Intervention de Fleur Pellerin

Séance en hémicycle du 28 septembre 2015 à 16h00
Création architecture et patrimoine — Présentation

Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication :

Une vie culturelle qui ne permet pas à chacun d’avoir accès à la pratique musicale de son choix n’est pas une vie culturelle ouverte à tous. C’est le sens du retour de l’État dans les conservatoires et de la priorité donnée à la diversification des disciplines enseignées.

Une vie culturelle qui ne reconnaît pas la pratique amateur, c’est-à-dire la manière la plus forte et la plus partagée de vivre les arts, n’est pas une vie culturelle ouverte à tous. Ce projet de loi reconnaît cette pratique, qui concerne aujourd’hui 12 millions de personnes.

Une vie culturelle qui ne s’attache pas à faire grandir l’accès aux oeuvres dans toute leur diversité n’est pas une vie culturelle ouverte à tous. C’est pourquoi vous avez souhaité renforcer les dispositions en faveur de la diversité dans la programmation des radios et, dans le même esprit, permettre que les oeuvres cinématographiques et audiovisuelles soient mieux exploitées, et donc plus accessibles.

Une vie culturelle qui ne fait pas en sorte, enfin, que chacun puisse lire et comprendre son patrimoine, le patrimoine de son quotidien, n’est pas une vie culturelle ouverte à tous. Comme en témoigne le succès des Journées européennes du patrimoine, c’est là un profond désir des Français. Tel est est le sens de la création des « cités historiques », qui viendront se substituer aux zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager et aux aires de valorisation de l’architecture et du patrimoine. Comme chacun de nos concitoyens connaît l’importance des monuments historiques, chacun reconnaîtra l’importance de ces cités.

Mesdames et messieurs les députés, le patrimoine, la création et l’architecture sont assemblés aujourd’hui dans un même projet de loi. C’est mon choix – un choix délibéré, car la politique culturelle s’appuie sur ces deux piliers : la création et le patrimoine. Nous légiférons donc, en ces domaines, dans le même esprit.

Aujourd’hui, nous avons la chance immense d’avoir un patrimoine préservé, grâce à ceux qui en prennent soin au quotidien : les propriétaires de monuments historiques, les associations de défense du patrimoine et les professionnels qui s’attachent à le conserver, à le faire vivre, à le valoriser et à le restaurer. Leur savoir-faire et leur travail sont reconnus partout dans le monde. Je veux leur rendre hommage aujourd’hui. Je veux surtout qu’ils puissent continuer d’agir demain avec la même intensité.

Le patrimoine sera donc protégé avec une égale exigence. Sa préservation sortira même renforcée de cette loi.

Ainsi, la nation reconnaîtra désormais dans son droit le patrimoine mondial de l’humanité classé par l’UNESCO. Elle reconnaîtra également le patrimoine immatériel, à l’initiative de votre commission.

La loi permettra de définir des domaines nationaux, aux liens exceptionnels avec l’histoire de la nation, qui seront inaliénables. Elle renforcera la protection des objets mobiliers. Elle apportera une protection nouvelle aux vestiges archéologiques, qui deviendront, après leur découverte, propriétés de la nation, et elle donnera plus d’outils pour renforcer notre archéologie préventive.

Elle étendra même au monde entier l’attachement que nous portons à la préservation des oeuvres là où elles se trouveraient menacées par les guerres ou par la barbarie, comme c’est le cas aujourd’hui sur les bords du Tigre et de l’Euphrate.

C’est par fidélité à nous-mêmes que nous nous sommes engagés à renforcer encore davantage notre lutte contre le trafic de biens culturels et que nous nous proposons d’accueillir sur notre territoire les oeuvres menacées dans leur intégrité. La France sera aux côtés des États qui le demanderont.

La protection du patrimoine repose sur un partenariat étroit et essentiel entre l’État et les collectivités territoriales. Ce que nous proposons de faire aujourd’hui, c’est d’adapter cette protection, en prenant en compte trente ans de décentralisation en matière d’urbanisme et en tirant les conclusions des insuffisances de notre législation.

Songeons qu’en 1962, Malraux prévoyait 400 secteurs sauvegardés. Aujourd’hui, il n’y en a que 105, dont 85 seulement sont dotés d’un plan de sauvegarde. La modernisation de notre droit s’impose. Elle préservera le rôle de garant de l’État – j’y ai veillé.

Ce que nous apportons à la protection du patrimoine, c’est de la clarté et de la lisibilité car, sans clarté et sans lisibilité, on finit par se désintéresser des règles qui protègent, par les contester, puis par passer outre.

La vie culturelle, mesdames et messieurs les députés, c’est un espace qui rassemble et un lien qui libère.

La vie culturelle, Jean Zay voulait en faire un ministère, pour qu’à côté de l’éducation nationale naisse et grandisse l’expression nationale. Il voulait la libérer et la faire grandir, pour la jeunesse de France. C’est qu’il avait confiance en elle et qu’il avait confiance en la culture pour inventer l’avenir. C’est qu’il croyait au pouvoir de l’imaginaire.

J’ai fait partie de cette jeunesse de France. Je fais partie, comme sans doute nombre d’entre vous, de ceux qui doivent à l’école publique et à la culture d’avoir pu vaincre les déterminismes sociaux inscrits dans leur généalogie.

Nous avons reçu ce qu’André Malraux et Jack Lang ont offert aux générations qui venaient : un patrimoine restauré et protégé, une vie artistique féconde et libre, toujours plus ouverte à tous, et de grandes fêtes populaires.

À chaque génération, il s’est trouvé depuis lors des femmes et des hommes pour perpétuer cette ambition, pour rendre à la jeunesse ce désir d’audace, de liberté, de création et pour lui ouvrir grand les portes, en confiance. En toute confiance.

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