La communication de la Cour des comptes est très intéressante et contient des pistes prometteuses. Je reprends toutefois certains éléments généraux sur lesquels il me semble que la Cour n'insiste pas suffisamment.
Si la dépense des indemnités journalières progresse, c'est d'abord, il faut en être conscient, parce que les salaires eux-mêmes augmentent. L'évolution du nombre de jours d'arrêts de travail me paraît donc une donnée plus intéressante que l'évolution du montant des indemnités journalières, qui peut impressionner s'il est pris hors contexte. Un excellent graphique figurant dans la communication de la Cour des comptes montre l'effet du renforcement important des contrôles. La Cour semble d'ailleurs hésiter sur l'interprétation à donner à ce facteur, il faut, je crois, retenir l'étude de la DREES, qui confirme les nôtres : une part non négligeable de la diminution du nombre de jours d'arrêts maladie entre les années 2003 et 2007 provient de l'augmentation des contrôles.
En 2007 – année du point le plus bas – il y a eu moins d'arrêts qu'en 2002. Le nombre d'arrêts maladie a légèrement augmenté de nouveau par la suite mais, en 2011, on constate toujours un montant inférieur d'indemnités journalières par rapport à 2003. En 2012, d'après les éléments dont nous disposons, ce montant devrait même décroître. Il faut donc rester prudent lorsque l'on examine ces chiffres.
Nous avons, pour des raisons d'efficacité, concentré nos contrôles sur les arrêts qui occasionnent les plus fortes dépenses, qui sont d'abord les arrêts longs, comme l'expliquait monsieur Michel Brault. 80 % de la dépense en indemnités journalières correspond à des arrêts de plus d'un mois, et 40 % à des arrêts de plus de six mois. Les arrêts de moins de 8 jours, à l'inverse, coûtent 300 millions d'euros, soit moins de 5 % de la dépense. C'est dire combien il est crucial de disposer de procédures de contrôle efficaces.
C'est dire également combien il est important de consolider les arrêts de travail, notamment lorsque le salarié se trouve malheureusement de façon évidente en situation d'invalidité. La Cour des comptes pointe la nécessité de maîtriser ce processus, notamment d'un point de vue territorial, car il existe de grandes disparités géographiques. Contrairement à ce qui se passe pour les arrêts de travail, toutefois, la réglementation de l'invalidité est très peu précise sur la mise en oeuvre de la consolidation : c'est l'une des causes de l'hétérogénéité que nous constatons, et que nous travaillons à réduire.
La croissance de la dépense elle-même est concentrée sur les arrêts de longue durée : 50 % de la croissance en 2011 concerne les arrêts longs de 1 à 6 mois, et 45 % pour les arrêts de plus de 6 mois. Pour les arrêts de moins de 30 jours, la croissance n'est que de 3,5 %. Il convient donc d'agir sur ces arrêts longs et sur le processus de retour à l'emploi. À l'évidence, nous ne pouvons pas omettre de contrôler les arrêts courts : la nouvelle lettre-réseau que nous avons diffusée en mai 2012 prévoit le contrôle systématique des arrêts courts itératifs par des procédures automatisées, afin de réduire les coûts – une telle mesure était d'ailleurs recommandée par la Cour des comptes.
L'évolution de l'âge des bénéficiaires explique aussi, pour une part importante, la croissance des arrêts maladie. Il est d'ailleurs vraisemblable que la réforme des retraites et donc l'allongement de la durée de l'activité aura un effet sur les arrêts maladie.
En 2011, le nombre de personnes de moins de 30 ans ayant bénéficié d'un arrêt maladie a diminué de 7 % ; à l'inverse, le nombre de personnes âgées de plus de 50 ans ayant bénéficié d'un arrêt maladie a augmenté de 8,5 %, et plus précisément de 12 % entre 55 et 59 ans, et de près de 30 % au-delà de 60 ans.
À 30 ans, la durée d'un arrêt est en moyenne de 20 jours ; à 40 ans, de 30 jours ; à 55 ans, de 40 jours ; à 60 ans, de 50 jours ; au-delà de 60 ans, de 70 jours. Les évolutions de la structure démographique, avec un vieillissement de la population, ainsi que la réforme des régimes de retraite, et donc l'allongement de la vie professionnelle, entraînent donc des effets importants sur le nombre des arrêts maladie.
Lorsque la Cour des comptes a rédigé sa communication, nous ne disposions pas encore de données sur les pathologies. Les arrêts supérieurs à 6 mois concernent principalement les pathologies ostéo-articulaires et les troubles mentaux – dépression en particulier ; viennent ensuite les traumatismes, et plus marginalement les tumeurs cancéreuses. Cinq groupes de pathologies étaient, en 2011, responsables de 85 % des arrêts de travail de plus de 6 mois.
Il est donc essentiel – et la Cour des comptes a salué nos efforts – de développer des référentiels, qui permettent d'harmoniser et d'objectiver les conditions de prescription. Pour certaines pathologies – épisodes dépressifs légers par exemple –, le retour au travail est d'ailleurs souvent conseillé dans les référentiels disponibles dans différents pays.
Une hospitalisation – médecine, chirurgie, obstétrique – explique 38 % des arrêts entre 1 et 3 mois et 41 % des arrêts de 3 à 6 mois. Il faut donc nous pencher sur les processus de soins liés à l'hospitalisation, notamment les arrêts de travail avant l'hospitalisation, et inversement sur la reprise du travail après l'hospitalisation. Nous avons donc, là encore, développé des référentiels qui permettent d'objectiver les durées d'arrêt consécutives aux principales opérations ostéo-articulaires.