Intervention de éric Heyer

Réunion du 15 septembre 2015 à 13h30
Commission d'enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux epci

éric Heyer, directeur du département « Analyse et prévision » :

Le plus difficile à évaluer quand on examine le scénario consistant à ne rien faire, c'est l'évolution des taux d'intérêt. Si les États-Unis ont réussi à tenir avec des déficits qui ont frôlé les 10 % pendant des années, c'est parce que leurs taux d'intérêt sont restés extrêmement faibles. Or, il n'est pas certain que nous aurions pu faire la même chose sans mettre en oeuvre une politique d'austérité, ne pouvant compter sur l'équivalent de la banque centrale américaine – la FED –, capable de jouer le rôle de prêteur en dernier ressort.

Pour ce qui est de la notion d'austérité, elle ne se définit pas par rapport à ce qui se passe dans d'autres pays. Pour savoir s'il faut parler d'austérité, il faut se demander si la politique budgétaire et fiscale ampute ou non l'activité. Or, les prélèvements obligatoires ont augmenté de 70 milliards d'euros depuis 2010, ce qui, à l'évidence, ampute l'activité : c'est donc bien une politique d'austérité qui a été mise en oeuvre. Certains experts déclarent que l'austérité ne commence que lorsqu'on s'attaque aux dépenses publiques, mais c'est faux.

Le choix a été fait par ce gouvernement et par le précédent d'augmenter les impôts plutôt que de s'attaquer franchement à la dépense publique, ce qui relève déjà d'une politique d'austérité. Aujourd'hui, la deuxième vague d'austérité porte davantage sur la dépense publique, ce qui suscite une question technique : par quel calcul aboutit-on à un montant de 50 milliards d'euros ? Cette somme correspond-elle à une vraie réduction de dépenses, ou s'agit-il simplement d'un écart à une tendance – comme il est convenu de le penser à la Commission européenne et aux États-Unis ?

Se référer à la notion de tendance nous paraît justifié, ne serait-ce que pour des raisons démographiques : quand une population augmente et devient globalement plus productive, il est logique d'en tenir compte et de raisonner par rapport à une tendance. Si des parents ramènent l'argent de poche de leurs deux premiers enfants de 100 euros à 70 euros chacun, parce qu'ils accordent 70 euros à un troisième enfant venu agrandir la famille, ils débourseront chaque mois la somme globale de 210 euros, supérieure aux 200 euros versés initialement : subissant une perte mensuelle de 30 euros, les deux premiers enfants pourront à juste titre s'estimer victimes d'une forme d'austérité, même si, globalement, les parents n'auront jamais consacré une somme si importante à leurs enfants. Cet exemple montre que l'effort par les dépenses publiques doit bien avoir pour référence l'évolution démographique et celle constatée en termes de productivité. De ce point de vue, il n'est pas aisé de calculer les 50 milliards d'euros, en raison de la difficulté à définir ce qu'est précisément la tendance – ce point donne lieu à de grandes discussions entre la Commission européenne et la France, qui s'accordent simplement pour considérer qu'un gros effort a été fait en matière de réduction de la dépense publique. L'austérité mise en oeuvre en France n'est pas du niveau de celle pratiquée en Grèce, mais ce n'en est pas moins de l'austérité.

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