COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Jeudi 6 décembre 2012
La séance est ouverte à neuf heures.
(Présidence de MM. Jean-Marc Germain et Pierre Morange, coprésidents de la mission)
La Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède d'abord à l'audition, ouverte à la presse, de Mme Mireille Elbaum, présidente du Haut Conseil du financement de la protection sociale, et M. Laurent Caussat, secrétaire général, sur le financement de la branche famille.
La Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale travaillant depuis longtemps sur le financement de la branche famille, la Cour des comptes lui a récemment remis un rapport d'étape qui a vocation à être complété, compte tenu notamment de la saisine du Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFPS) par le Premier ministre, le 6 novembre dernier. La même question est posée : comment assurer un financement de la branche famille qui lui permette de répondre à sa vocation et qui ne handicape pas la compétitivité de l'économie ?
Nous allons demander à la Cour des comptes de compléter son étude selon les orientations que nous lui fixerons sous quinze jours. Au préalable, nous avons souhaité entendre Mme Mireille Elbaum, présidente du Haut Conseil, afin qu'elle nous fasse part des premières conclusions de ses travaux et de ses pistes de réflexion pour l'avenir.
Nous voulons que notre travail sur la branche famille constitue un apport complémentaire de celui des études en cours. Notre rapporteur sur le financement de la branche famille, M. Jérôme Guedj, étant également membre du HCFPS, nous espérons éviter les redondances et contribuer utilement aux décisions qui devront intervenir par la suite, notamment dans le cadre des futures lois de financement de la sécurité sociale.
La présente audition va en effet nous servir à affiner notre commande à la Cour des comptes, dont le rapport nous sera remis en mars ou en avril prochain.
Nos calendriers de travail étant parallèles et nos objectifs communs, pouvez-vous préciser votre périmètre de réflexion et nous indiquer quels sont les sujets dont vous considérez qu'ils ne sont pas pertinents ?
La saisine du Haut Conseil par le Premier ministre vient conforter l'opportunité de nos propres travaux sur le financement de la branche famille.
L'état des lieux du financement de la protection sociale, que nous avons présenté au Gouvernement le 31 octobre dernier, porte sur l'ensemble des branches, ou plus exactement des risques, et des régimes de la sécurité sociale. Il atteste que, en 2007 et 2008, la branche famille était en équilibre alors que des déficits subsistaient dans les autres branches.
Nos travaux se prolongeront jusqu'à l'automne 2013, selon une approche globale. Les projections de dépenses et de ressources seront établies à long terme. Pour répondre à la lettre de saisine du Premier ministre, nous allons nous efforcer de clarifier les principes de financement des branches, selon qu'elles abritent des politiques de solidarité nationale ou qu'elles sont plutôt tournées vers la prise en charge de droits individuels contributifs.
Cette distinction entre les notions de droits contributifs et de solidarité nationale emporte en effet d'importantes conséquences concrètes pour les négociations sociales et pour les décisions relatives au financement de la protection sociale.
Le concept de « contributivité » peut simplement viser les régimes d'assurance dont le financement est assuré par des cotisations professionnelles ou bien refléter l'étroitesse des liens entre les contributions versées et les droits ouverts. En découlent les notions d'universalité et de redistribution. C'est pourquoi la distinction traditionnelle entre assurance et solidarité nous semble à la fois contingente et discutable.
La clarification qu'il nous est demandé d'opérer va nous amener à mesurer l'impact redistributif des prélèvements et des prestations en nous interrogeant sur leur universalité, car l'assiette du financement des branches maladie et famille, sans rompre le lien avec le principe contributif, a été élargie à l'ensemble des revenus. On a également affecté à ces branches un certain nombre d'impôts et de taxes. Enfin, des dépenses à la charge des collectivités locales se sont traduites par de nouveaux recours à la fiscalité.
Le rapport d'étape que nous remettrons en avril ou en mai prochain comportera donc, pour les différents risques sociaux, des scénarios exploratoires d'évolution en fonction des constats que nous aurons établis sur la « contributivité » et sur la redistribution. Dans le cadre de cet exercice, nous ne nous pencherons pas spécialement sur la branche famille. Les problèmes de la protection sociale doivent être abordés globalement, si l'on veut tenir compte des spécificités de certains risques, comme ceux de la dépendance, ou de l'articulation entre chômage et exclusion. Dans bien des domaines, les frontières entre assurance et solidarité se sont avérées fluctuantes au gré des besoins de financement. Nous allons approfondir, sur le plan technique, les particularités des différents risques et les modalités de la redistribution sociale, mais toujours dans une perspective globale.
Votre travail horizontal sur le financement de la protection sociale devant envisager différents scénarios, avec quel recul et selon quelle prospective entendez-vous les dérouler ? Nous avons en effet relevé quelques divergences entre l'option retenue par la Cour des comptes qui, inquiète d'un financement qu'elle qualifie de « brouillé » et de « fragile », étend sa perspective jusqu'en 2018 ou 2020, et celle de M. Bertrand Fragonard, président du Haut Conseil de la famille (HCF) qui, plus serein en raison de la dynamique des produits et des charges, va jusqu'en 2025. Quel est votre propre terme ?
Notre rapport d'étape, contenant des analyses historiques et institutionnelles, comportera aussi des comparaisons internationales en matière de redistribution et fera le point des ressources mobilisables, hors cotisations et contribution sociale généralisée (CSG), telles que les taxes environnementales et comportementales.
Nous engagerons parallèlement un exercice de projection, à moyen et à long terme, des besoins de financement. Des travaux sur ce thème auront alors été déjà remis, notamment par les autres hauts conseils, et nous ferons en sorte que les nôtres viennent les compléter. C'est ainsi que le Conseil d'orientation des retraites (COR) publiera ses propres projections le 19 décembre prochain, selon des hypothèses communes, sur la base desquelles les autres hauts conseils, dont le HCF, pourront s'appuyer. Le travail le plus lourd ressortira bien sûr de la branche maladie.
Je souhaite que, dans un souci d'homogénéité avec les travaux du Comité de politique économique européen, l'ensemble de ces projections vise l'horizon 2060, avec des étapes probablement décennales, en tout cas pour les risques vieillesse et santé, car il faut bien reconnaître que l'exercice est plus difficile pour la branche famille, puisque les dépenses résulteront de naissances à venir. La réunion du Haut Conseil qui se tiendra le 21 décembre prochain devrait lancer cette opération.
En juin 2013, nous examinerons les projections faites par le COR et nous en discuterons avec les partenaires sociaux. La question des intervalles de projections sera également abordée. Puis nous laisserons travailler le HCF et le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM), avant de procéder, à moyen comme à long terme, aux additions en fonction des différents scénarios retenus, c'est-à-dire à leur agrégation. Cela permettra de dégager le futur profil de l'ensemble de la protection sociale. Il nous reviendra aussi de procéder, dans un souci de cohérence, à des projections particulières dans les secteurs ne disposant pas d'un haut conseil, tels la dépendance, le chômage et l'exclusion.
À l'automne 2013. Ce sont les branches maladie et vieillesse qui posent les plus grandes difficultés dans la réalisation d'une synthèse générale, car il faut prendre en compte bien des éléments incertains, telles l'évolution du chômage et celle de la morbidité, et envisager une palette particulièrement large de scénarios possibles en fonction de l'évolution des dépenses hospitalières, qu'elles soient prises en charge par l'assurance maladie de base ou par les assurances complémentaires.
Le COR ayant alors produit ses scénarios, les projections relatives à la branche famille devraient être établies au premier trimestre 2013 sur la base des nouvelles hypothèses arrêtées en commun et permettre ainsi au HCFPS de procéder à l'agrégation voulue de façon transversale : il n'est pas question d'ajouter une superstructure de plus pour cela.
Nous espérons, en nous fondant sur la lettre du Premier ministre, clarifier le fait que, si le financement de la branche famille dépend moins des cotisations sociales et davantage de la CSG, cela n'implique pas forcément un allégement des cotisations des employeurs. On a eu tendance, en effet, à confondre le projet de TVA sociale du précédent gouvernement et une réduction des charges sociales. Le gouvernement actuel a proposé un allégement des cotisations, à hauteur de 20 milliards d'euros, par la voie fiscale. Cela doit-il se traduire, pour la branche famille, par un allégement supplémentaire ? Oui, si l'on a recours à d'autres types de recettes, par exemple une augmentation de la CSG ; non, si l'on vise la neutralité du partage des charges entre les entreprises et les ménages. Seule la réduction des cotisations pesant sur les employeurs peut avoir un effet macro-économique, faute de quoi il ne s'agit que de modifications institutionnelles et juridiques.
Tout cela confirme ce que je dis depuis longtemps. Ce n'est pas une réforme du financement de la protection sociale qu'il faut faire, mais deux : celle des cotisations salariales et celle des cotisations patronales. Dans ces conditions, avec le crédit d'impôt, les partenaires sociaux peuvent craindre de perdre leur contrôle sur la sécurité sociale.
Vous interdisez-vous de réfléchir à une budgétisation, au moins partielle, des dépenses de la branche famille ?
Nous ne nous interdisons rien a priori mais la notion de budgétisation me semble relativement imprécise au regard des impôts et taxes déjà affectés à la branche famille. Cela nous renvoie aussi, une fois de plus, à la nature juridique de la CSG, entre impôt et cotisation obligatoire. Mais les partenaires sociaux, que nous n'avons pas encore consultés sur ce point, ont probablement des points de vue disparates. Il n'en reste pas moins que l'universalisation du financement des charges de la branche famille va de pair avec un élargissement de l'assiette des financements à l'ensemble des revenus.
Jusqu'ici, on a plutôt réservé la budgétisation à des charges considérées comme relevant de la solidarité et non pas de l'assurance.
Nous savons bien que le financement de la protection sanitaire et sociale repose sur des mécanismes complexes faisant largement appel aux vases communicants entre branches comme entre régimes.
Je voudrais revenir sur ma question initiale : vous interdisez-vous certaines pistes de réforme du financement de la protection sociale ?
Établirez-vous des comparaisons européennes ?
Les membres du Haut Conseil peuvent tout évoquer à leur guise. Mais nous souhaitons prendre le temps nécessaire à une réflexion en profondeur, incluant les éléments historiques de la protection sociale, notamment de la branche famille, et les comparaisons européennes en matière de solidarité sociale.
Les scénarios exploratoires que nous établirons au printemps prochain pour les différentes branches appelleront d'autres demandes de la part des partenaires sociaux. Nous pourrons alors dessiner un panorama des positions prises par les uns et par les autres, qui retraceront inévitablement certaines divergences.
La présentation de scénarios à moyen et long terme en mai prochain sera-t-elle suivie d'une phase de préconisations concrètes ?
Nous traçons des perspectives, en fonction des scénarios correspondants, puis nous approfondissons certaines hypothèses. Élaborer des préconisations susceptibles d'inspirer le Gouvernement ne relève pas directement du rôle du HCFPS. Nous nous limitons, comme le COR, à éclairer les données du débat afin de faciliter les décisions du Gouvernement et du Parlement.
J'observe cependant que la lettre du Premier ministre du 6 novembre dernier vous demande de formuler des préconisations « sur les options d'évolution des assiettes de financement des différents risques ».
Essayant de rattraper un certain retard en matière de réflexion stratégique sur le financement de la protection sanitaire et sociale, il serait bon que ces préconisations soient connues suffisamment en avance sur le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Les différents hauts conseils feront connaître leurs projections en temps voulu. Nous agrégerons ensuite les données qui en résulteront.
La troisième des quatre missions figurant dans le décret du 20 septembre 2012 relatif au HCFPS consiste à « examiner l'efficacité des règles de gouvernance et d'allocation des recettes de l'ensemble du système de protection sociale de manière à assurer son équilibre pérenne ». De tels termes nous octroient une grande marge de manoeuvre tout en laissant entendre que nous devons nous situer dans le cadre du système existant.
Ma prudence provient de ce qu'il revient aux membres du HCFPS de décider quelles hypothèses ils souhaitent examiner et, éventuellement, retenir. Mais les différences d'appréciation qu'ils ont déjà exprimées rendent évidemment aléatoire le dépôt de préconisations de la part de l'institution sur la réforme du financement de la protection sociale. Les différents scénarios prospectifs feront inévitablement l'objet de divergences. Comme le COR pour les retraites, nous nous limiterons donc probablement à mettre en évidence des besoins de financement ainsi que certains problèmes particuliers, avant de procéder, par la suite, à l'évaluation des réformes intervenues entre-temps. N'attendons pas des hauts conseils qu'ils donnent plus que ce qu'ils ont.
Pourriez-vous cependant étudier l'idée d'un transfert des cotisations patronales sur une cotisation à la valeur ajoutée (CVA) ?
La lettre du Premier ministre encadre notre mission selon le principe de neutralité du partage des charges entre les ménages et les entreprises. L'étude de la CVA, que demanderont probablement les partenaires sociaux, pourrait s'y insérer. Mais elle a déjà été réalisée en 2006 par l'administration, à la demande du Président de la République de l'époque. Nous pourrons bien sûr vérifier si elle reste d'actualité. Elle portait notamment sur l'opportunité de transferts sectoriels, sur la prise en compte spécifique des très petites entreprises, enfin sur le problème plus global de la taxation du capital. Certains partenaires sociaux ont évoqué de nouveau les pistes ainsi tracées.
Il y eut également, en 2010, un rapport de notre collègue Yves Bur sur le financement de la politique de la famille, qui comportait des scénarios de transfert de financements.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire général, nous vous remercions d'avoir répondu à nos questions.
La MECSS procède ensuite à l'audition, ouverte à la presse, de M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, de Mme Valérie Corman, directrice de la protection sociale au Mouvement des entreprises de France, et de M. Pierre Burban, secrétaire général de l'Union professionnelle artisanale, sur les arrêts de travail et les indemnités journalières.
Madame, messieurs, soyez les bienvenus.
La Cour des comptes, dans une communication commandée sous la précédente législature et remise à la MECSS en juillet 2012, a analysé le système des indemnités journalières, dont la prise en charge, tant au titre des arrêts maladie que des accidents du travail, avoisine les 10 milliards d'euros. Ces dépenses considérables se caractérisent de surcroît par leur dynamisme, puisqu'elles ont augmenté de près de 47 % entre 2000 et 2010.
La dématérialisation des informations peut contribuer à rationaliser une organisation qualifiée de « complexe » par la Cour des comptes, qui pointe également l'hétérogénéité des statuts et des situations territoriales.
La communication évoque par ailleurs des zones d'ombre sur le financement des indemnités journalières complémentaires versées par les entreprises. Les représentants des employeurs que vous êtes sont-ils en mesure de nous fournir des données, même sommaires, en ce domaine ? Les intervenants que nous avons auditionnés jusqu'à présent n'ont pas été en mesure de nous communiquer de chiffres.
L'analyse de la part des indemnités journalières complémentaires versée par les employeurs est en effet essentielle à la compréhension du système des indemnités journalières, sur lequel la MECSS a demandé une communication à la Cour des comptes à la suite de l'instauration controversée de la journée de carence dans la fonction publique dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2012. Le sujet, en effet, est encore mal cerné : en plus d'une dépense dynamique, on constate des disparités entre les territoires et les prescriptions.
Des propositions seront donc formulées dans le rapport de la mission, en particulier sur l'égalité de traitement de cette prestation, nombre de travailleurs étant encore exclus du droit aux indemnités journalières.
Les arrêts de travail revêtent une importance particulière pour les employeurs au regard non seulement du financement de l'assurance maladie et de la part complémentaire des indemnités journalières, mais aussi de leurs incidences pour l'organisation du travail au sein de l'entreprise.
Nous partageons une grande partie des analyses de la communication que vous nous avez transmise, même si quelques préoccupations demeurent. La réglementation est effectivement d'une grande complexité : toute simplification serait appréciée, pour peu qu'elle ne se fasse pas au seul profit des caisses d'assurance maladie et au détriment des entreprises, avec une complexité accrue pour elles, voire une augmentation de leurs charges. De fait, on constate une tentation rampante, de la part de l'assurance maladie, d'accroître la part complémentaire des indemnités journalières assumée par les entreprises.
Celles-ci sont disposées à assumer la part qui leur revient dans la simplification, notamment à travers la dématérialisation des données et l'injection automatique des attestations de salaire, laquelle, avec un taux de transmission de 67 % à l'assurance maladie, a même dépassé les objectifs fixés dans la convention d'objectifs et de gestion (COG). Quant à la subrogation, elle représente une simplification pour les caisses, qui l'encouragent fortement, mais reste difficile à mettre en oeuvre pour les entreprises, en particulier les petites et moyennes entreprises (PME) et les très petites entreprises (TPE). Elle peut s'inscrire dans le cadre de la déclaration sociale nominative (DSN), mais doit à notre sens rester facultative.
Le MEDEF accompagne les entreprises qui s'engagent dans la première phase de la DSN : il y est donc favorable, mais à condition, là encore, qu'elle se traduise par une simplification pour les entreprises.
En plafonnant à 1,8 SMIC l'assiette de calcul des indemnités journalières, le décret du 26 décembre 2011 a représenté un désengagement de la sécurité sociale, qui sera compensé par une augmentation de l'indemnisation complémentaire à la charge de l'employeur.
En tout état de cause, nous ne disposons pas de données chiffrées sur les dépenses afférentes au financement des indemnités complémentaires que nous versons.
Je ne suis pas sûre que nous en ayons les moyens ; mais je m'engage à vous communiquer celles que nous aurions pu obtenir via la mise en oeuvre de la DSN, même s'il nous est déjà difficile d'évaluer l'engagement des entreprises, qui relève souvent d'accords collectifs.
Notre second axe principal de réflexion concerne l'harmonisation et la régulation des pratiques médicales. Nous avons constaté, depuis longtemps, pour la durée des arrêts liés à une même pathologie, des disparités d'une région ou d'un praticien à l'autre. Les travaux de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) le confirment aujourd'hui, en évoquant par exemple les opérations du canal carpien. La diffusion de bonnes pratiques est donc nécessaire, et le rôle de la Haute Autorité de santé doit être accru en ce domaine.
S'agissant des contrôles, la Cour des comptes recommande des efforts accrus de la part des caisses dans la prochaine COG. Le MEDEF y est bien entendu favorable, de même qu'à la prise en compte, par voie conventionnelle, des arrêts de travail dans les modes de rémunération des médecins. La question des arrêts de travail, au demeurant, se pose aussi pour les médecins hospitaliers, dont les pratiques en la matière manquent de transparence.
Vaste sujet ! Leur efficacité est très limitée, car ils permettent la suspension du versement de l'indemnité complémentaire par l'entreprise, mais non celle du versement de l'indemnité journalière par l'assurance maladie ; pourtant, entreprises et assurance maladie ont un même intérêt à empêcher les abus. L'avis, même lorsqu'il se résume à un constat d'absence du salarié à son domicile, n'est pour ainsi dire jamais transmis dans les 48 heures au service du contrôle médical, et, quand il l'est, il n'est suivi d'aucun effet. Un ajustement réglementaire nous semble donc nécessaire, au moins pour les constats d'absence, puisqu'ils ne contiennent aucune information médicale.
L'entreprise dispose tout de même de la possibilité de suspendre le versement de l'indemnité complémentaire. Avant d'en appeler à une évolution, qui au demeurant peut être nécessaire, n'auriez-vous pas intérêt à mieux évaluer le dispositif, son utilisation par les entreprises et les possibilités qu'il vous offre ?
De fait, peu d'entreprises y recourent.
La publicité dont il fait l'objet est sans doute insuffisante, même si nous rappelons son existence aux entreprises. Celles-ci sont réticentes à faire contrôler leurs salariés, d'autant qu'elles endossent ce faisant le mauvais rôle, puisque les contrôles restent sans effet auprès de l'assurance maladie.
Certes, mais les entreprises mandatent des praticiens pour réaliser ces contrôles. Le dispositif ayant un coût, il serait justifié que vous l'évaluiez, notamment au regard de ce qu'il peut rapporter : quelle est sa pertinence ? A-t-il un effet dissuasif ?
Les représentants des entreprises concernées pourront sans doute vous fournir des données chiffrées ; les nôtres restent qualitatives, et témoignent d'une déception par rapport à ce dispositif.
Les contrôles sont efficaces pour la suspension de l'indemnité complémentaire, mais les indemnités journalières, elles, continuent d'être versées. Nous regrettons que l'initiative des entreprises, qui n'est pas facile du point de vue social, ne soit pas mieux relayée au niveau des organismes de sécurité sociale.
La maîtrise médicalisée en entreprise, conduite sous l'égide de la CNAMTS, permet le suivi des indemnités journalières au sein des entreprises. Dans le même esprit la CNAMTS, dans un rapport sur les charges et produits, avait proposé de lier la tarification applicable aux entreprises au nombre d'arrêts maladie. Nous sommes très réservés sur cette mesure : si un tel lien se justifie pour les arrêts consécutifs à des accidents du travail ou des maladies professionnelles, la responsabilité de l'entreprise ne saurait s'étendre aux arrêts maladie sans lien avec l'environnement professionnel. Celui-ci, d'ailleurs, n'est pas forcément en cause dans les différences constatées, s'agissant du nombre d'arrêts de travail, d'un secteur ou d'un territoire à l'autre.
La question se pose en effet de savoir si les conditions de travail peuvent favoriser l'apparition de certaines pathologies.
Je ne nie pas l'intérêt de la question ; mais le risque, à notre sens, réside dans la systématisation de ce lien. Les épidémies de grippe, par exemple, n'ont aucun rapport avec la nature de l'activité professionnelle. Nous sommes favorables aux expérimentations de maîtrise médicalisée en entreprise, mais sur la base du volontariat et d'une concertation entre la caisse primaire et les entreprises.
Il serait intéressant, pour une organisation comme la vôtre, de mieux cerner l'impact des conditions de travail.
Nous ne sommes pas opposés à l'expérimentation volontaire.
Nous n'avons pas suffisamment de remontées, à ce stade, pour en tirer des conclusions.
Je souscris à l'essentiel des propos de madame Valérie Corman.
Sur les dépenses résultant des indemnités journalières, nous avons pu constater un ralentissement en 2011, et une baisse de 0,4 % au cours des cinq premiers mois de 2012 – ramenée à - 0,2 % selon les derniers chiffres de la CNAMTS. Il convient donc de relativiser certains articles parus dans la presse : la baisse, si elle se confirme, restera très limitée.
Depuis une quinzaine d'années, tout plan d'économies, dans le domaine de l'assurance maladie, entraîne une diminution des dépenses relatives aux indemnités journalières pendant un ou deux ans, puis, inévitablement, ces dépenses repartent à la hausse. La répétition de ce phénomène, qui s'apparente au mythe de Sisyphe, provoque l'ire ou la lassitude de nos ressortissants, comme il devrait les provoquer chez tous les responsables. Pour paraphraser Shakespeare, il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark : les mauvaises habitudes, d'abord contrariées par la peur du gendarme, reprennent de plus belle jusqu'au plan d'économies suivant. Ces évolutions irrégulières ne sont pas acceptables.
Par ailleurs, selon certaines études, le nombre d'arrêts maladie varie du simple au double d'un département à l'autre. Les causes peuvent être diverses, de l'intensité des contrôles aux pratiques de prescription, en passant par les malades eux-mêmes – pour un quart seulement du phénomène. De telles différences ne sont pas acceptables non plus pour nos ressortissants ; elles pourraient même conduire à s'interroger, si l'on voulait utiliser de grands mots, sur l'unité de la République.
Les rapports de la Cour des comptes contiennent beaucoup d'observations pertinentes et, parfois, quelques inexactitudes. En l'occurrence, nous partageons l'essentiel de ses recommandations sur les indemnités journalières, en particulier celle qui invite à « généraliser » et à « amplifier les actions de responsabilisation du corps médical, notamment en intégrant dans la rémunération à la performance des médecins libéraux un objectif de respect du référentiel de prescription et en mettant sous contrainte de régulation les médecins hospitaliers, en particulier les gros prescripteurs ». Cette mesure nous semble logique et faisable, avec un peu de volonté.
En résumé, il convient, ici comme ailleurs, de définir une politique globale et de s'y tenir, d'autant qu'il existe des solutions claires. Si l'on a, en France, le goût et l'art de la théorie, le passage à la pratique est parfois difficile, y compris dans des domaines tels que celui-ci. Avant la réforme de la CNAMTS en 2004, M. Frédéric Van Roekeghem, alors directeur de cabinet du ministre de la santé, nous avait affirmé que le contrôle général, au niveau de la CNAMTS, était source de difficultés. Devenu directeur général de cet établissement, nous saluons sans réserve son action, mais force est de constater que le responsable du contrôle général est demeuré à son poste pendant des années, et que le contrôle n'a pas été privilégié, compte tenu de l'urgence accordée à d'autres sujets. Il est temps de l'ériger de nouveau en priorité, car l'oubli empêche l'action.
Les politiques de rigueur budgétaire, disait le regretté président Philippe Séguin, ressemblent aux régimes alimentaires : dès qu'on relâche l'effort, les graisses s'accumulent. (Sourires.)
Je partage les analyses de madame Valérie Corman et de monsieur Georges Tissié, même si je veux insister sur les progrès réalisés en matière de contrôle. Des améliorations restent sans doute à réaliser, mais les partenaires sociaux abordent désormais la fraude aux prestations – et non plus seulement aux cotisations – avec moins de réticences que par le passé.
Sous la précédente législature, la MECSS a formulé, à l'unanimité de ses membres, des préconisations qui ont permis ces progrès, qu'il s'agisse d'ailleurs des cotisations ou des prestations, les premières représentant les trois quarts des fraudes et les secondes seulement un quart, sur un total de quelque 20 milliards d'euros. De surcroît, ces fraudes sont étroitement liées à la fraude fiscale.
S'agissant des indemnités journalières, les pratiques relèvent moins de la fraude que de l'abus.
J'évoquais des « fraudes », mais il s'agit plutôt d'abus, en effet.
Il n'en est pas moins vrai que, comme l'a noté monsieur Geroges Tissié, sans une volonté réaffirmée, l'effort se relâche et les dérives reprennent. La communication doit être améliorée, et de façon constante – puisqu'un premier effort avait été engagé il y a quelques années. Sur ces questions, une réorganisation interne de la CNAMTS nous semble également nécessaire.
Le budget de la protection sociale doit financer en priorité le versement des prestations plutôt que le fonctionnement des organismes. Le contrôle pourrait être l'occasion de redéployer les moyens de ces organismes, afin de mieux les ajuster aux objectifs, notamment au regard des différents métiers.
La CGPME et l'UPA ont-elles fait une estimation des sommes versées par les entreprises au titre de la part complémentaire des indemnités journalières ?
Non.
L'UPA ne dispose pas non plus de cette estimation.
Il ne nous est pas possible de faire remonter des statistiques précises en ce domaine, qui ne correspond pas à notre mission.
J'entends bien, mais l'importance de la couverture complémentaire aurait pu susciter, de votre part, la nécessité de la chiffrer. Cela permettrait aussi de mesurer l'éventuelle influence du système sur l'absentéisme au travail ; l'instauration des jours de carence s'inscrit d'ailleurs dans cette philosophie. Les organisations d'employeurs auraient un avantage bien compris à mener de telles études.
Les caisses primaires d'assurance maladie peuvent procéder à des contrôles pour les fonctionnaires.
Malgré nos demandes, la CNAMTS ne nous a fourni aucun élément d'appréciation sur l'expérience en cours : peut-être faudrait-il interroger M. Frédéric Van Roekeghem sur ce point.
L'expérimentation ayant été lancée en 2010 – soit avec 18 mois de retard pour la fonction publique d'État, et plus encore pour les fonctions publiques territoriale et hospitalière, où elle vient seulement de débuter –, nous disposons de quelques éléments ; mais il convient de la prolonger pendant deux ans pour compléter l'évaluation et y intégrer, notamment, l'impact de l'instauration de la journée de carence dans la fonction publique.
Nos ressortissants ne comprennent pas qu'il y ait de telles variations, en matière de contrôle, d'un département à l'autre, alors même que ces départements ne sont pas forcément très différents. Nous n'avons jamais obtenu de réponse à cette question, qui pourrait être réglée assez rapidement. Un récent article de presse indiquait par exemple que les arrêts de travail sont contrôlés à hauteur de 10 % dans la Mayenne, contre 17 % dans la Nièvre.
Sans vouloir anticiper sur la réponse des organismes compétents, l'analyse doit tenir compte de multiples critères, tels que la démographie, la pyramide des âges, le taux d'activité ou les facteurs de risques liés à des spécificités territoriales. Cela ne justifie en rien des écarts allant parfois du simple au double, mais l'on ne peut se contenter de chiffres bruts.
J'en suis d'accord, mais si l'on mettait l'accent sur ce problème, cela enverrait un signal.
Quelle est votre analyse sur la DSN et la subrogation, qui, sans une période d'adaptation suffisante, pourrait, selon Mme Valérie Corman, être source de complexité pour les entreprises ? La dématérialisation des données vous semble-t-elle susceptible de faciliter la gestion et les échanges entre les entreprises et les caisses d'assurance maladie ?
Dans son principe, l'idée de la DSN nous semble intéressante, mais le passage d'un rythme trimestriel à un rythme mensuel pour transmettre des données risque de poser de sérieuses difficultés aux très petites entreprises, à commencer par celles de moins de 10 salariés. Il en va de même, d'ailleurs, pour un changement de périodicité identique dans le versement des cotisations. Notre demande principale est donc de garder le rythme trimestriel, au moins pour les entreprises de moins de 10 salariés.
La longueur des délais est toujours une source de difficultés ; mais il faut évidemment tenir compte de l'application de la mesure sur le terrain.
Par ailleurs nous préférerions, comme le MEDEF, que la subrogation se fasse sur la base du volontariat.
Officiellement, l'UPA n'est pas opposée à la DSN (Sourires), pourvu qu'elle soit effectivement un outil de simplification, ce dont nous attendons toujours la preuve. Nous sommes habitués, depuis vingt ans, au mirage de la déclaration unique.
Cependant, outre le problème de la périodicité, beaucoup d'entreprises de moins de 10, voire de 20 salariés, ne dématérialisent pas les échanges de données. La mesure est un progrès, mais elle nous inquiète par son calendrier : en principe, les entreprises volontaires peuvent l'appliquer dès le 1er janvier 2013. Or les textes réglementaires ne sont toujours pas prêts.
J'ajoute que la DSN constitue une vraie révolution, non seulement pour les déclarants, mais aussi pour les organismes de sécurité sociale. On a souvent tendance à croire, dans notre pays, qu'une fois la loi votée et les décrets publiés, tout est réglé, alors que c'est précisément le moment où tout commence.
C'est la raison d'être de la MECSS, qui examine les déclinaisons opérationnelles des textes de loi, afin de rationaliser au mieux la dépense publique ; en d'autres termes, sa spécialité réside dans l'audit et le contrôle des dispositions législatives sur le terrain, seul critère de leur crédibilité.
L'instauration du Régime social des indépendants (RSI) et celle de l'Interlocuteur social unique (ISU), utiles et nécessaires, ont révélé les carences en ce domaine : une fois ces réformes votées et les décrets d'application publiés, aucun pilotage n'a suivi. La même difficulté s'est posée lors du basculement des cotisations d'assurance chômage de l'UNEDIC à Pôle emploi, puis de Pôle emploi aux URSSAF. Si certains, qui n'étaient pas partie prenante de ces réformes, ne s'étaient pas intéressés à la mise en oeuvre opérationnelle de ces réformes, elles n'auraient jamais abouti. Certains problèmes relatifs au RSI et à l'ISU, d'ailleurs, ne sont toujours pas réglés.
S'agissant de la DSN, la généralisation interviendra à partir du 1er janvier 2016, soit trois ans d'expérimentation. Un réel accompagnement est indispensable, notamment pour les TPE, y compris au niveau de leurs équipements informatiques. Nous ne sollicitons bien entendu aucune dérogation : l'expérimentation doit concerner toutes les entreprises. Les grands groupes disposent des moyens pour accueillir le dispositif, mais je rappelle que 98 % des entreprises françaises emploient moins de 50 salariés, et 92 %, moins de 20. N'oublions pas non plus que la majorité des salariés travaillent dans des entreprises qui comptent moins de 50 salariés.
Les groupements d'intérêt public « Modernisation des déclarations sociales » (GIP-MDS) effectuent ce travail d'accompagnement, sur la base d'un partenariat entre les caisses et les partenaires sociaux, mais je ne suis pas sûr que cela suffira. La Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) devra aussi s'adapter à ce nouvel outil, alors qu'elle doit mettre en oeuvre d'autres réformes.
Encore une fois, la DSN simplifiera la tâche des organismes et permettra des économies de gestion. Elle peut aussi être bénéfique pour les plus petites entreprises, pourvu qu'elles soient accompagnées ; mais les délais prévus me semblent bien courts : comme cela l'a été avec l'ISU, plus de trois ans sont nécessaires pour rendre opérationnel un circuit informatique digne de ce nom.
Dans mon intervention liminaire, je vous ai fait part de notre déception quant à l'efficacité du contrôle de la part des employeurs. Je ne veux pas que mes propos soient mal interprétés : nous sommes attachés à la « contre-visite » ; nous souhaitons seulement qu'elle soit améliorée.
Nous nous y efforcerons, même si un tel travail relève plutôt, par exemple, des compétences de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) du ministère chargé des affaires sociales.
Inciter les représentants des entreprises à mener ces évaluations fera sans doute partie de vos préconisations, madame la rapporteure.
Cette absence d'évaluation par les organisations que vous représentez ne laisse pas de m'étonner, en effet. Vous semblez attendre beaucoup des caisses, qui ont sans une charge de travail importante ; mais votre connaissance des outils à votre disposition semble déficiente, qu'il s'agisse de leur efficacité ou de leur mise en oeuvre par les entreprises.
Depuis des années, nous informons nos mandataires, dans les réunions régionales ou nationales, que les CPAM doivent disposer d'éléments statistiques relatifs aux arrêts de travail et aux indemnités journalières ; or, selon eux, les caisses refusent de les leur transmettre, ce qui nous conduit, inlassablement, à leur répéter d'insister. Je ne prétends pas que la rétention d'information soit volontaire, mais nous sommes bien obligés de constater l'absence de telles données au niveau territorial. Que les CPAM ne veuillent ou ne puissent les fournir, comment les PME que nous sommes, nous organisations professionnelles, pourraient-elles le faire car contrairement à la CNAMTS, nous ne disposons pas des moyens humains et matériels.
Enfin, sur la DSN, notre inquiétude principale, je le répète, concerne la périodicité des données. Il pourrait être envisagé, d'ailleurs, de conserver la périodicité trimestrielle pour les entreprises de plus de 10 salariés. En l'absence de structure pour les accompagner, la grande majorité des PME souhaitent un délai plus important pour sa mise en oeuvre, les réformes successives, pour lesquelles nous avons une part de responsabilité, ayant par ailleurs alourdi leurs contraintes administratives.
Ne manquez pas de nous transmettre les évaluations dont vous pourriez disposer : même si les caisses doivent faire preuve de coopération, ces données vous seraient utiles, je le répète, ne serait-ce que pour mieux connaître les droits offerts aux entreprises.
Je ne suivrai pas notre rapporteure sur cette dernière incitation ; en revanche, une évaluation de l'utilisation des indemnités complémentaires par les entreprises me semble utile, d'autant que la façon dont celles-ci interviennent dans le dialogue social peut avoir un impact important sur les comportements. Sans vous demander une exhaustivité statistique, nous sommes intéressés par des informations plus précises.
Nous allons solliciter le Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP).
Cette évaluation nous semble tout à fait nécessaire. En effet, elle permettrait d'éclairer des zones d'ombre, sur des questions qui ont une réelle incidence financière et intéressent la compétitivité des entreprises.
Quand souhaitez-vous recevoir ces éléments ?
Cela nous serait utile pour la fin du mois de janvier prochain.
Je vous rappelle aussi que nous sommes ouverts à toute suggestion permettant d'améliorer le système, qu'il s'agisse de modifications législatives ou même réglementaires, puisque la MECSS a toute légitimité pour peser, au besoin, sur les différentes administrations.
La MECSS procède enfin à l'audition, ouverte à la presse, de M. Michel Brault, directeur général de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, accompagné de M. Franck Duclos, directeur de la santé, et de M. Christophe Simon, chargé des relations parlementaires, ainsi que de M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, accompagné de M. Olivier de Cadeville, directeur délégué aux opérations, et de Mme Véronika Levendof, responsable de la mission relations avec le Parlement et veille législative, sur les arrêts de travail et les indemnités journalières.
Nous sommes heureux de vous accueillir pour cette audition qui fait suite à la publication de la communication de la Cour des comptes consacrée aux indemnités journalières versées au titre de la maladie par le régime général de la sécurité sociale, qui avait été demandé par la MECSS.
La Cour a souligné l'importance de ces dépenses qui sont, de plus, en forte augmentation ; elle a également mis en évidence le caractère complexe de la réglementation, qui nécessite de ce fait une simplification, mais aussi de grandes disparités territoriales. Nous avons auditionné, à l'instant, les représentants des employeurs, qui souhaitent cette simplification, tout en l'estimant difficile à mettre en oeuvre rapidement.
La Cour constate également le retard pris par l'expérimentation du contrôle des arrêts de travail pour les trois fonctions publiques. Cette absence d'évaluation paraît pour le moins préoccupante.
La mutualité sociale agricole (MSA) gère deux régimes : celui des salariés agricoles, qui aujourd'hui sont les seuls à percevoir des indemnités journalières, et celui des exploitants agricoles, qui en bénéficieront à partir du 1er janvier 2014.
Soumise à la même réglementation que la CNAMTS, la MSA ne verse que 3 % à 3,5 % du total des indemnités journalières, ce qui représente en 2011 environ 7,8 millions de jours indemnisés, soit 228 millions d'euros. L'indemnité journalière moyenne s'élève à 29,20 euros.
Les indemnités journalières ont décru régulièrement entre 2006 et 2008 ; depuis 2009, nous constatons une augmentation de 2 % par an du nombre des arrêts.
Aujourd'hui, 52 % environ des arrêts de travail sont d'une durée inférieure à 15 jours ; 25 % sont supérieurs à 45 jours qui représentent la masse financière la plus importante. Si l'on s'intéresse à la population globale des salariés agricoles, on constate que 11 % d'entre eux bénéficient d'un arrêt dans l'année ; toutefois, cette donnée est quelque peu faussée par le grand nombre d'emplois saisonniers : rapportés au nombre d'équivalents temps plein, on estime plutôt ce nombre à 27 %.
Les trois quarts de ces salariés ne bénéficieront que d'un seul arrêt de travail dans l'année ; en revanche, 7 % seront arrêtés au moins trois fois. C'est évidemment sur ces derniers que nous concentrons nos contrôles.
J'insisterai rapidement sur quelques particularités de la MSA par rapport au régime général. En premier lieu, nous sommes un guichet unique : la MSA gère l'ensemble des branches de la sécurité sociale – maladie, famille, vieillesse… – et nous sommes en relation avec les employeurs pour les cotisations. Nous encourageons donc la conclusion de conventions entre les caisses de la MSA et les employeurs pour utiliser directement les attestations de salaires, ce qui nous permet d'améliorer la qualité de service, mais aussi d'accélérer la procédure de liquidation des indemnités journalières. Dans les entreprises qui ont signé une telle convention, le délai de paiement des indemnités journalières est de 29 jours, contre 42 jours dans les autres entreprises. Ces déclarations des employeurs constituent également pour nous un instrument de contrôle et de lutte contre la fraude.
La MSA paye également, en sus des indemnités journalières obligatoires, des indemnités journalières complémentaires pour le compte notamment d'institutions de prévoyance, en particulier Agrica. Nous disposons ainsi de conventions nationales pour le secteur du paysage ou de l'accouvage par exemple.
En deuxième lieu, le contrôle médical comme la médecine du travail sont intégrés à la MSA – sans oublier évidemment les travailleurs sociaux et les médecins de prévention. Cette particularité facilite la concertation et aboutit souvent à une reprise du travail planifiée ou anticipée, en relation avec l'employeur. Celui-ci relevant également de la MSA, les relations sont grandement simplifiées.
Nous organisons d'ailleurs le 1er février, à l'Institut national de médecine agricole, à Tours, un colloque intitulé « Arrêts de travail : de l'analyse à la reprise », auquel nous avons convié l'ensemble de nos médecins conseils et de nos médecins du travail.
S'agissant de la lutte contre la fraude, enfin, nous avons, en 2012, réalisé une opération de data mining ou d'exploitation de données dont les résultats se sont révélés décevants : nous n'avons pu dégager aucun élément probant. Nous avons simplement mis en évidence deux profils pour lesquels la fraude serait légèrement plus fréquente : les salariés à temps partiel et les salariés domiciliés chez une autre personne.
Je souligne que notre effectif est limité – 217 médecins conseils et 453 agents administratifs.
Nous agissons contre la fraude en amont d'abord : nous retournons systématiquement à l'assuré les formulaires d'arrêts de travail pour lesquels ne figure pas le motif médical de l'arrêt, soit environ 0,9 % des arrêts. Dans 90 % des cas, le salarié nous retourne le formulaire correctement complété : néanmoins, dans 10 % des cas, ce formulaire n'est pas renvoyé.
Nous concentrons notre action sur les arrêts répétés : à partir de trois arrêts, nous envoyons une lettre de mise sous surveillance. Si un quatrième arrêt survient dans les six mois suivants, nous convoquons systématiquement l'assuré, ce qui arrive dans 14 % des cas.
Nous exigeons aussi, de façon plus administrative, le respect des délais d'envoi : 3 % des arrêts nous parviennent hors délai, et dans ce cas nous mettons en place une procédure de sanction.
Nous surveillons également les prolongations d'arrêts prescrites par un médecin différent de celui qui a prescrit l'arrêt initial, ce qui représente toutefois que 1 % de la masse.
Compte tenu de nos relations avec les employeurs, nous diligentons systématiquement un contrôle lorsqu'un arrêt suspect nous est signalé par l'employeur, ou lorsque nous recevons l'avis d'un médecin mandaté par l'employeur. Dans 75 % des cas signalés par les employeurs, nous constatons que l'arrêt est justifié ce qui signifie qu'a contrario, 25 % ne le sont pas.
La communication de la Cour des comptes est très intéressante et contient des pistes prometteuses. Je reprends toutefois certains éléments généraux sur lesquels il me semble que la Cour n'insiste pas suffisamment.
Si la dépense des indemnités journalières progresse, c'est d'abord, il faut en être conscient, parce que les salaires eux-mêmes augmentent. L'évolution du nombre de jours d'arrêts de travail me paraît donc une donnée plus intéressante que l'évolution du montant des indemnités journalières, qui peut impressionner s'il est pris hors contexte. Un excellent graphique figurant dans la communication de la Cour des comptes montre l'effet du renforcement important des contrôles. La Cour semble d'ailleurs hésiter sur l'interprétation à donner à ce facteur, il faut, je crois, retenir l'étude de la DREES, qui confirme les nôtres : une part non négligeable de la diminution du nombre de jours d'arrêts maladie entre les années 2003 et 2007 provient de l'augmentation des contrôles.
En 2007 – année du point le plus bas – il y a eu moins d'arrêts qu'en 2002. Le nombre d'arrêts maladie a légèrement augmenté de nouveau par la suite mais, en 2011, on constate toujours un montant inférieur d'indemnités journalières par rapport à 2003. En 2012, d'après les éléments dont nous disposons, ce montant devrait même décroître. Il faut donc rester prudent lorsque l'on examine ces chiffres.
Nous avons, pour des raisons d'efficacité, concentré nos contrôles sur les arrêts qui occasionnent les plus fortes dépenses, qui sont d'abord les arrêts longs, comme l'expliquait monsieur Michel Brault. 80 % de la dépense en indemnités journalières correspond à des arrêts de plus d'un mois, et 40 % à des arrêts de plus de six mois. Les arrêts de moins de 8 jours, à l'inverse, coûtent 300 millions d'euros, soit moins de 5 % de la dépense. C'est dire combien il est crucial de disposer de procédures de contrôle efficaces.
C'est dire également combien il est important de consolider les arrêts de travail, notamment lorsque le salarié se trouve malheureusement de façon évidente en situation d'invalidité. La Cour des comptes pointe la nécessité de maîtriser ce processus, notamment d'un point de vue territorial, car il existe de grandes disparités géographiques. Contrairement à ce qui se passe pour les arrêts de travail, toutefois, la réglementation de l'invalidité est très peu précise sur la mise en oeuvre de la consolidation : c'est l'une des causes de l'hétérogénéité que nous constatons, et que nous travaillons à réduire.
La croissance de la dépense elle-même est concentrée sur les arrêts de longue durée : 50 % de la croissance en 2011 concerne les arrêts longs de 1 à 6 mois, et 45 % pour les arrêts de plus de 6 mois. Pour les arrêts de moins de 30 jours, la croissance n'est que de 3,5 %. Il convient donc d'agir sur ces arrêts longs et sur le processus de retour à l'emploi. À l'évidence, nous ne pouvons pas omettre de contrôler les arrêts courts : la nouvelle lettre-réseau que nous avons diffusée en mai 2012 prévoit le contrôle systématique des arrêts courts itératifs par des procédures automatisées, afin de réduire les coûts – une telle mesure était d'ailleurs recommandée par la Cour des comptes.
L'évolution de l'âge des bénéficiaires explique aussi, pour une part importante, la croissance des arrêts maladie. Il est d'ailleurs vraisemblable que la réforme des retraites et donc l'allongement de la durée de l'activité aura un effet sur les arrêts maladie.
En 2011, le nombre de personnes de moins de 30 ans ayant bénéficié d'un arrêt maladie a diminué de 7 % ; à l'inverse, le nombre de personnes âgées de plus de 50 ans ayant bénéficié d'un arrêt maladie a augmenté de 8,5 %, et plus précisément de 12 % entre 55 et 59 ans, et de près de 30 % au-delà de 60 ans.
À 30 ans, la durée d'un arrêt est en moyenne de 20 jours ; à 40 ans, de 30 jours ; à 55 ans, de 40 jours ; à 60 ans, de 50 jours ; au-delà de 60 ans, de 70 jours. Les évolutions de la structure démographique, avec un vieillissement de la population, ainsi que la réforme des régimes de retraite, et donc l'allongement de la vie professionnelle, entraînent donc des effets importants sur le nombre des arrêts maladie.
Lorsque la Cour des comptes a rédigé sa communication, nous ne disposions pas encore de données sur les pathologies. Les arrêts supérieurs à 6 mois concernent principalement les pathologies ostéo-articulaires et les troubles mentaux – dépression en particulier ; viennent ensuite les traumatismes, et plus marginalement les tumeurs cancéreuses. Cinq groupes de pathologies étaient, en 2011, responsables de 85 % des arrêts de travail de plus de 6 mois.
Il est donc essentiel – et la Cour des comptes a salué nos efforts – de développer des référentiels, qui permettent d'harmoniser et d'objectiver les conditions de prescription. Pour certaines pathologies – épisodes dépressifs légers par exemple –, le retour au travail est d'ailleurs souvent conseillé dans les référentiels disponibles dans différents pays.
Une hospitalisation – médecine, chirurgie, obstétrique – explique 38 % des arrêts entre 1 et 3 mois et 41 % des arrêts de 3 à 6 mois. Il faut donc nous pencher sur les processus de soins liés à l'hospitalisation, notamment les arrêts de travail avant l'hospitalisation, et inversement sur la reprise du travail après l'hospitalisation. Nous avons donc, là encore, développé des référentiels qui permettent d'objectiver les durées d'arrêt consécutives aux principales opérations ostéo-articulaires.
La chirurgie ambulatoire est, on le sait, très peu développée dans notre pays ; pourrait-elle permettre de diminuer le nombre de jours d'arrêt maladie ?
Effectivement : pour l'opération du canal carpien, par exemple, on estime qu'une meilleure organisation des soins, à savoir des délais d'attente raccourcis et un respect des référentiels, permettrait de faire baisser les coûts de 20 %.
La Cour nous reproche de ne pas avoir intégré, dans la rémunération sur objectifs de santé publique, le respect des référentiels. Nous y avons réfléchi et il est judicieux que la Cour s'interroge. Toutefois, une grande partie des fiches-repères que nous avons développées en guise de référentiels concernent des opérations chirurgicales ; or, nous n'avons pas encore contractualisé d'objectifs de santé publique avec les chirurgiens. Nous espérions que la négociation sur l'avenant n° 8 à la convention médicale nous permettrait d'initier le processus en entamant le dialogue sur ce point avec la profession chirurgicale, mais cela n'a pas été le cas.
D'autre part, ces dispositifs doivent être bien compris et bien acceptés tant par les professionnels que par les patients : si nous avions intégré ces objectifs tout de suite, certains auraient pu considérer que la rémunération sur objectifs des médecins n'était qu'un moyen de diminuer les droits des patients. De telles réticences mettraient en danger cette réforme, dont la réussite nous paraît indispensable.
À moyen terme, ces référentiels seront bien connus des assurés comme des médecins – qui y sont favorables, puisqu'ils permettent d'objectiver la prescription –, et nous espérons alors avoir le soutien des pouvoirs publics, de la communauté médicale et des patients pour les développer et, pourquoi pas, pour en mesurer le respect.
Depuis la publication de la communication de la Cour, nous avons aussi progressé sur le déploiement du système de téléservice dématérialisé pour les arrêts de travail auprès des médecins : nous atteindrons les 10 % à la fin de cette année. L'arrêt de travail « en cinq clics » est en effet beaucoup plus ergonomique que le précédent. De plus, les chiffres précédents étaient faussés car ils intégraient les 20 % de prescriptions d'arrêt maladie à l'hôpital, alors que les médecins hospitaliers n'ont pas accès à ce téléservice.
S'agissant de l'absentéisme, j'observe que, au cours des précédentes auditions, nous avons été frappés par la méconnaissance des conditions de prise en charge par les garanties complémentaires des entreprises. Ce facteur paraît très difficile à évaluer, alors qu'il peut influer fortement sur l'absentéisme.
Vous nous interrogez également sur le contrôle des arrêts maladie des fonctionnaires de l'État, des collectivités territoriales et de la fonction publique hospitalière. Force est de reconnaître qu'aujourd'hui, la grande majorité des arrêts qui nous arrivent pour être contrôlés sont échus. Le retard est le plus important pour la fonction publique d'État, puis pour les collectivités territoriales, et enfin dans les hôpitaux, dont la gestion semble plus efficace.
Lors du dernier comité de pilotage, il y a quelques mois de cela, nous avons souligné les difficultés que nous rencontrons pour contrôler les arrêts maladie des fonctionnaires, notamment pour les arrêts de plus de 45 jours consécutifs et lorsqu'une même personne est arrêtée plus de 3 fois dans l'année. Nous recevons, grâce à l'outil de saisie, un nombre relativement élevé d'arrêts de travail – presque 75 000 en 2011, et, au jour d'aujourd'hui, 43 000 en 2012. Mais les données inexploitables sont extrêmement importantes : 78 % de ces arrêts l'année dernière, 72 % cette année sont déjà échus, empêchant tout contrôle. La fonction publique territoriale n'a commencé cette saisie que cette année, et bien que le taux d'arrêts échus soit moins élevé, il est tout de même de 69 %. Pour la fonction publique hospitalière, il s'élève à environ 50 %.
Les préfets présents à cette réunion faisaient part des difficultés de transmission entre les services gestionnaires de paie et les administrations à proprement parler.
Pour la fonction publique d'État, une fois écartés les arrêts échus, 2 500 arrêts entrent dans les critères retenus pour le contrôle, à savoir des arrêts de 45 jours ou quatrième arrêt itératif. Parmi ces derniers, environ 1 100 ne peuvent pas être contrôlés, soit parce que l'adresse est erronée, soit parce que l'arrêt prend fin, ou parce que la résidence se situe hors du département. Nous avons donc effectué 1 390 contrôles, soit à peine plus de 3 % des arrêts qui ont été saisis.
Devant de tels chiffres, on ne peut qu'être interloqué ! La transmission de ces données paraît pourtant simple, comme le respect des délais. De plus, il semble que les administrations ne prennent aucune sanction, même lorsqu'un abus est constaté. Quelles mesures envisagez-vous ?
Pour la fonction publique d'État, les éléments dont nous disposons montrent que 61 arrêts non justifiés médicalement ont été identifiés : ils ont donné lieu à 10 mises en demeure par l'administration, et 10 reprises spontanées du travail ont eu lieu. Pour les 185 fonctionnaires qui ne se sont pas rendus à la convocation, il y a eu une mise en demeure et 79 reprises spontanées du travail.
Nous répétons que nous restons extrêmement à l'écoute des administrations pour les aider à améliorer la saisie et la transmission des informations, puisque nous avons construit un logiciel spécifique, que nous souhaitons améliorer.
Entendons-nous bien, il n'est pas question de pointer du doigt les fonctionnaires, qui sont éminemment respectés, notamment dans cette enceinte, mais il faut analyser lucidement ces situations extravagantes.
Il existe un problème d'organisation des administrations.
Pendant de nombreuses années, les fonctions dites « support », notamment les fonctions de ressources humaines, ont été peu développées au sein de l'administration. De plus, jusqu'à la récente mise en place de la journée de carence, le traitement était maintenu. C'est pourquoi l'administration n'avait aucun intérêt à agir et à suivre les arrêts. Les administrations qui ont une activité de « production » font quelque peu exception : c'est le cas des hôpitaux, qui doivent soigner, et doivent donc remplacer les personnels absents et disposer d'un suivi des arrêts de travail.
La mise en place d'un dispositif adéquat s'est ainsi effectuée lentement. Aujourd'hui, les fonctionnaires ne sont pas intégrés à notre système automatisé de notification des arrêts. Or, si nous voulons favoriser cette déclaration automatisée dès la prescription par le médecin, c'est aussi parce que cela supprime la question du délai de 48 heures. La dématérialisation devrait donc permettre, à terme, d'améliorer les délais et donc le contrôle.
La dématérialisation est un vaste sujet ; la transmission et le partage de données sont, vous le savez bien, l'une des priorités de la MECSS.
À quelle échéance pourrions-nous, selon vous, disposer d'un véritable système informatique global, cohérent, compatible ?
Les indemnités journalières sont l'un des sujets les plus complexes de ce point de vue, puisqu'il faut prendre en considération la prescription médicale, l'action de l'assuré doit assurer la liaison avec l'entreprise, l'entreprise elle-même, et les organismes payeurs, organisme de base et organismes complémentaires.
Nous sommes engagés, ainsi que l'État, avec le projet DSN, qui est plus général, dans une vaste opération de modernisation du traitement informatique et une professionnalisation du traitement des prestations en espèces. Le déploiement de notre système DIADEME – dématérialisation et indexation automatique des documents et messages électroniques – est aujourd'hui bien plus avancé qu'il ne l'était lors de la publication de la communication de la Cour des comptes.
Plusieurs processus de dématérialisation différents sont en cours : le plus important demeure celui du flux de documents qui sont scannés ; il y a également la dématérialisation de la prescription à la source, que nous avons prévu d'injecter directement dans nos systèmes d'information afin d'éviter que soient saisies à nouveau des informations déjà saisies.
Le système informatique devrait fonctionner dès la fin de l'année 2013.
Pour la dématérialisation des prescriptions des arrêts de travail par les médecins, nous visions 10 % l'année dernière ; nous atteindrons cet objectif cette année.
Les 38 000 professionnels de santé qui se sont engagés dans cette démarche sont presque exclusivement des généralistes. Les médecins plébiscitent notamment la dématérialisation du choix du médecin traitant : 30 % des choix sont maintenant faits par télétransmission, ce qui permet un enregistrement très rapide. Les médecins peuvent également utiliser des protocoles de soins électroniques et consulter un historique des remboursements.
L'intégration des téléservices dans les logiciels « métiers » est en cours, ce qui permettra d'augmenter le nombre de médecins qui les utilisent.
Nous avons intégré les référentiels à ces téléservices : nous espérons ainsi faire mieux connaître les fiches-repères, les durées-repères, aux médecins.
Une diffusion au cours de l'année 2013 paraît réaliste. Les évolutions de la convention médicale accentuent d'ailleurs encore la forte croissance des téléservices. En ce domaine, la convention évoluera d'une obligation de moyens, se connecter aux téléservices, comme cela est aujourd'hui stipulé, à une obligation de résultats, engagement de réaliser plus d'un certain pourcentage de procédures dématérialisées.
Ces services fonctionnent maintenant de façon satisfaisante, ce qui n'a pas toujours été le cas. L'intégration dans les logiciels des professionnels devrait nous permettre une progression plus importante encore.
Qu'en est-il à l'hôpital ? Monsieur Gérard Bapt, ici présent, pourra le confirmer : l'informatique à l'hôpital est l'un des sujets de prédilection de la MECSS. L'excellent rapport rendu par notre ancien collègue Jean Mallot sur le fonctionnement interne de l'hôpital montrait d'importants problèmes de gouvernance et d'organisation. Il est en particulier difficile de comprendre comment l'informatique hospitalière peut être si mal adaptée au XXIe siècle.
Peu d'avancées ont été faites, mais le logiciel hospitalier concerne, il est vrai, l'intégralité du fonctionnement de l'établissement.
L'architecture informatique que nous avons retenue, c'est-à-dire celle de web-services communiquant aux normes web, devrait permettre le déploiement progressif des téléservices à l'hôpital – sous réserve bien sûr de l'accord des pouvoirs publics. Nous travaillons en ce moment sur la dématérialisation de la prescription de transports avec certains services hospitaliers ; cela se déroule correctement.
Le secteur des logiciels destinés aux médecins est assez concentré : 5 ou 6 grands éditeurs représentent une très grande part des achats. C'est moins le cas dans le domaine hospitalier.
S'agissant des médecins « hyperprescripteurs », bien identifiés par vos services, les mesures que vous avez mises en place ont, semble-t-il, donné de bons résultats. Il semble toutefois que vous ayez diminué la pression : pourquoi ?
Nous disposons de possibilités réglementaires, mentionnées d'ailleurs par la communication de la Cour des comptes. Mises en place en 2004, elles ont évolué progressivement. Nous pouvons ainsi substituer au médecin prescripteur un médecin conseil : c'est la « mise sous accord préalable », qui a donné des résultats intéressants, puisqu'elle a permis, selon nos estimations, une moindre dépense d'environ 70 millions d'euros. De plus, une enquête menée sur 25 700 patients en 2009 a montré qu'il n'y avait pas eu de report de ces arrêts maladie vers d'autres médecins, ce que l'on aurait pu craindre. Cette procédure est donc efficace.
Il s'agit de situations où l'on considère plutôt que c'est le médecin qui est responsable. Selon la gravité du cas, nous engageons ou non des poursuites.
À l'heure actuelle, 118 professionnels sont en cours de procédure pour une mise sous accord préalable. La loi ayant été modifiée, les médecins peuvent désormais opter pour une « mise sous objectif » : le médecin ne doit pas demander d'accord préalable mais il s'engage à modifier ses pratiques ; cela concerne aujourd'hui 272 médecins, de façon tacite ou explicite.
Nous n'avons recours aux pénalités financières que lorsque ces deux dispositifs ont échoué.
Cette pratique est contestée par certains syndicats médicaux, qui sont hostiles à toute pression de l'assurance maladie, qui est à leurs yeux inconsidérée, sur les prescripteurs. L'avis de nos praticiens conseils est néanmoins que ces procédures ne sont pas illégitimes : nous évoquons bien ici des cas extrêmes, qui représentent à peu près trois fois l'écart-type !
Nous nous sommes toutefois engagés vis-à-vis des syndicats de médecins – et la loi nous y oblige d'ailleurs – à affiner nos méthodes de comparaison, en mettant en place une procédure de « segmentation » de la patientèle, afin de mieux tenir compte de la situation médicale des patients de chaque médecin. Nous pensons que cela ne modifiera en réalité pas énormément la situation.
Le Conseil national de l'Ordre des médecins, que nous avons auditionné la semaine dernière, regrettait un manque de coordination et d'échanges d'information avec les caisses d'assurance maladie : pour eux, une meilleure concertation pourrait aider à la gestion de ces dossiers.
Nous respectons nos obligations en matière d'information du conseil de l'Ordre. Je ne crois pas que nous ayons obligation de désigner au conseil de l'Ordre les médecins qui font l'objet d'une procédure de mise sous objectifs. Nous signalons en revanche les activités dangereuses, ainsi que les cas qui donnent lieu à des procédures judiciaires – sous réserve que le procureur, à qui il revient de prendre cette décision, nous y autorise.
Nous ne sommes pas défavorables au principe de travailler avec le conseil de l'Ordre, à condition que ce travail donne des résultats : souvent, le conseil de l'Ordre veut juger ses pairs ; or, s'il est responsable des questions de déontologie, il ne l'est pas pour les questions de sanctions administratives et financières.
Au titre des sanctions et des pénalités financières, on dénombre, au 30 septembre 2012, 131 plaintes pénales déposées, 7 procédures civiles engagées et 419 cas de retenues financières – constatations d'indus en particulier. Enfin, 439 pénalités financières proprement dites ont été prononcées, ainsi que 307 notifications d'indus et 172 mises en garde. Les pénalités financières augmentent : en 2010, nous étions à 292 pénalités financières et en 2011 à 418.
C'est environ 239 000 euros.
La question de la fraude, il faut en être conscient, est pour nous un sujet particulier. Les pénalités financières ne traduisent pas l'efficacité du contrôle des arrêts de travail, qui tient essentiellement au fait que ces contrôles sont organisés pour une reprise rapide du travail. C'est en vérifiant systématiquement, à certains moments précis, l'état de santé du patient, que l'on obtient des résultats financiers significatifs.
En matière de data mining ou d'exploitation de données, notre expérience est similaire à celle de la MSA : il n'est pas facile d'identifier, grâce à des logiciels, des cas qui devraient éveiller systématiquement notre suspicion. Il faut bien sûr réprimer la fraude, mais c'est un phénomène qui nous paraît en réalité secondaire : pour obtenir un arrêt de travail, il demeure plus facile de s'en faire prescrire un que de frauder. C'est donc plutôt sur la prescription, sur la mise en oeuvre de repères partagés sur l'état de santé d'un patient, qu'il faut agir.
Quelques mots maintenant sur la mise en oeuvre des contrôles. La réglementation des arrêts de travail, qui conduit, comme vous le savez, à moduler les cotisations en fonction de la durée de travail, nous a amenés à mettre en place une procédure de contrôle par anticipation pour les durées qui peuvent conduire à alourdir les cotisations des entreprises.
Notre service médical rend chaque année plus de 2,3 millions d'avis à la suite de contrôles, soit à la suite de l'étude d'un dossier, soit à la suite de l'examen de la personne. Ces contrôles sont bien sûr plus importants pour les arrêts de longue durée. Nous réalisons environ 250 000 contrôles sur les arrêts de courte durée, les autres portant sur les arrêts supérieurs à 45 jours.
Nous avons essayé de refondre notre démarche de contrôle : nous conduisons les caisses et les échelons locaux du service médical à travailler davantage en synergie, afin que le pilotage de la gestion du risque soit partagé entre le directeur de la caisse et le médecin conseil chef, afin de nous permettre de mettre en place des processus médico-administratifs mieux partagés, sur la délivrance de l'indemnité journalière comme sur le contrôle.
Le contrôle des arrêts de travail de moins de 45 jours doit d'abord être dissuasif : il ne doit pas mobiliser de façon disproportionnée les praticiens conseils. Comme la MSA, nous avons mis en place une gradation, avec un contrôle des arrêts répétitifs : chaque quatrième arrêt est ainsi systématiquement signalé par le système DIADEME, et donc contrôlé.
Nous contrôlons également les pathologies pour lesquelles il existe des fiches-repères.
Quelle est la proportion de contrôles issus de signalements automatiques et de contrôles déclenchés par la nature des pathologies ?
Je ne dispose pas de ce chiffre ici, mais je pourrai vous le communiquer.
Nous visons bien sûr essentiellement les arrêts longs, donc coûteux. La vraie nouveauté, c'est le déploiement de DIADEME.
Tous les organismes sont aujourd'hui couverts par DIADEME ; deux caisses utilisent encore des systèmes similaires, mais vont rejoindre rapidement ce système de déroulement des opérations.
Nous demandons aux organismes de couvrir d'abord les processus de prestations en espèces, notamment les indemnités journalières, afin que nous puissions réorganiser, au sein du service médical comme à l'intérieur de la caisse, la chaîne de traitement. DIADEME nous permet de connaître la localisation d'une pièce, son stade de traitement, et donc d'assurer un meilleur suivi du règlement de l'indemnité journalière.
DIADEME est un des plus grands projets de ce type en Europe : toutes les pièces sont scannées, ce qui permet au logiciel de signaler au service médical les arrêts courts mais répétés et les arrêts justifiés par des pathologies pour lesquelles il existe des fiches-repères.
Nous effectuons des contrôles pour les arrêts supérieurs à 45 jours. Nous contrôlons particulièrement les arrêts qui font suite à une intervention chirurgicale lorsque leur durée est supérieure au seuil indiqué par la fiche-repère correspondante. Nous contrôlons également les arrêts liés aux pathologies les plus fréquentes – santé mentale, pathologies ostéo-articulaires et traumatologie – qui sont des postes de dépenses importants. Nous contrôlons encore des arrêts selon le profil du prescripteur, à partir d'un système d'évaluation qui comprend le nombre d'indemnités journalières par patient et le nombre d'indemnités journalières dans la patientèle. Nous prenons également en considération le seuil de tarification accidents du travail-maladies professionnelles pour placer les contrôles à 75 jours plutôt qu'à 90 jours, puisque le montant des cotisations de l'entreprise peut changer.
Il semble que les relations de la CNAMTS avec les employeurs rencontrent des difficultés. Monsieur Michel Brault, pour la MSA, signalait tout à l'heure effectuer des contrôles systématiques en cas de signalement par l'employeur, et soulignait que 25 % des arrêts ainsi contrôlés étaient injustifiés. Les employeurs ont parfois connaissance de comportements choquants ; or, ils se plaignent que l'assurance maladie ne prenne pas leurs signalements en considération et en éprouvent un certain découragement.
Les entreprises mandatent parfois des médecins contrôleurs ; les employeurs regrettent que ces contrôles ne semblent pas pris en compte par l'assurance maladie. Avez-vous évalué l'efficacité de ces entreprises spécialisées, mandatées par les employeurs, pour contrôler les arrêts maladie ?
Nous recevons assez peu de signalements de ce type : 2 600 ont été transmis.
L'article 90 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 dispose que le rapport du médecin qui a effectué la contre-visite à la demande de l'employeur « précise si le médecin diligenté par l'employeur a ou non procédé à un examen médical de l'assuré concerné ». Or, très souvent, cette précision n'est pas apportée, ce qui nous empêche de donner suite à ces demandes.
Peut-être. Mais nous devons respecter les textes, et nous ne pouvons travailler qu'à partir de ce que les médecins nous communiquent. De plus, dans 20 % des cas, le rapport est transmis après la fin de l'arrêt maladie.
Pour améliorer ce système, il faudrait que les médecins contrôleurs examinent réellement les patients, et que les dossiers soient envoyés dans les délais.
Parmi les 30 % de demandes recevables, le travail a repris dans 20 % des cas ; dans 15 % des cas, un avis favorable infirme l'avis du médecin contrôleur. Dans 123 cas seulement, soit 15 % des cas, le médecin conseil confirme au contraire l'aptitude au travail.
La vraie difficulté réside dans l'irrecevabilité du plus grand nombre de ces dossiers.
La MSA a reçu l'an dernier 435 signalements. Parmi eux, on constate beaucoup de reprises spontanées du travail dès que la MSA se manifeste. Mais les employeurs sont adhérents de la MSA, et donc présents dans son conseil d'administration.
Il faut être conscient que cela ne porte que sur des cas très peu nombreux.
Certes, mais ces arrêts de travail non justifiés constituent un abus très choquant aux yeux de nos concitoyens : quelqu'un qui est en arrêt maladie, et qui travaille à côté, c'est insupportable ! C'est un problème moral. Si l'employeur signale un cas qu'il connaît à l'assurance maladie, pourquoi celle-ci ne diligenterait-elle pas un contrôle ?
Nous pourrions peut-être, pour répondre à votre souhait, mieux suivre les signalements dans chacune des caisses, afin de disposer de statistiques plus fines.
Les employeurs ont également la possibilité de signaler à l'URSSAF les cas de travail illégal qui viendraient à leur connaissance.
Peu de caisses ont aujourd'hui développé des services de contrôle assermenté à domicile, pour des raisons financières. Une journée d'arrêt de travail coûte en moyenne 28 euros : nous devons vérifier que les contrôles, s'ils doivent être effectués, soient bien ciblés ; c'est pourquoi nous privilégions les contrôles des arrêts longs en raison de leur coût.
Il existe, c'est indéniable, un problème qui relève de la moralité ; mais nous sommes aussi astreints à veiller à l'efficience de la dépense publique.
J'ai omis de vous interroger sur la proportion d'arrêts liés à des accidents du travail qui sont pris en charge par l'assurance maladie : vous nous communiquerez ces chiffres.
N'hésitez pas, enfin, à nous faire des suggestions de modification ou de simplification de la législation.
La séance est levée à douze heures trente-cinq.