Intervention de Emmanuel Macron

Réunion du 15 septembre 2015 à 15h00
Mission d'information commune sur la banque publique d'investissement, bpifrance

Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique :

La création de Bpifrance, dont je rappelle qu'elle avait fait l'objet d'un engagement du Président de la République, devait permettre de rassembler et de rationaliser l'ensemble des instruments de financement des entreprises et de soutien à l'innovation de l'État. Ces instruments relevaient en effet jusqu'alors de différents opérateurs dont le bilan, qu'il s'agisse d'OSéO ou de la Banque des PME, était du reste plutôt positif. L'un des principaux intérêts que présentait la création de Bpifrance était donc, j'insiste sur ce point, d'une part, d'augmenter la puissance de feu de l'opérateur et, d'autre part, de simplifier les dispositifs présents sur le territoire. Et, de fait, elle a contribué, de même que la création de Business France, à réellement simplifier l'écosystème de soutien public à nos PME et à nos ETI (entreprises de taille intermédiaires).

La gouvernance de Bpifrance, qui consiste en effet, dans un pilotage paritaire de l'État et de la Caisse des dépôts et consignations, a été définie dès la fin de l'année 2012 et, dans l'ensemble, elle a démontré son adéquation à la structure et aux objectifs du groupe. Je ne porte donc pas un regard sévère sur cette gouvernance, qui ne saurait, en tout état de cause, se substituer à la réalité opérationnelle de l'opérateur. Compte tenu de la complexité de la structure, il me semble que, si elle peut sans doute être améliorée, la gouvernance actuelle a montré son efficacité.

L'État est représenté dans l'ensemble des organes de gouvernance de la structure et de ses filiales, par des administrateurs et par le commissaire du Gouvernement. Nous avons en outre, avec la CDC et les équipes opérationnelles de Bpifrance, des échanges aussi nourris que nécessaires, notamment sur l'ensemble des mécanismes que nous mettons à disposition de la banque publique d'investissement. À cet égard, celle-ci a su prendre sa place dans notre politique industrielle. Je pense, par exemple, aux prêts de développement qu'elle a accordés dans le cadre de la solution « Industrie du futur » ; l'enveloppe de 8 milliards d'euros qui y est consacrée est un des leviers de notre politique industrielle.

La gouvernance est le reflet d'un équilibre capitalistique qui a été défini à la fin de l'année 2012. Si simplification il peut y avoir, elle se fera donc au regard de cet équilibre actionnarial, dans le cadre du dialogue que nous avons avec la CDC. Mais cette gouvernance ne me semble pas être un obstacle au bon fonctionnement de Bpifrance sur le terrain.

Par ailleurs, tant sur les cas particuliers de certaines entreprises que sur la mise en oeuvre de notre politique, nous disposons d'un niveau d'information satisfaisant. Les priorités d'action de Bpifrance sont conformes à nos souhaits. Ainsi, les activités qu'elle a menées au cours de l'année 2014 reflètent les demandes que nous lui avions adressées ; je pense, par exemple, pour la partie BPI Financement, à la ventilation entre les prêts classiques et les prêts de développement. J'ai cependant appelé à plusieurs reprises l'attention de M. Dufourcq sur le financement à court terme des TPE et des PME, domaine dans lequel je considère que Bpifrance peut faire mieux – si je devais mentionner un point de vigilance, ce serait celui-là.

Bpifrance a su développer son activité dans les failles de marché, en particulier dans les premiers tours de table concernant le financement de l'innovation et du développement des entreprises. Sa part de marché, très largement dominante sur ce segment, peut du reste finir par être préoccupante. On constate ainsi qu'une faille de marché réapparaît à propos des tickets légèrement supérieurs à 20 millions d'euros pour les entreprises innovantes, obligeant ces dernières à se tourner vers l'international.

En ce qui concerne l'innovation, il faut bien dire que ce sont les régulations budgétaires auxquelles nous procédons qui peuvent parfois freiner l'action de Bpifrance en la matière, et qu'elle ne saurait en être tenue pour responsable. Mon souhait est donc que nous améliorions notre dispositif de financement de l'innovation, en faisant en sorte que notre politique budgétaire offre une meilleure lisibilité dans ce domaine.

S'agissant du financement à court terme, comme je l'ai indiqué, Bpifrance comble en partie les lacunes des banques commerciales, mais elle ne le fait pas suffisamment, de sorte que ce sujet demeure préoccupant.

Il importe également que Bpifrance s'adapte au contexte macroéconomique. À cet égard, le fonds de garantie que nous avons pu mettre en oeuvre cet été dans le secteur de l'élevage, grâce à la réactivité de ses équipes, a été un élément probant. De même, elle a su faire preuve de réactivité lorsqu'il s'est agi d'adapter le process de préfinancement du CICE pour faire face à l'augmentation des contentieux.

J'en viens maintenant à la question du cofinancement. Celui-ci est, compte tenu des contraintes communautaires, un des moyens les plus sûrs d'éviter la requalification en aides d'État de nombre d'interventions de Bpifrance. Il demeure en outre un élément de discipline important dans plusieurs secteurs, et il est aujourd'hui structuré, dans le cadre du financement des sociétés les plus innovantes, avec l'intervention des business angels. Néanmoins, nous veillons, notamment pour les entreprises dont la situation est examinée par le Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) ou par nos services, à ce que ce mécanisme ne conduise pas à bloquer les interventions de Bpifrance lorsque certains acteurs bancaires ou d'autres investisseurs font preuve d'une frilosité accrue ; sinon, ses capacités de combler les failles de marché s'en trouveraient réduites. Ce sujet ne fait pas encore l'objet d'une alerte, mais nous devons être collectivement extrêmement vigilants. Le cofinancement donne de la force à l'outil, mais il ne peut être une politique exclusive si nous ne sommes pas en mesure de motiver certains investisseurs.

J'ajoute que certains champs d'intervention de Bpifrance ne relèvent pas du cofinancement. Je pense en particulier aux prêts de développement, dont les conditions hors marché permettent à l'entreprise de disposer de deux ans avant de commencer à rembourser. Par ailleurs, je crois que nous devons continuer à réfléchir à la possibilité – je sais que certains, ici, y sont attachés, et je partage leur souci – d'intervenir en retournement dans des secteurs identifiés. Un tel mécanisme ne figure pas dans la doctrine d'intervention de Bpifrance et consommerait davantage de fonds propres, mais il compléterait utilement la panoplie de la Banque publique d'investissement car il apparaît comme nécessaire dans certains secteurs ou certains territoires.

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