Intervention de Xavier Ragot

Réunion du 15 septembre 2015 à 13h30
Commission d'enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux epci

Xavier Ragot, président de l'OFCE :

Cette question est complexe car elle implique deux niveaux de réflexion, celui de l'État et celui des collectivités locales, entre lesquels il existe une relation financière.

Vous me demandez si nous avons analysé ce qui se serait passé si un effort rapide et important de consolidation budgétaire n'avait pas été engagé. La réponse est oui, et nous avons même étudié plusieurs scénarios, en tenant compte des interactions au niveau européen du fait de la solidarité financière. Pour les macro-économistes et les décideurs publics, la leçon de cette crise est que nous nous sommes trompés sur les effets récessifs d'une baisse des dépenses publiques. Le FMI lui-même a changé de doctrine – et pas seulement sous l'influence de son économiste en chef Olivier Blanchard –, à savoir que les effets récessifs d'une baisse accélérée des dépenses publiques sont beaucoup plus importants qu'on ne pouvait le croire. Avant que la baisse des dépenses ne soit mise en oeuvre, nombre d'économistes réputés estimaient qu'elle allait avoir des effets expansionnistes. Il y a donc eu un moment de confusion sur le point de savoir dans quel environnement macroéconomique on se trouvait.

Les États-Unis ont été les seuls à ne pas procéder à une baisse accélérée de leurs dépenses publiques. Si ce pays présente aujourd'hui une dette excédant 100 % de son PIB, il a aussi un taux de chômage de 5 % et une croissance de près de 3 % : d'ici à cinq ans, tout le monde s'accordera à considérer qu'il a mené la bonne politique, à savoir une politique monétaire très expansionniste et une consolidation extrêmement graduelle de la dépense publique – les déficits publics sont longtemps restés autour de 5 %, avant d'en arriver aujourd'hui au-dessous de 3 % grâce à l'accélération de l'activité économique. L'une des leçons à tirer de la crise – au niveau européen, et pas seulement français – est qu'il aurait été préférable de ne pas faire une application stricte des traités : en particulier, il aurait mieux valu ne pas accomplir, en 2013-2014, l'effort intense de consolidation qui a finalement eu un effet récessif sur l'activité économique et impacté les finances des collectivités locales, qui dépendent énormément de cette activité.

Les effets précis de la baisse des dotations sur les collectivités dépendent, au niveau local, de la fiscalité qui y est mise en oeuvre, et nécessitent donc une analyse plus fine que celles auxquelles nous avons procédé jusqu'à présent – mais nous allons commencer à nous pencher sur les incidences d'une décentralisation de la fiscalité et de l'investissement public, et aurons donc prochainement davantage à dire sur ce sujet. En tout état de cause, il ne faut pas perdre de vue que la précarisation des collectivités locales sur le plan fiscal constitue le résultat macroéconomique d'un ralentissement de l'activité : c'est dans cette perspective que doit s'apprécier la dynamique de l'endettement et des contraintes financières pesant sur les collectivités locales.

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