…même si leurs acteurs, ajouterai-je, peuvent appartenir à tel ou tel camp.
Les premiers débats que nous avons eus en commission, particulièrement à propos de l’article 1er, témoignent du relatif consensus de notre assemblée sur la liberté de création, qu’il nous faut encore et toujours protéger, et du patrimoine qu’il nous faut conserver.
Le texte qui nous est présenté sera-t-il pour autant un texte mémorable ? Constatons que la plupart de ses mesures répondent à un certain nombre d’attentes.
J’avais eu l’occasion de le dire en commission : on peut regretter que le titre, aux visées larges, cède parfois au superfétatoire, s’agissant notamment de l’article 1er. Auriez-vous oublié la Déclaration des droits de l’homme, madame la ministre ? La liberté n’est pas fille mais mère de la loi ; aussi ne saurait-elle se déduire, me semble-t-il, d’une loi qui la présuppose.
Ces prolégomènes posés, nous sommes tous conscients des contraintes budgétaires qui pèsent sur votre ministère, manque de moyens qui ne doit cependant pas nous empêcher d’être à la hauteur des enjeux auxquels doit fait face le monde de la culture. Nous pouvons ainsi nous retrouver sur certains sujets essentiels qui ne prêtent pas à polémique et qui rendent possible un débat de fond sur l’action de l’État.
Ce projet de loi affirme de grands principes auxquels chacun ne peut que souscrire : la liberté de la création artistique, affirmée dès l’article 1er, et les objectifs de l’action publique, énoncés à l’article 2. L’égal accès des citoyens à la création artistique, le soutien aux artistes, la promotion de la circulation des oeuvres, la lutte contre la précarité de l’activité artistique sont autant de mesures chères au groupe de l’Union des démocrates et indépendants comme aux autres groupes. Deux récents événements – les tags sur la sculpture d’Anish Kapoor à Versailles et le retrait de l’affiche du film La Belle Saison dans un village du Vaucluse – doivent être l’occasion, pour la représentation nationale, de réaffirmer son attachement au service public de la culture.
Permettre au plus grand nombre de s’élever, de célébrer et de transmettre les valeurs d’une civilisation, partager un patrimoine commun et notre héritage culturel sont autant d’exigences qui requièrent une politique continue et déterminée. Pourquoi ? Parce que la notion de service public de la culture exprime l’idée qu’il doit être permis au plus grand nombre d’accéder à – et de partager – l’interrogation, l’invitation que porte toute oeuvre d’art, quels que soient les moyens matériels de chacun.
S’agissant du texte en lui-même, je tiens à en saluer plusieurs dispositions, notamment en matière de valorisation et de protection du patrimoine. La simplification des régimes juridiques applicables est opportune, tout comme les dispositions de l’article 11 sur l’élargissement de l’accès à l’offre culturelle pour les personnes atteintes d’une ou plusieurs déficiences. Le renforcement des actions de labellisation devrait également permettre, à travers des critères harmonisés et clairs, un meilleur encadrement des procédures de sélection des projets artistiques.
Cependant plusieurs interrogations restent en suspens. Les différentes lois territoriales, loin de clarifier les compétences entre les différents échelons de décision, entre les collectivités et l’État, les ont plutôt compliquées et ce projet de loi ne résout pas – mais le pouvait-il ? – le désordre né de cet enchevêtrement.
Pour le maintien d’une activité artistique dans nos territoires, nous attendons, autant que des DRAC ou des FRAC, une collaboration vivante et efficace entre les acteurs de la culture, l’État et les collectivités locales. Nous souhaiterions qu’une véritable dynamique soit enclenchée, s’appuyant sur une politique d’intervention de l’État mieux ciblée et mieux articulée avec celle des collectivités, et sur une augmentation de la diffusion des spectacles favorisant la professionnalisation accrue des artistes et des diffuseurs. Des possibilités de rapprochement et de mutualisation d’institutions devraient aussi, à cet égard, être mises à l’ordre du jour.
L’organisation des compétences entre l’État et les collectivités en matière de décentralisation des enseignements artistiques doit également être précisée. Plus de dix ans après les lois de décentralisation, la cohérence territoriale de l’offre de formation n’est toujours pas assurée. Les régions doivent pourtant assumer un rôle de chefs de file et les missions des conservatoires doivent être valorisées.
Par ailleurs, je suis heureux que la discussion en commission ait été l’occasion d’examiner et de voter, sous forme d’amendement, une disposition que j’avais présentée il y a quelque temps sous forme de proposition de loi : la possibilité, pour les associations de protection du patrimoine culturel, de se constituer parties civiles. L’adoption de cette disposition permettra de lutter plus efficacement contre les vols et les trafics de biens culturels en élargissant les possibilités de recours à la justice. Je remercie, à cet égard, le rapporteur et président de la commission de sa compréhension.
Le groupe UDI tient également à saluer l’adoption à l’unanimité de l’amendement du Gouvernement visant à la création de refuges pour les biens culturels étrangers menacés par les guerres ou par les catastrophes naturelles. Notre réaction devant les pillages et destructions auxquels se livrent les soldats de Daech a été unanime. En Mésopotamie, l’un des berceaux de l’humanité, les musées sont désormais transformés en tribunaux ou en prisons. À Palmyre, il ne reste désormais plus rien du temple de Bel ni du musée archéologique. C’est une barbarie où s’anéantissent les vivants, et jusqu’au souvenir des morts.
Certes, il y eut, dans notre histoire, d’autres périodes sombres comme le pillage d’oeuvres d’art au cours de l’Occupation. L’année dernière, j’ai eu l’honneur de travailler, avec trois de mes collègues de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, Isabelle Attard, Michel Herbillon et Marcel Rogemont, sur la gestion des musées de France. Nous avons eu l’occasion de traiter de la provenance, dans les collections des musées, des oeuvres à l’origine douteuse.
Dans notre rapport, nous plaidons pour que la provenance soit systématiquement recherchée pour les oeuvres produites antérieurement à 1945 et entrées dans les collections publiques à partir de 1933. Aussi ai-je déposé quelques amendements conformes à nos préconisations afin de mieux répondre à cette exigence.
J’ajouterai enfin qu’il convient d’être particulièrement sobre et vigilant en cette période d’inflation législative. L’harmonisation des procédures ou l’allégement des structures ne doit pas se faire au détriment de la simplification.