisse des dotations, l'évolution éventuelle de la fiscalité locale, l'endettement des collectivités locales, la diminution des frais de fonctionnement et la diminution de l'investissement est difficile à estimer, et l'on peut s'attendre à des comportements nouveaux. Cela dit, nous tablons sur l'hypothèse que la baisse de 11 milliards d'euros va se trouver partiellement compensée par deux éléments : la diminution des frais de fonctionnement et une hausse de l'endettement des collectivités locales.
L'endettement des collectivités locales est croissant depuis 2010 : rapporté aux recettes totales hors emprunts, il est passé de 62 % en 2010 à 66 % en 2014. Il nous semble que, même si une partie de la baisse des dotations peut être absorbée par une hausse de l'endettement des collectivités publiques, il n'est pas souhaitable de transférer ainsi l'effort de consolidation de l'État vers les collectivités locales. Premièrement, au sens maastrichtien, l'endettement des collectivités locales est consolidé dans la dette totale : cela n'a donc aucun effet sur nos engagements européens ; deuxièmement, le taux apparent sur les dettes des collectivités locales – le coût de l'endettement – est de 3,3 % environ, alors que le coût de l'endettement de l'État central est de l'ordre de 2,3 %. En d'autres termes, s'endetter revient plus cher aux collectivités locales qu'à l'État central. Si la baisse des dotations avait pour effet de remplacer un endettement national par un endettement des collectivités locales, on ne gagnerait ni d'un point de vue maastrichtien, ni en termes d'efficacité financière.
Nous estimons l'effet de l'investissement public global sur l'activité économique – ce que l'on appelle le multiplicateur – à environ 1,3, ce qui est très important : une baisse de l'investissement public a un effet bien plus récessif à court terme, par exemple, qu'une hausse des impôts.