Mission d'information commune sur la banque publique d'investissement, bpifrance

Réunion du 15 septembre 2015 à 15h00

Résumé de la réunion

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  • CICE
  • PME
  • bpifrance
  • dépôt
  • retournement

La réunion

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Monsieur le ministre de l'économie, je vous remercie au nom de l'ensemble de mes collègues, de votre présence aujourd'hui.

Notre mission d'information, qui a été constituée à la demande du président de l'Assemblée nationale, a pour objet de dresser un premier bilan de l'action de Bpifrance, dont je rappelle qu'elle a été créée par la loi du 31 décembre 2012. Nous souhaiterions donc connaître votre position sur des sujets qui ont occupé une place importante dans notre réflexion, notamment celui du positionnement stratégique de Bpifrance et de son mode de gouvernance. À ce propos, l'État vous paraît-il en mesure de jouer le rôle qui doit être le sien dans le pilotage paritaire qui a été mis en place avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ? Est-il convenablement informé des activités de Bpifrance et des effets de son action sur le terrain ?

Il convient de rappeler également que les missions, nombreuses, que le législateur a confiées à la Banque publique d'investissement – dont l'efficacité est, du reste, saluée – avaient notamment vocation à inscrire son action dans le cadre de la politique industrielle de l'État. Celui-ci peut-il réellement s'assurer que Bpifrance contribue efficacement aux priorités assignées à cette politique ? Ces priorités sont-elles devenues secondaires par rapport à l'objectif de soutien à l'écosystème de financement qui a été fixé par la doctrine d'intervention de Bpifrance, dont je rappelle qu'elle repose sur les règles du cofinancement et de l'investissement en minoritaire ? Les missions de Bpifrance vous paraissent-elles devoir être recentrées et, si oui, de quelle manière ?

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Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique

La création de Bpifrance, dont je rappelle qu'elle avait fait l'objet d'un engagement du Président de la République, devait permettre de rassembler et de rationaliser l'ensemble des instruments de financement des entreprises et de soutien à l'innovation de l'État. Ces instruments relevaient en effet jusqu'alors de différents opérateurs dont le bilan, qu'il s'agisse d'OSéO ou de la Banque des PME, était du reste plutôt positif. L'un des principaux intérêts que présentait la création de Bpifrance était donc, j'insiste sur ce point, d'une part, d'augmenter la puissance de feu de l'opérateur et, d'autre part, de simplifier les dispositifs présents sur le territoire. Et, de fait, elle a contribué, de même que la création de Business France, à réellement simplifier l'écosystème de soutien public à nos PME et à nos ETI (entreprises de taille intermédiaires).

La gouvernance de Bpifrance, qui consiste en effet, dans un pilotage paritaire de l'État et de la Caisse des dépôts et consignations, a été définie dès la fin de l'année 2012 et, dans l'ensemble, elle a démontré son adéquation à la structure et aux objectifs du groupe. Je ne porte donc pas un regard sévère sur cette gouvernance, qui ne saurait, en tout état de cause, se substituer à la réalité opérationnelle de l'opérateur. Compte tenu de la complexité de la structure, il me semble que, si elle peut sans doute être améliorée, la gouvernance actuelle a montré son efficacité.

L'État est représenté dans l'ensemble des organes de gouvernance de la structure et de ses filiales, par des administrateurs et par le commissaire du Gouvernement. Nous avons en outre, avec la CDC et les équipes opérationnelles de Bpifrance, des échanges aussi nourris que nécessaires, notamment sur l'ensemble des mécanismes que nous mettons à disposition de la banque publique d'investissement. À cet égard, celle-ci a su prendre sa place dans notre politique industrielle. Je pense, par exemple, aux prêts de développement qu'elle a accordés dans le cadre de la solution « Industrie du futur » ; l'enveloppe de 8 milliards d'euros qui y est consacrée est un des leviers de notre politique industrielle.

La gouvernance est le reflet d'un équilibre capitalistique qui a été défini à la fin de l'année 2012. Si simplification il peut y avoir, elle se fera donc au regard de cet équilibre actionnarial, dans le cadre du dialogue que nous avons avec la CDC. Mais cette gouvernance ne me semble pas être un obstacle au bon fonctionnement de Bpifrance sur le terrain.

Par ailleurs, tant sur les cas particuliers de certaines entreprises que sur la mise en oeuvre de notre politique, nous disposons d'un niveau d'information satisfaisant. Les priorités d'action de Bpifrance sont conformes à nos souhaits. Ainsi, les activités qu'elle a menées au cours de l'année 2014 reflètent les demandes que nous lui avions adressées ; je pense, par exemple, pour la partie BPI Financement, à la ventilation entre les prêts classiques et les prêts de développement. J'ai cependant appelé à plusieurs reprises l'attention de M. Dufourcq sur le financement à court terme des TPE et des PME, domaine dans lequel je considère que Bpifrance peut faire mieux – si je devais mentionner un point de vigilance, ce serait celui-là.

Bpifrance a su développer son activité dans les failles de marché, en particulier dans les premiers tours de table concernant le financement de l'innovation et du développement des entreprises. Sa part de marché, très largement dominante sur ce segment, peut du reste finir par être préoccupante. On constate ainsi qu'une faille de marché réapparaît à propos des tickets légèrement supérieurs à 20 millions d'euros pour les entreprises innovantes, obligeant ces dernières à se tourner vers l'international.

En ce qui concerne l'innovation, il faut bien dire que ce sont les régulations budgétaires auxquelles nous procédons qui peuvent parfois freiner l'action de Bpifrance en la matière, et qu'elle ne saurait en être tenue pour responsable. Mon souhait est donc que nous améliorions notre dispositif de financement de l'innovation, en faisant en sorte que notre politique budgétaire offre une meilleure lisibilité dans ce domaine.

S'agissant du financement à court terme, comme je l'ai indiqué, Bpifrance comble en partie les lacunes des banques commerciales, mais elle ne le fait pas suffisamment, de sorte que ce sujet demeure préoccupant.

Il importe également que Bpifrance s'adapte au contexte macroéconomique. À cet égard, le fonds de garantie que nous avons pu mettre en oeuvre cet été dans le secteur de l'élevage, grâce à la réactivité de ses équipes, a été un élément probant. De même, elle a su faire preuve de réactivité lorsqu'il s'est agi d'adapter le process de préfinancement du CICE pour faire face à l'augmentation des contentieux.

J'en viens maintenant à la question du cofinancement. Celui-ci est, compte tenu des contraintes communautaires, un des moyens les plus sûrs d'éviter la requalification en aides d'État de nombre d'interventions de Bpifrance. Il demeure en outre un élément de discipline important dans plusieurs secteurs, et il est aujourd'hui structuré, dans le cadre du financement des sociétés les plus innovantes, avec l'intervention des business angels. Néanmoins, nous veillons, notamment pour les entreprises dont la situation est examinée par le Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) ou par nos services, à ce que ce mécanisme ne conduise pas à bloquer les interventions de Bpifrance lorsque certains acteurs bancaires ou d'autres investisseurs font preuve d'une frilosité accrue ; sinon, ses capacités de combler les failles de marché s'en trouveraient réduites. Ce sujet ne fait pas encore l'objet d'une alerte, mais nous devons être collectivement extrêmement vigilants. Le cofinancement donne de la force à l'outil, mais il ne peut être une politique exclusive si nous ne sommes pas en mesure de motiver certains investisseurs.

J'ajoute que certains champs d'intervention de Bpifrance ne relèvent pas du cofinancement. Je pense en particulier aux prêts de développement, dont les conditions hors marché permettent à l'entreprise de disposer de deux ans avant de commencer à rembourser. Par ailleurs, je crois que nous devons continuer à réfléchir à la possibilité – je sais que certains, ici, y sont attachés, et je partage leur souci – d'intervenir en retournement dans des secteurs identifiés. Un tel mécanisme ne figure pas dans la doctrine d'intervention de Bpifrance et consommerait davantage de fonds propres, mais il compléterait utilement la panoplie de la Banque publique d'investissement car il apparaît comme nécessaire dans certains secteurs ou certains territoires.

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Est-il préférable que Bpifrance intervienne directement ou qu'elle intervienne par l'intermédiaire de fonds de fonds, comme c'est le cas actuellement ? Ces fonds sont d'ailleurs nombreux, si bien que l'on peut s'interroger sur les capacités de la Banque publique d'investissement de suivre l'ensemble de cette activité.

En ce qui concerne le financement des TPE et des micro-entreprises, qui a fait l'objet de plusieurs remarques de la part de différents acteurs, ne faut-il pas renforcer l'intervention de Bpifrance auprès de sociétés de caution mutuelle telles que la SIAGI ?

Par ailleurs, le coût du risque étant assez faible pour Bpifrance – environ 50 millions d'euros par an (hors fonds de garantie) –, on peut se demander si sa politique de risque est adaptée aux besoins de l'économie.

Le niveau des commissions de garantie, qui est assez élevé, a été souvent évoqué au cours de nos auditions. Prend-il bien en compte la situation des entreprises ?

Enfin, le portage du préfinancement du CICE a fait l'objet de nombreuses remarques négatives. Il semble, en effet, que Bpifrance ait freiné son intervention en raison d'un niveau de risque assez élevé.

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Il avait été prévu que Bpifrance consacre environ 500 millions d'euros au financement de projets relevant de l'économie sociale et solidaire, dont je rappelle qu'elle représente 10 % de l'activité économique de notre pays. Or, les remontées du terrain sont contrastées à ce sujet. Peut-on obtenir l'engagement que, d'ici à la fin de la législature, cette enveloppe aura été effectivement consommée ? L'intervention de Bpifrance est d'autant plus nécessaire que l'on connaît les difficultés rencontrées par les entreprises du secteur pour avoir accès au crédit bancaire.

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Dans le cadre du Programme d'investissement d'avenir (PIA), une convention a été conclue entre l'ADEME et Bpifrance pour financer l'innovation. Or, il semble que quelques tensions sont apparues, la seconde se montrant plus prudente que la première. Qu'en pensez-vous, monsieur le ministre ?

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Les TPE et les PME se plaignent de ne pas être assez conseillées, alors que Bpifrance devrait jouer ce rôle, notamment en cas de refus de financement. Elles ont en effet besoin d'être confortées dans leur envie d'investir et de développer l'emploi. Il est gênant, comme on a pu l'entendre, qu'un chef d'entreprise n'obtienne pas de Bpifrance qu'elle lui explique les raisons pour lesquelles il n'a pas obtenu de financement.

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En ce qui concerne le financement des TPE et des PME, il est vrai que, sur le terrain, nous constatons une certaine frilosité des acteurs bancaires, frilosité qu'ont tendance à accroître les nouvelles dispositions, dont on peut par ailleurs se réjouir, prises dans le cadre de la loi qui porte votre nom et qui visent à protéger les entrepreneurs individuels. Bpifrance va-t-elle pouvoir remédier à ce problème ?

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Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique

Les fonds de fonds sont en effet un sujet important, monsieur le rapporteur. Ce mode d'intervention est conforme à la doctrine de Bpifrance, qui a fait l'objet d'une communication en Conseil des ministres en janvier 2014. Parmi les leviers régaliens dont l'État dispose pour intervenir dans le financement de l'économie, figurent, d'un côté, l'Agence des participations de l'État (APE) et, de l'autre, Bpifrance, qui intervient à la fois en direct et en tant que co-investisseur dans des fonds privés. Le recours à ces fonds de fonds, qui a constitué l'une des innovations majeures de CDC Entreprises, lui permet, d'une part, de démultiplier son action, grâce à un effet de levier de un pour un, et, d'autre part, de recourir à des équipes professionnelles, puisque les fonds de fonds sont sectoriels. En tout état de cause, ce mode d'intervention poursuit le même objectif final que l'investissement direct, à savoir l'accompagnement des entreprises dans leur croissance lorsqu'elles en ont besoin.

L'activité de fonds de fonds offre ainsi en quelque sorte un « double dividende », puisqu'en structurant un écosystème de capital développement et de capital investissement français, elle permet non seulement le développement d'entreprises mais aussi l'émergence de sociétés de gestion capables de lever plusieurs millions d'euros. Cette activité est donc une modalité intéressante de l'intervention de Bpifrance et doit être poursuivie.

Quant à son activité d'investissement direct dans les PME, sur ses fonds propres ou pour le compte de l'État à travers les investissements d'avenir, elle peut se justifier dans des marchés qui font l'objet d'une défaillance de financements plus marquée. De fait, dans les situations où un redressement rapide est nécessaire, il faut s'affranchir de la contrainte du cofinancement et s'impliquer beaucoup plus directement. Ainsi, lorsqu'il n'est pas possible d'intervenir à travers des fonds de fonds, il convient de recourir à des mécanismes alternatifs, tels que le Fonds de consolidation et de développement des entreprises (FCDE), qui permettent, dans des entreprises en plus grande difficulté et en l'absence de co-investisseurs, de réaliser un investissement direct. L'intervention au sein de Perceva en est un bon exemple.

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Le coût des commissions versées par Bpifrance aux gestionnaires des fonds est d'environ 50 millions d'euros. On peut donc légitimement s'interroger sur ce type d'interventions indirectes.

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Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique

Le coût du risque, porté par Bpifrance, reste maîtrisé sur son activité de cofinancement, c'est-à-dire les prêts qu'elle octroie directement aux PME, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, les activités historiques de financement de Bpifrance, c'est-à-dire la mobilisation de créances sur les grands donneurs d'ordres publics et privés – qui correspond au produit Avance Plus – et le crédit-bail sont deux modalités de financement dont les sinistralités sont maîtrisées, compte tenu de l'existence de garanties solides. Ensuite, le cofinancement avec des établissements privés permet de croiser les analyses crédit, de partager les risques et d'exercer un effet de levier sur les financements bancaires privés, de sorte que le coût du risque est, là aussi, très maîtrisé. Enfin, les prêts de développement et le préfinancement du CICE, qui sont des produits en très forte croissance depuis quelques années, sont adossés à des fonds de garantie financés par l'État ; une partie importante du risque est donc portée par ces fonds, et non par le bilan de Bpifrance. Ces produits peuvent ainsi être orientés vers des entreprises plus risquées, qui ont des difficultés à trouver des financements bancaires classiques, tout en limitant le coût du risque porté par Bpifrance. Les fonds de garantie de l'État servent en quelque sorte de rehausseur de crédit pour la Banque publique d'investissement, qui intervient en amont des banques pour combler les failles de marché.

Bpifrance a développé, par ailleurs, une activité de garantie des crédits bancaires accordés aux PME, qui permet de lui transférer une partie du risque de crédit et de faciliter ainsi l'accès de ces entreprises au financement bancaire. En 2014, 9 milliards d'euros de crédits bancaires ont bénéficié de cette garantie. Le risque de crédit est porté en partie par le bilan de Bpifrance, mais surtout par des fonds de garantie internes à Bpifrance qui sont abondés chaque année par des financements publics, que l'on retrouve dans les documents budgétaires. Ce mécanisme gigogne de garantie par Bpifrance et de Bpifrance permet de limiter le coût du risque tout en ayant un effet de démultiplication sur les crédits accordés.

J'en viens au financement des TPE et des PME, pour lequel plusieurs dispositifs sont mobilisés : préfinancement du CICE, financement de garantie, Avance Plus et garantie des factors, qui permet de contribuer au financement de leur trésorerie. Par ailleurs, des sociétés de cautionnement mutuel, telles que la SIAGI, bénéficient, dans le cadre d'une intervention en co-garantie, d'une délégation de Bpifrance pour tous les crédits inférieurs à 400 000 euros, sans plancher, si bien que la SIAGI sert de bras armé à Bpifrance pour les tout petits crédits. Ce dispositif permet d'obtenir des réponses rapides. L'instruction des dossiers est en effet déléguée aux directions régionales puis à la SIAGI et aux autres sociétés de caution mutuelle pour les tout petits tickets.

Bpifrance se trouve ainsi au coeur du financement de l'écosystème des TPE et participe déjà à la médiation du crédit et à certains réseaux de chefs d'entreprise, au-delà de l'offre de services classique. Les garanties offertes par les sociétés de caution mutuelle ne sont pas des produits de Bpifrance ; elles n'ont pas vocation à figurer dans le catalogue de son offre, mais c'est un élément important de son action.

Le préfinancement du CICE a rencontré un véritable succès auprès des entreprises, avec 1,7 milliard d'euros d'engagements pour l'année 2014. Bpifrance a fortement développé ce dispositif, sachant qu'en cas de défaillance d'une entreprise, les pertes seraient faibles compte tenu de la constitution de la créance au fil de l'eau. En 2014, elle a cependant constaté, à propos des préfinancements au titre de l'année 2013, qu'en cas de liquidation de l'entreprise, les formalités nécessaires pour que la créance de CICE donne lieu à remboursement par l'État, à savoir le dépôt des comptes et du formulaire CICE, n'étaient généralement pas remplies par le liquidateur. Dans une telle situation, l'administration fiscale ne procède pas au remboursement de la créance, et Bpifrance constate une perte.

La politique de risque de Bpifrance a donc été renforcée au premier semestre 2015, le temps de trouver une solution. Des travaux ont été conduits entre Bpifrance, la direction générale du Trésor et la direction générale des finances publiques, afin d'accroître les possibilités de recouvrement en liquidation. La direction générale des finances publiques a ainsi accepté de simplifier le dispositif, en supprimant l'obligation de dépôt des comptes, et la profession des liquidateurs a été sensibilisée par nos services à la nécessité d'accomplir les démarches nécessaires pour que le CICE soit versé à Bpifrance. Par ailleurs, le préfinancement du CICE des PME a été adossé au fonds de garantie du financement des créances professionnelles, afin de simplifier le traitement des sinistres et de les couvrir à hauteur de 70 %. Ces mécanismes correctifs permettent de revenir au niveau antérieur de sélection des risques ; Bpifrance a rétabli les conditions de préfinancement du CICE qui prévalaient jusqu'à la fin de l'année 2014.

Je reviens un instant sur la question des fonds de fonds pour préciser que Bpifrance abonde plus de 270 fonds privés nationaux et régionaux, et que le stock des investissements en fonds de fonds s'élevait, à mi-2015, à 1,7 milliard d'euros. Dès lors, le coût de gestion, qui est de 50 millions d'euros, ne paraît pas aberrant.

En ce qui concerne le PIA, Bpifrance n'est qu'un canal de distribution, en lien avec l'ADEME. Le pilotage est assuré par le Commissariat général à l'investissement (CGI) – je vais regarder si des problèmes se posent. Quoi qu'il en soit, nous avons déjà modifié la convention conclue entre l'ADEME et le CGI, compte tenu des doublons constatés dans le traitement des dossiers au début de la législature.

Par ailleurs, l'engagement en faveur de l'économie sociale et solidaire est en effet de 500 millions d'euros pour la législature. Plusieurs outils sont utilisés : le prêt participatif de social et solidaire, compris entre 10 000 et 50 000 euros sur sept ans, le Fonds d'investissement social (Fiso), en partenariat avec les régions, et des fonds de fonds.

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Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique

Ces mécanismes ont été mis à disposition dès 2014. La consommation des prêts participatifs a débuté au milieu de l'année dernière ; son niveau est encore modeste. Mais, en ce qui concerne le Fiso et les fonds de fonds, nous commençons, depuis le début de l'année 2015, à être en ligne avec l'objectif de consommation de 500 millions. Il est vrai néanmoins, et je partage votre point de vue, monsieur Cherki, que l'on a tardé à mettre en oeuvre cette mesure. Carole Delga puis Martine Pinville s'en sont préoccupées, mais il faut mobiliser l'ensemble de l'écosystème de ce secteur autour de ces instruments afin de les faire vivre. Quoi qu'il en soit, je vous confirme notre engagement dans ce domaine ; Martine Pinville et moi-même, nous nous assurerons que l'ensemble des dispositifs sont mobilisés et que la consommation est conforme aux engagements pris.

Par ailleurs, monsieur Pellois, il est du devoir de Bpifrance, en particulier de ses directions régionales, de conseiller les entreprises. Il ne s'agit pas de leur apporter une réponse binaire ; l'accompagnement des TPE et des PME, au-delà du simple financement, fait partie de l'ADN d'OSEO et de l'ANVAR, et c'est un élément de différenciation de l'offre. Ce sujet est d'autant plus important que la Banque publique d'investissement et les banques commerciales se sont engagées, à notre demande, à expliquer leurs décisions et à répondre sous quinze jours ; ces engagements ont été formalisés dès juin 2014. Le Médiateur du crédit fera du reste, d'ici au mois d'octobre, un point précis sur ce sujet. Dans la période actuelle, compte tenu de la frilosité des acteurs, il convient d'être extrêmement attentif ; c'est pourquoi nous avons demandé à la médiation du crédit d'être particulièrement vigilante quant au comportement des banques commerciales.

Je rappelle en outre que, suite à la demande du Conseil national de l'industrie (CNI), nous avons insisté, Michel Sapin et moi-même, pour qu'un suivi de l'autocensure des entreprises soit assuré. Nous avons en effet beaucoup de difficultés à mesurer le taux de refus de prêt, en particulier des prêts à court terme, par les banques. Les demandes de garantie, les conseils ou l'absence de conseils verbaux contribuent en effet à accroître l'autocensure des chefs d'entreprise. Le dispositif que nous sommes en train de mettre en place devrait donc nous permettre de mesurer ce phénomène, afin de compléter les informations mises à disposition du médiateur du crédit et de mieux identifier les failles de marché. On constate en effet un décalage entre les chiffres de la Banque de France, qui révèlent un taux de refus très faible, et le fait que, sur le terrain, de nombreux chefs d'entreprise considèrent qu'ils ne peuvent pas financer leurs projets.

Le fait qu'une grande partie du financement des PME et des TPE par Bpifrance passe par la garantie peut créer un malentendu, car, dans ce cadre, ce sont les agences bancaires commerciales, et non les agents de Bpifrance, qui sont en contact avec le client final. Les directions régionales comptent parmi leurs membres des personnels de Business France et de la COFACE qui se consacrent à l'accompagnement à l'exportation. Je crois nécessaire d'améliorer la qualité de cet accompagnement.

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Je suis content de vous voir, monsieur le ministre, car j'ai tellement entendu parler de vous pendant ce mois d'août que je me suis demandé si nous n'assistions pas à une seconde assomption.

En ce qui concerne la gouvernance, je crois que l'association, à parts égales, de l'État et de la Caisse des dépôts est une fausse solution. Il est en effet normal, cela ne me choque pas, que, dans une telle situation, l'État ait la main – et non la Caisse : je reste légitimiste. Cette association est donc fictive. Si je dis cela, c'est parce que je vois se profiler d'autres associations à « 50-50 », avec l'Agence française de développement (AFD) et d'autres. Je le dis franchement, ce n'est pas une bonne idée. Si le Gouvernement souhaite filialiser la Caisse des dépôts, et le débat est légitime, il doit le dire mais il ne doit pas agir de manière insidieuse en proposant ce type d'association, alors qu'il s'agit – appelons un chat un chat – de prendre à la Caisse l'argent qu'il n'y a plus dans le budget de l'Etat. Je ferai donc en sorte que nous ayons un débat sur ce sujet.

Du reste, on dit que la gouvernance de Bpifrance est satisfaisante, mais j'ai tout de même le sentiment, monsieur le ministre, qu'il était parfois difficile de se faire entendre. Quand on n'obtenait pas ce que l'on voulait à Bercy, on allait le chercher rue de Lille, et inversement. On était de partout et de nulle part ! D'autant que le Gouvernement, qui tenait la plume, et le Parlement ont commis l'erreur de faire nommer le directeur général de Bpifrance en Conseil des ministres. Car, qu'on le veuille ou non, toutes les personnes qui sont nommées en Conseil des ministres se prennent peu ou prou pour des ministres, et il est très difficile pour les véritables ministres de leur expliquer que tel n'est pas le cas. Cela vaut pour Bpifrance comme pour la Caisse des dépôts qui, bien qu'elle soit soumise au contrôle du Parlement, a un directeur général nommé en Conseil des ministres. Montesquieu aurait bien du mal à s'y retrouver ! Tout cela n'est pas sain.

Je crois donc qu'il est nécessaire de revoir – et je crois que vous êtes capable de le faire – l'organisation des relations entre l'APE, Bpifrance et la Caisse des dépôts. Contrairement ce que beaucoup croient, Bpifrance n'est pas le fonds souverain de l'État français. Certains chefs d'entreprise sont flattés de la voir entrer au capital de leur entreprise, mais d'autres sont effrayés car ils ont le sentiment qu'ils vont être étatisés, nationalisés ou « souverainisés ». Le fonds souverain de l'État, c'est l'APE, puisqu'elle gère le portefeuille de ses actifs financiers. Pourtant, elle ne se comporte pas toujours comme tel. Quand je vois qu'elle vend une partie d'une belle société, filiale d'une entreprise du secteur de l'armement, dont la réussite technologique dans le domaine des solutions de paiement est fabuleuse, à Bpifrance pour qu'elle ne passe à l'étranger, je me dis, là encore, que ce mélange des genres n'est pas sain. Je pars du principe qu'à Bercy, les gens sont intelligents, rationnels et cherchent la clarté mais, parfois, on ne comprend pas grand-chose. Je compte donc sur vous pour mener une réflexion sur les rôles respectifs de l'APE, de Bpifrance et, accessoirement, de la Caisse des dépôts, qu'il s'agisse de son action contracyclique ou, éventuellement, de son rôle de porte-avions financier, qui lui permettrait de contribuer à combler la faille de marché que vous avez mentionnée pour les tickets supérieurs à 20 millions et d'empêcher ainsi certaines sociétés qui ne trouvent pas les relais financiers nécessaires en France de se délocaliser.

Je crois donc que la gouvernance actuelle n'est pas la meilleure et – mais je sais que cet avis n'est pas partagé par tous – que l'un des deux acteurs, l'État ou la Caisse des dépôts, devrait prendre la main : il faut sortir du « 50-50 ».

Cela dit, que les choses soient claires : Bpifrance est une réussite. Elle s'est installée dans le paysage en un temps record et elle joue un rôle considérable, notamment dans le domaine du financement, grâce au fameux prêt à sept ans – deux ans de différé et cinq ans de remboursement –, qui est un outil de développement très intéressant pour les PME, les PMI, voire des sociétés plus importantes.

En ce qui concerne les crédits à court terme, vous avez évoqué la question du CICE, que j'ai découverte assez tardivement et qui m'a stupéfié. Qu'il faille des mois de concertation entre la direction des finances, celle du Trésor et celle des services fiscaux pour résoudre ce problème, alors qu'il suffisait de concevoir un formulaire ou de prendre un arrêté, c'est tout de même un peu agaçant. Cependant, les crédits à court terme sont, vous le savez, parmi les plus risqués, et nous avons un problème dans ce domaine.

Par ailleurs, il serait utile que nous disposions d'une étude de l'activité bancaire de Bpifrance, car il me semble que, comme dans toutes les banques du reste, les résultats sont très variables d'une région à l'autre. Dans certaines d'entre elles, cela fonctionne très bien ; dans d'autres, il faut appeler plusieurs fois, et il arrive qu'on ne vous rappelle même pas. Or, si l'on ne rappelle pas le président de la commission de surveillance de la Caisse – et cela m'est arrivé trois fois –, il n'est pas certain qu'on rappelle les chefs d'entreprise…

Quant à la question du cofinancement, elle est très complexe – je n'ai pas de solution miracle en la matière. Si l'on déroge à la règle du cofinancement, on perd aux yeux de Bruxelles la qualité d'investisseur avisé et l'intervention de Bpifrance entre dans la catégorie des aides d'État. Mais, si l'on colle à cette doctrine, que ce soit dans le domaine de l'investissement ou du crédit, on peut se trouver dans des situations difficiles. Ainsi, une entreprise qui s'était vu accorder une garantie par Bpifrance au mois de février dernier n'avait toujours pas l'argent au mois d'août, faute de cofinanceur. Il en est de même dans le domaine de l'investissement. Bpifrance fait son travail, mais que faire si elle ne trouve pas de cofinanceur ?

Je ne reviendrai pas sur le retournement, mais je me demande si la solution ne consisterait pas à créer, à côté de Bpifrance, un outil approprié à ces cas-limites. Je sais que vous ne laissez pas tomber ces entreprises : dans le cas de Gascogne, par exemple, votre ministère a fait intervenir massivement le Fonds de développement économique et social (FDES) pour apporter le complément nécessaire. Mais il s'agit d'une forme d'acrobatie qui n'est pas satisfaisante. Nous pourrions donc créer un véritable fonds de retournement – auquel pourraient être associés des gens du privé, si on les incite fortement –, ce que n'est pas, contrairement à ce que dit M. Dufourcq, le Fonds de consolidation et de développement des entreprises (FCDE), qui est un fonds de rebond. Ce fonds de retournement, vous le savez, est attendu, mais tout le monde est contre, notamment à Bercy où, sans doute parce que Schumpeter y règne sur les consciences, les membres des corps prestigieux considèrent que les canards boiteux sont à fuir.

Enfin, faut-il rappeler que le Fonds stratégique d'investissement (FSI) puis Bpifrance ont mis pas mal d'argent dans les fonds de fonds, qui sans ces deux opérateurs auraient eu bien des difficultés à lever des fonds ? Les sociétés de gestion sont formidables, mais il n'y a pas moyen d'obtenir quoi que ce soit d'elles : elles sont indépendantes. Elles perçoivent leur commission mais, lorsqu'on a besoin d'elles, elles ne sont pas là. En tant que ministre, vous n'avez donc aucun pouvoir sur le pilotage des fonds de fonds. Il est tout de même curieux qu'alors que la part des fonds d'origine publique y est si importante, les sociétés de gestion puissent faire ce qu'elles veulent au nom du dogme anglo-saxon de l'investisseur avisé et de la libre décision. Je suis choqué que, lorsqu'on demande à ces fonds de faire un geste sur des dossiers un peu difficiles mais intéressants, ils ne bougent pas. Je précise néanmoins que Bpifrance a réduit le nombre des fonds de fonds auxquels elle souscrit afin d'assainir le marché financier français dans ce domaine. Mais il faut trouver une solution pour que, lorsqu'on les appelle au secours à propos d'entreprises qui en valent la peine, ces gens se souviennent qu'ils gagnent pas mal d'argent grâce aux fonds publics.

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Je précise qu'actuellement, 18 personnes suivent 1,7 milliard d'euros d'engagements dans les fonds de fonds.

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Monsieur le ministre, je souhaiterais, quant à moi, connaître votre point de vue sur trois sujets.

Premièrement, l'activité de financement de Bpifrance – prêts, garanties, cofinancement –, qui s'inscrit dans la lignée de ce que faisait OSEO, fonctionne bien. Mais je tiens à appeler votre attention sur les risques que représente le financement à court terme. Lorsque la crise est intervenue, en 2008-2009, on a actionné des aides en trésorerie, mais celles-ci étaient adossées à des créances sur l'État, comme c'est le cas aujourd'hui avec le CICE ; c'est tout à fait sain. En revanche, il faut être extrêmement vigilant quant au financement direct de trésorerie ou de fonds de roulement, car c'est dans ce domaine, notamment pour les petites entreprises, que le taux de sinistralité est le plus important.

Ma deuxième question porte sur l'investissement en fonds propres et les prises de participations. Nous assistons, dans ce domaine, à un véritable changement d'échelle. Certes, il faut tenir compte de la reprise du FSI et de CDC entreprises, mais le montant des engagements – 1,7 milliard – est considérable. Or, ces derniers temps, on m'a rapporté à plusieurs reprises que la labellisation « Bpifrance » faisait monter les prix de façon artificielle, de sorte que l'on se retrouve dans une situation paradoxale où l'intervention de Bpifrance fausse le marché, d'autres investisseurs étant prêts à payer ces participations moins cher. C'est d'autant plus paradoxal que l'on n'est toujours pas parvenu à mettre en place un fonds de retournement qui interviendrait dans des situations d'urgence où le risque est très important. Il faut donc veiller à ce que Bpifrance n'intervienne pas tous azimuts dans des secteurs où des investisseurs sont prêts à prendre des participations.

Troisième point : il est question que Bpifrance reprenne les activités que la COFACE exerce pour le compte de l'État. Si une telle opération doit avoir lieu, elle posera de véritables problèmes, qu'il s'agisse du transfert des équipes ou de l'indemnisation des actionnaires privés de la COFACE, qui est logé depuis plus de vingt ans dans le secteur concurrentiel de l'assurance et de la banque. Je m'interroge donc sur la valeur ajoutée que peut apporter une telle évolution, qui doit, au demeurant, faire l'objet d'une autorisation législative.

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Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique

En ce qui concerne la gouvernance, il convient de distinguer le cas de Bpifrance de celui de l'AFD, qui me semble d'une nature très différente, compte tenu de leurs modalités d'intervention et de l'adossement recherché. Il en va du « 50-50 » actuel comme des gardes partagées : tout dépend de la discipline des deux parents. Sans doute peut-on améliorer et clarifier les règles de nomination afin d'aboutir à un meilleur équilibre. Mais les questions importantes sont celles de savoir si nous avons le bon niveau d'information, si nous savons définir les bonnes orientations et si nous savons nous-mêmes, État et Caisse des dépôts, ce que nous voulons et ce que nous voulons mesurer. Lorsque nous serons irréprochables dans ce domaine, nous pourrons être plus encore rigoureux avec l'opérateur. Pour aller au bout de ma pensée, cette question ne me semble pas être la priorité du moment, dès lors que l'action de cet opérateur public est un succès, y compris sur le terrain. En revanche, pour avoir été moi-même confronté à certaines incohérences optiques, j'estime également nécessaire, M. Emmanuelli, la clarification des rôles respectifs des différents acteurs que vous appelez de vos voeux.

Comment les choses s'articulent-elles ? La Banque publique d'investissement a vocation à financer les TPE et les PME et à investir dans des entreprises innovantes et stratégiques, notamment pour accompagner des entreprises vers des investisseurs privés de long terme. Dans le cas d'Ingenico, auquel vous avez fait allusion, c'est de cela qu'il s'agit : accompagner une entreprise en « haute mer » en recourant à Bpifrance faute d'avoir trouvé dans un délai bref un investisseur de long terme. L'APE, quant à elle, intervient dans le secteur des actifs stratégiques et des grandes entreprises. Mais il est vrai que les portefeuilles respectifs des deux opérateurs recèlent des incohérences et que, dans ce domaine comme en matière de gouvernance, une clarification est nécessaire. Je partage donc votre opinion sur ce point, M. Emmanuelli : nous devons clarifier la répartition des rôles, notamment parce que, pour des raisons historiques, certains actifs se trouvent dans le portefeuille de l'un ou de l'autre alors qu'ils ne correspondent pas à leur mission.

Quant au fonds de retournement, j'y suis, pour être clair, favorable. Vous avez raison d'indiquer que le FCDE n'en est pas un à proprement parler. Actuellement, nous utilisons le FDES et l'Aide à la réindustrialisation (ARI), qui sont des mécanismes discrétionnaires, à notre main, pour accompagner des retournements. Par ailleurs, certaines expériences sont concluantes. Deux régions, Rhône-Alpes et Franche-Comté – et j'ai écrit à leurs présidents pour que l'on puisse étudier la manière dont nous pourrions développer et généraliser leurs initiatives – sont parvenues à mettre en place des fonds régionaux de retournement. Nous réfléchissons donc – et mon engagement sur ce point est plein et entier, car je veux que nous aboutissions – à la création d'un fonds de retournement qui pourrait être détenu à 49 % par l'État, Bpifrance et les régions, et à 51 % par le privé. Nous ne développons pas suffisamment cette action, dont nous avons pourtant besoin.

En revanche, M. Emmanuelli, nous ne nous retrouverons peut-être pas sur les fonds de fonds. La logique est totalement différente. Lorsque l'on intervient à travers des fonds de fonds, on participe à l'écosystème de financement de l'économie. Aussi est-ce une bonne chose, me semble-t-il, que de ne pas intervenir dans leur gestion. Tout d'abord, nous ne pouvons pas interférer avec les règles d'indépendance et le contrôle qui relève de l'AMF. Ensuite, l'objectif de ces acteurs dépend de ce qu'ils ont vendu à leurs actionnaires, et nous avons décidé en conscience de cofinancer ces fonds. On peut donc éventuellement se demander, dans le cadre de la stratégie de Bpifrance, si l'on y met trop d'argent ou pas assez, mais il ne faut pas essayer de tuer deux oiseaux avec la même pierre et chercher à faire, à travers le financement des fonds de fonds, ce que l'on doit faire en direct. Là, nous contribuons à l'accélération du développement d'un écosystème de financement privé.

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Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique

Je clarifie les choses. Il est important que l'indépendance des sociétés de gestion soit complète. Bpifrance ne financera pas l'ensemble de l'économie française. Il est donc bon que des sociétés de gestion et des fonds à capital français se développent, et il faut faire réussir les meilleurs d'entre eux. Nous avons un manque dans ce domaine. Historiquement, nous avons financé notre économie grâce aux investisseurs institutionnels, qui y ont été contraints – et sans doute avons-nous failli depuis plusieurs années dans ce domaine – par la régulation. Or, l'épargne de nos concitoyens est placée dans l'assurance vie, laquelle peut de moins en moins financer l'equity. Nous n'aurons pas de souveraineté économique si nous ne développons pas un financement privé national. C'est précisément ce que Bpifrance contribue à faire à travers le mécanisme des fonds de fonds ; il s'agit donc d'un élément vertueux. Encore une fois, on peut s'interroger sur le point de savoir si l'on y met trop d'argent ou pas assez, mais celui qu'on y investit doit l'être dans cette logique-là. Il ne faut pas chercher à intervenir dans les dossiers, même de manière occasionnelle ou limitée. Ce mécanisme relève d'une philosophie d'intervention différente, qu'il faut assumer car notre économie en a besoin.

En résumé, nous devons faire preuve de volontarisme pour créer un véritable fonds de retournement et faire preuve d'exigence en ce qui concerne les mécanismes d'intervention directe de Bpifrance et nous devons assumer notre rôle dans le développement d'un écosystème de financement privé, qui est encore insuffisant en France, comparé à celui des autres grands champions.

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Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique

Non, il s'agit de faire preuve de rigueur dans la définition des catégories : je ne vous ai pas dit que j'étais opposé aux fonds de retournement. Si nous mélangeons les différents leviers, nous aurons de mauvaises sociétés de gestion et nous ferons fuir les co-investisseurs privés. Or, nous n'en avons pas trop.

Par ailleurs, je partage ce qui a été dit sur le besoin d'un financement de trésorerie à court terme. Bien entendu, il ne faut pas prendre de risques inconsidérés, mais la régulation se fait par le mécanisme que j'ai évoqué tout à l'heure. Bpifrance intervient en garantie des acteurs bancaires. Elle doit donc développer ces produits-là, mieux les cibler – et nous devons être vigilants sur ce point. Les banques commerciales, même si elles bénéficient d'un rehausseur de crédit, n'iront pas chercher des entreprises qui présentent un risque inconsidéré.

Enfin, le projet concernant COFACE et Bpifrance est en effet celui qui est aujourd'hui retenu. Il apporte une plus-value, dans la mesure où il permet de présenter une offre intégrée et simplifiée aux PME, et donc d'améliorer leur accompagnement. Quant à l'indemnisation, elle a déjà été discutée avec l'actionnaire actuel : elle sera au maximum de 77 millions d'euros. J'ajoute qu'il faudra en effet modifier le code des assurances en loi de finances rectificative pour parachever cet adossement.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir répondu à nos questions et d'avoir ainsi contribué aux travaux de notre mission d'information.