Intervention de Michèle Bonneton

Séance en hémicycle du 29 septembre 2015 à 15h00
Débat sur la situation et l'avenir de l'agriculture

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle Bonneton :

Eh oui, car finalement l’amélioration de notre compétitivité-prix revient de fait, trop souvent, pour nos agriculteurs, à vendre à des prix inférieurs aux coûts de production.

Or, on ne devrait pas pouvoir en agriculture, comme dans les autres secteurs économiques, vendre en dessous du prix de revient. Quelle entreprise peut en effet durablement vendre en dessous de ses coûts de production ? Plus de régulation apparaît comme indispensable.

C’est un autre modèle que nous devons défendre. D’ailleurs,

monsieur le ministre, il s’agit là de l’une des directions indiquées par la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, dite « loi LAAF », qui promeut le développement de l’agroécologie, que vous avez défendue l’an dernier et que nous avons votée.

Cependant, prenons garde, le risque est grand que ce concept mobilisateur soit finalement récupéré, comme l’a été en son temps celui de développement durable. Nous devons mieux utiliser les leviers des aides publiques et de la PAC en favorisant les modèles agricoles durables qui sont en phase avec les demandes de la société : agriculture sous label, à haute valeur environnementale ou biologique.

Il nous faut rapidement changer de paradigme et renoncer à la compétitivité à tout prix, et je dis bien à tout prix.

En ce sens, le récent rapport d’information sur les circuits courts et la relocalisation des filières agricoles et alimentaires, déposé auprès de la commission des affaires économique de notre assemblée, montre tout l’intérêt d’une agriculture tournée vers son territoire. C’est d’ailleurs une des collègues de notre groupe écologiste, Brigitte Allain, qui en a été la rapporteure.

Ce rapport montre que c’est un objectif partagé par d’autres pays en Europe, notamment par l’Italie et par l’Allemagne. Ainsi, en Allemagne, l’accord de gouvernement mentionne la relocalisation des marchés publics. Tant mieux si nous parvenons à faire de même en révisant l’article 11 du code des marchés publics comme vous nous l’avez annoncé, monsieur le ministre : cela devient en effet urgent.

Notre Président de la République, François Hollande, avait déclaré qu’à compter de 2017, la restauration collective – soit 10 millions de repas par jour – devait s’approvisionner à hauteur de 40 % en produits de proximité et à hauteur de 20 % en produits issus de l’agriculture biologique. Nous en sommes loin. Ce serait pourtant une réelle opportunité de faire évoluer les habitudes alimentaires de nos concitoyens.

À ce stade, je vais énumérer quelques pistes de mesures structurantes qui pourraient être développées. Il faut d’abord favoriser la mise en place de stratégies alimentaires locales et financer la structuration des filières et outils régionaux dans ce sens. Des évolutions très fortes, mais qui ne seront pas simples, sont nécessaires en la matière.

Il est également nécessaire d’approvisionner la restauration collective en produits durables, de qualité et locaux. Je rappelle qu’aujourd’hui 80 % de la viande consommée en restauration collective sont issus de l’importation !

La recherche agronomique au niveau national et au niveau

local doit être accompagnée au moyen d’expériences de terrain, tant pour la consommation locale que pour l’exportation d’ailleurs : conversion vers l’agroécologie ou vers l’agriculture biologique – qui est encore importatrice pour certaines productions –, production sous signe de qualité et à haute valeur ajoutée.

Il faut, par ailleurs, conserver et développer la diversité existante des espèces végétales et animales.

Il faut aussi renforcer l’autonomie des systèmes à travers la diversification des cultures, prévoir un véritable plan protéines, pour accroître l’autonomie protéique des exploitations, et favoriser l’implantation de petites unités de méthanisation, sans cultures dédiées, sur tout le territoire.

Pour redonner de la valeur à l’alimentation, il faut croiser les logiques de filière avec les logiques de territoire. Nous savons que cela implique des transformations et modifications importantes.

Compte tenu de l’importance des enjeux, tous les acteurs – producteurs, industriels, représentants de la grande distribution – doivent jouer collectif, et cela dans l’intérêt général.

Comme je le rappelais au début de mon intervention, l’agriculture n’est pas une activité économique comme les autres : on ne peut donc l’abandonner à la seule logique du marché.

De ce point de vue, et en conclusion, nous considérons que l’agriculture non seulement française, mais aussi européenne, a tout à craindre des projets de traités transatlantiques actuellement en négociation. La manière de penser l’agriculture est tellement différente de chaque côté de l’Atlantique ! Ce que j’ai pu entendre ou lire à ce propos n’est pas pour nous rassurer.

Pour ce que l’on peut savoir – et l’on sait malheureusement très peu de choses, tant les négociations sont hermétiques – des labels de qualité, qu’il s’agisse des appellations d’origine protégée – AOP – ou des indications géographiques protégées – IGP –, Mme Cécilia Malmström, commissaire européen au commerce extérieur, m’a confié au printemps dernier que si quarante-deux d’entre elles étaient reconnues dans le traité avec les États-Unis, elle en serait très contente. Or la France possède plus de 600 labels de qualité de ce type !

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