La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L’ordre du jour appelle le débat sur la situation et l’avenir de l’agriculture, en application de l’article 50-1 de la Constitution.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Mesdames, messieurs les députés, vous avez souhaité un débat sur la situation de l’agriculture, et en particulier sur la crise de l’élevage. C’est un débat légitime dans la mesure où, depuis cinq mois, une crise touche un certain nombre de secteurs, notamment ceux de l’élevage. De fait, trois crises se superposent : celle du secteur porcin, celle de la viande bovine et celle du secteur laitier.
Ces crises ont à la fois des causes conjoncturelles parfaitement identifiables – j’y reviendrai – et des causes structurelles, auxquelles il faudra apporter des réponses. Chaque secteur rencontre des difficultés, mais la question du prix constitue leur dénominateur commun. Je rappelle que, dès le début de ces crises, des discussions ont eu lieu et des engagements communs ont été pris pour essayer de revaloriser, par un accord entre industriels, producteurs et grands distributeurs, les prix payés aux producteurs. Cela a été le cas, le 17 juin, pour la viande bovine. Aujourd’hui, les prix de ce secteur ont été revalorisés, non pas à la hauteur de l’engagement initial, mais légèrement au-dessus des prix payés l’an dernier. Cette filière souffre de nombreux maux, et en particulier d’une nouvelle crise sanitaire, qui impliquent que les acteurs du secteur et les territoires concernés fassent des choix importants et structurels.
Quant à la crise du porc, en particulier dans l’ouest de la France, notamment en Bretagne, elle est liée à une situation qui s’est dégradée depuis environ dix ans. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2003, la production porcine française était de l’ordre de 2,4 millions de tonnes. Elle a baissé depuis, alors que, dans le même temps, cette production est passée de 4,8 millions à 5,2 millions de tonnes en Allemagne et de 3,6 millions à 3,8 millions de tonnes en Espagne. Dans ces pays, la production a donc augmenté quand, dans le nôtre, elle baisse depuis dix ans.
Je l’ai dit, certaines causes sont conjoncturelles. Je pense notamment à l’embargo russe, qui pèse sur la production de ce secteur en particulier. J’irai d’ailleurs à Moscou cet automne, le 8 et le 9 octobre, pour prendre des contacts et essayer de faire évoluer la situation, en particulier sur la question de l’embargo sanitaire. Pendant dix ans, cette filière a souffert d’un manque d’investissements, dans la production comme dans les outils d’abattage qui ont perdu beaucoup de leur productivité, donc de leur compétitivité. Sur ces sujets, il convient d’énoncer quelques vérités. Il faudra travailler sur des propositions structurelles pour sortir de cette crise porcine – j’y reviendrai.
Le secteur du lait, quant à lui, relève d’une autre situation. La crise est liée à des choix faits à l’échelle mondiale ; elle n’est pas uniquement européenne. C’est une crise du marché mondial, liée aux débouchés anticipés par de nombreux continents sur le marché chinois qui se sont révélés moins importants que ce qui était attendu. Cela vaut pour l’Europe, l’Australie et la Nouvelle-Zélande comme pour l’Amérique, en particulier l’Amérique du nord. C’est donc une crise de surproduction à l’échelle internationale. Je rappelle toutefois qu’en Europe la crise laitière est aussi liée à des choix. Chacun a pu constater que le choix de l’Europe et de la France de supprimer les quotas laitiers et de libéraliser a conduit à une très nette augmentation de la production
« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen
, pas forcément en France, où les engagements pris en 2008 ont été respectés, mais dans de nombreux autres pays qui ont dépassé les quotas prévus et ont dû payer des superprélèvements, qui ont d’ailleurs permis de financer les aides décidées récemment par l’Europe.
Ces trois crises ont donc trois causes conjoncturelles, mais il est nécessaire de travailler aussi sur l’avenir, le moyen et le long terme. Dans ce débat, les questions relatives à la compétitivité de l’agriculture sont souvent attendues – j’imagine qu’un certain nombre d’orateurs y reviendront. Dans ce domaine, si la compétitivité prix est un élément indiscutable de la compétitivité, elle ne suffit pas à définir la compétitivité globale de l’agriculture et des filières. Grâce au crédit d’impôt compétitivité emploi – CICE – et au Pacte de responsabilité, les allégements de charge réclamés légitimement s’élèvent aujourd’hui à près de 4 milliards d’euros dans le secteur de l’agriculture et de l’industrie agroalimentaire. Je le dis d’autant plus clairement qu’entre 2003 et 2012, hormis les exonérations sur les bas salaires décidées par François Fillon, rien n’a été fait pour alléger les charges !
Cela a contribué à aggraver les difficultés que nous rencontrons aujourd’hui.
Plusieurs filières sont concernées. Nous n’avons pas attendu le débat d’aujourd’hui : nous avons anticipé en demandant des rapports notamment sur la situation de la filière porcine et même sur celle de la filière volaille. Je rappelle d’ailleurs qu’à mon arrivée en 2012, j’ai eu à gérer la crise majeure des exportations dans la filière volaille, avec les entreprises Doux et Tilly-Sabco. Aujourd’hui, nous avons su faire en sorte que cette filière se redresse – j’aurai tout à l’heure à acter la mise en place d’une interprofession dans ce secteur – et les exportations de volaille ont augmenté de plus de 20 %. Ce qui a été possible dans ce secteur doit aussi l’être dans d’autres, notamment dans la filière porcine. Un rapport sur cette filière avait été demandé dès 2013, afin d’analyser non seulement les raisons de la perte de compétitivité, mais aussi et surtout les moyens de sortir à moyen et long terme de la crise que nous connaissons.
S’agissant des questions environnementales, je ne reviendrai pas sur les améliorations permises notamment par les dispositions du Gouvernement sur les installations classées pour la protection de l’environnement – ICPE. M. Le Fur avait essayé à plusieurs reprises de faire des propositions, mais aucune n’avait été adoptée.
C’est ce gouvernement qui a fait progresser les choses.
Sur la question du prix, j’ai constaté, comme d’autres d’ailleurs, qu’après après avoir pris des engagements avec l’ensemble des acteurs de la filière porcine pour revaloriser le prix du porc et répondre ainsi à la demande des producteurs porcins, ce sont les groupements de producteurs porcins qui ont demandé la baisse du prix il y a quinze jours à peine. Nous pouvons en mesurer les résultats aujourd’hui, mais chacun assumera ses responsabilités : le ministre et le Gouvernement ont assumé les leurs.
Chacun devra assumer ses responsabilités, notamment devant les producteurs. La médiation que nous avons engagée se poursuivra et nous continuerons de défendre l’intérêt général de l’ensemble de la filière, et pas seulement l’intérêt particulier de quelques-uns de ses acteurs.
S’agissant de la filière bovine et porcine, nous avons choisi avec l’interprofession de valoriser l’origine française des viandes. Parallèlement à la revalorisation des prix, il était important d’assurer un débouché national à cette production nationale, qu’il s’agisse du vif, des produits frais et surtout de la salaison.
Des progrès indéniables dans ce domaine sont aujourd’hui constatés. Ainsi, dans ce domaine comme dans d’autres, la traçabilité permettra à la fois d’assurer un prix pour les producteurs et de préserver un marché à l’échelle nationale pour l’ensemble de la production française.
C’est un point important. Je n’avais pas attendu la crise pour mettre en oeuvre cette traçabilité, mais aujourd’hui je suis sûr que nous allons ensemble dans le bon sens, à condition que chacun prenne bien conscience que la perception de la traçabilité par le consommateur exige la définition de cahiers des charges comprenant des conditions sanitaires et même organoleptiques, pour justifier l’origine française des viandes. C’est l’enjeu du débat important que j’ai ouvert sur la question de la contractualisation. Il avait été évoqué après la crise laitière à l’occasion de la loi de modernisation agricole – LMA. Aujourd’hui, ce sujet manque à la fois de perspective et d’organisation. En raison des dispositions de la loi de modernisation de l’économie – LME – que vous avez votées, les relations commerciales entre les industriels et les producteurs sont séparées de celles prévalant entre les industriels et la grande distribution. L’enjeu est de définir des relations commerciales qui intègrent, au-delà de chacun des maillons de la chaîne, la grande distribution, les industriels et les producteurs. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons intégrer les coûts de production du secteur de l’élevage, lesquels sont essentiels pour définir le revenu et la marge des producteurs, dans des filières organisées, pour répondre aux besoins des consommateurs, des industriels, mais surtout à ceux des producteurs.
Le débat sur le logo « Viandes de France » renvoie aussi à celui sur l’approvisionnement local, que nous avons eu dans le cadre de la discussion sur les projets alimentaires territoriaux, à l’occasion de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. La création de plateformes et la constitution d’un guide pour favoriser leur développement permettent aujourd’hui aux collectivités territoriales de favoriser l’achat local. Jusqu’à présent, quelques réformes ont été conduites, comme la révision de l’article 11 du code des marchés publics, mais aujourd’hui, le changement a lieu partout, à condition que chacun assume sa responsabilité d’acheter des produits locaux et de favoriser la production française. C’est un défi majeur qui sera relevé grâce à toutes les plateformes collectives qui ont été créées dans de nombreux départements – je souhaiterais qu’elles existent dans tous les départements.
Je rappelle, en outre, qu’en plein coeur de la crise de l’élevage, le groupe UDI devait déposer une proposition de loi sur le menu végétarien. J’attends des précisions sur cette question mais je ne crois pas que cela réponde aux attentes des producteurs.
Nous verrons bien !
S’agissant de la contractualisation et des enjeux de l’ensemble des filières, il était nécessaire de régler les difficultés conjoncturelles avec le plan de soutien à l’élevage de juillet, complété le 3 septembre : 100 millions d’euros de fonds d’allégement des charges ont été débloqués pour traiter les situations d’endettement bancaire des éleveurs, au travers des cellules d’urgence mises en place dans tous les départements dès février 2015. Ces cellules d’urgence et ce fonds d’allégement de charges doivent aider les éleveurs en difficulté. J’avais évalué leur nombre à 20 000, chiffre qui semble clairement se confirmer. Les aides sont en train d’être versées : 8 000 dossiers ont d’ores et déjà été traités. Nous continuerons ce travail jusqu’à la fin de l’année, afin que les exploitants puissent recevoir l’ensemble des aides indispensables pour surmonter ce moment difficile.
Se pose aussi la question de l’année blanche. C’est la première fois que nous nous engageons dans ce débat, que nous négocions avec les banques le report d’une annuité. Je rappelle que cela a été fait à la demande des professionnels, qui ne voulaient surtout pas revivre l’expérience des prêts bonifiés de trésorerie que le gouvernement précédent avait mis en place et qui doivent aujourd’hui être remboursés, mettant en difficulté les agriculteurs. C’est pourquoi ces derniers nous ont expressément demandé la mise en oeuvre de ce dispositif de l’année blanche, qui est une première. Cette mesure est importante : elle est la meilleure réponse à la question de l’endettement, en particulier celui des éleveurs, et plus spécifiquement des éleveurs porcins.
Notre plan de soutien à l’élevage français consiste aussi en des reports, proposés jusqu’à trois ans, des prises en charge de cotisations sociales, à hauteur de près de 50 millions d’euros.
Par ailleurs, une baisse significative et pérenne des cotisations minimales maladie et invalidité sera proposée dès 2015 à tous les élevages, en particulier aux plus petits d’entre eux. En conséquence, pour les petites exploitations, la cotisation minimale passera de 853 euros à 453 euros en 2015 et à environ 50 euros en 2016.
Plusieurs dispositifs fiscaux accompagnent ce plan : remises de taxe foncière sur les propriétés non bâties, de taxe d’habitation pour les fermiers – cette mesure très importante fait suite à une demande de ces derniers –, reports et remises de versement de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés, encaissements avancés de TVA.
Je veux saluer devant la représentation nationale l’engagement et la qualité du travail de tous les services de l’État et des organismes de protection sociale agricole, en particulier dans les cellules d’urgence. Ils agissent en lien direct avec les centres de gestion, les chambres d’agriculture et les établissements bancaires, qu’il faut parfois pousser à mettre en oeuvre l’année blanche. Ainsi, ce plan de soutien à l’élevage se met aujourd’hui en place à l’échelle de tous les départements, notamment dans le cadre de cellules d’urgence qui traitent les dossiers un par un, en essayant d’apporter à chacun la réponse la plus adaptée. Qu’il s’agisse d’un allégement de cotisations MSA ou de charges, chaque dossier est traité afin de trouver la solution la plus adaptée à la situation rencontrée par l’ensemble des éleveurs français. Telle est la méthode que nous avons mise en place.
Quant à la question des prix, comme je l’ai déjà dit, nous avons fait en sorte d’agir très tôt. Et nous allons agir à nouveau, dans le cadre de réunions sur la problématique du lait et de la viande bovine. Je rappelle ma déception et ma colère lorsque j’ai appris que l’Union des groupements de producteurs de viande de Bretagne – UGPVB – avait décidé que le prix au kilo, qui était arrivé à 1,38 euro sur le marché au cadran, devait encore baisser. C’est ce qui s’est passé, et je le regrette car ce n’était pas la demande des producteurs. Ces derniers avaient rencontré le ministre pour travailler en vue de trouver un accord. Et nous l’avions trouvé : il suffisait de continuer à gérer la traçabilité, de mettre en valeur l’origine française des viandes, de travailler en particulier sur la salaison afin de protéger notre marché national, d’utiliser les aides à l’exportation que nous étions prêts à débloquer et de gagner des marchés à l’exportation. Nous aurions pu tenir ce prix pour passer l’étape la plus difficile.
Je regrette ce qui s’est passé.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.
Tout cela nécessitera bien sûr des discussions de fond avec ceux qui ont soutenu la baisse des prix.
Je m’adresse aussi à M. Le Fur, qui les connaît très bien.
Je les connais bien aussi, mais vous, pour certains, vous les connaissez mieux que moi !
Au niveau européen, il y a eu des débats, bien sûr, et la France a été à l’initiative d’un sommet extraordinaire sur les questions agricoles afin de prendre en compte la situation de crise. Je rappelle qu’au début du mois de juillet, le commissaire européen à l’agriculture et au développement rural considérait qu’il n’y avait pas de crise ! Or, lors du conseil européen qui s’est tenu au début du mois de septembre, le commissaire a constaté et acté l’existence d’une crise. Il a débloqué 500 millions d’euros. Je rappelle que ce financement est lié aux superprélèvements que j’évoquais tout à l’heure et auxquels seront soumis les pays ayant dépassé leurs quotas laitiers au moment où la fin des quotas avait été signée. Ainsi, la France n’a contribué en rien à cet apport budgétaire européen,…
…mais elle bénéficiera de 63 millions d’euros qui viendront s’ajouter aux plans de soutien à l’élevage de juillet et de septembre.
Cela permet de traiter l’ensemble des dossiers, l’ensemble des questions posées. C’est un atout, un acquis, et je m’en félicite.
Au-delà des aides proposées par l’Europe, il reste toutefois des divergences de fond au sein de l’Union européenne, en particulier sur la question du prix d’intervention, qu’un certain nombre de pays – aujourd’hui largement majoritaires – et la Commission européenne ont refusé de modifier.
Lors de ce conseil européen, en dépit des réticences et des difficultés, nous avons cependant adopté un principe. J’ai toujours préféré mettre un peu d’argent – le moins possible – dans la régulation des marchés plutôt que de mettre beaucoup d’argent dans les aides aux agriculteurs.
Voilà les sujets dont nous débattons à l’échelle européenne. Nous allons continuer à défendre nos idées, en particulier sur la question du prix d’intervention.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.
Quant à la compétitivité, il s’agit d’une vraie question, souvent évoquée. J’ai déjà un peu anticipé nos débats en rappelant tout ce qui a été mis en oeuvre : l’abattement d’assiette de contribution sociale de solidarité des sociétés – C3S – pour les coopératives, la baisse des cotisations familiales qui sera étendue à tous les salaires inférieurs à 3,5 SMIC. Dans le cadre du CICE, comme je l’ai déjà dit tout à l’heure, près de 4 milliards d’euros ont été destinés à l’agriculture et à l’agroalimentaire pour restaurer la compétitivité de ces secteurs.
Qu’est-ce qui avait été fait auparavant ? Je l’ai dit : après les réductions Fillon en 2006, rien n’avait été fait pour intégrer cette question de la compétitivité.
Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.
J’anticipe là vos débats et les procès faciles que vous nous ferez, messieurs les députés de l’opposition.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Les faits sont clairs et des données chiffrées sont disponibles pour tous ceux qui s’intéressent à ces questions.
Nous avons souhaité soutenir l’investissement – c’est nécessaire !
Aujourd’hui, Le Maire fait son cinéma, mais il n’a rien fait quand il était au gouvernement !
C’est pourquoi nous avons mis en place un outil qui permettra aux régions d’aider les agriculteurs et les éleveurs à investir :…
…près de 350 millions d’euros seront disponibles tous les ans dans le cadre des plans pour la compétitivité et l’adaptation des exploitations agricoles – PCAE. J’ai pu rencontrer des agriculteurs, notamment des jeunes agriculteurs, qui comptent sur ces PCAE et les intègrent dans leurs investissements pour moderniser,…
…en Bretagne, dans les Pays de la Loire, en Auvergne et ailleurs, les bâtiments d’élevage et assurer ainsi la compétitivité et l’avenir de l’élevage français.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Par ailleurs, près de 30 millions d’euros seront consacrés au soutien à l’investissement dans les industries de l’abattage-découpe. Vous les aviez complètement oubliées, messieurs les députés de l’opposition !
Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Une partie de notre compétitivité est liée à la modernité de nos outils industriels. C’est notre gouvernement qui consacrera 30 millions d’euros en 2015 et en 2016, soit 50 millions d’euros au total, pour soutenir l’investissement dans ce maillon extrêmement fragile et sensible qu’est le secteur de l’abattage-découpe.
Je vous le dis : lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, rien n’avait été fait ! Le retard était béant !
Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Il fallait donc rattraper ce que vous n’aviez pas fait, mesdames, messieurs les députés de l’opposition !
Mêmes mouvements.
Cela coûte assez cher, mais c’est nécessaire, et je pense que vous accepterez de soutenir ces plans, qui sont très importants.
Il en va de même pour la méthanisation : lorsque nous sommes arrivés au Gouvernement, nous avons développé cette possibilité donnée aux éleveurs de percevoir des revenus complémentaires en produisant en même temps des énergies renouvelables. Avec Delphine Batho, nous avons présenté le plan « Énergie, méthanisation, autonomie, azote » – EMAA – dès 2013. Lorsque nous sommes arrivés au Gouvernement, il existait à peine 90 méthaniseurs agricoles, contre 4 000 en Allemagne. Aujourd’hui, la France en compte plus de 250, et l’objectif des 1 000 méthaniseurs sera atteint. Voilà encore un effort sans précédent pour changer la donne de l’élevage,
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen
pour faire en sorte que l’agriculture prenne le pli des énergies renouvelables.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur Jacob, mesdames,messieurs les députés de l’opposition, vous n’avez pas pensé que la compétitivité ne pouvait se réduire, à moyen et long termes, à la seule question du prix : elle doit aussi intégrer des logiques globales de structuration de filières, au travers de la contractualisation mais aussi d’une organisation plus collective de l’agriculture.
Il s’agira à la fois de mutualiser un certain nombre d’investissements et de prendre en compte, dans nos objectifs économiques, environnementaux et sociaux, des dynamiques collectives.
C’est ce que nous avons voté, à une large majorité, en créant les groupements d’intérêt économique et environnemental, les GIEE, qui ont fait l’objet d’un long débat. André Chassaigne avait évoqué cette idée. Si le processus est inachevé, de l’inachevé surgit souvent l’essentiel !
Les agriculteurs devraient être indemnisés pour avoir un ministre pareil !
Aujourd’hui, 116 GIEE couvrent plus de 100 000 hectares.
En outre, je veux souligner une recherche extrêmement importante de l’autonomie fourragère dans nos exploitations d’élevage.
La compétitivité future de la France dépendra de notre capacité à mobiliser toutes les ressources qui sont les nôtres, en particulier la surface, qui peut être mobilisée pour garantir une alimentation à bas coût. L’autonomie fourragère nous permettra demain d’être compétitifs, alors que d’autres pays sont directement dépendants du marché mondial de l’alimentation. Voilà un enjeu stratégique !
Outre ces 116 GIEE dont plusieurs intègrent cet objectif d’autonomie fourragère, il faut noter le développement des groupements agricoles d’exploitation en commun, les GAEC. Que n’ai-je pas entendu lorsque nous avons mis en place la majoration des aides sur les cinquante-deux premiers hectares et accru la transparence de ces structures afin d’assurer à chacun des associés d’un GAEC sa part de la surprime liée aux cinquante-deux premiers hectares ? Je le dis très clairement devant la représentation nationale, et j’aurai l’occasion de le préciser à nouveau : en août, 4 700 GAEC avaient été agréés depuis le 1er janvier, alors qu’au cours des périodes précédentes, ce chiffre oscillait entre 400 et 500.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
On observe donc une dynamique collective. Voilà l’enjeu de demain ! C’est ce qui fait la différence entre vous, mesdames, messieurs les députés de l’opposition, et ceux qui pensent l’avenir de l’agriculture.
Nous devons garder des agriculteurs tout en leur permettant de s’adapter aux nouvelles conditions économiques liées aux transformations du monde. Voilà le choix que nous avons fait, et que vous avez fait, mesdames, messieurs les députés, en votant la loi d’avenir pour l’agriculture qui est, justement, un choix d’avenir. Voilà ce qui va garantir, demain, la compétitivité de l’élevage français. Ces enjeux de moyen et long termes sont aussi l’objet de notre débat. Il s’agit non pas simplement de discuter de la crise conjoncturelle et des réponses que nous devons y apporter – j’ai parlé des 150 millions d’euros mobilisés, des 3 milliards d’euros sur trois ans pour financer les investissements –, mais aussi de penser la manière dont l’agriculture pourra assurer demain sa présence territoriale tout en intégrant les enjeux sociaux, économiques et environnementaux.
C’est peut-être du blabla pour vous, mais c’est ce qui se passe aujourd’hui.
Les GIEE, les coopératives d’utilisation de matériel agricole – CUMA – et les GAEC sont les piliers de cette agriculture. Ils permettent de mutualiser les investissements et donc d’améliorer la compétitivité future de l’ensemble des filières.
Voilà, mesdames, messieurs les députés, ce que je voulais vous dire dans le cadre de ce débat. Plusieurs sujets sont au coeur des préoccupations des agriculteurs : les aides que nous devons nécessairement leur apporter, dans l’urgence, pour traiter la crise conjoncturelle, mais aussi notre capacité à nous projeter à moyen et à long termes, à nous doter d’outils qui permettront à l’agriculture française de rester la première en Europe et de rester un grand secteur économique, un grand secteur social…
…et un grand secteur qui anticipe les grands enjeux environnementaux de demain.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe écologiste.
La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le ministre, la compétitivité-prix est tout de même l’élément majeur qui fait l’actualité de la crise agricole !
« Bien sûr ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.
L’excellence agricole française et la nécessité de la montée en gamme des produits agricoles afin de gagner des parts à l’export, de tirer la production agricole et de restructurer nos filières sont quand même les sujets majeurs du débat qui nous réunit aujourd’hui ! Je ne voulais pas vous répondre directement, monsieur le ministre, mais il me semblait indispensable de le rappeler !
Monsieur le ministre, le groupe UDI se félicite que le Gouvernement ait répondu favorablement à sa demande d’organiser, dans cet hémicycle, un débat sur la crise de l’élevage. Il y a trois mois, le président Philippe Vigier avait écrit personnellement en ce sens au Premier ministre.
L’agriculture, en effet, mérite d’abord un débat : non un énième débat de circonstance mais un grand débat national, ouvert et constructif.
Au sein de notre groupe parlementaire, nous avons très tôt pris conscience que cette crise ne se résoudrait ni par des mesures conjoncturelles destinées à parer au plus urgent, ni par des effets d’annonce : par sa violence et par son ampleur, elle appelle des réformes de fond et des engagements de long terme. Elle exige surtout une vision, un cap et, nous l’espérons, la mobilisation la plus large possible.
Le 22 juillet dernier, le Gouvernement présentait son plan d’urgence de soutien aux éleveurs. Certaines mesures étaient nécessaires. Je pense, par exemple, à la prise en charge de cotisations sociales, au report de l’impôt sur le revenu ou encore aux plans de restructuration de l’endettement bancaire. Pour autant, j’ai bien peur que ce plan reste, en l’état, très largement insuffisant et que, sans réformes de fond, l’accalmie ne soit que de courte durée.
Monsieur le ministre, la mobilisation des éleveurs, d’une ampleur rarement observée, a traduit le malaise de professionnels aujourd’hui découragés
« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe Les Républicains
découragés, d’abord, par un environnement réglementaire toujours plus complexe, où la loi n’est plus perçue comme une protection mais comme une menace, une contrainte, un fardeau ; découragés par une Europe qui, toute à son devoir de défendre un illusoire droit de la concurrence, en vient à oublier que la PAC est aussi au fondement de son histoire et de son avenir ; découragés, enfin, face à l’inertie des pouvoirs publics français, incapables de mettre en oeuvre une stratégie de long terme pour la filière agroalimentaire française.
Des chiffres ont déjà été évoqués : plus d’un million d’emplois agricoles détruits au cours des vingt dernières années et près d’un suicide d’agriculteur par jour. Cette précarité, cette détresse morale ne sont pas acceptables, à aucun prix. Cet appel, il faut aujourd’hui l’entendre, avec confiance et responsabilité. Voyons loin, voyons grand ! Et disons-le clairement : sauf à abdiquer face à l’ampleur des efforts nécessaires, nous devons réagir. Réagir en assumant que seul un changement radical d’approche nous permettra de sortir de la crise ; réagir en mobilisant tous les instruments dont nous disposons pour aider les éleveurs à retrouver leur compétitivité ; agir, enfin, en France et en Europe.
Agir en France, c’est d’abord rééquilibrer les filières entre l’amont et l’aval de la chaîne de production. Nous ne pouvons accepter d’avoir, d’un côté, une hyperconcentration des centrales d’achat – avec quatre acheteurs tout-puissants –, et, de l’autre, 125 000 éleveurs totalement désorganisés. Ce dont nous avons besoin, c’est de dialogue, de contrôle et de transparence : un dialogue, non plus entre deux parties prises isolément, mais entre l’ensemble des acteurs compétents – producteurs, transformateurs et distributeurs.
Deuxième enjeu : renforcer les contrôles sur les prix. Nul ne pourra le nier, les outils mis en place ces dernières années, tels l’Observatoire de la formation des prix ou le Médiateur, ont montré leur déficience et doivent être repensés pour être plus efficaces. Posons donc la question : y a-t-il à ce jour, dans notre pays, une connaissance réelle de la constitution des marges et des prix ?
« Non ! » sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
Encourageons, enfin, un regroupement de l’offre à travers une contractualisation mieux organisée : cela a été en partie esquissé par les gouvernements successifs, mais il faut aujourd’hui aller plus loin et redonner aux agriculteurs une part de souveraineté.
Deuxième priorité : engager un mouvement global de simplification administrative et normative. Plus royaliste que le roi, notre pays n’a cessé d’imposer aux éleveurs de nouvelles contraintes. Deux exemples parmi tant d’autres : la complexité des déclarations PAC 2015 et les dossiers administratifs nécessaires à l’obtention des aides liées à la méthanisation. Un même objectif, deux méthodes : plusieurs années en France, quelques mois en Allemagne. Cette différence de traitement, monsieur le ministre, est insupportable : il faut y remédier.
Quant aux contrôles agricoles, il faut partir d’un postulat fondé sur la confiance et non, comme c’est trop souvent le cas, sur une défiance systématique vis-à-vis de nos agriculteurs, qui sont des professionnels et des gens honnêtes.
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.
Alors que la représentation nationale débutera, dans les tout prochains jours, l’examen du projet de loi de finances pour l’année 2016, le groupe UDI lance un appel. Le Gouvernement doit s’engager à repenser intégralement la fiscalité agricole.
Cela implique, d’abord, de baisser significativement le coût du travail pour retrouver notre compétitivité, de réduire drastiquement les charges sociales, d’alléger les contraintes fiscales et d’intégrer, dans le CICE, des mesures spécifiques de soutien aux coopératives.
Le groupe UDI ne cesse enfin d’appeler de ses voeux, depuis de nombreuses années – notamment par la voix de Jean Arthuis –, la création d’une TVA sociale afin de taxer les importations plutôt que la production ; mais c’était sans compter sur l’empressement du Gouvernement à détricoter les mesures décidées par le gouvernement Fillon qui, pour le coup, s’était engagé dans la mise en oeuvre de cette mesure.
Troisième priorité pour la France : promouvoir les produits français. Est-il normal que 70 % de la viande achetée par nos cantines soit importée quand, en Allemagne, c’est l’inverse ? Il faut le dire clairement aux consommateurs : l’excellence agricole française a un prix. Et la politique du « toujours moins cher » des uns ne doit pas avoir pour contrepartie le « toujours plus pauvre » des autres.
Le problème, c’est que la guerre des prix a totalement banalisé la vente de denrées alimentaires. Or les produits agricoles ne sont pas des produits comme les autres : ce sont des produits de première nécessité, qui relèvent de notre sécurité alimentaire. Il faut donc en finir de toute urgence avec l’imposture que j’évoquais, exiger une meilleure traçabilité des produits agricoles via les appellations d’origine et contrôler l’usage des labels par la grande distribution.
Surtout, l’avenir de l’agriculture est dans l’agro-industrie et l’export. La montée en gamme de nos produits et leur valorisation à l’international sont des objectifs prioritaires. L’État doit être force de proposition sur ce dossier et bâtir une réelle stratégie pour retrouver notre compétitivité et mobiliser les régions.
En Europe aussi, beaucoup reste à faire. Les mesures annoncées à l’issue du dernier conseil extraordinaire des ministres de l’agriculture sont clairement décevantes. Les agriculteurs ont raison lorsqu’ils déclarent ne pas vouloir « moins d’Europe » mais « mieux d’Europe ». Une Europe mieux organisée c’est, à coup sûr, un gage d’efficacité et de nouvelles opportunités. Les institutions communautaires doivent entendre cet appel et réorienter la PAC au profit d’un marché européen régulé et équilibré. Il convient de se focaliser en priorité sur les objectifs du premier pilier, de moderniser et de développer l’agriculture.
Cela implique d’abord une plus grande convergence des politiques fiscales et sociales. L’objectif est de lutter contre des distorsions de concurrence inadmissibles au niveau intra-européen.
La deuxième priorité, au niveau européen, est d’adopter un mécanisme de sécurisation des marges et des revenus pour les agriculteurs en cas d’aléas politiques – tel l’embargo russe –, économiques et climatiques. À ceux qui jugent une telle politique impossible, rappelons que les Américains eux-mêmes ont intégré des mesures contracycliques dans leur nouveau « Farm Bill », politique à la fois protectrice et libérale dont l’Union européenne serait bien avisée de s’inspirer.
Enfin, les négociations du Traité transatlantique concernant l’agriculture doivent être temporairement suspendues. Comment l’Union européenne, dont le marché n’est encore que partiellement harmonisé, peut-elle raisonnablement espérer obtenir un accord équilibré avec les États-Unis ? La France, première puissance agricole d’Europe, doit rappeler à l’Europe qu’elle-même est la deuxième puissance agricole du monde – une réalité qu’elle a parfois tendance à oublier. Ainsi, l’enveloppe globale consacrée à la PAC pour la période 2014-2020 accuse une baisse de 12 % par rapport à la période précédente. Ce budget est indigne de ce que doit être l’agriculture pour l’Union européenne.
C’est sur l’ensemble de ces chantiers que j’entends travailler, au nom du groupe UDI, notamment dans le cadre de la mission d’information sur la crise de l’élevage que j’animerai dans les prochaines semaines avec ma collègue Annick Le Loch.
Loin d’être une activité surannée, l’agriculture est un pari d’avenir. Elle mérite, à ce titre, la meilleure des politiques, celle qui nous permettra de renouer avec la compétitivité, la croissance et l’emploi et de répondre au défi immense de nourrir neuf milliards d’êtres humains à l’horizon 2050.
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’heure est grave pour notre agriculture et nos agriculteurs. J’aurai tout d’abord une pensée pour ces hommes et ces femmes qui font un métier essentiel : quelle noble profession que celle de produire notre nourriture ! Nous avons plus que jamais besoin d’eux et devons entendre leur mal-être, voire, pour certains d’entre eux, leur désespoir.
Le constat est, à bien des égards, accablant. En quarante ans, la part de l’agriculture dans notre PIB n’a cessé de régresser, le nombre d’exploitations a été divisé par quatre et la part des actifs agricoles n’a cessé de diminuer, pour atteindre aujourd’hui 3 % de la population active. Les agriculteurs sont aussi la catégorie sociale la plus touchée par les suicides.
Les surfaces agricoles continuent de reculer au profit de l’urbanisation et de la déprise agricole. Un éleveur laitier me disait récemment qu’on lui payait aujourd’hui le litre de lait au même prix qu’au moment de son installation, il y a vingt-trois ans. Dans le même temps, la part du budget des ménages consacrée à l’alimentation n’a cessé de reculer, passant de 30 % en 1960 à 15 % aujourd’hui.
Malgré tout, la France demeure une grande puissance agricole. Un pays, c’est un paysage et des paysans. Nos concitoyens sont d’ailleurs très attachés aux agriculteurs, peut-être à cause des racines qui nous sont communes, les racines rurales et paysannes. En tant qu’élue d’une circonscription rurale, je constate que notre agriculture est un atout majeur pour notre pays et pour nos territoires, qu’il s’agisse bien sûr de l’économie, de l’emploi et de l’aménagement du territoire, mais aussi de la notoriété et de l’image de la France, donc du tourisme.
Les soubresauts récents ne sont que le révélateur d’un modèle agricole qui date de l’après-Guerre, qui a été dessiné par la PAC et qui est arrivé en bout de course.
Ce modèle, il nous faut le repenser en tenant compte des nouvelles aspirations de la société et des impératifs nouveaux, tels que le changement climatique.
Devant l’urgence de la situation, le Gouvernement a pris des mesures qui étaient nécessaires, comme l’allégement des trésoreries, mais ce serait une grave erreur de s’en contenter. Tout juste ces mesures permettront-elles peut-être à nos agriculteurs de survivre jusqu’à la prochaine crise… Il faut donc envisager une remise sur pied durable du système agricole.
Nous disposons d’atouts considérables : une surface agricole importante – représentant près d’un demi-hectare par habitant –, une situation géographique et climatique favorable, qui permet une grande diversité de production, un savoir-faire issu de générations de paysans, des productions reconnues dans le monde entier, notamment grâce à nos labels de qualité, et une formation agricole que beaucoup nous envient.
Jusqu’à présent notre pays a également su résister, tant bien que mal, aux sirènes des OGM et du gigantisme en élevage, lequel fait fi du bien-être animal : un tel système, ainsi poussé à son paroxysme, n’apporte aucune solution.
L’agriculture industrielle et le système productiviste à tous crins ont depuis longtemps montré leurs limites. Les productions hors-sol, tels certains élevages, peuvent très facilement se délocaliser là où les coûts de production – main-d’oeuvre et aliments – et la protection de l’environnement sont plus faibles. La course au prix le plus bas est une impasse.
Il nous faut d’urgence dépasser ce modèle qui a entraîné une artificialisation des milieux, une utilisation généralisée de produits chimiques de synthèse – fortement émetteurs de gaz à effet de serre –, une dégradation prononcée, qui va devenir catastrophique, de notre ressource en eau, une chute de la biodiversité – songeons en particulier aux pollinisateurs – et une consommation considérable d’énergie fossile.
Le prix le plus bas – slogan habituel de la grande distribution – est un leurre. Ce que l’on ne paye pas directement, on le paye de manière plus sournoise : dans la destruction d’emplois, dans le trop bas niveau des salaires ou dans les externalités environnementales… Bref, ce que l’on ne paye pas en tant que consommateur, on finit par le payer en tant que contribuable, à travers ses impôts pour des réparations telles que la dépollution par exemple, ou en tant que citoyen, à travers entre autres les impacts sanitaires.
Nous vivons une époque mondialisée qui se caractérise par une grande volatilité des prix renforcée par des décisions contestables, comme la suppression des quotas laitiers décidée en 2008, et, parfois, par des problèmes géopolitiques impossibles à anticiper, comme le conflit en Ukraine.
Ensemble, nous devons résoudre une équation difficile et surmonter nos contradictions : promouvoir plus de libéralisme quand tout va bien, en ouvrant librement le marché à la concurrence, et demander par ailleurs plus d’interventionnisme quand cet excès de libéralisme entraîne des prix mondiaux non rémunérateurs.
Eh oui, car finalement l’amélioration de notre compétitivité-prix revient de fait, trop souvent, pour nos agriculteurs, à vendre à des prix inférieurs aux coûts de production.
Or, on ne devrait pas pouvoir en agriculture, comme dans les autres secteurs économiques, vendre en dessous du prix de revient. Quelle entreprise peut en effet durablement vendre en dessous de ses coûts de production ? Plus de régulation apparaît comme indispensable.
C’est un autre modèle que nous devons défendre. D’ailleurs,
monsieur le ministre, il s’agit là de l’une des directions indiquées par la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, dite « loi LAAF », qui promeut le développement de l’agroécologie, que vous avez défendue l’an dernier et que nous avons votée.
Cependant, prenons garde, le risque est grand que ce concept mobilisateur soit finalement récupéré, comme l’a été en son temps celui de développement durable. Nous devons mieux utiliser les leviers des aides publiques et de la PAC en favorisant les modèles agricoles durables qui sont en phase avec les demandes de la société : agriculture sous label, à haute valeur environnementale ou biologique.
Il nous faut rapidement changer de paradigme et renoncer à la compétitivité à tout prix, et je dis bien à tout prix.
En ce sens, le récent rapport d’information sur les circuits courts et la relocalisation des filières agricoles et alimentaires, déposé auprès de la commission des affaires économique de notre assemblée, montre tout l’intérêt d’une agriculture tournée vers son territoire. C’est d’ailleurs une des collègues de notre groupe écologiste, Brigitte Allain, qui en a été la rapporteure.
Ce rapport montre que c’est un objectif partagé par d’autres pays en Europe, notamment par l’Italie et par l’Allemagne. Ainsi, en Allemagne, l’accord de gouvernement mentionne la relocalisation des marchés publics. Tant mieux si nous parvenons à faire de même en révisant l’article 11 du code des marchés publics comme vous nous l’avez annoncé, monsieur le ministre : cela devient en effet urgent.
Notre Président de la République, François Hollande, avait déclaré qu’à compter de 2017, la restauration collective – soit 10 millions de repas par jour – devait s’approvisionner à hauteur de 40 % en produits de proximité et à hauteur de 20 % en produits issus de l’agriculture biologique. Nous en sommes loin. Ce serait pourtant une réelle opportunité de faire évoluer les habitudes alimentaires de nos concitoyens.
À ce stade, je vais énumérer quelques pistes de mesures structurantes qui pourraient être développées. Il faut d’abord favoriser la mise en place de stratégies alimentaires locales et financer la structuration des filières et outils régionaux dans ce sens. Des évolutions très fortes, mais qui ne seront pas simples, sont nécessaires en la matière.
Il est également nécessaire d’approvisionner la restauration collective en produits durables, de qualité et locaux. Je rappelle qu’aujourd’hui 80 % de la viande consommée en restauration collective sont issus de l’importation !
La recherche agronomique au niveau national et au niveau
local doit être accompagnée au moyen d’expériences de terrain, tant pour la consommation locale que pour l’exportation d’ailleurs : conversion vers l’agroécologie ou vers l’agriculture biologique – qui est encore importatrice pour certaines productions –, production sous signe de qualité et à haute valeur ajoutée.
Il faut, par ailleurs, conserver et développer la diversité existante des espèces végétales et animales.
Il faut aussi renforcer l’autonomie des systèmes à travers la diversification des cultures, prévoir un véritable plan protéines, pour accroître l’autonomie protéique des exploitations, et favoriser l’implantation de petites unités de méthanisation, sans cultures dédiées, sur tout le territoire.
Pour redonner de la valeur à l’alimentation, il faut croiser les logiques de filière avec les logiques de territoire. Nous savons que cela implique des transformations et modifications importantes.
Compte tenu de l’importance des enjeux, tous les acteurs – producteurs, industriels, représentants de la grande distribution – doivent jouer collectif, et cela dans l’intérêt général.
Comme je le rappelais au début de mon intervention, l’agriculture n’est pas une activité économique comme les autres : on ne peut donc l’abandonner à la seule logique du marché.
De ce point de vue, et en conclusion, nous considérons que l’agriculture non seulement française, mais aussi européenne, a tout à craindre des projets de traités transatlantiques actuellement en négociation. La manière de penser l’agriculture est tellement différente de chaque côté de l’Atlantique ! Ce que j’ai pu entendre ou lire à ce propos n’est pas pour nous rassurer.
Pour ce que l’on peut savoir – et l’on sait malheureusement très peu de choses, tant les négociations sont hermétiques – des labels de qualité, qu’il s’agisse des appellations d’origine protégée – AOP – ou des indications géographiques protégées – IGP –, Mme Cécilia Malmström, commissaire européen au commerce extérieur, m’a confié au printemps dernier que si quarante-deux d’entre elles étaient reconnues dans le traité avec les États-Unis, elle en serait très contente. Or la France possède plus de 600 labels de qualité de ce type !
Si ce projet de traité dit TAFTA, pour TransAtlantic free trade area, ou TTIP, pour partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, venait à être signé en l’état, il ne serait pas compatible avec un vrai modèle agro-écologique.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, si nous sommes réunis cet après-midi pour débattre de la situation de l’agriculture, ce n’est pas le fait du hasard, cela résulte d’abord de la volonté du Gouvernement et le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste tient à l’en remercier.
Ce débat est aussi une conséquence des souffrances des agriculteurs et des éleveurs qui nous interpellent depuis de longs mois. C’est le cas dans le département de l’Aisne, comme Jean-Louis Bricout et moi-même pouvons en témoigner. Ce débat est également une conséquence de la manifestation du 2 septembre, à laquelle nous avons également participé.
Les députés du groupe RRDP considèrent que ce débat constitue une excellente occasion, non seulement pour faire un point sur la crise, ou les crises, mais surtout pour tracer ensemble des chemins d’espérance pour notre agriculture. Nous savons tous en effet que si nos agriculteurs nous nourrissent, ils ne vivent plus de leur travail.
Nous devons resituer cette discussion et les questions agricoles dans des perspectives – vous l’avez dit, monsieur le ministre – non seulement conjoncturelles, mais également structurelles.
Quelle Europe voulons-nous ? La PAC est-elle aujourd’hui incontournable pour le rayonnement agricole des États membres ? Protection de l’environnement, gaz à effet de serre : à la veille de la COP 21, quelle qualité alimentaire voulons-nous dans notre assiette ? Quelle place désirons-nous faire à notre agriculture dans le développement économique du pays ? Quelle compétitivité souhaitons-nous pour nos exploitations ? Parler agriculture, c’est aussi parler ruralité !
Compte tenu de toutes ces problématiques, le débat se doit de sortir des traditionnelles guerres partisanes. Si nos agriculteurs attendent des décisions dans chacun de ces domaines, ils attendent aussi de retrouver confiance et espoir. Sachons collectivement être à la hauteur de ces enjeux !
Rappelons que la France est une puissante nation agricole. Et puis, les enjeux agricoles portent sur des sujets au coeur même de l’identité française : c’était vrai dans le passé, et ça doit le rester pour l’avenir.
Dans notre monde postmoderne, pour paraphraser Jean-François Lyotard, nous souffrons d’observer que l’agriculture est la cible de discours ironiques et l’objet de préjugés et de dérision.
Les questions agricoles sont des questions stratégiques pour la France. Oui, nous devons les remettre à la place qu’elles méritent, probablement la première. Élus et citoyens, nous avons le devoir de renouer le pacte intime qui lie notre pays à nos paysans et à une agriculture non seulement compétitive, mais aussi respectueuse de l’environnement.
C’est encore l’un des rares secteurs économiques qui, en France, gagne des parts de marché à l’exportation, au-delà même de l’aéronautique, avec un excédent aux alentours de 60 millions d’euros.
Certes, la crise agricole française n’est pas homogène : si certaines filières et certains territoires s’en sortent, la majorité de nos paysans souffre, y compris certains qui sont parmi les meilleurs, qui sont bien organisés, qui investissent, trouvent des marchés, et dont la structure de production est moderne et efficace.
Nous ne voulons pas tomber dans l’écueil, facile mais stérile, qui consiste à opposer les filières les unes aux autres. Je pense notamment aux filières grandes consommatrices de main-d’oeuvre et de travailleurs déplacés, celles qui subissent une concurrence déloyale des producteurs étrangers en matière de coût du travail, d’exigences environnementales et de complexité des procédures administratives : les filières des fruits et légumes, de l’élevage ou encore du lait.
Développer l’emploi salarial est également un impératif pour faire reculer le chômage dans nos communes rurales. Aussi, dans la préparation de la nouvelle PAC, nous soutenons les nouvelles orientations pour le maintien des petites et moyennes structures.
Mais nous devons accélérer le phénomène d’harmonisation sociale, environnementale et réglementaire au niveau européen, afin de permettre à nos paysans de lutter à armes égales avec leurs voisins européens.
En tant qu’européens convaincus et résolument attachés à une PAC forte et équitable, nous, députés du groupe RRDP, disons qu’au-delà de la crise du marché et de la surproduction, il nous faut non pas moins d’Europe mais, au contraire, mieux d’Europe.
Il n’y aura pas d’agriculture française moderne et compétitive sans une politique agricole européenne forte et ambitieuse. C’est en effet le niveau pertinent d’action pour avoir les moyens d’intervenir efficacement lorsque les marchés s’effondrent et lorsque les difficultés s’accumulent. C’est avec la PAC que nous pourrons assumer les surcoûts d’une agriculture durable et performante écologiquement.
Convaincus également de l’importance de la compétitivité économique pour le développement des exploitations agricoles, nous tenons également à saluer, monsieur le ministre, l’application du CICE au monde agricole. Même s’il reste des difficultés pour des coopératives, c’est un bol d’air qui va aider des milliers d’exploitations.
Les mesures de la loi d’avenir sur l’installation progressive, sur l’adaptation des contrats de génération au secteur agricole, sur le renouvellement des formations ou encore sur la création d’un établissement public national de coopération scientifique agricole, vont dans la bonne direction. Mais c’est encore, bien évidemment, insuffisant.
Je me permets aussi de me faire l’interprète de mon collègue Joël Giraud, président du Conseil national de la montagne, très concerné par l’agriculture et la question de la pluriactivité.
Cette pluriactivité reste indispensable au maintien de l’agriculture dans les régions de montagne où les sols gelés et enneigés pendant six mois de l’année imposent d’avoir deux, voire trois métiers.
L’actuelle réglementation des GAEC interdit d’avoir une activité autre qu’agricole plus de trois mois par an, ce qui est impossible en zone de montagne. Les autres pays européens ont adapté leur réglementation à cette contrainte sans subir les foudres de Bruxelles.
La demande est donc forte aujourd’hui : la France des montagnes doit pouvoir conserver une agriculture mutualisée en dérogeant à cette règle des trois mois.
Enfin, nous devons favoriser l’approvisionnement local pour la restauration collective comme pour les repas à domicile. Dans nos lycées, nos collèges, nos communes et nos maisons de retraite, l’heure est à la mobilisation pour les circuits courts.
Ensuite, l’obligation de traçabilité est une nécessité. Le consommateur a le droit de connaître l’origine des viandes entrant dans la composition des plats et d’être informé de la présence d’OGM.
Traçabilité, étiquetage : voilà des combats qu’il nous faut mener sans relâche. Nous devons à cet égard, monsieur le ministre, saluer votre initiative avec le label « Viandes de France ». Cultivons ce patriotisme alimentaire.
C’est non pas un réflexe cocardier par rapport aux autres produits, mais un moyen de maintenir un patrimoine économique et social, et je suis certain que Jean Monnet et Robert Schuman n’y trouveraient rien à redire.
Au-delà de ces aspects, je veux revenir sur le plan de soutien du Gouvernement.
Vous avez proposé d’agir sur la trésorerie, monsieur le ministre, avec le rééchelonnement des annuités bancaires, l’activation du fonds d’allégement des charges porté à 100 millions d’euros, la prise en charge des cotisations sociales, le dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, d’agir sur la modernisation des exploitations qui a été amorcée – je ne vais pas détailler toutes les mesures – et d’agir pour retrouver de la compétitivité sur toutes les exploitations, grâce un frein sur les normes franco-françaises avec un moratoire de six mois.
Au niveau européen, à la demande de la France, après le Conseil de Luxembourg du 15 septembre, il faut souligner l’évolution positive de la Commission sur la crise des filières d’élevage. Le paquet de 500 millions d’euros, c’est de l’argent frais. Vous avez obtenu, monsieur le ministre, que ces montants ne soient pas prélevés sur le budget de la PAC, ou encore que le stockage soit amélioré, l’augmentation étant étendue maintenant au lard.
Pour les aides directes, il y a 420 millions d’euros. La France a obtenu la deuxième enveloppe derrière l’Allemagne, soit 63 millions d’euros.
Quant aux avances de paiement PAC, cette souplesse, présentée par la Commission européenne comme exceptionnelle, est clairement insuffisante pour la France.
Il est indispensable de renforcer la vigilance sur l’évolution des marchés, l’évolution du marché du lait pouvant impacter directement celui de la viande bovine. Face à l’embargo russe sur la viande de porc, il est nécessaire d’ouvrir et de pérenniser de nouveaux marchés d’export. Si ces aides répondent à la crise porcine, n’oublions pas que le marché de la viande n’est pas florissant et que les revenus des éleveurs sont eux aussi très bas.
Mais l’urgence, ce sont les prix. Nous devons être capables de dire halte à la baisse des prix à la consommation. Si elle profite toujours aux mêmes, elle tire la société vers le bas. La guerre des prix dissimule souvent un vol, qu’il faudra bien payer un jour.
Nous savons que le prix est la résultante des marchés et du fonctionnement des filières. Nous devons soutenir, aider, pousser nos agriculteurs à s’engager encore plus dans le développement des organisations de producteurs et la contractualisation jusqu’à la grande distribution. Hélas, seulement 30 % des éleveurs bovins ont contractualisé.
Certes, voilà des réponses techniques, financières, concrètes, qui peuvent apparaître insuffisantes, mais elles sont néanmoins appréciées. Pour autant, tous les responsables que nous avons rencontrés, auditionnés nous ont dit que ce qu’ils attendaient en priorité, c’était de retrouver la confiance. Pour qu’ils retrouvent confiance en leurs élus, il faut d’abord leur faire confiance. C’est la première condition pour faire reculer leur désespérance, qui est grande. Ayons confiance en eux.
Une grande puissance agricole comme la France peut-elle encore tirer profit de ses formidables atouts et briller par ses performances qualitatives, ou doit-elle, à l’aube de ses performances passées, laisser dépérir ces trésors sous prétexte que la dictature des marchés serait une nécessité ? Notre réponse est non.
Si personne n’a de baguette magique, nous devons absolument écrire une nouvelle page de la grande histoire de l’agriculture française avec tous les acteurs.
Nous devons tracer un grand dessein pour retrouver la fierté en nos paysans et en nos agriculteurs et réaffirmer ainsi que labourage et pâturage demeurent les deux mamelles de la France, comme le disait Sully.
Nous, députés du groupe RRDP, sommes convaincus que nous avons encore de nombreux atouts pour réussir. Apprenons à les cultiver et faisons confiance à l’ensemble du monde agricole pour que la France renforce son modèle.
Je suis convaincu que, comme l’écrivait Jean de La Fontaine dans la fable Le laboureur et ses enfants, si le travail est un trésor, notre terre fertile l’est tout autant pour l’avenir de la France.
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’avais préparé un texte et il aurait plus facile pour moi de le lire, mais, après avoir écouté les précédentes interventions, je vais m’en éloigner. Du coup, j’oublierai sans doute des choses et mes propos apparaîtront peut-être un peu caricaturaux puisque, dans un tel cas, on est forcément beaucoup moins nuancé.
La première chose que je voudrais souligner, sur laquelle tout le monde est d’accord, c’est que la crise que vit aujourd’hui l’agriculture n’a jamais été aussi forte, du moins dans les territoires les plus montagnards, les plus ruraux, allais-je dire, par rapport à une certaine forme d’agriculture. Je pense aux territoires d’élevage et à ces exploitations agricoles, qui sont pour l’essentiel familiales même si des GAEC se sont constituées et s’il y a des regroupements, avec des difficultés énormes, qu’il faut prendre en compte.
Je sais bien que nous les ressentons tous, que nous les vivons, mais essayons d’imaginer ce que cela peut représenter pour un jeune agriculteur qui s’est endetté de travailler quinze jours par jour, et beaucoup plus en période de vêlage, ce qui doit d’ailleurs aujourd’hui s’échelonner sur toute l’année pour des raisons de prix, quand il faut vivre avec le seul salaire de la conjointe ou, plus rarement, du conjoint, qui travaille à l’extérieur, souvent pour un SMIC.
Il y a derrière tout cela une angoisse qui se traduit par de la colère, par un rejet massif des uns et des autres ici et de la parole politique. C’est quelque chose que l’on ressent très fortement. L’enjeu est terrible.
Deuxième observation et je sais que plusieurs d’entre nous ne seront pas d’accord : ce que l’on vit aujourd’hui dans le domaine agricole est la conséquence d’un parti pris, celui du libéralisme. On peut concevoir – ce n’est pas mon cas – que les échanges internationaux aillent dans ce sens pour les produits manufacturés, et l’on voit d’ailleurs les dégâts que cela entraîne, mais, pour l’agriculture, pour l’alimentation, répondre par un libéralisme sans limite qui consiste à aller vers le prix le plus bas, quelles que soient les conséquences sociales et environnementales, c’est une mécanique qui n’est plus dominée du tout.
Je sais bien que la tendance naturelle, y compris pour des agriculteurs du territoire que je représente ici, c’est de dire qu’il faut être compétitif : mettons tout sur la compétitivité et, à partir de là, nous pourrons tirer nos prix vers le bas, améliorer nos conditions de travail et nous en sortir. Mais nous savons bien que cette course à la compétitivité dans le domaine agricole n’apportera pas de solution durable et que l’on trouvera toujours des productions moins chères s’accompagnant d’un massacre social et environnemental.
Je ne nie pas les améliorations apportées en termes de bâtiments par exemple – cela a été souligné par le ministre –, mais nous savons tous très bien que la compétitivité n’est pas la solution : c’est une tromperie et, à l’échelle de l’histoire, ce n’est pas une solution durable pour l’agriculture.
Malheureusement, c’est elle qui dicte les réponses qui sont apportées au niveau européen, nous le savons bien. Si les outils de régulation ont été quasiment tous cassés, si les quotas ont été supprimés, par exemple pour le lait, c’est pour permettre de produire davantage, mais le coût de cette production sera totalement différent dans les immenses exploitations et dans nos petites exploitations de montagne qui ne pourront jamais faire face à une telle concurrence. Nous le savons bien, ce n’est pas la peine de tricher sur ce point.
Nous devons mettre un coup de pied dans la fourmilière au niveau de notre pays et au niveau européen. Nous devons dire que cela suffit, que les intérêts de nos agriculteurs et de nos territoires sont convergents avec ceux d’agriculteurs et de territoires des autres pays d’Europe. Il y a quelques années, nous allions d’ailleurs par deux députés de sensibilités différentes dans les différentes capitales d’Europe pour discuter et convaincre d’une telle convergence.
Je crois qu’il faut revenir sur ce système. La production alimentaire, ce n’est pas un produit manufacturé et il faut arrêter d’aller dans le sens du libéralisme.
Cela signifie qu’il faut revenir sur des décisions très libérales, et je le dis sans polémique vis-à-vis de mes collègues de l’ancienne majorité. Certaines dispositions de la loi Chatel de modernisation de l’économie ont en effet accentué la possibilité de négocier tout à fait librement et, pour la grande distribution, d’écraser le fournisseur. Nous l’avons tous constaté, pas seulement d’ailleurs dans le domaine agricole, mais aussi pour les produits manufacturés. C’est une réalité.
Et ceux de mes collègues de l’actuelle majorité socialiste qui considèrent le traité transatlantique comme une solution s’inscrivent dans cette approche ultralibérale consistant à aller vers le prix le plus bas et dont les conséquences seraient catastrophiques, notamment pour notre élevage. Les plus beaux morceaux viendront des États-Unis et nous ne pourrons pas les concurrencer. Nous aurons alors des tonnes de produits importés que nous ne pourrons pas dominer. Et la contrepartie affichée, qui s’inscrit d’ailleurs aussi dans cette démarche ultralibérale, ne permettra pas de résoudre le problème.
Je sais que c’est compliqué, monsieur le ministre, parce que c’est un système, mais la nécessité, l’exigence, l’obligation devant l’histoire, c’est de bousculer cette agriculture européenne qui, à l’origine, était faite pour nourrir l’Europe, pour avoir des agriculteurs et des territoires vivants, mais dont les conséquences sont aujourd’hui désastreuses. C’est d’abord ce message que je voulais faire passer.
Je ne reviens pas sur le plan d’aide parce que c’est quasiment du copier-coller de ce que l’on a régulièrement. Chaque fois qu’il y a une crise, on essaie de trouver les meilleures solutions en termes d’accompagnement, mais deux ou trois ans après, cela recommence et il faut de nouveau prévoir un plan d’aide. Or ce n’est pas conjoncturel. Si l’on ne s’attaque pas au problème structurel, on ne résoudra rien et on aura régulièrement des crises et des plans d’aide pour essayer de faire face à la situation.
Aller vers la grande distribution parce qu’il y a une crise grave, que les agriculteurs sont en train de sortir les fourches et les tracteurs et qu’il faut trouver, de façon volontaire, un accord sur des prix permettant de garantir un revenu, c’était l’urgence. Mais une telle solution ne dure qu’un temps – même pas un printemps –, le temps que la crise soit un peu moins forte ; elle ne résout pas le problème dans la durée.
Vous êtes dans la deuxième étape, monsieur le ministre, avec la contractualisation. Ce n’est pas nouveau, on en a beaucoup parlé dans les lois précédentes.
Le problème de la contractualisation, c’est qu’il y a là aussi un rapport de forces. Lorsqu’il y a eu des tentatives de contractualisation dans le secteur laitier, les agriculteurs ne sont pas arrivés à sauvegarder fondamentalement leurs intérêts. Il est très difficile d’avoir une contractualisation permettant de garantir un prix de production aux agriculteurs.
Il faut donc des mécanismes qui imposent, c’est-à-dire qu’il y ait une articulation entre le prix à la production et le prix à la distribution. Je ne vais pas parler de coefficient multiplicateur, cela fait penser à la fin de la dernière guerre mondiale même si cela existe toujours dans notre législation pour les fruits et légumes en période de crise, mais nous devons réfléchir à des mécanismes garantissant une articulation et évitant tout déséquilibre des marges au niveau des filières comme c’est le cas aujourd’hui. Les marges sont plutôt en régression pour les producteurs, mais elles éclatent pour la grande distribution. En 2014, le résultat net du groupe Carrefour s’élevait à 1,2 milliard d’euros et celui du groupe Auchan à 574 millions d’euros, et je pourrais citer d’autres groupes. Ils ne vont pas chercher ces sommes sous les sabots d’un cheval !
Je veux souligner trois points essentiels. Le premier, c’est la question de l’obligation de la mention de l’origine pour tous les produits agricoles. Vous en avez parlé, monsieur le ministre, mais nous sommes sur la base du volontariat. Le label « Viandes de France » est une bonne chose, mais la législation européenne devrait imposer un tel marquage. Deuxièmement, s’agissant de la relocalisation de la ressource alimentaire, nous avons tous des pistes, notamment sur le code des marchés publics, et de très bons outils ont été mis en oeuvre au niveau des collectivités départementales.
Enfin, il y a quelque chose de très important, dont personne n’a parlé, c’est le fait d’assurer les risques : non seulement les risques climatiques et sanitaires, mais aussi les risques économiques, qu’il faut prendre à bras-le-corps, en organisant un lissage en fonction des années ainsi que de ceux qui gagnent beaucoup et de ceux qui ne gagnent rien, voire qui perdent de l’argent.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise de l’élevage que nous évoquons aujourd’hui est bien réelle : que ce soit dans la production des porcs, du lait ou de la viande bovine, une partie des exploitations agricoles de notre pays connaît de graves difficultés financières, certaines étant même au bord de la faillite. Ceux qui vivent à la campagne et qui côtoient les éleveurs peuvent mesurer chaque jour la détresse de beaucoup d’entre eux.
Cette crise n’est pas nouvelle. Au cours des dix dernières années, notre pays en a connu successivement plusieurs que j’avais relevées, avec mon collègue Alain Marc, ancien député de l’Aveyron, dans un rapport sur l’élevage en juillet 2013. Manque de valorisation, saturation des marchés, disparition des outils de régulation européens et manque d’organisation des filières : les raisons sont connues et vous les avez parfaitement identifiées et détaillées, monsieur le ministre.
Face à la crise, le Gouvernement a pris des mesures d’urgence pour soulager la trésorerie des exploitations. Dans tous les départements de France, sous l’autorité des préfets, des cellules ont été mises en place pour apporter des solutions immédiates : la restructuration des dettes, la mise en place d’une année blanche pour les éleveurs, l’activation du fonds d’allégement des charges, la prise en charge de cotisations sociales, une baisse significative et pérenne des cotisations minimales maladie et invalidité, dès 2015, mais aussi plusieurs dispositifs fiscaux concernant des remises de taxes sur le foncier non bâti ou de taxes d’habitation. Ce sont autant de mesures qui doivent permettre de faire face aux situations les plus critiques.
Vous l’avez dit, monsieur le ministre, le Gouvernement n’a pas attendu la crise pour agir. La France a obtenu le maintien du budget de la PAC et les 9 milliards d’euros versés annuellement par l’Union européenne à l’agriculture française. Dans cette politique européenne, vous avez défendu le rééquilibrage des aides à destination des petites et moyennes exploitations, en supprimant les cinquante-deux premiers hectares.
Nous nous souvenons d’où venaient les oppositions… Vous avez accru le soutien à l’élevage, notamment par des aides couplées à l’élevage laitier, en zone de plaine, et en augmentant, en montagne, l’indemnité compensatoire de handicap naturel.
Vous avez obtenu le crédit impôt compétitivité emploi pour le monde agricole. En 2015, ce sont près de 4 milliards d’euros qui sont reversés au secteur de l’agriculture, de l’agroalimentaire et des services agricoles. Vous avez mis en place une politique de soutien aux investissements dans les secteurs agricoles et agroalimentaires. Vous avez amélioré l’encadrement de la contractualisation et organisé la médiation dans les interprofessions pour une répartition plus juste de la valeur ajoutée.
Vous avez mis en avant l’origine France, qui permet dans tous les domaines de la production de viande une meilleure identification des produits par les consommateurs. Vous avez fait éditer, il y a un an, un guide pour la restauration collective.
Au niveau européen, vous avez obtenu la tenue de deux conseils agricoles successifs au mois de septembre ainsi que l’allongement du stockage privé. Tout ce travail, monsieur le ministre, est à mettre à votre crédit et à celui de notre gouvernement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
« Ah ! » sur les bancs du groupe Les Républicains
et elles handicapent lourdement l’économie agricole.
La première d’entre elles tient dans l’aveuglement libéral européen. L’exemple des quotas laitiers est, de ce point de vue, édifiant. En supprimant le principal outil de régulation de la production laitière en Europe, cette production risque, ni plus ni moins, de disparaître totalement de bon nombre de territoires.
L’instauration des quotas laitiers, tant décriée par la droite dans les années 80, avait pour objectif non seulement d’organiser la production, mais aussi de répondre au souci d’aménagement du territoire. J’ai parfaitement en mémoire les manifestations agricoles de l’époque et je me souviens que l’on avait fait croire aux paysans que seule la liberté de produire assurerait leur avenir. Vous faisiez partie de ceux-là, chers collègues de l’opposition ! C’était votre discours à l’époque !
On voit ce qu’il en est aujourd’hui. Ceux qui reprochaient à l’époque une tentative de suradministration de l’agriculture sont les premiers aujourd’hui à appeler l’État au secours.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Il est nécessaire d’apporter un peu de cohérence.
Une deuxième difficulté vient du manque d’organisation de nos filières. Depuis trois ans, monsieur le ministre, vous vous battez contre les individualismes et les égoïsmes pour faire adopter des logiques collectives, que ce soit dans le domaine de la production, de la transformation ou de la commercialisation. Nous savons la difficulté de la tâche. Comment comprendre, en effet, qu’une coopérative qui appartient à des éleveurs refuse d’appliquer le prix d’achat du kilo de porc accepté par la grande majorité de l’interprofession ?
Encore une fois, où est la cohérence ? Où est la solidarité à l’intérieur même du monde agricole ? À ce propos, qu’est devenu le fameux fonds de soutien des céréaliers destiné aux éleveurs ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Il a totalement disparu et l’on n’en parle plus !
Une troisième difficulté vient de l’opposition stérile entre un modèle agricole tourné vers l’exportation et un autre tourné vers la consommation locale. À mon sens, notre pays a besoin de ces deux modèles totalement complémentaires. On ne peut pas se réjouir sans cesse d’être un grand pays exportateur et, dans le même temps, se plaindre de recevoir des importations.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Cette schizophrénie n’est plus acceptable.
On ne peut pas non plus faire croire aux Français qu’ils sont capables de consommer toute la production agricole française. Cela est absolument impossible. Les deux modèles ont besoin d’être soutenus, mais il faut mettre des conditions. Le modèle tourné vers l’exportation ne peut pas se concentrer sur des productions de masse ou de base. Il doit rechercher sans cesse une valeur ajoutée. Si l’on privilégie les productions de masse ou de base, il faut s’attendre, comme l’a dit André Chassaigne, à être concurrencé par quelqu’un qui produira moins cher. C’est une évidence. En revanche, si l’on avance dans le sens de la qualité ou de la transformation, on a plus de chances de conserver ses marchés et de créer de l’emploi territorialisé.
Pour ce qui est du marché intérieur, le parti socialiste milite depuis plus de dix ans en faveur de la relocalisation de l’agriculture. À l’échelon mondial – et le réchauffement climatique devrait nous y inciter –, il faut travailler à réduire les déplacements inutiles et à produire là où les gens ont faim, comme le disait Jacques Diouf, l’ancien directeur de la FAO, mais il faut également satisfaire le marché intérieur. Cette idée, dont on se moquait hier sur des bancs que je ne citerai pas, est aujourd’hui totalement partagée. On redécouvre l’importance du marché intérieur et de la consommation locale.
Ce n’est pas la seule solution, mais c’en est une pour bon nombre d’agriculteurs. La consommation locale limite les déplacements, crée de l’emploi et assure la traçabilité des produits dans tous nos territoires.
Nous ne l’avions pas oubliée, mes chers collègues, contrairement à vous !
De la même façon, la compétitivité des exploitations agricoles, au-delà des allégements de charges grâce au CICE, doit être reconsidérée à l’aune de la capacité de nos exploitations à aller vers plus d’autonomie. Acheter moins d’engrais de synthèses ou moins d’aliments, c’est renforcer la compétitivité des exploitations.
C’est tout l’enjeu, monsieur le ministre, de l’idée d’agroécologie que vous avez mise en avant dans la loi d’avenir. L’agroécologie, mes chers collègues, ce n’est pas un problème, comme on l’a parfois entendu. C’est l’une des solutions pour rendre l’agriculture française plus compétitive et plus efficace sur les plans économique, environnemental et social.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, l’agriculture mérite mieux que des postures. Ce qui a été accompli depuis trois ans permet d’aborder les enjeux du XXIème siècle dans de meilleures conditions. Au-delà des crises et de l’urgence de répondre à la détresse d’une partie du monde agricole, l’enjeu est de poser les bases d’une agriculture moderne qui gardera pour notre pays tout son poids économique et social et qui répondra aux souhaits de la très grande majorité des consommateurs et des citoyens, notamment en matière de traçabilité, de qualité des aliments, de protection de la santé et de l’environnement.
Monsieur le ministre, le groupe socialiste, républicain et citoyen soutient les agriculteurs, qu’ils soient actifs ou retraités. Nous sommes prêts à soutenir la comparaison en matière de retraites agricoles. Le groupe socialiste croit en l’avenir de l’agriculture de notre pays. Celle-ci doit rester l’un des fleurons de l’économie nationale. C’est pourquoi le groupe socialiste soutient l’ambition que vous portez pour l’agriculture française.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. David Habib remplace Mme Laurence Dumont au fauteuil de la présidence.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat sur l’agriculture est bienvenu, tant la crise qui frappe la ferme France est profonde et violente, mais il arrive bien tard. Je crains que sa vocation première ne soit de permettre au Gouvernement et à sa majorité de sauver les apparences.
Si vous aviez pris le temps, monsieur le ministre d’aller au SPACE – Salon international des productions animales – à Rennes, comme je l’ai fait, ou encore à la finale du concours national de labour en Lorraine,
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe Les Républicains – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen
vous auriez eu l’occasion de mesurer le désarroi des paysans.
Beaucoup d’éleveurs sont désespérés et j’en ai vu qui pleuraient en décrivant le drame économique et humain qu’ils vivent. Ce sont des familles qui souffrent et des pans entiers de l’économie rurale qui vacillent, car tous les sous-traitants sont touchés de plein fouet. Il est vrai que la conjoncture est particulièrement défavorable, comme si le XXIème siècle renouait avec les sept plaies de l’Égypte antique. Cette crise révèle surtout la fragilité structurelle des filières agricoles françaises et, partant, de votre politique.
Lors de l’examen de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, le mot de « compétitivité » vous excédait. Il ne fallait parler que de l’agroécologie, qui était, selon vous, la solution à tous les problèmes. Mais les agriculteurs ne sont pas dupes. Votre concept est d’abord une espèce de motion de synthèse entre les divers courants du PS, des radicaux et des écologistes, soit votre programme commun en quelque sorte.
Pour savants qu’ils soient, ces éléments de langage ne suffisent pas à cacher l’absence d’une ligne politique claire et d’une vision prospective. Où sont les projections économiques et sociales à quinze ou vingt ans ? Où sont les études de marché ? Où sont les mesures d’assurances ? Où sont les économies de charges ?
Décidément, cette loi agricole fera partie des actes manqués du quinquennat.
Venons-en aux sept plaies. Le ralentissement de la demande mondiale a pesé dans le marasme que connaît notamment la production laitière. Lorsque l’export se ferme, la concurrence se joue à huis clos, sur le prix bas. Or, la France n’est pas la mieux placée, à cause d’un excès de charges et de contraintes normatives. Une mesure devait apporter un peu d’oxygène aux producteurs et aux transformateurs, celle de la TVA emploi que votre majorité s’est empressée de supprimer dès 2012. Le Président de la République confesse à présent que cela a été une erreur.
C’est bien de le reconnaître. Mais que propose la gauche pour après ? Rien visiblement, comme suite à l’embargo décrété contre la Russie alors que nous savons que les éleveurs de porcs en sont les premières victimes. Ni l’Europe ni la France n’ont pris des dispositions efficaces pour compenser l’impact de cette décision politique, que chacun respecte par ailleurs. Vous annoncez 30 millions pour moderniser les battoirs, mais vous savez comme moi que chaque abattoir de France consomme 500 000 euros par an de plus pour ses charges salariales qu’un abattoir allemand. Dès lors que valent 30 millions ?
Beaucoup de producteurs savent qu’ils ne survivront pas à cette crise ; d’autres découragent leurs enfants de s’engager dans l’aventure. Ce n’est plus le dépit, c’est le désespoir qui les habite. Mais le pire, c’est qu’il n’y a personne pour les écouter, encore moins pour les plaindre. Alors que l’Allemagne et l’Espagne développent leurs unités, il y a en France comme une résignation à voir disparaître cette production, à l’instar de la sidérurgie selon les observateurs. C’est oublier que chaque éleveur de porcs emploie sept personnes et que la fatalité ne fait pas partie du vocabulaire des paysans.
L’été arrivant, nos campagnes ont été frappées par la sécheresse, et vous avez oublié d’en parler : l’herbe est rare, les granges vides et les cultures estivales ont fortement souffert. À cet endroit de mon intervention, il est bon de rappeler la séquence de Sivens : à l’époque, pour être politiquement correct, il fallait demander la réduction de la taille du projet de retenue d’eau et condamner l’agriculture dite « intensive ». Or chacun sait que la maîtrise de l’eau est un facteur stratégique pour les agricultures, sous toutes leurs formes, pour qu’elles puissent faire face au réchauffement climatique. Ce n’est pas d’une réserve d’eau que la France a besoin, mais de 100, 500, peut-être de 1 000.
Et comme si tout cela ne suffisait pas, la fièvre catarrhale ovine a de nouveau frappé en Auvergne, touchant à la fois les bovins et les ovins. Mais je tiens à saluer, monsieur le ministre, la célérité avec laquelle vos services ont réagi et l’annonce que des vaccins vont être distribués. Je souhaite que les éleveurs concernés puissent très vite retrouver leurs marchés. Cette réactivité, que je salue à nouveau, tranche avec la lenteur habituelle de l’administration : dès qu’il faut une autorisation, remplir un formulaire – comme ce fut le cas cette année pour les dossiers de la PAC –, le quotidien des agriculteurs se transforme en galère. M. Macron a beau déclarer, lors de l’inauguration de la Foire européenne de Strasbourg : « Je veux que l’administration passe d’une une logique de contrôle à une logique de conseil », la réalité est malheureusement toute autre. Notre administration est devenue tatillonne, obtuse et souvent arrogante, allant jusqu’à débarquer dans la cour des fermes entourée de gendarmes.
Mais il n’y a pas que l’application de la réglementation qui mérite d’être revue : c’est la réglementation elle-même qui pose problème, car elle est surabondante, contradictoire, stérilisante. À cet égard, le mal s’enracine dans cet hémicycle. En effet, pour faire plaisir à vos amis ou pour jouer sur les subtils équilibres de votre majorité, vous avez fait voter une loi sur l’avenir de l’agriculture un jour et, le mois suivant, vous avez donné votre accord à des propositions de loi allant dans le sens opposé. Où est la cohérence ? Parfois, ce sont les ministres d’un même gouvernement qui, chacun dans leur domaine, prennent des dispositions négatives pour l’agriculture, comme s’il s’agissait de la soumettre au supplice chinois. Où est l’arbitrage interministériel de Matignon ?
Qui au sein de l’administration s’est jamais posé la question des conséquences économiques du retrait d’un produit de traitement ? Qui sait combien d’emplois nous avons perdus à cause d’une surenchère sur les nitrates, sur la publicité pour le vin, sur la protection du loup ! Il y a bien des études d’impact, mais elles se contentent de mesurer l’effet d’un projet de loi sur le budget de l’État, jamais sur les gains ou les pertes de compétitivité, c’est-à-dire sur notre capacité ou non à générer du PIB.
Enfin, la plus grande des plaies de notre agriculture est l’incapacité de notre élite à la regarder pour ce qu’elle est, à savoir extraordinairement diverse, riche de son histoire et forte de son ancrage dans chacun de nos territoires. Dans les forums, dans les colloques, l’intelligentsia ne jure que par le bio, à la rigueur par les produits fermiers, à peine par les appellations d’origine protégée. Or l’immense majorité de nos concitoyens plébiscite une alimentation standardisée et bon marché, souvent d’excellente qualité, d’autant plus qu’ils ne consacrent à l’alimentation que 12 % de leur pouvoir d’achat contre 29 % au logement. Le monde n’est pas binaire : il n’y a pas une agriculture qui mériterait toutes les éloges et une autre, dite « industrielle », qu’il faudrait mépriser ; il y a une diversité de méthodes de production dont chacune sait tirer le meilleur parti d’un terroir grâce au travail patient de nos agriculteurs.
Aujourd’hui, nos agriculteurs ont perdu la patience. Ils ont besoin qu’on les écoute et qu’on les aide, ils veulent des prix rémunérateurs car leur travail vaut bien un juste salaire. Monsieur le ministre, vous avez bien essayé de décréter un prix du cochon à 1,40 euro le kilo, mais cela n’a pas fonctionné car vous n’avez pas la compétence pour fixer les prix agricoles. À présent, vous déversez quelques millions pour éteindre les incendies qui ravagent nos campagnes et pourrissent la vie des candidats de votre majorité aux régionales. Mais nos agriculteurs veulent une année blanche pour les charges d’emprunt et pour les cotisations sociales ; ils veulent savoir si les 62 millions d’euros que l’Europe leur accorde serviront bien à couvrir ces échéances, à leur permettre de garder la tête hors de l’eau. Cela tombe bien car ce sujet, lui, est de la compétence du Gouvernement, et, cette fois, vous n’aurez plus le droit à l’échec.
Si vous avez encore le courage d’aller à la rencontre des agriculteurs, sachez qu’ils manquent aussi du témoignage d’estime que vous pourriez leur apporter.
Je vous ai longuement et patiemment écouté, monsieur le ministre. Dans un premier temps, vous avez égrené des mesures techniques – je ne suis pas certain que même dix des députés présents puissent en faire le résumé après ce débat – ; et puis, dans un second temps, vous avez cherché la claque de la gauche en provoquant l’opposition : cette posture est symptomatique de ce que vous représentez au sein du Gouvernement, un véritable Janus, à la fois ministre de l’agriculture et porte-parole du Gouvernement, le matin à la rue de Varennes, l’après-midi rue de Solférino.
André Chassaigne a eu un mot très juste : les agriculteurs doutent en effet aujourd’hui de la crédibilité de la parole publique. Monsieur le ministre, il faut dès lors que vous remettiez de la cohérence dans l’exercice de vos fonctions parce qu’il en va de la crédibilité de l’action du Gouvernement.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Mesdames, messieurs les députés, je voudrais au préalable vous féliciter pour la tenue de ce débat, et rappeler à M. Herth que dans les fonctions qui sont les miennes, je suis allé non seulement, comme chaque année, au SPACE, mais aussi à tous les sommets consacrés à l’élevage ; j’ai effectué tous les déplacements, même pour les Terres de Jim – sauf cette année. je l’ai dit : j’organise mon agenda en fonction des agriculteurs et pas selon les injonctions ou les demandes des uns ou des autres. Moi, ce qui m’intéresse, ce sont les agriculteurs. Je suis issu d’un village de 256 habitants dans le canton de Loué, j’ai été à l’école publique de mon village, je suis allé au collège de Loué, et après au lycée Colbert de Torcy, à Sablé, et depuis je n’ai jamais bougé, jamais changé de circonscription. Par conséquent, je suis bien placé pour respecter profondément le monde agricole. J’aurais même pu, comme vous, monsieur Herth, devenir agriculteur. Ne me tenez donc pas un tel discours. Vous pouvez parler de posture à beaucoup de monde, mais pas à moi !
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Je vais maintenant répondre sur le fond. Tout d’abord, monsieur Benoit, il est faux de dire que le budget de l’Europe aurait baissé en particulier en France s’agissant de la PAC. Il a baissé de 12 % sur l’ensemble de l’Europe et de 2 % pour ce qui est du budget européen. Bruno Le Maire ici présent le sait. Si on avait suivi une stratégie d’alliance avec l’Allemagne sur le budget européen à l’époque où il était négocié, cela aurait abouti à une baisse de 30 %, avec des conséquences bien plus graves sur la politique agricole commune. J’attends de voir ce qu’il en sera des prochaines négociations sur cette question et donc sur le budget de la PAC. On pourra alors juger de l’engagement du Président de la République et du Gouvernement pour la défense d’un budget à l’échelle européenne qui satisfasse les grands enjeux de la politique agricole commune.
Vous avez aussi évoqué, monsieur Benoit, la TVA emploi – ou TVA sociale –, chère à M. Arthuis, que je connais bien et que je respecte. Je voudrais faire un petit calcul devant vous. Cette TVA portait en particulier sur un taux supérieur de trois points. Sachant que la recette attendue par point supplémentaire se situait entre 6 milliards et 7 milliards, cela aurait fait au total 21 milliards au maximum. Or le Pacte de responsabilité atteint aujourd’hui 40 milliards. Vous pouvez donc ressasser le sujet de la TVA sociale, que vous n’avez pas mise en oeuvre, mais le Pacte de responsabilité et le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi vont bien au-delà.
Allez en discuter avec M. Arthuis et il vous expliquera que la TVA s’applique à tous les produits, dont ceux qui sont importés. Je le répète : les 21 milliards qui auraient été obtenus par un taux supérieur de TVA représentent à peine la moitié des 40 milliards qui sont mis en place. Je rappelle en outre que cette TVA sociale se serait appliquée à tous les secteurs, donc l’agriculture en aurait répercuté un tiers de ce que l’on peut espérer aujourd’hui obtenir avec les mesures du Pacte de responsabilité. Et pourquoi votre majorité d’alors n’a-t-elle pas mis en place une telle mesure au lieu de renvoyer la décision après l’élection présidentielle ?
Mais objectivement, vous ne seriez qu’à la moitié de l’enjeu. Le débat est donc clos, en tout cas entre nous.
S’agissant des baisses de cotisations, je reviendrai sur le fait que le CICE s’applique à l’ensemble des activités agroalimentaires et agricoles, et pour les éleveurs qui possèdent des salariés et sont redevables de l’IS, cela représente près de 380 millions d’euros d’allégements de charges, et 400 millions pour l’ensemble de l’année 2015. Quand je suis arrivé, les exonérations au titre des travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi – TODE –, mis en place par le gouvernement précédent, représentaient déjà 500 millions. S’y ajoutent la C3S – je le rappelle puisque vous avez aussi évoqué les coopératives –, ainsi que la mesure prévu au titre du Pacte de responsabilité sur l’allégement des cotisations patronales jusqu’à une fois et demie le SMIC, soit 161 millions supplémentaires d’allégements. On peut nous demander de faire encore plus, mais à ce moment-là, monsieur Benoit, il faut être précis : dans quels secteurs et de quelles charges s’agirait-il ? Quelles sont vos propositions ? Nous avons déjà accompli un pas déjà très important dans le sens de l’allégement des cotisations pour redonner de la compétitivité.
De plus va être mise en place, pour la première fois, une année blanche sur les annuités. Auparavant, les mesures prises étaient des prêts bonifiés que les agriculteurs doivent rembourser aujourd’hui et dont ils ne veulent plus. Tout le monde était d’accord pour l’année blanche : nous la mettons en oeuvre.
La discussion n’a plus lieu avec les agriculteurs, mais avec les banques, en particulier celles pourtant censées représenter le monde agricole.
Nous devons insister beaucoup pour qu’elles mettent en oeuvre cette année blanche.
Monsieur Herth, il n’y a donc pas sujet à discussion sur les questions que je viens d’évoquer : on a travaillé. S’agissant des investissements dans les abattoirs, vous avez fait référence à la différence de situation entre l’Allemagne et la France. Cette différence est évidente et se comble doucement, j’en ai parfaitement conscience. Mais avec l’action conduite de notre côté à travers le CICE et le Pacte de responsabilité, et la réévaluation du salaire minimum du côté de l’Allemagne, ainsi qu’avec l’interprétation dorénavant plus stricte de la directive « Détachement », y compris dans les abattoirs – annonce faite par le vice-chancelier, M. Sigmar Gabriel –, nous sommes dans une convergence, à peu près à l’équivalence dans le secteur des abattoirs. Mais l’investissement dans ce secteur été l’un des oubliés de ces dix dernières années. Je vous rappelle que les 50 millions que l’on va y consacrer représentent deux fois ce qui a été investi entre 2002 et 2012. Vos collègues n’étaient peut-être pas tous dans la majorité à l’époque, mais c’est votre responsabilité. Il faut rattraper ce retard, investir maintenant. C’est ce que nous faisons et ce que nous soutenons (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen), il en va de la compétitivité de ce maillon essentiel pour l’élevage qu’est l’abattage-découpe. Nous sommes parfaitement d’accord sur ce point : saluez alors ce qui est fait. On peut débattre de nos différences sur d’autres sujets, mais reconnaissez qu’il y a là-dessus de vraies avancées.
La réglementation en matière d’environnement a suscité un vrai débat. Le Gouvernement s’est notamment vu reprocher de surtransposer les directives européennes. Or, depuis mon arrivée, nous n’avons jamais surtransposé. Le contentieux relatif à la directive Nitrates, qui oppose la France à la Commission européenne depuis cinq ans déjà, ne résulte pas de mesures que j’aurais moi-même décidées mais de la stricte application de la directive-cadre sur l’eau.
J’ai au contraire cherché à résoudre ce problème, en particulier en limitant pour les éleveurs les investissements nécessaires en matière de stockage. Ce but a été atteint – sans détailler davantage les mesures prises –, notamment grâce au stockage des fumiers pailleux et aux études sur les pentes, qui permettent d’accroître les surfaces d’épandage d’azote, selon des critères qui seront fixés. Nous avons cherché à adapter l’agriculture, de façon à demander le moins d’efforts possible aux éleveurs, tout en respectant nos engagements européens. Bien que n’ayant pas pris ces engagements moi-même, je les assume tous, en vertu du principe de continuité de l’État. mais sur tous ces sujets, jamais il n’y a eu de surtransposition.
En revanche, notre vision des rapports entre économie et environnement constitue bien un sujet de divergence. Messieurs de l’opposition, vous vous moquez de l’agroécologie. Je vous rappelle pourtant, monsieur Herth, que la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, a été votée à une large majorité, incluant les députés de l’UDI.
Quel est l’enjeu de demain ? Quelle est la stratégie à suivre ? Si vous considérez que la question environnementale est réglée et qu’elle doit même être évacuée, soit. Mais votre choix est différent du nôtre. Tous les professionnels me rejoignent sur ce point : ils demandent à sortir de la logique de la norme, pour entrer dans une logique d’objectifs, à s’engager sur des contrats centrés sur la double performance économique et environnementale, qui leur laissent aussi les moyens de faire leurs choix.
Que prévoit la loi d’avenir ? Avec les groupements d’intérêt économique et environnemental – GIEE –, nous laissons précisément aux agriculteurs la liberté de faire les arbitrages et les choix stratégiques nécessaires pour être économiquement, écologiquement et socialement responsables. Et c’est ce qui se passe. Pour faire écho à André Chassaigne qui citait tout à l’heure René Char : « De l’inachevé naîtra peut-être l’essentiel », eh bien, oui, alors qu’à sa mise en place, le dispositif pouvait paraître inachevé, le 5 octobre, nous ferons bel et bien le point sur l’essentiel : 116 GIEE ont été signés, 200 sont en préparation, avec des perspectives, des choix stratégiques qui mettent par exemple 52 exploitations dans le Gers en cohérence pour parvenir à l’autonomie fourragère, tout en associant des viticulteurs à cette stratégie d’autonomie. Ce n’est pas moi qui en ai décidé. Ce sont les agriculteurs eux-mêmes qui ont inventé cette solution !
Nous avons fixé un cadre : ils s’en sont emparés et s’engagent. Tel est l’enjeu. Telle est la voie de la compétitivité de demain.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Je vous le redis : l’autonomie fourragère est la clé de notre autonomie agricole, la clé de notre compétitivité demain.
La chambre d’agriculture de Bretagne travaille actuellement sur des robots de traite mobiles, afin d’utiliser l’herbe au maximum. Je rappelle que si la Nouvelle-Zélande est aujourd’hui la plus compétitive au monde pour la production de lait, c’est parce qu’elle utilise le pâturage. Appliquons cette méthode ! Faisons des choix stratégiques ! Simplement arrêtez de moquer ou de critiquer ces choix. Ils font au contraire le pari de l’avenir, de la réussite de l’agriculture et des éleveurs, en faisant de la polyculture-élevage l’élément essentiel de l’équilibre nécessaire à l’agriculture de demain. Voilà le choix que nous avons fait. Ne le critiquez pas ! Nous pourrons en discuter, l’ajuster, avoir des débats sur tel ou tel point, mais l’objectif stratégique, lui, doit demeurer. Et je ne cesserai de le défendre car je pense qu’il est l’une des conditions de l’avenir de l’agriculture.
La question de la compétitivité pose aussi celle de l’organisation des filières. Je l’ai vu lors du débat sur la filière porcine – il est dommage que M. Le Fur ait quitté l’hémicycle, alors que nous abordons ce point. Lorsque la section porcine de l’Union des groupements de producteurs de viande de Bretagne a renoncé au prix minimum de 1,40 euro le kilo de porc, qui avait pourtant été fixé, j’ai dit que, maintenant, le débat devrait porter sur l’organisation des filières. On peut adresser toutes les critiques aux Allemands, aux Espagnols, aux Danois, aux Néerlandais. Les Français ont un défaut : ils pensent que leur voie est la meilleure, parce qu’ils l’ont choisie, et que si elle ne réussit pas, c’est parce que les autres trichent.
Nous avons besoin de nous organiser différemment. La valorisation de la carcasse de porc est aussi importante pour la compétitivité de la filière porcine que le prix qui sera payé sur le marché de Plérin. C’est cela aussi qu’il faut faire évoluer. Nous devons changer de stratégie.
Dans le Languedoc-Roussillon, où en étions-nous il y a vingt ans ? La viticulture était sur le point de disparaître. Les viticulteurs ont accompli des efforts considérables, et aujourd’hui, ils exportent de nouveau. C’est la preuve que lorsque l’on fait un choix stratégique, lorsque l’on s’organise collectivement, on arrive à répondre non seulement au marché national, au marché européen mais aussi au marché mondial. C’est cela que nous devons parvenir à faire.
La contractualisation que nous proposons, en particulier au travers des caisses de sécurisation, consiste à dire, monsieur Chassaigne, que l’on peut même mettre de l’argent pour que le risque sur la variation d’un prix soit assumé par les parties contractantes – producteurs, industriels, mais aussi grande distribution, laquelle peut être partie prenante. Nous allons voir. Nous avons lancé un appel à projets. Nous avons fait des propositions. Nous verrons ce qui en résultera mais ce qui est sûr est qu’il faut s’organiser différemment et le dire haut et fort. N’en restons pas à des schémas qui ont peut-être eu leurs raisons d’être dans le passé mais qui aujourd’hui doivent être dépassés pour assurer l’avenir de notre agriculture, la rendre compétitive et garantir des revenus aux producteurs. C’est cela l’essentiel, ce qui doit nous mobiliser en permanence et continûment.
S’agissant de l’organisation collective en agriculture, je l’ai dit, l’agriculture de demain comptera deux piliers. La question du capital à investir a été posée. Celui-ci est de plus en plus important : les jeunes agriculteurs qui s’installent ont besoin de capital. Comment assurer le renouvellement de cette profession et avoir des agriculteurs demain si le capital à mobiliser pour s’installer devient inaccessible ?
Pour réussir ce pari, il faut que ce capital puisse être partagé, que les parts que détient chaque agriculteur dans une exploitation collective soient justement partagées, ce qui permet d’en renouveler les détenteurs, au profit notamment de jeunes qui peuvent trouver ainsi une partie du capital nécessaire et les moyens de le financer. C’est tout l’enjeu des GAEC – groupements agricoles d’exploitation en commun. Qu’on le veuille ou non, les 4 700 GAEC agréés sont une marche nécessaire pour garder à la fois la capacité à investir en capital – l’agriculture demande du capital – et la capacité à renouveler les générations en permettant à de jeunes agriculteurs de s’installer.
Les CUMA – coopératives d’utilisation de matériel agricole – sont un autre enjeu. À présent, les GIEE, sur la base des GAEC et des CUMA, doivent conduire à des stratégies de mutualisation, des stratégies environnementales, d’utilisation des produits phytosanitaires et d’autonomie fourragère. C’est ainsi que nous réussirons à organiser notre agriculture, à lui donner des perspectives en gardant des agriculteurs et à lui permettre d’être compétitive. Car nous avons besoin de cette compétitivité : on ne vend jamais que ce qui est susceptible d’être acheté sur le marché. Si plus personne n’achète nos produits agricoles, nous ne risquons pas de les produire ! Il faut que nous gardions cela en tête, tout en menant une stratégie globale.
On ne peut pas en rester seulement à la compétitivité-prix. C’est trop souvent votre biais, messieurs et mesdames les députés de l’opposition. A lieu d’y rester rivés, ouvrez les yeux !
Interruptions sur les bancs du groupe Les Républicains.
Regardez comment on prépare l’avenir !
En conclusion, je voulais vous féliciter tous pour ce débat. Il devra se poursuivre : l’agriculture, les agriculteurs, les éleveurs sont un enjeu crucial, un enjeu social, je l’ai dit, un enjeu territorial, un enjeu d’hommes et de femmes passionnés. Passionnés, nous le sommes aussi. C’est pourquoi nous devons réussir tous ensemble.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinq.
Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’article 4 A.
Merci, monsieur le président, de m’accorder la possibilité de faire quelques remarques sur l’ensemble du chapitre II, et non sur le seul article 4 A.
Les différents articles de ce chapitre vont dans le bon sens : celui d’une plus grande transparence et d’un meilleur équilibre des relations entre les acteurs des filières musicales et cinématographiques – la création d’un médiateur de la musique y participant grandement, bien qu’elle soit décriée.
L’examen du texte en commission a permis d’enrichir le dispositif initialement prévu. Ainsi avons-nous adopté un amendement tendant à étendre le champ de compétences du médiateur de la musique aux relations entre producteurs de phonogrammes et producteurs de spectacles, afin de mieux tenir compte de la place de la production de spectacles dans l’écosystème de la musique, notamment dans les revenus des artistes. Il importera de compléter ce dispositif en fonction des résultats de la mission Schwartz – dont on attend toujours les conclusions, madame la ministre.
S’agissant de la transparence, l’examen en commission a consolidé le système de la copie privée. Pour renforcer l’indépendance et la transparence des études menées, l’article 7 ter prévoit qu’une part limitée à 1 % du montant global de la rémunération pour copie privée sera affectée à leur financement. En outre, je me félicite que l’article 7 quater prévoie la publication de ces informations dans une base de données commune à l’ensemble des sociétés de perception et de répartition des droits ; cette mesure, qui figurait parmi les préconisations de la mission d’information parlementaire sur le bilan et les perspectives de trente ans de copie privée, contribuera à renforcer la légitimité de la rémunération pour copie privée du point de vue des redevables et des consommateurs.
Nous en venons à l’amendement no 249 , tendant à supprimer l’article.
La parole est à M. Michel Herbillon, pour le soutenir.
Je défendrai en effet cet amendement au nom de tous les cosignataires.
Nous proposons, madame la ministre, monsieur le président, la suppression de l’article 4 A, lequel précise que « les contrats par lesquels sont transmis des droits d’auteur doivent être constatés par écrit ». L’obligation d’un écrit pour la transmission des droits d’auteur existant déjà dans le code de la propriété intellectuelle, cette disposition nous apparaît redondante. Elle alourdit inutilement la loi, alors qu’il serait préférable de rendre celle-ci lisible et aussi simple que possible. C’est pourquoi nous proposons de supprimer cet article.
La parole est à M. Patrick Bloche, président et rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, pour donner l’avis de la commission.
Je pense, cher collègue Herbillon, qu’il s’agit d’une simple incompréhension.
Vous avez raison : l’article L. 131-2 du code de la propriété intellectuelle précise bien que « les contrats de représentation, d’édition et de production audiovisuelle […] doivent être constatés par écrit » ; fort de ce constat, vous avez déposé un amendement de suppression, estimant que la disposition contenue dans le présent article du projet de loi était déjà prévue par le code de la propriété intellectuelle. Or il s’agit en réalité de compléter cette disposition et de l’étendre aux auteurs, en particulier du secteur des arts visuels – conformément d’ailleurs à la demande qu’ils avaient formulée lors des auditions que j’ai conduites au nom de notre commission : ils souhaitent notamment être protégés contre des pratiques contractuelles informelles qui se sont développées en matière de cession de droits.
Il s’agit par conséquent d’élargir aux auteurs des arts visuels une disposition déjà présente dans le code de la propriété intellectuelle. D’où la nécessité d’affirmer clairement que l’obligation d’un acte écrit s’impose pour tout type de cession de droits d’auteur.
Eh bien, monsieur le président, soit, ayant été suffisamment explicite et clair, j’ai rassuré nos collègues et ceux-ci accepteront de retirer leur amendement, soit l’avis de la commission sera défavorable.
La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication, pour donner l’avis du Gouvernement.
Le Gouvernement est lui aussi défavorable à l’amendement, pour les raisons que vient d’évoquer le rapporteur. Je rappelle que l’article que l’amendement propose de supprimer a été introduit en commission par le rapporteur et qu’il vise à compléter le code de la propriété intellectuelle. Aujourd’hui en effet, l’obligation de contrat écrit n’existe que pour les contrats de représentation, d’édition et de production audiovisuelle, ce qui ne couvre pas toutes les hypothèses de contrat de cession. Je vous propose donc, monsieur Herbillon, de retirer votre amendement ; à défaut, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.
L’amendement no 249 n’est pas adopté.
L’article 4 A est adopté.
Madame la ministre, monsieur le rapporteur, il est habituel que vous répondiez à nombre de nos propositions en disant qu’elles font double emploi avec des dispositions existantes, mais là, tel est vraiment le cas pour cet article issu d’un amendement que vous avez déposé ! Il vient en effet doubler une concertation que vous aviez voulue, madame la ministre, et qui avait d’ailleurs été couronnée de succès, puisqu’elle a été consacrée par une ordonnance de 2014 faisant suite à quatre années de négociations entre les auteurs et les éditeurs. Il est tout à fait étonnant de revenir sur cet accord en introduisant une nouvelle disposition dans la loi, alors que nous en sommes à la phase d’expérimentation. On a le sentiment, monsieur le rapporteur, que seules les revendications des auteurs ont droit de cité dans l’article. Certes, on peut penser qu’un rapport serait nécessaire ; mais ce rapport devrait porter sur l’application de l’ordonnance : il serait alors justifié. Revenir, dans le cadre d’un véritable inventaire à la Prévert, sur tous les points qui ont fait l’objet de négociations – y compris, probablement, ceux qui ont été refusés – paraît en revanche paradoxal. On a l’impression que le Gouvernement se tire une balle dans le pied en introduisant dans la loi des dispositions qui ont déjà été rejetées.
Il me semble, monsieur le rapporteur, qu’il serait sage de s’en tenir à la remise d’un rapport portant sur l’application de l’ordonnance et sain de supprimer la partie visant à revenir dans le détail sur un accord qui faisait suite à une négociation. C’est une simple question d’équilibre : pourquoi déprécier la voix des éditeurs au bénéfice de celle des auteurs ?
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, il ne me semble pas que, contrairement à ce que vient de dire notre collègue Christian Kert, l’on se tire une balle dans le pied en inscrivant quelque chose dans la loi ! Au risque de contrarier notre collègue, j’estime au contraire tout à fait judicieux d’instaurer par écrit l’obligation pour l’éditeur d’envoyer à l’auteur un certificat de tirage initial, de réimpression et de réédition et, le cas échéant, un certificat de pilonnage. Je ne vois pas en quoi une telle disposition pénaliserait les éditeurs au bénéfice des auteurs.
J’ignore si le rapporteur et la ministre en seraient d’accord, mais on pourrait même ajouter la mise en solde, notamment pour ce qui concerne les livres d’art : ces derniers étant très coûteux, ils sont mis en solde très tôt, ce qui représente une perte financière pour les auteurs et, surtout, un préjudice pour leur image.
Nous en venons aux amendements.
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour soutenir l’amendement no 84 .
L’article 4 B prévoit la remise au Parlement d’un rapport sur l’amélioration du partage et de la transparence des rémunérations dans le secteur du livre. Le présent amendement vise à supprimer cet article, car nous déplorons la multiplication des demandes de rapports – d’autant plus que ces derniers sont rarement remis.
Je m’attendais à ce que l’opposition dépose un article de suppression sur un autre fondement, notamment en adoptant le point de vue qu’a défendu notre collègue Christian Kert, quand il s’est exprimé sur l’article 4 B.
La négociation sur le contrat d’édition qui s’est conclue entre le Conseil permanent des écrivains et le Syndicat national de l’édition montre qu’il existe dans ce secteur une volonté de discussion et d’échange.
En proposant la remise d’un rapport, l’article incite à une nouvelle concertation entre les organisations représentatives des éditeurs et les titulaires de droits d’auteur dans le secteur du livre. Il énumère divers points qui pourraient être négociés, et qui ont été évoqués lors des auditions que j’ai conduites.
Vous pointez un déséquilibre entre la parole des uns et des autres. Afin que l’une et l’autre soient entendues, j’ai reçu vendredi dernier à leur demande le président accompagné de plusieurs représentants du Syndicat national de l’édition.
En tant que législateurs, nous souhaitons que la négociation reprenne sur ces sujets, qu’elle se conclue ou non. Je rappelle que l’article n’est pas normatif. Nous fixons un cadre à la concertation, ce qui me semble être notre rôle.
Pour ces raisons, la commission a donné un avis défavorable à cet amendement.
À mon tour, je rappelle qu’auteurs et éditeurs ont achevé il y a quelques mois une négociation longue mais fructueuse, puisqu’elle s’est conclue par la réforme du contrat d’édition, scellée par l’ordonnance du 12 novembre 2014. Je salue tant la méthode que les résultats remarquables qu’a permis cet effort collectif. Je vous proposerai d’ailleurs de ratifier, à la faveur d’un amendement, l’ordonnance relative au contrat d’édition.
Le dialogue entre les parties doit prévaloir quand il s’agira d’évaluer, voire de compléter ce dispositif. Je me félicite donc que le Syndicat national de l’édition et le Conseil permanent des écrivains aient entamé, dans le même esprit partenarial, une discussion sur plusieurs points figurant dans l’article.
Je les sais déterminés à obtenir de nouvelles avancées par un accord interprofessionnel et je les encourage à poursuivre leurs échanges. Le travail avec mes services s’effectue en toute transparence.
Parce qu’il est légitime que le ministère de la culture puisse, le moment venu, transmettre au Parlement les informations nécessaires afin de tirer toutes les conséquences de la négociation, j’émets sur l’amendement un avis défavorable.
Je ne suis pas totalement convaincu par ces arguments. Dès lors que, contrairement à ce qui s’est passé dans les autres secteurs, les professionnels du livre sont parvenus, il y a à peine un an, à un accord, je trouve étrange qu’on le remette en cause dans un article de loi.
L’amendement no 84 n’est pas adopté.
Même si, comme vient de le souligner le rapporteur, l’article n’est pas normatif, il offre du moins l’avantage d’être informatif, voire incitatif, puisqu’il décline des points qui demeurent incertains ou peuvent faire l’objet de litiges.
Bien que la coopération entre auteurs et éditeurs soit essentielle, de même que l’équilibre souhaité par tous, des différends demeurent. Il serait donc judicieux qu’un rapport nous éclaire à leur sujet. De plus, il serait bon d’élargir notre point de vue franco-français en observant ce qui se passe dans d’autres pays. Il existe à l’étranger des codes de bonnes pratiques, dont nous pourrions nous inspirer.
Votre intervention, monsieur Piron, rassurera, je l’espère, ceux qui s’inquiètent qu’un article de loi incite à la négociation. Je vous remercie d’apporter à l’article le soutien du groupe de l’UDI.
La commission émet un avis favorable à l’amendement, qui vise à compléter opportunément la rédaction.
Même avis.
L’amendement no 198 est adopté.
L’article 4 B, amendé, est adopté.
Alors que nous commençons notre deuxième journée de discussion, je veux revenir sur certains éléments que mes collègues ont évoqués lorsqu’ils ont défendu les motions de procédure ou quand ils se sont exprimés au cours de la discussion générale.
Nous attendions depuis trois ans que le Gouvernement intervienne sur les questions culturelles. Pourtant, le texte qu’il nous présente semble avoir été rédigé dans la précipitation. Les auditions au Parlement n’ont commencé que cet été, entre la fin de la session extraordinaire de juillet et le début de celle de septembre. Est-ce ainsi que l’on respecte les parlementaires et leurs partenaires ?
Des amendements du Gouvernement sont arrivés la veille seulement de l’examen du texte par la commission. Et l’on attend toujours l’issue de la mission de médiation confiée à Marc Schwartz, pour pouvoir légiférer en toute connaissance de cause.
Conséquence de cette précipitation, la loi est un texte fourre-tout non sans quelques bonnes dispositions – nous avons eu l’occasion de le dire en commission–, hélas moins nombreuses que les mauvaises, certaines étant même très dangereuses.
Madame la ministre, votre manière de travailler est pour le moins surprenante. Christian Kert l’a souligné à l’instant, quand des accords interprofessionnels ont été conclus, vous essayez de les remettre en cause ; lorsqu’il n’en existe pas, vous antagonisez les professionnels de la filière, au lieu de les fédérer, ce qui devrait être votre tâche et celle du Parlement.
C’est ainsi que vous antagonisez les producteurs de musique et les artistes interprètes. Vous antagonisez les radios et les producteurs de musique. Vous antagonisez les producteurs d’audiovisuel et les auteurs.
C’est l’inverse qu’il fallait faire : rassembler la filière en créant enfin le Centre national de la musique, à l’instar du Centre national du cinéma et de l’image animée, qui permet de travailler sur le long terme et de chercher des accords dans la discussion.
Nos amendements viseront à supprimer des dispositions dangereuses pour la filière, qui a besoin d’avancées concrètes. Vous constaterez vous-mêmes que nos propositions vont dans le bon sens.
L’article 4 est adopté.
Je suis saisi d’un amendement, no 213 , portant article additionnel après l’article 4.
La parole est à Mme Dominique Nachury, pour le soutenir.
L’amendement vise à permettre aux artistes de sortir d’un contrat en cas d’inexploitation par un producteur phonographique des droits cédés. Garantir aux artistes la mobilité de leur contrat serait un facteur de vitalité.
L’article 5, qui sera appelé dans un instant, introduit la notion d’abus notoire dans le non-usage par un producteur de phonogramme des droits d’exploitation qui lui ont été cédés. Il propose que, dans une telle situation, la juridiction civile compétente puisse ordonner toute mesure appropriée.
Cette disposition répond à la préoccupation de Mme Nachury, sans toutefois déstabiliser excessivement les relations contractuelles entre les acteurs de la filière musicale.
J’invite donc notre collègue à retirer l’amendement, sur lequel la commission a émis un avis défavorable.
Avant de répondre sur l’amendement, je tiens à dire à M. Riester qui, au terme de sa huitième intervention en commission et en séance, n’a toujours pas dépassé la critique de notre méthode, que le procédé devient répétitif. Puisque nous parlons de musique, je lui suggère de changer de disque.
Sur le fond, il nous reproche d’« antagoniser ». C’est exactement le contraire que nous avons fait : en confiant une mission de médiation à Marc Schwartz, nous avons mis toutes les parties prenantes de la filière autour de la table afin qu’elles trouvent un accord. Notre méthode n’a donc rien d’une antagonisation !
Passons donc à la critique constructive, monsieur Riester. Nous attendons vos amendements car votre position actuelle commence à devenir lassante.
Comme l’a expliqué le rapporteur, le projet de loi comporte un dispositif tendant à améliorer la situation des artistes- interprètes. Il leur permettra de saisir les tribunaux pour qu’ils sanctionnent les abus notoires liés au non-usage par les producteurs de phonogramme des droits d’exploitation qui leur ont été cédés. Pour autant, ce dispositif ne remettra pas en cause l’équilibre de la filière, qui a été fragilisée par la transition numérique.
À mon tour, je vous suggère donc de retirer l’amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
J’aurais préféré que l’on crée cet article additionnel, dont la rédaction me semblait plus positive que celle de l’article 5. Je retire néanmoins mon amendement.
L’amendement no 213 est retiré.
Madame la ministre, en tant que président de l’un des plus anciens festivals de France, qui se déroule chaque été depuis 1869 dans un monument historique aussi remarquable que le théâtre antique d’Orange – vous vous y êtes d’ailleurs rendue, ce dont je vous remercie –, je ne peux naturellement que me féliciter de l’inscription à notre ordre du jour d’un projet de loi traitant à la fois de la création, de l’architecture et du patrimoine. Il va en effet sans dire que je suis convaincu de l’existence d’une filiation forte entre la création artistique et le patrimoine, qu’il soit architectural ou immatériel.
Mes fonctions de président des Chorégies d’Orange m’ont également permis de voir concrètement combien la culture pouvait faire l’objet de pressions et d’interventions visant à limiter l’indépendance artistique. Grâce au dialogue et à la bonne volonté des uns et des autres, grâce au temps, aussi, cette situation est heureusement révolue, s’agissant de ce festival, mais l’actualité nous montre chaque jour à quel point il s’agit là d’un combat permanent dans le monde, mais aussi en France.
Par ailleurs, madame la ministre, vous savez combien la démocratisation de la culture, son accès au plus grand nombre sont des sujets centraux, que nous traitons, certes modestement, avec notre équipe de ce beau festival que sont les Chorégies d’Orange. De la même manière, le puissant vecteur économique que constitue la culture, ainsi que les questions de l’emploi, de la formation professionnelle ou de l’engagement – du désengagement, devrais-je plutôt dire – de l’État et des collectivités locales, font partie, comme vous le savez, de nos préoccupations.
Le temps nous étant compté, je ne dirais qu’un mot du présent article, qui a pour objet de garantir un meilleur équilibre de la relation contractuelle unissant les artistes-interprètes et les producteurs, en leur appliquant des dispositions comparables à celles qui régissent les contrats d’auteur. Comme nombre de mes collègues, je suis assez gêné de devoir traiter ce sujet de manière relativement précipitée et confuse, alors que la médiation Schwartz a, semble-t-il, échoué. Sur ce sujet des plus sensibles, il n’y a pas, à mes yeux, d’un côté les bons, de l’autre les méchants. J’espère que la bataille d’amendements qui va avoir lieu sur les articles à venir ne livrera pas cette question à la caricature.
En ouverture de nos débats, comme je m’y étais engagée devant vous en commission, mesdames, messieurs les députés, je souhaiterais vous exposer le dispositif que le Gouvernement vous propose pour assurer aux artistes-interprètes une garantie de rémunération minimale. En premier lieu, je voudrais rappeler que l’article 5 du projet de loi initial – celui dont nous entamons la discussion – a pour objet d’améliorer les droits des artistes en renforçant la transparence et le formalisme des contrats. C’est une avancée très importante, qui était d’ailleurs souhaitée par les artistes. En outre, j’ai souhaité poursuivre le travail sur la définition de modalités permettant d’assurer une juste rémunération des artistes pour l’exploitation en ligne, dans un contexte où, vous le savez, depuis une dizaine d’années, la transition numérique a durement affecté le chiffre d’affaires du secteur et, par ricochet, les revenus des artistes. Tel était le sens de la médiation de Marc Schwartz – au sujet de laquelle les oiseaux de mauvais augure se sont avancés un peu trop vite – et des amendements déposés la semaine dernière par le Gouvernement, sur lesquels nous aurons l’occasion de revenir.
Le premier amendement fait progresser les droits des artistes- interprètes au titre des nouveaux modes d’exploitation en ligne, autrement dit du streaming. Grâce au dispositif qui vous est proposé, les représentants des producteurs et des artistes- interprètes devront s’entendre sur les modalités et le niveau d’une garantie de rémunération minimale pour les diffusions en flux, c’est-à-dire pour le streaming. C’est important, car cela va au-delà de l’équilibre actuel, qui repose sur une convention collective de 2008. Faute d’accord, il reviendrait à une commission administrative de statuer. Ce dispositif répond à une demande très forte des artistes tendant à un meilleur partage de la valeur dans le cadre du streaming.
Le second amendement que je vous ai soumis propose d’étendre aux webradios la rémunération équitable, en modernisant, trente ans après, le dispositif institué par la loi Lang de 1985. Là aussi, il s’agit d’un progrès très important pour la rémunération des artistes dans ce nouveau monde de la musique en ligne.
Quant à la médiation confiée à Marc Schwartz – alors que certains, dans cet hémicycle, annonçaient, comme ce fut le cas encore à l’instant, son échec – je vous confirme qu’elle a abouti ce matin à un accord, qui sera signé dans les prochains jours et qui réunit toute la filière – je dis bien : toute la filière –, les artistes-interprètes et leurs représentants, les producteurs et les plates-formes de musique en ligne. Cet accord majeur est tout à fait inédit, en ce qu’il pose les bases d’un développement pérenne de la musique en ligne, au bénéfice de l’ensemble de la filière musicale. Il est le fruit d’une méthode que je revendique – discussions entre les professionnels et consolidation dans la loi –, et qui est tout le contraire de l’antagonisation évoquée tout à l’heure par Franck Riester. C’est un accord qui permettra aux artistes-interprètes de voir l’avenir avec beaucoup plus de sérénité et qui offrira la possibilité aux producteurs de phonogrammes et aux exploitants de plates-formes musicales de se renforcer et de se développer.
Certains ont cru, ou croient, que la négociation est un recul, un contournement, une facilité ou une faiblesse : je crois que c’est le contraire. Je suis extrêmement fière de cette méthode qui repose à la fois sur la négociation et sur la loi. Nous avons abouti, grâce à cette médiation, à une solution que l’on recherchait depuis longtemps mais que nul n’avait trouvée jusqu’à présent – nul, ici, ne pourra dire le contraire. La France sera d’ailleurs vraisemblablement la première à mettre en oeuvre une telle solution, au bénéfice de ses artistes et de ses musiciens.
Je suis saisi d’un amendement, no 412 , tendant à supprimer l’article.
La parole est à M. François de Mazières, pour le soutenir.
Madame la ministre, on est un peu surpris en vous écoutant, tant il est vrai que vous nous annoncez chaque jour – ou plutôt, devrais-je dire, chaque demi-journée – des événements nouveaux.
Depuis que nous avons commencé l’examen de ce projet de loi, cela n’arrête pas. Et travailler dans ces conditions est épouvantable, comme Franck Riester l’a souligné à juste raison. Pourquoi a-t-on déposé cet amendement de suppression ? Le texte que vous nous avez présenté en commission ne comportait pas de séparation entre les artistes- interprètes principaux et les artistes d’accompagnement. Toute la filière y voyait une aberration. Grâce au travail effectué en commission – il faut rappeler que l’on vous a beaucoup sollicitée à ce sujet – cette distinction a été inscrite à l’article L. 212-14 du code de la propriété intellectuelle. Mais il fallait également le faire figurer à un autre alinéa. On voit bien à quel point tout cela se fait dans la précipitation.
Cet amendement de suppression vise d’abord à vous dire que l’on en a assez de travailler dans ces conditions. On aimerait que vous fassiez preuve d’un peu plus d’esprit de responsabilité. Vous nous dites que, ce matin, a été conclu un accord interprofessionnel : nous en sommes heureux. Nous pensons que c’est là une bonne logique.
Mais j’observe que les accords interprofessionnels ne semblaient pas vous intéresser lorsque notre collègue Christian Kert les a évoqués, tout à l’heure, dans une intervention extrêmement claire. On aimerait un peu de cohérence. Tel est l’objet de cet amendement de suppression, qui est, pour ainsi dire, un amendement d’appel à un peu plus de raison.
François de Mazières vient de qualifier cet amendement de suppression de l’article 5 d’amendement d’appel. Je veux bien le prendre comme tel, mais il n’en reste pas moins que son adoption aurait des conséquences funestes, à savoir l’annulation de toutes les dispositions nouvelles figurant dans le projet de loi adopté en conseil des ministres le 8 juillet dernier concernant les relations contractuelles entre artistes- interprètes et producteurs de phonogrammes. Ces dispositions, qui modifient le code de la propriété intellectuelle, sont tout à fait essentielles et, surtout, viennent de loin. Monsieur de Mazières, vous savez, comme un certain nombre de nos collègues ici présents, que la question du juste partage de la valeur créée sur la chaîne de la musique, ainsi que la transparence des rémunérations en ce domaine ont fait l’objet de plusieurs rapports. Je me souviens, alors que vous étiez dans la majorité, du rapport remis par MM. Zelnik, Cerruti et Toubon. Puis, sous cette majorité, a été remis le rapport Lescure et enfin, plus récemment, celui de M. Phéline. De fait, cet article décline les propositions du rapport Phéline et permettra de rééquilibrer les relations entre artistes- interprètes –notamment, ceux que l’on appelle les artistes d’accompagnement ou artistes musiciens – et les producteurs. Ces dispositions ne tombent donc pas du ciel.
Comme vient de le rappeler Mme la ministre, nous avons évoqué commission le fait qu’une mission, confiée à Marc Schwartz, était en cours. Nous avons appris, aujourd’hui, que cette mission avait conclu ses travaux positivement et nous serons amenés à en tenir compte ultérieurement dans le débat. Il y a donc tout sauf de l’improvisation. Simplement, le législateur travaille parallèlement à la négociation, dans l’espoir constant d’ailleurs que les parties prenantes à la négociation puissent parvenir à un accord. Avis défavorable.
Même avis.
Le rapporteur vient de nous indiquer que nous serions éventuellement saisis de certaines dispositions à la suite de l’accord conclu au terme de la médiation Schwartz. Cela aura-t-il lieu avant la fin du présent débat ou, à tout le moins, avant la fin de la deuxième lecture ?
Je précise, pour la clarté des choses, que les amendements en question du Gouvernement ont été déposés jeudi dernier, c’est-à-dire tout à fait dans les délais. Vous en disposez donc déjà et nous allons les discuter tout à l’heure.
Madame la ministre, on ne peut que se féliciter de la conclusion heureuse de la mission Schwartz mais vous devez convenir, avec notre président rapporteur, que les conditions dans lesquelles nous légiférons sont proprement ubuesques. Voilà en effet un texte que l’on attend depuis longtemps – c’est l’Arlésienne du quinquennat et du ministère de la culture – et qui a été sans cesse reporté. Nous avons travaillé des heures en commission en étant suspendus à la conclusion de la mission Schwartz, dont on ignorait les modalités comme l’échéance. Par un heureux hasard, elle se conclut soudain ce matin. Tout cela vient interférer dans nos débats et nous prive des conditions de sérénité nécessaires pour légiférer. Ce n’est tout de même pas normal et travailler de cette façon est, d’une certaine manière, irrespectueux à l’égard même du contenu de ce projet de loi. Il eût mieux valu déposer le projet de loi plus tard, une fois conclue la mission Schwartz.
Il s’agit, rappelons-le, d’un sujet loin d’être négligeable. Il occupe même une place relativement importante dans le texte. La manière qui a été choisie est extrêmement préjudiciable à la sérénité de l’examen du texte. On ne donne pas une très bonne image aux personnes, aux acteurs du monde culturel concernés. C’est tout à fait regrettable.
Je voudrais conforter les propos que vient de tenir Mme la ministre. Le projet de loi a été adopté en conseil des ministres le 8 juillet. À une exception près qui vient d’être rappelée – la distinction entre artistes principaux et artistes-interprètes, s’agissant de la reddition des comptes – cet article 5 n’a fait l’objet, en commission, d’aucune modification. Par ailleurs, nous avons longuement évoqué en commission – on en a eu le temps puisque nos travaux ont duré dix-huit heures – le fait qu’une mission était en cours. De ce fait, jeudi, avant dix-sept heures, comme tout député pouvait également le faire, le Gouvernement et le rapporteur que je suis ont déposé des amendements concernant le secteur musical.
Mes chers collègues, c’est parce que ces amendements ont été déposés, qu’ils émanent du Gouvernement ou de parlementaires, que nous pouvons aujourd’hui constater ensemble – et vous vous en réjouissez – que la mission Schwartz a abouti à un accord. Il convient maintenant que, par nos votes, nous en prenions toute la mesure et que nous en tirions les conclusions sur le plan législatif.
C’est tout simplement ainsi que les choses se sont passées. Et nous devrions nous réjouir, où que nous siégions dans cet hémicycle, d’avoir considérablement aidé M. Schwartz à aboutir par les initiatives que nous avons prises.
L’amendement no 412 n’est pas adopté.
Le présent amendement porte sur l’alinéa 6 de l’article 5, alinéa qui prévoit une rémunération proportionnelle pour l’ensemble des artistes-interprètes, y compris les musiciens, au titre de l’exploitation « sous une forme non prévisible ».
Aujourd’hui, seul l’interprète principal est en principe intéressé au succès commercial de l’enregistrement. Si la disposition proposée était adoptée, elle obligerait le producteur à verser un pourcentage sur les recettes à l’ensemble des musiciens intervenant dans la réalisation d’un phonogramme, ce qui empêcherait d’assurer la viabilité économique de toute exploitation non prévisible et serait par ailleurs matériellement difficile.
Cette mesure constitue donc à nos yeux un frein à l’innovation. C’est pourquoi nous souhaitons préciser par cet amendement qu’elle bénéficie aux seuls artistes-interprètes liés par un contrat qui prévoit un paiement direct par le producteur.
J’ajoute que cette disposition risque d’être inapplicable si l’on ne se réfère pas à la notion de recettes d’exploitation.
La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement no 438 .
L’amendement que j’ai déposé est strictement identique à celui que mon collègue Christian Kert a présenté à l’instant.
Permettez-moi de revenir brièvement sur les explications que vous venez de nous donner, monsieur le rapporteur. Vous affirmez qu’un accord a été conclu ce matin, et nous nous en réjouissons, mais nous aimerions en connaître le contenu, car sans cela, comment pouvons-nous légiférer sérieusement ? Vous savez en outre que cet accord n’a pas été signé par tous : l’ADAMI, la Société civile pour l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes, et la SPEDIDAM, la Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes ont fait savoir par communiqué qu’elles étaient contre.
Pour travailler vraiment sérieusement, il aurait fallu que nous prissions connaissance de l’aboutissement de ces négociations en temps utile afin d’intervenir en tant que législateur sur les limites de ces dernières. Notre rapporteur, avec l’habileté qu’on lui connaît, a fait une belle démonstration, mais cette maîtrise ne lui permet pas de combler les failles, tant elles sont énormes.
La commission a donné un avis défavorable sur ces deux amendements identiques, puisqu’ils tendent à supprimer la disposition qui est au coeur de l’article 5 et qui vise tout simplement à mieux associer les musiciens et artistes d’accompagnement aux profits d’exploitation pour les modes d’exploitation non prévisibles ou non prévus à la date de la signature du contrat.
En d’autres termes, si on adoptait ces amendements, il s’ensuivrait que les musiciens et artistes d’accompagnement ne bénéficieraient d’aucun intéressement sur l’exploitation numérique de leurs enregistrements. C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons que les rejeter.
L’avis du Gouvernement est également défavorable. L’alinéa 6 de l’article 5 du projet de loi, qui est inspiré d’une disposition applicable aux auteurs, a pour objet d’apporter des garanties aux artistes-interprètes sur les formes d’exploitation des oeuvres qui pourraient apparaître. Il confère ainsi un formalisme aux formes d’exploitation non prévisibles ou non prévues et organise la rémunération des artistes.
Cependant, cette rémunération est la contrepartie de la possibilité donnée au producteur de s’assurer qu’il détiendra bien l’ensemble des droits nécessaires à l’exploitation du phonogramme. Elle doit donc être calculée en conséquence et assurée pour l’ensemble des artistes-interprètes sans que soit opérée de distinction entre ces derniers compte tenu du caractère dérogatoire de cette disposition.
La démonstration qui vient d’être faite par le rapporteur et par la ministre me paraît claire.
Il faudra toutefois tenir compte du caractère incertain à ce stade de la rémunération issue d’une exploitation numérique. Il est très important de prévoir une rémunération pour l’ensemble des intervenants au support, mais il faudra aussi s’interroger sur les moyens de dégager une rémunération globale plus importante alors que l’exploitation numérique est aujourd’hui en perte de vitesse. Puisque le prix baisse et que les rémunérations – à juste titre, j’y insiste – doivent être calculées de la même façon pour tous les artistes qui ont participé à l’enregistrement, le calcul économique de l’ensemble de la chaîne est objectivement mis en question pour les années qui viennent.
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour soutenir l’amendement no 72 .
Cet amendement vise à substituer au terme « profits » le terme « recettes ». Cette modification pourrait être perçue comme un détail sémantique, mais ce dernier terme nous paraît plus approprié pour adapter la disposition prévue à la réalité de la rémunération de l’exploitation des phonogrammes.
Ce n’est pas un hasard s’il est fait référence aux profits d’exploitation, qui renvoient aux recettes d’exploitation ou, en d’autres termes, au prix effectivement payé par le public pour accéder à l’oeuvre et qui constituent l’assiette de la rémunération proportionnelle due aux artistes. Cette terminologie étant employée dans l’ensemble du code de la propriété intellectuelle, il nous faut, par cohérence, maintenir le mot « profits ».
Même avis.
L’amendement no 72 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Dominique Nachury, pour soutenir l’amendement no 214 .
Je propose par cet amendement de rédiger ainsi l’alinéa 8 de l’article 5 : « Le producteur phonographique a une obligation d’exécuter le contrat conclu avec l’artiste-interprète dans l’intérêt commun des parties. »
En effet, cette obligation aurait pour effet, dans les rapports entre les parties, de faire porter au producteur une responsabilité proche de celle que supporte le mandataire dans ses rapports avec l’artiste. Elle comporterait par ailleurs l’avantage de permettre aux artistes d’exercer une forme de contrôle sur la qualité des contrats conclus par les producteurs.
J’ai examiné avec attention votre amendement, madame Nachury, parce qu’il va dans le sens des dispositions de l’article 5 et qu’il est par conséquent – je voudrais vous rendre hommage sur ce point – en totale contradiction avec les arguments développés par les autres orateurs de votre groupe.
Toutefois, le principe que vous posez dans votre amendement existe déjà sous une formulation légèrement différente à l’article 1134 du code civil, qui dispose que les conventions « doivent être exécutées de bonne foi ». Ce principe s’applique évidemment déjà à tous les contrats.
Par ailleurs, votre proposition, et c’est ce qui me conduira à vous demander de retirer votre amendement ou, en cas de refus de votre part, à vous indiquer que la commission y a donné un avis défavorable, votre proposition me semble largement satisfaite par les modifications plus précises, donc plus efficaces, introduites par l’article 5 du présent projet de loi qui renforcent la protection contractuelle des artistes-interprètes.
Cela étant dit, je vous remercie de cette initiative, madame Nachury : elle montre l’intérêt que vous portez aux artistes-interprètes, et nous nous retrouvons sur cet objectif.
L’avis du Gouvernement est le même que celui du rapporteur. Permettez-moi d’indiquer que les dispositions proposées dans le projet de loi sont plus précises : elles encadrent le formalisme des contrats, elles imposent une reddition des comptes et permettent aux artistes-interprètes de saisir le juge en cas d’abus par le producteur dans le non-usage des droits d’exploitation qui lui ont été cédés. Elles répondent donc à votre préoccupation, que je salue également, madame la députée.
Dans ces conditions, je vous demanderai donc de retirer votre amendement. À défaut, j’y serai également défavorable.
Permettez-moi, monsieur le président, de revenir quelques instants sur les propos de M. le rapporteur. Il me semble que, bien souvent, nous précisons dans la loi des articles du code civil. J’accepte donc de retirer mon amendement si vous me garantissez que celui-ci sera parfaitement remplacé par des dispositions qui viendront ultérieurement en discussion.
L’amendement no 214 est retiré.
L’amendement tend à préciser au début de l’alinéa 9 que le contrat dont il s’agit, conclu entre un artiste-interprète et un producteur de phonogrammes, doit être un contrat de travail. En effet, l’alinéa prévoit le versement d’une rémunération salariale à l’artiste-interprète par le producteur. Or, certains artistes-interprètes étrangers engagés par des producteurs de phonogrammes français sont inscrits au registre du commerce et ont la qualité de travailleur indépendant. Afin d’éviter toute confusion, il s’agit de préciser que le versement visé bénéficie bien à un artiste-interprète salarié.
Monsieur Riester, je vous remercie, vous et vos collègues signataires de l’amendement, d’avoir souhaité apporter une précision à cette disposition de l’article 5. Cela étant dit, celle-ci me paraît inutile, car en application de l’article L 212-3 du code de la propriété intellectuelle les autorisations données par les artistes-interprètes et les rémunérations auxquelles elles donnent lieu sont régies par deux articles du code du travail : les articles L. 762-1 et L. 762-2. Les artistes, notamment étrangers, inscrits au registre du commerce n’entrent pas dans le champ d’application de la présomption de salariat ; le code du travail a fort heureusement tout prévu.
Même avis.
L’amendement no 250 n’est pas adopté.
Nous proposons de supprimer l’alinéa 11, car celui-ci établit une distinction qui ne nous paraît pas opportune compte tenu de l’évolution du marché et qui, de plus, n’est pas conforme à la convention collective et aux discussions qui ont eu lieu avec les partenaires sociaux.
Madame la ministre, vous nous soutenez à juste titre qu’il faut prendre en compte les relations avec les partenaires sociaux. En l’espèce, une convention collective, un accord entre les partenaires sociaux a été signé qui ne fait précisément pas la distinction entre l’exploitation des phonogrammes sous forme physique et l’exploitation sous forme numérique, car cela obligerait à verser à l’artiste des rémunérations distinctes pour chacune de ces exploitations.
Nous considérons donc que cette distinction, qui va exactement à l’encontre de ce qu’ont souhaité les partenaires sociaux, est artificielle. Elle aurait pour effet de priver les musiciens d’une part de leur rémunération actuelle telle qu’elle est encadrée par la convention collective lorsqu’il n’y aura pas d’exploitation sous forme physique – je l’ai évoqué –, ce qui est déjà une réalité pour un nombre grandissant de phonogrammes.
J’y insiste : cet alinéa nous paraît s’opposer, d’une part, aux négociations qui ont eu lieu avec les partenaires sociaux dans le cadre de la convention collective et, d’autre part, à l’évolution du marché de la musique, sur lequel l’utilisation du streaming est de plus en plus importante.
La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour soutenir l’amendement no 73 .
Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?
L’objectif de l’alinéa 11 est de faire en sorte que chaque mode d’exploitation de la prestation de l’artiste fasse l’objet d’une rémunération spécifique. Actuellement, le titre III de l’annexe III de la convention collective nationale de l’édition phonographique signée en 2008 après plusieurs années d’âpres négociations prévoit l’autorisation d’exploiter les productions des artistes-interprètes d’accompagnement sous forme physique, par téléchargement et par streaming. Ceux-ci ne sont donc pas associés à la forte croissance économique du marché du streaming et du téléchargement dont nous ne pouvons que nous réjouir. Ils le seront grâce au maintien des dispositions de l’alinéa 11. C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable en prenant en compte les excellentes observations formulées tout à l’heure par Karine Berger.
Même avis.
La parole est à Mme Dominique Nachury, pour soutenir l’amendement no 217 .
Cet amendement vise à déplacer après l’alinéa 11 deux alinéas relatifs au non-usage, plus compréhensibles s’ils viennent après la définition des modes d’exploitation.
Nous avons été amenés à émettre un avis défavorable à l’amendement. En effet, l’article 5 du présent projet de loi introduit la notion d’abus notoire en cas de non-usage par un producteur de phonogrammes des droits d’exploitation qui lui ont été cédés. Dans une telle situation, nous proposons que la juridiction civile compétente ordonne toute mesure appropriée. Cette disposition répond selon nous à la préoccupation soulevée par votre amendement sans déstabiliser par trop les relations contractuelles entre les acteurs de la filière musicale, chère collègue. Mon argumentaire ressemble terriblement à celui que je me suis déjà permis de développer pour vous suggérer de retirer votre amendement précédent ! Je vous remercie une nouvelle fois de votre contribution positive à l’affirmation par le législateur des droits des artistes-interprètes.
Même avis.
L’amendement no 217 est retiré.
Je précise que cet amendement a été déposé jeudi à 16 heures. Comme je l’ai indiqué dans mon propos liminaire, il renforce les engagements figurant dans le protocole qui sera signé en fin de semaine et encadre plus spécifiquement l’engagement de garantie de rémunération minimale au profit des artistes. Ce protocole, comme chacun l’aura compris, est le résultat de la médiation menée par Marc Schwartz. L’amendement fait progresser les droits des artistes-interprètes au titre des nouveaux modes d’exploitation en ligne. Il est le principal résultat, mais non le seul, de la mission de concertation menée par Marc Schwartz avec l’ensemble de la filière et instaure une obligation de garantie de rémunération minimale des artistes-interprètes dans le cadre de la diffusion de musique en flux, c’est-à-dire en streaming.
À cette fin, il instaure un dispositif de négociation encadrée par la loi entre les organisations représentatives des artistes-interprètes et les organisations représentatives des producteurs de phonogrammes. Cette négociation, désormais imminente, définira non seulement les modalités mais surtout le niveau d’une garantie de rémunération minimale pour les diffusions en flux, ce qui n’a jusqu’à présent jamais été défini. Il s’agit d’aller bien au-delà des dispositions de la convention collective de 2008 en étant très précis sur le niveau de la garantie qui doit être assurée à tous les artistes comme sur ses modalités.
L’accord pourra être rendu obligatoire par arrêté du ministre chargé de la culture. Afin de s’assurer que la garantie de rémunération minimale sera bien mise en place, le Gouvernement propose de prévoir un délai de douze mois au cours duquel l’accord collectif doit intervenir, faute de quoi il incomberait à une commission administrative de statuer. Celle-ci étant de composition paritaire et présidée par un représentant de l’État, nous sommes assurés qu’elle sera à la fois légitime et efficace. Je reste persuadée que les parties prenantes sauront se mettre autour de la table sur la lancée de la médiation assurée par Marc Schwartz afin de parvenir à cette avancée historique pour la filière.
Il est aussi très important de préciser que les représentants des producteurs et ceux des artistes se sont mis d’accord au cours des discussions sur un certain nombre d’aspects qui jusqu’à présent ne faisaient pas du tout consensus, tels que le principe, désormais accepté par les producteurs, du partage avec les artistes-interprètes de tous les revenus procurés par le numérique. En outre, un accord sur l’assiette des revenus pris en compte pour le calcul des rémunérations a été signé, alors qu’un certain nombre d’abattements leur étaient appliqués jusqu’alors. Il en résulte une grande transparence des relations entre les producteurs et les artistes-interprètes. C’est un vrai beau progrès qu’il convient de saluer. Aujourd’hui est une très belle journée pour les artistes.
L’amendement du Gouvernement, en effet déposé jeudi avant 17 heures, anticipait l’espoir de la réussite de la mission confiée à Marc Schwartz. Il s’agit en effet d’encadrer les négociations par la loi en vue de fixer une garantie de rémunération minimale au bénéfice des artistes-interprètes pour l’exploitation de leurs prestations en flux, c’est-à-dire en streaming, ce qui constitue une belle avancée. La commission a donc émis un avis favorable. Comme vous l’avez souligné, madame la ministre, le vote de cet amendement par notre assemblée est un moment important de notre débat.
La lecture que je fais de cet amendement du Gouvernement n’est pas la même que la vôtre, madame la ministre !
En effet, c’est bien à nous, législateurs, qu’il incombe de protéger les artistes-interprètes et de garantir leurs droits. Sous prétexte de sécuriser les artistes, vous décidez de renvoyer cette garantie à une convention collective qui n’a jamais été capable de protéger les droits des artistes-interprètes. Vous affirmez que la mission de Marc Schwartz est une réussite mais des articles de presse parus hier soir disaient le contraire ! Ma collègue Duby-Muller et moi-même avons reçu les mêmes messages de la part de l’ADAMI et de la SPEDIDAM, premières concernées en l’occurrence, qui ne semblent pas interpréter les résultats de la mission Schwartz comme vous le faites !
Je suis contre l’amendement du Gouvernement qui fait en sorte qu’on se défausse sur une convention collective alors que c’est à nous, législateurs, qu’incombent le droit et l’obligation de protéger les artistes-interprètes.
Je suis très ennuyée par cet amendement qu’il nous faut encore travailler, madame la ministre. Vous avez magistralement expliqué hier que la protection des artistes-interprètes est l’un des grands axes du projet de loi. Elle est en effet essentielle et nous devons avant tout garantir une rémunération à percevoir sur les plates-formes de téléchargement. Vous avez annoncé que la mission Schwartz avance, tant mieux ! C’est une bonne chose. Vous avez fait part à l’instant de votre volonté d’aboutir à un accord complet. À ce sujet, peut-être faut-il un peu de temps ou de sagesse pour parvenir à un accord complet, indispensable pour nos artistes-interprètes.
Ce qui me gêne aujourd’hui, c’est que l’ADAMI et la SPEDIDAM, les deux principales sociétés qui les représentent, surtout ceux qualifiés de secondaires car les autres n’ont pas besoin de nous, ont quitté la mission et refusé de signer. Je fais ici appel à votre sagesse car il me semble essentiel qu’ils reviennent autour de la table afin que l’accord représente réellement le plus grand nombre d’artistes-interprètes. En attendant, je préfère m’abstenir et soutenir l’amendement no 318 présenté par Patrick Bloche dont nous discuterons tout à l’heure. En matière d’accord complet, un déséquilibre demeure selon moi entre les majors et les artistes-interprètes.
Je ne suis pas du tout d’accord avec ce qui vient d’être dit. Ceux qui misaient sur l’échec de la mission Schwartz en sont pour leurs frais. Je tends par ailleurs, dans l’hémicycle, à faire davantage confiance à Mme la ministre qu’à quelques brefs articles de presse. Il est difficile de parvenir à un accord, nous le savons. Nous suivons une ligne de crête tortueuse entre la nécessaire protection des artistes et les plates-formes numériques. Il s’agit d’un premier pas dans un travail de longue haleine. S’ouvre une porte jamais ouverte auparavant, ce dont honnêtement nous étions un certain nombre à douter.
Aujourd’hui, le premier pas est fait. L’amendement me semble très clair. Il replace un certain nombre de responsabilités dans la convention collective tout en prévoyant que l’accord peut être rendu obligatoire par arrêté du ministre chargé de la culture. Dans tous les cas de figure, une porte de sortie est donc bien prévue afin que la garantie de rémunération minimale entre dans les faits. C’est une vraie révolution pour un grand nombre d’artistes même si certaines organisations n’en prennent pas encore la pleine mesure, peut-être parce qu’elles espèrent aller un peu plus loin. Il s’agit selon moi d’une grande ouverture et d’une grande nouveauté que l’on retiendra comme l’un des points forts de la loi. C’est pourquoi je soutiens pleinement l’amendement du Gouvernement.
Nous assistons dans l’hémicycle à une démonstration de surréalisme, madame la ministre, car vous êtes obligée de commenter vous-même votre amendement pour essayer de convaincre les membres de votre propre majorité ! C’est dire à quel point la précipitation nous place dans une situation difficile ! Sur le fond, vous savez bien que nous sommes plutôt favorables à la convention collective et si une solution a été trouvée, tant mieux ! Mais comment voulez-vous que l’on raisonne sans en connaître le contenu ? C’est pour nous un peu compliqué !
Certes, vous vous réjouissez et nous aussi de la convention collective. En effet, les professionnels savent généralement mieux que nous ce qu’il en est et nous leur faisons confiance. Nous sommes néanmoins intrigués d’apprendre que deux puissantes organisations, la SPEDIDAM et l’ADAMI, n’ont pas signé. Ce n’est pas pour autant que la convention sera mauvaise mais nous ne pouvons pas voter un texte sans connaître le contenu même de l’accord, que nous allons sans doute découvrir ce soir dans la presse par petits bouts ! Avouez qu’une telle méthode de travail est un peu surréaliste ! Quant à l’amendement proposé un peu plus loin par notre rapporteur, j’imagine qu’il tombera, faute de quoi plus rien n’a de sens !
Le III de l’amendement indique qu’« à défaut d’accord collectif […] la garantie de rémunération minimale versée par le producteur aux artistes-interprètes prévue au I est fixée de manière à justement associer les artistes-interprètes à l’exploitation des phonogrammes par une commission présidée par un représentant de l’État et composée, en outre, pour moitié, de personnes désignées par les organisations représentant les artistes-interprètes et pour moitié de personnes désignées par les organisations représentant les producteurs de phonogrammes ».
Cela laisse subsister un problème. À défaut d’accord collectif, une commission est réunie, mais si elle échoue comment parvient-on à la garantie de rémunération minimale ? On a vu des commissions paritaires ne pas aboutir comme on voudrait. J’aimerais donc savoir comment sera traité ce point. Disposez-vous, madame la ministre, d’un pouvoir d’injonction afin de mettre en place la rémunération minimale en cas de désaccord entre les artistes-interprètes et les producteurs de phonogrammes ?
Madame Attard, vous avez déjà eu la parole. Je vous demanderai donc d’être succincte.
Comme l’a expliqué Sophie Dessus, l’amendement no 318 à venir du rapporteur, fort bien rédigé, va dans le sens de nos propositions en faveur de la protection des artistes-interprètes.
Par ailleurs, il est gênant que M. Pouzol considère que nous dépendons des articles de presse pour nous faire un avis de ce que pensent les sociétés de perception et de répartition des droits – SPEDIDAM ou ADAMI –, alors que nous sommes des professionnels, qui travaillons sérieusement nos dossiers !
Il ne s’agit nullement de remettre en question l’amendement du Gouvernement ou de ne pas se réjouir des résultats de la mission Schwartz. Mais Sophie Dessus a raison de poser le débat. Nous ne devons pas travailler dans l’urgence. La mission ne s’est achevée aujourd’hui ; un peu de temps est nécessaire.
Madame la ministre, je sais bien que vous goûtez peu que l’on parle de la forme, mais nous aimerions tout de même savoir, avant de nous prononcer, quel sort M. le rapporteur réserve à son amendement no 318 , radicalement différent du vôtre. Cela nous permettrait d’avoir une vision globale de ce que la majorité et le Gouvernement souhaitent, s’agissant de ce texte. Quel sera votre avis sur l’amendement no 318 ?
L’accord va certainement dans le bon sens, mais encore faudrait-il que nous en connaissions l’intégralité, comme l’a très bien dit François de Mazières.
Je le redis, ce n’est pas là une façon de travailler ! Nous n’avons pas pu mener les auditions de façon sereine. Elles ont été organisées cet été, entre fin juillet et fin août, alors que nous attendons ce texte depuis trois ans !
Nous aimerions beaucoup entendre l’ADAMI, la SPEDIDAM et les représentants des producteurs sur ce que vous nous proposez aujourd’hui. Or, faute de temps, nous ne le pourrons pas. Madame la ministre, nous souhaiterions que M. le rapporteur et vous-même nous éclairiez sur le devenir de l’amendement no 318 .
Sur l’amendement no 376 , je suis saisi par le groupe écologiste d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme la ministre.
Ce protocole sera signé par les syndicats des artistes-interprètes, qui représentent plus de 75 % des salariés de la filière, ainsi que par la Guilde des artistes de la musique, la GAM, que vous connaissez tous. L’Alliance des managers – AMA – d’artistes sera également signataire.
Je vous rappelle que les conventions collectives, comme celle de 2008, sont signées par les syndicats et les associations représentant les producteurs. Les sociétés de perception et de répartition des droits, ainsi que leur nom l’indique, ne sont pas des syndicats d’artistes, et ne peuvent à ce titre signer des accords négociés par les partenaires sociaux. Il est important de le préciser.
La négociation qui va s’engager sera une négociation sociale, à laquelle participeront les représentants des artistes-interprètes et les représentants des producteurs, dans les mêmes conditions qu’une négociation de convention collective. Elle sera signée par les représentants des majors – le Syndicat national de l’édition phonographique, le SNEP –, les indépendants – aussi bien l’Union des producteurs phonographiques français indépendants, l’UPFI, que la Fédération des labels indépendants, la FELIN – et par les plates-formes de musique en ligne, dont le syndicat des éditeurs de service de musique en ligne, l’ESML. Cet accord est très représentatif de l’ensemble des professionnels, qu’il s’agisse des artistes-interprètes, des producteurs ou des plates-formes de musique en ligne.
Des avancées ont été obtenues, notamment sur le sujet des revenus pris en compte dans le calcul de la rémunération des artistes-interprètes. Sur ce sujet qui a cristallisé les oppositions, aucun dialogue n’était possible depuis des années. Réussir à faire s’entendre les producteurs et les représentants des artistes-interprètes sur l’assiette de calcul de la rémunération est un progrès considérable ! Il suffit d’ailleurs d’interroger la GAM ou les représentants des artistes-interprètes pour comprendre que cette demande de transparence, qu’ils exprimaient depuis si longtemps, est enfin satisfaite.
Remettre en cause la représentativité et la qualité de cet accord reviendrait à nier l’avancée sociale considérable que représente cet accord pour les artistes-interprètes.
Il s’agit d’un accord historique. J’y insiste, car je crois que les artistes-interprètes ne comprendraient pas que cet accord si ambitieux suscite la suspicion ou le doute.
Quant à la commission paritaire, monsieur Rogemont, si les parties ne sont pas d’accord, le représentant de l’État pourra toujours trancher. Comme en matière de rémunération équitable, le représentant de l’État prendra une décision en cas d’incapacité des parties à se mettre d’accord. Ainsi, le système ne peut pas se bloquer.
Deux observations, une de forme, une de fond. Je remercie Franck Riester de m’avoir opportunément interpellé, même si l’amendement no 318 n’est pas à l’article 5, mais porte article additionnel après l’article 5. Ainsi, le scrutin public qui vient d’être annoncé se déroulera dans la plus grande des clartés.
Le rapport de la commission, qui fait 494 pages, retrace parfaitement la manière dont nous avons travaillé. Les auditions ont débuté fin juillet et repris le 1erseptembre. Nous n’avons organisé aucune audition au mois d’août, bien sûr. Nous avons entendu tous les acteurs de la filière musicale, ce qui nous a permis de nous faire notre opinion.
Ayant lu attentivement les trois rapports successifs sur le sujet – celui de MM. Patrick Zelnik, Jacques Toubon et Guillaume Cerutti, qui remonte à janvier 2011, celui que Pierre Lescure a rendu en mai 2013, et celui de Christian Phéline, qui date de décembre 2013 –, j’ai été amené à déposer un amendement visant à mettre en oeuvre une gestion collective obligatoire des droits de la musique en ligne, afin de garantir une juste rémunération aux artistes-interprètes.
Cet amendement no 318 avait tout son sens quand nous ne savions pas encore quels seraient les résultats de la mission Schwartz. Aujourd’hui, nous connaissons ces résultats ; un accord a été conclu, amenant le Gouvernement à déposer l’amendement no 376 relatif à la rémunération minimale garantie. Dans ces conditions, maintenir l’amendement no 318 , qui prévoit que le législateur règle les relations entre artistes-interprètes et producteurs et met en place un système de gestion collective obligatoire reviendrait, vous en conviendrez, à tuer la négociation et l’accord Schwartz.
Compte tenu de l’issue positive de la mission Schwartz, je serai amené, en toute cohérence, à retirer mon amendement.
Néanmoins, je tiens compte des observations pertinentes de certains de nos collègues, notamment Sophie Dessus et Martine Martinel. Il y a effectivement deux absents à la signature de l’accord Schwartz, et pas des moindres : l’ADAMI et la SPEDIDAM, que nous avons toutes deux auditionnées.
Le temps parlementaire est parfois utile pour prendre la mesure, entre deux lectures, des conséquences de ce qui a été voté. Comme rapporteur, je me réserve la possibilité de reprendre l’initiative en deuxième lecture, si cela s’avère nécessaire et si l’ADAMI et la SPEDIDAM n’ont toujours pas entre temps signé l’accord Schwartz. Je laisse les choses ouvertes.
Mais pour ne pas tuer l’accord qui vient d’être conclu, je retire en toute logique l’amendement no 318 . Vous me connaissez, il n’est pas dans mes habitudes de mettre le feu ; surtout, je ne suis pas un « artiste principal », mais un représentant de la nation.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 34 Nombre de suffrages exprimés: 23 Majorité absolue: 12 Pour l’adoption: 22 contre: 1 (L’amendement no 376 est adopté.)
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour soutenir l’amendement no 9 .
Il paraît important que les documents transmis par le producteur transitent par une personne mandatée par l’artiste-interprète et soient soumis au secret professionnel.
La commission a donné un avis défavorable à cet amendement qui complexifierait inutilement le système. Si les justificatifs demandés par l’artiste-interprète pour expliciter sa rémunération comportent des informations concernant d’autres artistes, il sera loisible au producteur d’anonymiser ces données. De même, celui-ci pourra ne pas faire figurer les éléments qui relèveraient du secret des affaires. Vous pouvez donc être rassure, madame Duby-Muller.
Même avis.
L’amendement no 9 n’est pas adopté.
L’article 5, amendé, est adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 5.
Je rappelle que l’amendement no 318 a été retiré.
L’amendement no 318 est retiré.
Sachez que j’étais prête à retirer l’amendement no 349 au profit de l’amendement no 318 du rapporteur, que je trouvais excellent et qui me faisait penser que nous étions sur la bonne voie dans la défense des artistes-interprètes. Mais je vais donc le soutenir.
Il s’agit de se mettre en conformité avec le droit international et de moderniser l’article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle, qui prévoit que sont soumises à l’autorisation écrite de l’artiste-interprète la fixation de sa prestation, sa reproduction et sa « communication au public ».
Nous estimons que cette dernière expression, beaucoup trop faible par rapport aux usages que l’on peut faire aujourd’hui des phonogrammes, est obsolète. C’est pourquoi nous proposons de la remplacer par les mots « sa mise à la disposition du public par la vente, l’échange, le prêt ou la location, et sa communication au public, y compris sa mise à la disposition du public, par fil ou sans fil, de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement ». En effet, les usages ont beaucoup changé !
Voilà pour ce qui concerne la première partie de cet amendement. Ce droit de location s’accompagne d’une garantie de rémunération équitable, à laquelle l’artiste ne peut renoncer et qui pourrait faire l’objet d’une gestion collective obligatoire.
Cet amendement va dans le même sens que celui du rapporteur et j’aurais souhaité qu’il le défende à ma place. Ce n’est pas le cas, malheureusement.
L’amendement no 346 est en partie rédactionnel puisqu’il vise à remplacer les mots « sa propre initiative » par « l’endroit et au moment qu’il choisit », ce qui correspond à la formule consacrée pour la musique et la vidéo à la demande. Cette substitution serait valable pour tous les articles qui en découlent. Il tend également à remplacer les termes « des douze mois » par « de l’année ». En effet, à compter d’une notification, comment compter les douze mois ? C’est, sur le plan juridique, beaucoup trop imprécis.
Par ailleurs, cet amendement vise à corriger les articles créés il y a quelques mois par la loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne, dite DDADUE, et qui ne sont pas applicables. En effet, cinquante ans après une cession de droits, un artiste qui constate que son producteur n’exploite plus l’une de ses oeuvres, peut le presser d’exploiter l’oeuvre dans le délai d’un an, sous peine de récupérer les droits. Mais l’immense majorité des oeuvres ont plusieurs artistes interprètes – sept ou huit en moyenne. L’article L. 212-3-2 du code de la propriété industrielle dispose que le droit de résiliation s’exerce d’un commun accord. Cette disposition ne vise pas à provoquer des résiliations mais à donner aux artistes interprètes un moyen de pression sur leur producteur pour qu’il exerce son obligation d’exploitation. Or, en imposant un commun accord, l’article L. 212-3-2 rend inapplicable ce moyen de pression. Si l’on peut comprendre la volonté qu’un autre artiste ne soit pas lésé par cette résiliation, il ne faut pas oublier qu’il s’agit là d’oeuvres de plus de cinquante ans dont il n’existe plus d’exemplaires en quantités suffisantes en vente ou qui ne sont pas mis à la disposition du public à la demande. Les revenus qui en découlent sont, par conséquent, nuls. Il s’ensuit que les autres artistes ne sauraient être lésés par la résiliation d’un contrat qui ne leur rapporte plus rien. Tel est l’objectif de cet amendement : contrebalancer les effets négatifs de ce que nous avions décidé en ce début d’année en mettant en conformité notre législation avec le droit européen.
Je retire l’amendement no 347 .
L’amendement no 347 est retiré.
Si vous voulez, mais nous parlons de droits voisins qui sont des notions complexes. J’espère que tout le monde suit car nous n’aurons pas souvent l’occasion d’en discuter.
Lorsque nous avons adapté la loi DDADUE, il y a quelques mois, nous sommes passés de cinquante à soixante-dix ans et nous avons prévu une rémunération supplémentaire pour les artistes interprètes, de l’ordre de 20 %.
L’un des risques de cette transposition est de voir se créer des sociétés de producteurs qui gèrent eux-mêmes la perception de cette somme afin qu’elle ne soit redistribuée alors que nous voudrions que des sociétés de gestion des droits d’auteur – les SPRD, sociétés de perception et de répartition des droits –, agréées par le ministère, s’occupent d’administrer, et pas seulement de percevoir, cette somme supplémentaire qui sera exigée et redistribuée. Le risque est gros, si nous laissons le texte en l’état, de voir cette rémunération échapper aux artistes interprètes pour être finalement gérée entre sociétés de producteurs, qui se constitueraient pour l’occasion à la place des SPRD.
Avis défavorable à ces trois amendements.
S’agissant de l’amendement no 349 , vous voulez instituer une gestion collective obligatoire du droit de location. De ce fait, vous proposez d’insérer dans le code la propriété industrielle une énumération qui ne m’apparaît pas nécessaire. La notion synthétique de communication au public, mentionnée à l’article L. 212-3, couvre bien la vente, l’échange, le prêt, la location et la mise disposition du public, à la demande, comme le confirment la jurisprudence, la convention collective de l’édition phonographique et la pratique contractuelle. Je ne vois pas ce qui justifierait que le droit de location des phonogrammes, qui présente des enjeux très limités, avouons-le, soit géré collectivement.
Vous reprenez, aux amendements nos 346 et 348 , un débat que nous avons eu lors de la transposition par la loi DDADUE d’un certain nombre de dispositions concernant la propriété intellectuelle.
La loi du 20 février 2015 a prévu une clause de use it or lose it. Au-delà des cinquante premières années du délai de soixante-dix ans, l’artiste-interprète peut résilier l’autorisation d’exploitation des droits cédée à un producteur de phonogramme en cas d’exploitation insatisfaisante. L’amendement vise à supprimer l’article L. 212-3-2 qui dispose que, lorsqu’un phonogramme contient la fixation des prestations de plusieurs artistes-interprètes, ceux-ci exercent le droit de résiliation d’un commun accord. Il n’est pas souhaitable, je pense, de remettre en cause le compromis trouvé dans la loi DDADUE, d’autant plus que l’article 5 du projet de loi que nous venons d’adopter introduit la notion d’abus notoire dans le non-usage des droits et permettra ainsi de répondre de manière plus efficace à la préoccupation soulevée par cet amendement.
Quant à l’amendement no 348 , je ne suis, là encore, pas favorable à la remise en cause des équilibres issus de la loi DDADUE du 20 février 2015, surtout que les précisions que vous souhaitez apporter me semblent déjà satisfaites. Vous voudriez en particulier préciser que la société agréée chargée de l’administration de la rémunération annuelle supplémentaire est une société d’artistes-interprètes mais les critères de l’agrément posés par l’article L. 212-3-3 du code de la propriété industrielle le garantissent déjà.
Nous avons déjà eu ces débats lors de la discussion de la loi DDADUE à laquelle Mme Attard faisait référence. Le rapporteur vient de se livrer à une brillante démonstration à laquelle je souscris. Même avis.
Cet article va dans le sens d’une plus grande objectivité et d’une meilleure équité dans les contrats conclus entre les producteurs de musique et les plateformes de streaming avec, à la clé, des relations commerciales plus transparentes et sainement concurrentielles. Les représentants des deux parties évoquées ont d’ailleurs accueilli très favorablement cette disposition car elle accompagnera l’essor de la nouvelle économie issue de la musique en ligne.
Les artistes-interprètes devraient également bénéficier de cet assainissement des relations entre les producteurs et les plates-formes car leurs oeuvres se retrouveront plus facilement sur les sites de streaming si tant est que l’on parvient à leur assurer un niveau de rémunération garanti et géré par les sociétés collectives.
Cependant, dans le souci de permettre aux artistes-interprètes de faire valoir leurs droits, les députés socialistes ont déposé, à la suite de l’article 6, un amendement qui, sous des dehors quelque peu techniques, correspond à une revendication de longue date : transposer aux droits des artistes-interprètes le caractère de bien propre par nature du droit d’auteur, pour leur permettre de conserver leurs droits en cas de divorce et de dissolution de la communauté des biens, comme c’est actuellement le cas pour les auteurs. Ainsi mettrons-nous fin à une inégalité de traitement entre les auteurs et les artistes-interprètes, qui ne se justifie d’aucune manière aujourd’hui.
Cet amendement vise à supprimer l’article 6.
Le streaming est un marché prometteur mais qui n’est pas toujours profitable. Il permet tout juste, à ce jour, d’entrevoir la fin de la baisse du marché.
L’encadrement excessif, au-delà des règles qu’imposent de manière classique le droit commercial, le droit des obligations et le droit de la concurrence, ne se justifie pas. Établir des obligations spécifiques entre producteurs et plateformes conduira nécessairement à retarder la conclusion de contrats.
Cet article est inutile et ne manquerait pas de devenir un frein à l’innovation.
La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour soutenir l’amendement no 74 .
Il est curieux de vouloir supprimer l’article 6, l’un des grands acquis de ce projet de loi consacré au secteur musical et qui vise à réguler les relations contractuelles entre les producteurs et les plateformes, lesquelles subissent beaucoup d’anomalies, pointées en particulier dans le rapport de Christian Phéline.
En l’occurrence, il s’agit, dans un double mouvement gagnant-gagnant, de garantir des conditions d’accès équilibrées au catalogue pour de petites plateformes ainsi que l’accès aux grandes plateformes pour les labels indépendants, c’est-à-dire les plus petits producteurs.
Il convient de ce fait, à travers l’article 6, de préciser que les contrats entre producteurs et plateformes doivent fixer des conditions d’exploitation de manière objective et équitable. L’application de ces dispositions sera d’ailleurs facilitée par la mise en place du médiateur de la musique.
Avis défavorable.
Même avis, en précisant que ce sont aujourd’hui des offres variées et segmentées que l’on trouve sur les plateformes. Elles peuvent être un relais de diffusion pour la création et permettre d’améliorer l’offre légale, elle aussi propice à l’élargissement du public.
Or, aujourd’hui, nous avons tendance à concentrer les usages et les écoutes sur les plates-formes de streaming, les plus grandes d’entre elles en particulier, celles qui sont le plus utilisées par le grand public, ce qui montre combien il est indispensable de favoriser l’accès au marché à des offres alternatives, comme des petits labels indépendants.
Dans ce contexte, il est indispensable d’assurer une meilleure transparence et de garantir des conditions d’accès au marché qui soient équilibrées. Je suis pour ma part résolue à ce que les différents acteurs de la filière musicale puissent être plus compétitifs, plus innovants, qu’ils puissent continuer à exister et croître dans un contexte extrêmement compétitif, à l’échelle mondiale. Il est indispensable, comme le permet l’article 6, d’assurer à ses acteurs un cadre contractuel et commercial équilibré.
L’article 6 est adopté.
Nous en arrivons aux amendements que vous évoquiez, monsieur Féron. Vous avez la parole pour soutenir le no 299.
Cet amendement vise à poursuivre l’harmonisation entre le régime applicable aux droits voisins de l’artiste-interprète et celui applicable aux droits de l’auteur, dans le cadre des régimes matrimoniaux. Il transpose aux artistes-interprètes le caractère de bien propre par nature du droit d’auteur, au sens de l’article 1404 du code civil, à raison de son caractère éminemment personnel.
Cette harmonisation est nécessaire dans la mesure où ces deux types de droit de propriété intellectuelle ne sont pas aujourd’hui traités à l’identique, alors qu’ils sont de même nature, éminemment personnels. Il est logique et légitime que l’artiste-interprète puisse conserver dans ses biens propres le monopole sur son interprétation en cas de séparation ou de dissolution de la communauté des biens formée entre les époux, comme l’auteur en conserve le monopole dans de telles circonstances.
Cet amendement permettra, s’il est adopté, de poursuivre l’harmonisation entre le régime applicable aux droits voisins de l’artiste-interprète et le régime applicable aux droits d’auteur, s’agissant du statut des droits voisins dans le cadre des régimes matrimoniaux. C’est la raison pour laquelle la commission a rendu un avis favorable.
Cet amendement a pour objet de placer les droits reconnus aux artistes-interprètes dans la catégorie des biens propres par nature, qui restent toujours personnels à l’un des époux. En cas de séparation ou de dissolution de la communauté des biens formée entre les époux, le monopole de l’artiste sur ses droits serait assuré.
Il s’agit en substance d’appliquer au droit des artistes-interprètes le régime prévu pour le droit d’auteur par l’article L. 121-9 du code de la propriété intellectuelle.
Il me semble cependant que la rédaction que vous proposez, monsieur le député, pose des questions sensibles au sujet des régimes matrimoniaux et qu’elle mériterait expertise et concertation. Il conviendrait en particulier de vérifier si le sujet que vous cherchez à traiter ne pourrait pas l’être par le biais des contrats de mariage plutôt que par une modification législative. Au surplus, votre rédaction n’est pas exactement analogue à celle de l’article L. 121-9, qui s’applique aux auteurs. Enfin, elle ne précise pas les conditions d’entrée en vigueur dans le temps des nouvelles dispositions proposées.
J’estime donc qu’un travail complémentaire devrait à tout le moins être entrepris au cours du débat parlementaire et je vous propose, à ce stade, de retirer votre amendement.
Je vais donc le retirer, en espérant qu’il reviendra en discussion et que nous parviendrons à le faire adopter. Je suis quelque peu surpris de ces nouveaux éléments portés à ma connaissance dans l’argumentation de Mme la ministre. Sur le fond, cet amendement a du sens. J’espère vraiment qu’il reviendra en deuxième lecture et que nous pourrons alors en affiner la rédaction.
L’amendement no 299 est retiré.
Vous avez de nouveau la parole, monsieur Féron, pour soutenir l’amendement no 298 .
Cet amendement vise à mettre un terme à la pratique des cessions de créances notifiées aux sociétés de perception et de répartition des droits des artistes-interprètes, en créant un droit à rémunération spécifiquement au profit de l’auteur et ne pouvant être cédé à un tiers. Il s’inspire du mécanisme existant au profit des auteurs d’oeuvres graphiques et plastiques, qui bénéficient, eux, d’un « droit de suite », inaliénable, de percevoir un pourcentage sur le produit de toute vente d’une oeuvre après la cession opérée par l’auteur ou par ses ayants droit, ainsi que le précise l’article L. 123-7 du code de la propriété intellectuelle.
Cet amendement de M. Féron vise en effet à mettre un terme à la pratique des cessions de créances. Mais, comme cette pratique relève des relations contractuelles entre artistes interprètes et producteurs, il est apparu à la commission que l’intervention du législateur pour l’interdire pourrait paraître excessive. Par ailleurs, et pour rassurer M. Féron, l’article 5 du projet de loi tel qu’il a été amendé, notamment par le Gouvernement, renforce déjà de manière considérable la position contractuelle des artistes-interprètes.
La commission avait donné un avis favorable au précédent amendement, elle donne en revanche un avis défavorable à celui-ci. Peut-être pourriez-vous le retirer, mon cher collègue…
Je comprends moi aussi, monsieur le député, l’objectif de cet amendement, qui est de préserver, pour les artistes-interprètes, la rémunération provenant de la copie privée et de la rémunération équitable. Pour autant, comme le rapporteur, je ne suis pas certaine qu’il faille une intervention du législateur aussi radicale que celle que vous proposez, alors que les cessions de créances sont une pratique contractuelle assez courante, contrepartie du système d’avance des producteurs aux artistes.
Je relève d’ailleurs que, dans le cadre des engagements souscrits par la filière musicale en 2011 au terme de la mission de M. Hoog, il avait même été envisagé d’étendre les cessions de créances aux prêts consentis par les producteurs aux artistes. Cela montre bien que cet instrument est loin d’être récusé par tous les acteurs.
Vous savez que je suis très attachée à la concertation dans tous ces domaines. La mission que Marc Schwartz vient de terminer n’a pas spécifiquement traité ce point, privilégiant d’autres pistes d’action qui sont, je crois, prometteuses.
Pour ces raisons et pour celles que vient de rappeler le rapporteur, je vous demanderai donc de bien vouloir procéder au retrait de cet amendement.
Plutôt que de le retirer, je voudrais apporter quelques précisions car je crains de m’être mal fait comprendre.
Auparavant, les avances consenties par les producteurs aux artistes de la musique étaient ensuite récupérées sur les ventes d’albums. Ce n’est plus le cas. Aujourd’hui, les producteurs prennent prétexte de la crise du disque et veulent arbitrairement récupérer ces avances non seulement sur les albums, mais aussi sur les droits des artistes-interprètes.
Quand les avances étaient remboursées sur les ventes d’albums, cela incitait les producteurs à faire leur métier de producteurs en essayent de vendre le plus d’albums possible. Mais les producteurs, à commencer par les majors, ont changé la règle. C’est une tentative de mise en place d’un droit de préemption arbitraire, contraire aux dispositions de la loi de 1985. Aussi me semble-t-il que nous devons intervenir en tant que législateur. En pratique, un producteur qui ne ferait rien pour vendre l’album d’un artiste peut se payer sur les droits produits par le succès des albums antérieurs de l’artiste. Il s’agit d’une hypothèque sur le patrimoine et sur l’exploitation du patrimoine des artistes.
Je ne souhaite donc pas retirer cet amendement.
L’amendement no 298 n’est pas adopté.
Je suis saisi de trois amendements, nos 350 rectifié , 325 et 212 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir les amendements nos 350 rectifié et 325 .
J’espère que nous aurons l’occasion, avant que je ne défende l’amendement no 325 , de parler de l’amendement no 212 du Gouvernement, qui se situe à mon sens entre les deux.
Quant à l’amendement no 350 rectifié , il tend à actualiser l’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, où l’on trouve des termes qui n’ont plus lieu d’être aujourd’hui. Je n’en ai rédigé qu’un seul amendement là où j’aurais pu en déposer six, car il y a plusieurs points. J’espère néanmoins tenir mon temps de parole, monsieur le président !
L’article parle de « communication directe dans un lieu public » alors que le terme approprié est aujourd’hui « communication au public », comme le demandent tous les textes européens et internationaux. De cette manière, on inclut évidemment les webradios.
Nous proposons également de supprimer l’exception des spectacles. Aujourd’hui, ce sont les radios qui diffusent les artistes-interprètes qui sont soumises à la rémunération équitable. Pour ce qui est des spectacles, les organisateurs doivent négocier les droits en direct avec les producteurs, ce qui n’est pas à l’avantage des artistes-interprètes. Il conviendrait donc de mettre fin à cette exception qui n’a plus lieu d’être afin de les inclure directement.
L’amendement tend par ailleurs à ajouter au cas de la communication au public d’un phonogramme celui de la communication d’« une reproduction de ce phonogramme ». Les usages actuels sont tels qu’il nous faut sécuriser le droit des artistes-interprètes par cette précision absente de l’article L. 214-1.
Nous supprimons aussi la référence aux entreprises de communication audiovisuelles car celles-ci n’existent pas en droit européen.
Enfin, nous précisons le caractère incessible de la rémunération équitable et nous excluons la musique à la demande et la vidéo à la demande du champ d’application de cet article.
Le marché des radios en ligne, les « webradios », est encore assez peu développé : il ne représente que quelques centaines de milliers d’euros collectés annuellement pour les ayants droit. L’extension du système éprouvé et efficace de licence légale aux radios en ligne permettra de faciliter leur accès aux catalogues des producteurs de phonogrammes, et ainsi donner à ce marché un développement dont devraient bénéficier, in fine, l’ensemble des acteurs de la filière.
L’extension que propose le Gouvernement dans cet amendement doit permettre de traiter de la même façon les différents services de radio, qu’ils soient fournis par voie hertzienne ou par internet, dans une logique de neutralité technologique.
Au regard des usages, les services de radio sur internet, qui n’offrent pas la possibilité aux auditeurs de choisir les titres qu’ils souhaitent entendre, s’apparentent davantage aux services de radio traditionnels par voie hertzienne qu’aux services de diffusion à la demande tels que le streaming. Il est donc logique d’assimiler ces différents types de radio à travers le régime de la licence légale.
Ce régime ne s’appliquera évidemment pas lorsque le service proposé permet à l’utilisateur d’écouter un titre au moment qu’il choisit, ce qui relève plus de la mise à disposition interactive que du service de radio.
Je commencerai par l’amendement no 212 du Gouvernement, qui fait pendant à celui que nous avons adopté concernant la rémunération minimale garantie puisqu’il étend la rémunération équitable au webcasting. Ces deux amendements gouvernementaux, cohérents entre eux, visent à compléter les dispositions qui figuraient dans le projet de loi initial.
La commission a donné un avis favorable à l’amendement no 212 . Nous nous réjouissons de l’extension de la rémunération équitable au webcasting, c’est-à-dire aux radios diffusées uniquement sur internet et en mode non interactif.
Je propose donc à Mme Attard, qui poursuit le même objectif, de retirer ses deux amendements pour se rallier à l’amendement du Gouvernement, et je me félicite de cette convergence.
Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 350 rectifié et 325 ?
C’est le même avis que celui du rapporteur.
L’amendement du Gouvernement présente une similitude avec une partie de l’amendement no 350 rectifié , en ce qui concerne l’application de la rémunération équitable aux webradios et non plus seulement aux radios hertziennes.
Lorsque j’estime qu’un amendement du rapporteur ou du Gouvernement est meilleur, je suis toujours disposée à retirer le mien. Mais, en l’occurrence, je trouve que le mien est plus précis et qu’il permet une modernisation et une adaptation aux nouveaux usages plus importante que l’amendement no 212 , centré sur les seules webradios. Peut-être pourriez-vous vous approprier des éléments de mon amendement, madame la ministre, pour que nous en rediscutions. Cela ne me gêne nullement ! Il serait dommage de ne pas profiter de l’occasion qui se présente à nous pour adapter cet article qui ne correspond ni aux textes européens ni aux textes internationaux ni aux nouveaux usages.
Je voudrais vous poser une question au sujet de votre amendement, madame la ministre.
Le développement des webradios est encore embryonnaire, avez-vous indiqué. On ne connaît pas leur évolution à venir, la dynamique que suivra leur chiffre d’affaires, et l’on ne sait pas encore quelle y sera la part de l’interactivité. La mise en place d’un mécanisme de licence, plus contraignant que le mécanisme contractuel, ne risque-t-elle pas de constituer un frein au développement de la répartition de la valeur ajoutée qui se dégagera, je l’espère, de ce nouveau mode de fonctionnement ?
L’amendement du Gouvernement répond à une question importante car les webradios, même si elles ne le sont pas encore, sont appelées à se développer.
Les deux amendements de Mme Attard posent la question différemment. Ils sont intéressants, mais elle aura, lors de l’examen en deuxième lecture, l’occasion d’amender l’amendement no 212 du Gouvernement.
L’élément important de cet amendement est le principe de neutralité technologique. Un certain nombre d’usages se développent aujourd’hui en dehors de la radio hertzienne. Les services offerts aux internautes correspondent – d’où l’intérêt de faire apparaître la notion d’absence d’interactivité – à un service de radio sur la voie hertzienne et ils ne sont pas soumis à la rémunération équitable.
Je ne pense pas, pour ma part, que cette disposition entravera le développement de ces services. Aujourd’hui c’est le streaming qui se développe de façon massive. Il s’agit des services totalement interactifs qui permettent à l’auditeur ou à l’internaute d’écouter un morceau de musique, qui peut figurer sur les playlists de ces services – ce sont les listes de musique que l’on trouve sur ces plateformes – d’en écouter un autre puis de revenir au morceau précédent pour l’écouter plusieurs fois. Cette dimension interactive n’est, à l’évidence, pas comparable au service rendu par une radio sur la voie hertzienne.
Mais s’agissant des services disponibles uniquement sur internet et analogues à au service offert par la radio, il n’y a aucune raison de ne pas les soumettre à la licence légale que constitue la rémunération équitable. Tel est le sens de cet amendement.
Je vais suivre le conseil très judicieux de mon collègue Marcel Rogemont et retirer l’amendement no 350 rectifié , quitte à amender en deuxième lecture le texte qui sera soumis à notre assemblée.
Je voudrais dire à ma collègue Karine Berger que pour une fois, l’Assemblée a l’occasion de ne pas être en retard en matière de technologie et de se situer à peu près dans les clous pour le développement des webradios, alors ne gâchons pas notre joie…
Les amendements nos 350 rectifié et 325 sont retirés.
L’amendement no 212 est adopté.
La parole est à Mme Gabrielle Louis-Carabin, pour soutenir l’amendement no 372 .
La répartition des droits voisins au profit des ayants droit est calculée le plus souvent selon un système d’évaluation forfaitaire. Ce mode de calcul des droits défavorise particulièrement la création musicale outre-mer en langue régionale, caractérisée par l’éclatement de l’offre et le confinement de la diffusion des oeuvres à certains médias et établissements spécialisés.
Cette situation pénalise particulièrement les petits producteurs qui constituent un élément essentiel du dynamisme de la création musicale ultramarine.
À l’heure où la Constitution reconnaît l’existence des langues régionales comme constitutive du patrimoine national, le présent amendement entend remédier aux déséquilibres qu’entraîne le mode actuel de répartition des droits collectés et promouvoir une redistribution plus juste, plus complète, plus exhaustive et plus précise.
Votre amendement vise, si j’ai bien compris, à prévoir une répartition non plus forfaitaire mais à due proportion de la diffusion effective des oeuvres dans les discothèques et sur les radios pour les expressions musicales en langue régionale.
Il ne serait pas cohérent, de mon point de vue, de changer la règle utilisée pour l’établissement des droits pour les seules expressions musicales en langue régionale.
En revanche, il me semble que la transposition de la directive 201426UE concernant la gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins que l’article 29 du présent projet de loi autorise le Gouvernement à effectuer par ordonnance, peut être une bonne occasion pour inciter les SPRD à garantir plus de transparence et une répartition au plus près des diffusions réelles.
C’est la raison pour laquelle je vous suggère, en attendant que nous examinions l’article 29 et forte des garanties que je souhaitais vous apporter, de retirer cet amendement.
Je souscris bien sûr au principe de répartition en fonction de l’exploitation effective des oeuvres – interprétations, phonogrammes et vidéogrammes. Mais comme l’a indiqué le rapporteur, l’article 29 du projet de loi autorise le Gouvernement à transposer par voie d’ordonnance la directive « gestion collective ». Dans ce cadre, je m’engage à veiller particulièrement à ce que cette question soit examinée et vous demande, madame, de bien vouloir retirer cet amendement.
Il y a dans nos départements un certain nombre de petits producteurs. Je retire donc mon amendement, comptant sur la bienveillance de Mme la ministre.
Madame la ministre, l’instauration d’un médiateur de la musique est l’une des dispositions phare de votre projet de loi. J’observe au passage que la fonction de médiateur est pour le Gouvernement une profession d’avenir puisqu’en l’espace de quelques mois vous avez mis en place, avec des succès divers et pour tout dire assez mitigés, plusieurs postes de médiateur. Je pense en particulier au médiateur dédié aux relations commerciales agricoles dont, comme on a pu voir, l’action s’est révélée totalement inopérante – je fais naturellement référence aux mouvements agricoles qui se sont produits il y a quelques semaines. Et vous vous apprêtez à créer un médiateur pour le RSI, chargé de régler les dysfonctionnements dans le domaine de la protection sociale des indépendants.
Vous proposez ici un médiateur de la musique dont presque tous les acteurs de la musique ne veulent pas, ce qui est gênant. C’est ce qui a motivé notre collègue François de Mazières qui nous a expliqué dans sa motion de renvoi en commission que c’est une idée qu’il faut sans doute continuer d’étudier et d’éprouver.
Quelle autorité, madame la ministre, peut avoir un médiateur dont la légitimité est contestée par les parties supposées lui confier la responsabilité de la résolution des conflits qui les opposent ?
Par ailleurs, les compétences et les modes de saisine de ce médiateur nous apparaissent beaucoup trop larges. Plusieurs amendements proposeront donc sa suppression, ou à défaut la modification du périmètre de son action.
Madame la ministre, la situation est simple et je la résumerai ainsi : à part vous, personne ne souhaite la création d’un médiateur de la musique,…
Si, nous !
…ni les producteurs de phonogrammes, ni les artistes, ni quiconque au sein de la filière musicale. Et malgré cela, vous persistez à vouloir créer cette institution sans même écouter ce que des élus raisonnables et responsables – certes appartenant à l’opposition, quelle horreur ! – ont à dire sur ce sujet. Je pense pourtant que nous devrions trouver un consensus parce que vouloir créer un médiateur pour une profession alors que personne, au sein de cette profession, ne le souhaite, cela pose tout de même un problème !
Comme vient de le dire excellemment ma collègue, c’est, si j’ose dire, toujours la même musique : dès que l’on rencontre un problème, on crée un médiateur. Mais pour la musique, il n’est pas du tout adapté ! Vous le savez bien, la création d’un médiateur de la musique ne règle pas le problème de fond qui est la répartition des revenus du numérique ; par ailleurs, cette autorité administrative supplémentaire ajoute des lourdeurs et des contraintes ; son champ de compétences est beaucoup trop large, tout comme les modalités de sa saisine. Et l’on a même élargi ses compétences aux relations entre les producteurs de phonogrammes et les producteurs de spectacles !
En outre, au moment où le ministère de la culture se trouve dans une situation budgétaire difficile, surtout après les restrictions de crédits drastiques qu’il connaît depuis le début du quinquennat, il y a sans doute d’autres priorités que de mobiliser des ressources publiques pour la création de ce médiateur.
Enfin, ce médiateur ne règle pas le problème des grands acteurs numériques étrangers, alors même que c’est un élément central de la crise.
En somme, dans un contexte où le marché de la musique est en plein bouleversement, avec une reprise que l’on espère durable, ce médiateur sera davantage un poids, une lourdeur, qu’un atout. C’est la raison pour laquelle nous vous proposerons des amendements visant à réduire la compétence et la saisine du médiateur en lui confiant un rôle important, celui d’observateur de la filière musicale et de ses évolutions.
Je partirai de la conclusion ouverte de M. Herbillon pour exprimer un point de vue plus nuancé sur le médiateur.
Si nous n’avons pas d’opposition de principe à la création du médiateur, nous avons toutefois des réserves qui portent sur son champ d’intervention.
La version initiale bordait la capacité de saisine et laissait ouverte la possibilité de jouer le rôle de facilitateur. À partir du moment où le champ d’intervention du médiateur est suffisamment limité pour ne pas alourdir les procédures existantes et où il n’est pas chargé d’en rajouter mais plutôt de faciliter les choses, nous, au sein du groupe UDI, n’y sommes pas défavorables.
Je ne ferai que reprendre des arguments que mes collègues viennent de détailler mais, comme vous le savez, l’art de la pédagogie se trouve parfois dans la répétition…
Cet article prévoit en effet la création du médiateur de la musique, nouvelle autorité indépendante qui pourra être saisie en cas de litige dans les relations contractuelles entre un producteur de phonogrammes et un artiste interprète ou un service de musique en ligne.
Si un tel médiateur a pu montrer son efficacité dans le secteur du livre ou du cinéma, l’instauration par cet article 7 du médiateur de la musique suscite de nombreuses controverses parmi les acteurs de la filière musicale. En effet, le médiateur dispose d’un champ d’investigation beaucoup plus large que le médiateur du cinéma ou du livre. Ses modes de saisine sont également trop étendus. Enfin, il pourrait constituer une menace pour le secret des affaires et cette situation serait d’autant plus préjudiciable aux producteurs français, déjà confrontés à une forte concurrence internationale qui ne serait pas soumise à ce même type de contrainte.
Enfin, comme l’a rappelé Michel Herbillon, les plateformes sont souvent localisées à l’étranger : il y a donc une limite à son action.
Je pense pour ma part que la création d’un médiateur de la musique est l’un des éléments importants de ce projet de loi. Il devrait favoriser la résolution des conflits entre les acteurs des filières musicales, conflits inhérents aux nouveaux usages du numérique.
Cette personne, nommée par vos soins, madame la ministre, aura vocation à être saisie en cas de litige ou de conflit sur l’interprétation ou l’exécution d’accords professionnels passés entre les producteurs de phonogrammes, les artistes et les plateformes de musique en ligne.
Il s’agit de mettre en place une structure pouvant déceler des pratiques anticoncurrentielles et en référer à l’Autorité de la concurrence. Elle pourra veiller à la bonne résolution des conflits et aux bonnes pratiques – nous sommes ici dans une démarche de transversalité et de médiation objective – afin de créer les conditions les plus favorables à la production et à la diffusion des musiques.
Elle devra, bien entendu, faire preuve de beaucoup d’impartialité, d’écoute et de sens des négociations pour faciliter les échanges et rétablir une relation la plus juste possible entre les différents acteurs.
Cet amendement va dans le sens des arguments que je viens de développer.
D’une part, parce que des dispositifs de médiation existent déjà pour la résolution des conflits au sein de la filière musicale et que d’éventuelles améliorations pourraient être mieux portées via le Centre national de la chanson, de la variété et du jazz, le CNV.
D’autre part, parce que le médiateur de la musique ne dispose d’aucun pouvoir pour résoudre les nombreux conflits extérieurs avec d’autres filières, notamment avec les GAFAM – Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft –, les plateformes internet ou encore les professions libérales – comme les médecins – ou artisanales qui sont redevables des droits de la SACEM.
M. Herbillon et Mme Duby-Muller ont bien résumé notre position sur cet article 7.
Madame la ministre, je comprends qu’il soit séduisant de chercher à avoir raison contre tout le monde, mais là, vous êtes vraiment dans l’excellence !
Sourires.
Toutes les tensions se cristallisent autour de la création du médiateur de la musique, dont les compétences sont excessivement larges. Les tensions s’avivent, et on ne saisit pas très bien le but que vous avez recherché. C’est pourquoi nous préconisons la suppression de l’article 7, afin de repenser le rôle de ce médiateur. Comme vous ne serez sans doute pas tout à fait d’accord, nous avons également déposé quelques amendements de repli pour vous permettre de choisir une autre solution.
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements de suppression ?
La commission est défavorable à la suppression de l’article 7. Je n’arrive pas à comprendre comment on peut s’opposer, depuis le début de notre débat – le sujet a été évoqué assez longuement lors de la discussion des deux motions de procédure –, à la création d’un médiateur. Je pense d’abord, de manière générale, que nos sociétés manquent fondamentalement de médiation. En outre, le secteur musical est conflictuel, comme d’autres secteurs d’ailleurs. Nous venons de vivre intensément le feuilleton de la mission Schwartz : un accord a été suffisamment difficile à trouver pour que nous essayions de limiter les recours contentieux et de résoudre grâce à ce médiateur de la musique un certain nombre de difficultés qui se posent actuellement.
La création du médiateur de la musique a été proposée dans l’excellent rapport de Christian Phéline, à mon avis l’un des meilleurs connaisseurs – sinon le meilleur – du secteur musical et de la propriété littéraire et artistique.
Par ailleurs, vous le savez, les relations entre artistes-interprètes et producteurs sont à la fois régies par le code de la propriété intellectuelle et par le code du travail – cela va de soi.
Je pense sincèrement que la création du médiateur, proposée par le Gouvernement, est un bon choix. Bien que les modèles soient totalement différents, on a pu évoquer le médiateur du cinéma ou le médiateur du livre, dont les missions sont d’un autre ordre puisque les modèles économiques ne sont pas de même nature. Il y a quelque paradoxe à affirmer, d’une part, le besoin de réguler les GAFA, de limiter leur optimisation fiscale…
…et de les inciter à contribuer au financement de la création dans notre pays, et à souhaiter, d’autre part, que le médiateur n’ait pas à s’occuper des GAFA. Si je vais jusqu’au bout de votre logique, chers collègues de l’opposition, c’est en fin de compte un super-médiateur que vous appelez de vos voeux. En attendant ce super-médiateur, acceptons le médiateur tel qu’il nous est proposé à l’article 7 !
Même avis. Depuis une quinzaine d’années, les modèles économiques et les modes de régulation du secteur de la musique ont été profondément transformés par la transition numérique – nous avons eu l’occasion d’en débattre à de nombreuses reprises. De nouveaux acteurs ont émergé, comme les plates-formes, qui n’existaient pas il y a une quinzaine d’années. Par ailleurs, on a observé un regain de tension entre les acteurs autour de la question du partage de la valeur : on voit bien la difficulté qu’ont eue les acteurs de la filière, au cours de ces dix dernières années, à se mettre d’accord sur les critères et les modalités de partage de la valeur, en particulier des revenus tirés d’internet.
En outre, le rapporteur l’a rappelé il y a un instant, les rapports et contrats qui lient les producteurs et les artistes-interprètes sont régis par une imbrication extrêmement étroite de dispositions relevant du droit du travail et d’autres dispositions relevant du code de la propriété intellectuelle, ce qui rend le contentieux extrêmement délicat. D’ailleurs, les acteurs eux-mêmes hésitent très souvent à engager des procédures judiciaires extrêmement complexes. Je suis persuadée que le recours à la médiation doit permettre de trouver un accord rapidement, sans coût pour les parties et au plus près de leurs préoccupations.
Je ne sais pas très bien, en réalité, à qui vous faites allusion quand vous dites que personne ne veut du médiateur de la musique. « Personne » désigne-t-il un monsieur ou une dame ?
Nous n’avons vraisemblablement pas les mêmes contacts ! À mon sens, la création du médiateur répond à une demande. La meilleure preuve en est que le protocole d’accord qui sera signé par l’ensemble des acteurs de la filière – des syndicats représentant 75 % des salariés de la musique, la GAM, la Guilde des artistes de la musique, les agents et l’ensemble des producteurs – mentionnera l’existence du médiateur de la musique. Si personne n’était d’accord, si personne ne souhaitait l’institution de ce médiateur, je ne vois pas pourquoi tous ces acteurs auraient signé ce protocole d’accord qui y fait explicitement référence !
Absolument. Nous avons eu l’occasion d’en débattre à plusieurs reprises avec les producteurs indépendants, avec des représentants des artistes comme la GAM avec les plates-formes membres de l’ESML, le syndicat des Éditeurs de services de musique en ligne : tous nous ont dit qu’ils souhaitaient l’établissement de cette institution. Quand vous dites que personne n’en veut, je ne sais pas très bien à qui vous faites allusion – à part à vous-mêmes, manifestement.
Rires sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Honnêtement, il s’agit d’un souhait de la filière – je ne peux pas dire autre chose. Je suis donc évidemment défavorable à ces amendements de suppression.
Dans des négociations, il y a des rapports de force, et certaines parties deviennent parfois tellement puissantes qu’il finit par ne plus y avoir de contentieux ! Effectivement, certains producteurs ont mis en doute l’utilité d’instituer un médiateur, puisqu’il n’y a pas de contentieux – forcément ! Un médiateur va pouvoir entendre tous les acteurs, y compris ceux qui, dans le rapport de force, sont en position de faiblesse. En tout cas, lorsque nous avons auditionné en particulier le syndicat des producteurs, nous n’avons pas entendu d’opposition formelle à la création d’un médiateur, mais plutôt des propositions d’aménagement.
Ainsi, il me semble que ce médiateur va non seulement répondre à un besoin, mais également donner, in fine, satisfaction à toutes les parties.
Enfin, j’ai un peu de mal à comprendre que les députés de l’opposition aient pu, au début de nos débats, déplorer le caractère fourre-tout de ce projet de loi, alors qu’ils nous reprochent maintenant de ne pas permettre au médiateur d’intervenir partout, dans tous les champs, y compris sur ceux qui ne le regarderaient pas forcément.
Je persiste et signe, madame la ministre. Plusieurs députés de l’opposition vous disent que la filière, dans sa très grande majorité, ne veut pas de ce médiateur de la musique. Ce n’est pas l’idée qu’un député de l’opposition aurait eue ce matin dans son fauteuil : cela correspond à une réalité ! Vous devriez en être consciente, à moins que nous n’ayons jamais rencontré les mêmes personnes.
Par ailleurs, les conclusions de la mission Schwartz, telles que vous nous les rapportez, illustrent nos propos. Cette mission a abouti à un accord alors qu’il n’y avait pas de médiateur.
Le médiateur de la musique, tel que vous le préconisez dans ce projet de loi, avec un pouvoir d’investigation extrêmement large et des possibilités de saisine extrêmement importantes, n’existait pas. De par ces aspects, le médiateur de la musique n’a d’ailleurs rien à voir, monsieur le rapporteur, avec le médiateur du livre ou le médiateur du cinéma.
C’est la raison pour laquelle nous vous demandons une fois encore de supprimer ce dispositif ou, à tout le moins, de réduire les possibilités de saisine et les pouvoirs d’investigation du médiateur de la musique.
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour soutenir l’amendement no 68 .
Il s’agit d’un amendement de repli, dans la mesure où nos amendements de suppression ont été rejetés. Il vise à rattacher le médiateur de la musique au ministère de la culture et de la communication, afin qu’il soit un instrument politique au service de la filière musicale, notamment pour la défense du droit d’auteur au niveau européen et dans le cadre des négociations avec les GAFAM.
J’ai déjà répondu par anticipation à Mme Duby-Muller. Vous refusez la création d’un médiateur : pourquoi voulez-vous donc un super-médiateur ? Défavorable.
Vous proposez, madame Duby-Muller, de rattacher le médiateur de la musique au ministère de la culture et de la communication, mais également de confier la définition de ses missions à une commission éphémère composée du directeur du Centre national de la chanson, de la variété et du jazz et d’un représentant de chacun des syndicats et des sociétés de droits d’auteur de la musique. Cela ne me semble pas possible, puisque la mission du médiateur n’est pas éphémère, mais durable : une telle commission serait donc inadaptée.
J’ai bien entendu, monsieur Herbillon, que vous prétendiez que la filière ne voulait pas de ce médiateur. Je vous dis le contraire. Nous pourrions continuer cet échange longtemps. Honnêtement, il s’agit d’une demande de la filière, et même des acteurs les plus faibles de la filière,…
…c’est-à-dire des petits producteurs, de ceux qui sont dans une situation de négociation délicate par rapport aux autres. Cela rejoint précisément le rôle d’un médiateur. Si la discussion menée pendant trois mois par Marc Schwartz a abouti, c’est bien parce qu’il y avait quelqu’un qui assurait un travail de médiation entre les parties prenantes,…
…lesquelles n’avaient jamais réussi à se mettre d’accord par le passé.
Par ailleurs, le médiateur a vocation à réguler les relations dans les secteurs de la musique enregistrée. Au regard de l’évolution des modalités d’écoute de la musique, il sera certainement amené à traiter de questions impliquant les plates-formes de musique en ligne. Or celles-ci ne sont pas représentées au sein du Centre national de la chanson, de la variété et du jazz.
Enfin, les dispositions de l’article 7 ont pour objet de définir les missions du médiateur. Un décret en Conseil d’État viendra préciser les conditions de sa désignation.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à l’amendement no 68 .
L’amendement no 68 n’est pas adopté.
En ne limitant pas son champ d’intervention aux relations individuelles, le médiateur de la musique risque, au mépris du respect des accords collectifs, d’empiéter sur le rôle de la commission paritaire d’interprétation, de conciliation et de validation des accords de l’édition phonographique, qui remplit efficacement ses missions. Le présent amendement vise donc à régler un conflit de compétences entre le médiateur et cette commission.
Sourires.
Le médiateur pourra être saisi des contentieux relatifs à l’application de la convention collective, mais il n’a évidemment pas vocation – je vous rassure – à se substituer aux instances paritaires. En revanche, il pourra intervenir en complément de ces dernières. Contrairement à ce que vous craignez, la commission paritaire n’est donc nullement dessaisie. Dans l’hypothèse où le médiateur serait saisi de sujets concernant clairement le champ de compétence de la commission paritaire, il pourrait décider de renvoyer l’affaire vers cette instance.
En outre, je précise que la saisine du médiateur est une faculté offerte aux acteurs de la filière musicale, et non une obligation.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à ces deux amendements.
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour soutenir l’amendement no 12 .
Avec l’alinéa 3, le médiateur de la musique paraît compétent pour connaître des accords collectifs conclus dans la branche de l’édition phonographique ; ce faisant il s’introduit dans les discussions entre les partenaires sociaux, en contradiction avec le dialogue social que le Gouvernement entend promouvoir. Nous proposons donc de supprimer cet alinéa, afin de laisser aux partenaires sociaux les prérogatives qui leur sont classiquement dévolues.
Il n’y a aucune raison de considérer que, pour reprendre les termes de l’exposé sommaire, « les conditions d’exercice de la mission confiée au médiateur de la musique devraient être calquées sur celle des médiateurs du livre et du cinéma […] ». C’est même le contraire, tant les secteurs et les modèles économiques sont différents, comme le seront par conséquent les missions.
Pour ne prendre qu’un seul exemple, le médiateur de la musique, contrairement à celui du cinéma, ne disposera pas de pouvoir d’injonction. La médiation n’a donc en aucun cas vocation à se substituer au dialogue social, ni à remettre en cause le rôle des organisations syndicales et le contenu des accords collectifs. Avis défavorable.
Même avis.
L’amendement no 12 n’est pas adopté.
La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement no 414 .
Le problème, on l’a dit, est l’étendue des compétences du médiateur. Est-il raisonnable de confier un champ d’investigation aussi considérable à une seule personne ? Celle-ci ne respecterait assurément pas les 35 heures… Quels moyens entendez-vous lui donner ?
Soyons sérieux. Vous entendez créer une nouvelle institution et lui donner des compétences très larges, fort bien. De fait, nous l’avons vu, les sujets qui se posent dans le secteur de la musique sont nombreux. Mais c’est précisément la raison pour laquelle il ne serait pas raisonnable, en l’espèce, de limiter l’institution du médiateur à une seule personne : celle-ci serait-elle entourée d’une administration, madame la ministre ?
Afin de vous aider un peu je vous propose un amendement, qu’à l’évidence vous refuserez, tendant à limiter le champ de compétences du médiateur, comme c’est le cas dans les secteurs du livre – où ce champ se limite au prix unique – et du cinéma, bien que, dans ce dernier secteur, le médiateur jouisse d’un pouvoir d’injonction.
Le médiateur de la musique, lui, aurait à rédiger « un procès-verbal de conciliation » et à « émettre une recommandation proposant des mesures » : la tâche serait tout sauf simple.
L’alinéa 6, introduit en commission, intéresse les producteurs de spectacles, dont la rédaction initiale de l’article ne tenait pas compte. Je regrette donc que l’on propose de supprimer cet alinéa : compte tenu des mutations technologiques, il m’apparaît souhaitable que le médiateur puisse réguler les relations entre eux et les producteurs de phonogrammes.
Tous les acteurs de la filière musicale, prétendiez-vous, refusent la création d’un médiateur ; or le présent alinéa relaie une demande du PRODISS, le Syndicat national des producteurs, diffuseurs et salles de spectacles, dont nous avions entendu les représentants lors des auditions.
Je rappelle d’ailleurs que les compétences du médiateur de la musique se limiteront aux droits voisins, à l’exclusion des droits d’auteur. Avis défavorable.
Autant de compétences dans les mains d’une seule personne ! C’est vraiment beaucoup !
J’avais émis, en commission, un avis favorable à l’amendement ayant étendu les compétences du médiateur de la musique aux relations contractuelles entre producteurs de phonogrammes et producteurs de spectacles. L’économie dite du « 360 degrés » se développe en effet dans la filière musicale, la complémentarité étant croissante dans la carrière des artistes-interprètes ou dans l’économie des projets musicaux, entre la production de concerts et la musique enregistrée.
Cette complémentarité est même consubstantielle à l’économie de la filière, dont le médiateur doit suivre les usages au plus près. Aussi l’amendement me paraît-il inopportun : avis défavorable.
L’étude d’impact précise d’autre part, page 40, les moyens nécessaires à l’accomplissement des missions du médiateur. Celui-ci, faut-il le rappeler, bénéficiera aussi des moyens de la direction générale des médias et des industries culturelles, la DGMIC,…
…au même titre que la mission Schwartz et la médiatrice du livre qui, seule, assume fort bien sa tâche dans un secteur en pleine mutation et confronté à des enjeux complexes, tels que le livre numérique et l’émergence de plateformes comme Amazon. Avis défavorable.
L’amendement no 414 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour soutenir l’amendement no 13 .
L’amendement vise à réduire le champ de la saisine du médiateur de la musique, que nous estimons bien trop large.
Le médiateur de la musique a pour mission de concilier les parties à un contrat, lesquelles sont libres de le saisir en cas de besoin. Rien ne justifie donc d’élargir cette possibilité de saisine à des tiers.
Je le répète, nous n’avons aucune intention de calquer les missions du médiateur de la musique sur celles du médiateur du livre ou du cinéma. La commission a par ailleurs émis un avis défavorable au présent amendement, qui tend à réduire le champ des acteurs susceptibles de saisir le médiateur.
Même avis.
L’amendement no 13 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Dominique Nachury, pour soutenir l’amendement no 211 .
Puisqu’il est institué un médiateur de la musique, il convient de lui donner les moyens d’assumer sa mission : tel est l’objet de mon amendement. Cela dit, on m’objectera sans doute qu’il est satisfait par l’alinéa 8 ; aussi je le retire afin de ne pas allonger les débats.
L’amendement no 211 est retiré.
La parole est à M. Michel Herbillon, pour soutenir l’amendement no 253 .
Nous proposons de compléter l’alinéa 8 par la phrase suivante : « Il s’engage toutefois à ne pas rendre publiques les informations ainsi obtenues. »
La création d’un médiateur peut en effet être considérée comme une surveillance de l’activité des producteurs phonographiques, avec une véritable immixtion dans la gestion de ces entreprises privées. Aussi les informations dont le médiateur aura connaissance, qui peuvent relever du secret des affaires, doivent-elles rester absolument confidentielles ; faute de quoi cela pourrait porter préjudice auxdites entreprises. J’espère donc que cet amendement-ci trouvera grâce à vos yeux.
La commission a émis un avis défavorable, monsieur Herbillon, car, aux termes de l’alinéa 10, « le médiateur peut rendre public le procès-verbal de conciliation ou la recommandation, sous réserve des informations couvertes par le secret des affaires ».
Par ailleurs, en tant qu’agent public, le médiateur est évidemment soumis au secret professionnel. Les verrous de confidentialité sont donc suffisants.
Même avis.
L’amendement no 253 n’est pas adopté.
Nous proposons, avec cet amendement, de supprimer la quatrième phrase de l’alinéa 10.
Les publications du procès-verbal ou de la recommandation ne risquent-elles pas de faire redondance ? Les informations ainsi divulguées ne risquent-elles pas d’être couvertes par le secret des affaires ?
Le rapport d’activité, que le médiateur devra remettre chaque année au ministre de la culture, sera lui aussi public : n’est-ce pas suffisant ? Ne pourrait-on alléger le dispositif ? C’est à quoi tend notre amendement.
Même avis.
L’amendement no 254 n’est pas adopté.
Nous ne contestons pas l’institution d’un médiateur de la musique dans son principe, mais nous souhaitons apporter des précisions quant à sa désignation. En commission, nous avons défendu un amendement tendant à garantir son indépendance via un mode de désignation calqué sur celui du médiateur du cinéma. Vous aviez émis, madame la ministre, monsieur le rapporteur, un avis défavorable à cet amendement ; aussi avons-nous pris en compte vos remarques, pour vous proposer ce nouvel amendement qui aligne la procédure de nomination du médiateur de la musique sur celle du médiateur du livre, ce qui implique aussi de le priver de tout pouvoir d’injonction.
Défavorable. Les modalités de nomination du médiateur du cinéma sont différentes. Le Gouvernement s’est plutôt inspiré, en l’occurrence, des modalités de nomination du médiateur du livre, lesquelles sont définies par décret : l’amendement empiéterait donc sur le domaine réglementaire.
L’alignement du mode de désignation du médiateur de la musique sur celui du médiateur du livre est précisément l’option retenue dans l’article 7, dont l’alinéa 13 dispose qu’« un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article, notamment les conditions de désignation du médiateur de la musique ». De la même façon, la loi 2014-344 du 17 mars 2014, relative à la consommation, renvoyait à un décret les modalités de désignation du médiateur du livre.
Si ces modalités relèvent clairement du niveau réglementaire, il n’en reste pas moins que ce décret pourra reprendre les termes de votre proposition, qui me paraît tout à fait sage.
Pour ces raisons, je vous demande bien vouloir retirer cet amendement.
L’amendement no 158 est retiré.
Je souhaite répondre aux propos qu’a tenus tout à l’heure madame la ministre, par lesquels elle laissait penser que j’étais le seul à m’opposer à la création de ce médiateur, et que nous étions les seuls à y être opposés. Comme nous arrivons à la fin de l’examen de l’article, je vous remercie, monsieur le président, de me donner l’occasion de lui répondre rapidement.
Je suis obligé de vous faire connaître les noms de ceux qui ont émis des réserves.
Vous les connaissez bien, madame la ministre : la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, la SACEM, la Société pour l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes, l’ADAMI, la Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes, la SPEDIDAM, la société civile des producteurs phonographiques et un certain nombre de producteurs indépendants.
Nous sommes donc très très loin, madame la ministre, et c’est l’objectivité qui implique de le dire, de l’unanimité que vous prétendez avoir recueillie sur les fonts baptismaux du médiateur de la musique. Je tenais à le rappeler. Ces prises de position sont publiques.
L’article 7 est adopté.
Sourires.
Sinon je peux également m’inscrire en tant qu’orateur sur l’article, cela sera plus simple.
Nous voilà arrivés à la fameuse rémunération pour copie privée. Que de souvenirs depuis la loi du 20 décembre 2011 relative à la rémunération pour copie privée ! Surtout, que de problèmes, madame la ministre !
C’est le Gouvernement et la majorité qui ont voulu rouvrir le débat en commission. Il faut le faire, mais pas a minima. Lescure, Maugüé, Rogemont, nous en sommes – sans compter les rapports Vitorino et Castex au niveau européen – à trois rapports en deux ans : tous nous disent que cela ne va pas et qu’il faut changer les choses.
Ce projet de loi est sans doute, mes chers collègues, le dernier véhicule législatif qui nous permettra d’agir avant la fin de la législature. Pas plus que les professionnels, je ne comprendrais que vous n’agissiez pas, maintenant, dans ce cadre.
J’ai une douzaine d’amendements à suivre, qui vont exactement dans ce sens et qui ont pour but d’être constructifs. Voici donc le premier d’entre eux.
Le fait que les études d’usage soient commandées par ceux qui reçoivent la redevance pour copie privée, les ayants droit, est anormal, madame la ministre.
L’amendement de Marcel Rogemont à l’article 7 ter, qui propose d’utiliser 1 % des sommes collectées pour réaliser ces enquêtes, est une bonne suggestion. Mais je veux lui dire que l’indépendance ne passe pas uniquement par le financement.
Il faut affirmer cette indépendance dans la loi : c’est ce que fait cet amendement en clarifiant la méthodologie de ces enquêtes d’usage. Sans cela, nous nous écarterions de l’arrêt de 2011 du Conseil d’État découlant de l’arrêt Padawan de la Cour de justice de l’Union européenne du 21 octobre 2010, et qui constitue la raison d’être de la rémunération pour copie privée, dans sa version actuelle.
Il s’agit donc d’être fidèle aux termes de cet arrêt qui a jugé que la commission pour la rémunération de la copie privée doit fixer les barèmes « sur la base des capacités techniques des matériels et de leur évolution, le type d’usage qui en est fait par les différents utilisateurs, en recourant à des enquêtes et sondages qu’il lui appartient d’actualiser régulièrement ». Cet arrêt affirme également que les études doivent toujours être fondées sur une étude objective des techniques et des comportements, et ne peuvent reposer sur des hypothèses ou des équivalences supposées.
Par ailleurs,…
Je vous remercie, monsieur le député. Quel est l’avis de la commission ?
S’il en est ainsi, nous procéderons différemment ; il n’y a pas de problème.
Les modifications que suggère M. Tardy dans son amendement no 111 me semblent relever du règlement intérieur de la commission pour la rémunération de la copie privée plus que de la loi. Cette commission pourra d’ailleurs faire évoluer ce règlement en ce sens, si elle le juge utile.
La création d’un pôle public au sein de cette commission, prévue à l’article 7 bis, et le financement des enquêtes d’usage par une part de la rémunération pour copie privée, prévue à l’article 7 ter grâce à l’initiative de Marcel Rogemont, me paraissent déjà de nature à garantir l’indépendance et la transparence de ces enquêtes. C’est la raison qui a conduit la commission à donner un avis défavorable à cet amendement.
Il est également défavorable. Je voudrais indiquer que, depuis mon arrivée rue de Valois, j’ai consacré beaucoup d’énergie à créer les bases de la reprise d’un dialogue serein au sein d’une commission dont les membres avaient beaucoup de mal, et depuis un certain nombre d’années, à se parler.
Exactement, et cela a fonctionné : cela veut bien dire que c’est une solution qui marche. À la suite de la décision du 19 novembre 2014 – par laquelle, vous vous en souvenez, le Conseil d’État avait validé le barème de la décision no 15 de la commission pour la rémunération de la copie privée – j’avais annoncé ma volonté de recréer les conditions nécessaires au fonctionnement de ce dispositif.
C’est donc à ce moment-là que j’ai missionné la conseillère d’État Christine Maugüé pour restaurer un dialogue constructif entre les parties et retrouver la voie d’un consensus dans la reprise des travaux de la commission.
Cette feuille de route définie par Christine Maugüé nous a permis d’accomplir un certain nombre de progrès, notamment de procéder cet été aux nominations nécessaires pour que les travaux de la commission puissent reprendre après trois ans d’interruption. Trois ans ! Un nouveau président, Jean Musitelli, a pu également être nommé afin de diriger ses travaux.
Pour consolider cette dynamique, et renforcer la légitimité du dispositif de rémunération pour copie privée, nous faisons, dans le cadre de ce projet de loi, un certain nombre d’avancées. Nous créons au sein de la commission, comme l’avait envisagé la médiatrice Christine Maugüé, un pôle public, qui permettra d’assister le président et qui aidera au dialogue entre les parties.
Nous permettons également de lier deux sujets qui me tiennent à coeur : la consolidation du dispositif de rémunération pour copie privée et la promotion de l’éducation artistique et culturelle, dans le prolongement du rapport qui avait été remis par la mission d’information.
Enfin, nous avons soutenu les amendements adoptés à l’initiative de Marcel Rogemont en commission : ils me semblent aller tous dans le sens de la transparence du dispositif. Ne dites donc pas, monsieur le député, qu’il n’y a pas eu, ces derniers temps, d’avancées dans le domaine de la copie privée : ce serait une contre-vérité.
Enfin, s’agissant de l’amendement, le rapporteur a tout à fait défendu les raisons pour lesquelles l’avis de la commission est, comme celui du Gouvernement, défavorable.
Je ne veux pas entamer une polémique qui nous prendrait des heures, mais contrairement à ce qui semble être envisagé actuellement, il ne saurait à mon sens y avoir de rémunération fixée à titre provisoire sur un nouveau support tant que les études d’usage précisées n’ont pas été menées. Voilà tout le sens de mon amendement : je le maintiens en constatant notre divergence.
L’amendement no 111 n’est pas adopté.
Je serai plus court, monsieur le président, pour vous faire plaisir. J’ouvre une petite parenthèse avant de revenir à la copie privée : mes collègues du groupe Les Républicains l’ont souligné, il existe des différences entre les pouvoirs de ce médiateur de la musique et, par exemple, ceux du médiateur du livre.
Il faut pourtant respecter un certain parallélisme et ne pas accorder trop de pouvoir au futur médiateur, notamment vis-à-vis du secret des affaires. À l’inverse, j’ai constaté une bonne chose : son rapport sera public, comme le prévoit l’alinéa 12.
En regardant les pouvoirs conférés par la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation au médiateur du livre, j’ai constaté que le rapport de ce dernier n’était pas public. Toujours dans un souci de parallélisme, je propose de le mentionner également pour ce dernier.
Également favorable.
Sourires.
L’amendement no 85 est adopté.
Je veux rappeler combien le fonctionnement de la commission pour la rémunération de la copie privée a été difficile : madame la ministre en a fait état à l’instant. Je salue tous les efforts qui ont été faits pour l’améliorer, car lors des travaux sur notre rapport, sous la présidence de Virginie Duby-Muller, nous avons effectivement constaté que les membres de la commission n’étaient pas prêts à travailler ensemble.
Nous constatons les efforts faits par vous-mêmes, madame la ministre, ainsi que par vos services, car ils sont tout à fait importants.
Nous avons voté la création d’un pôle public, dont nous espérons qu’il jouera un rôle d’apaisement des rapports entre les ayants droit et les industriels. Pour autant, dans le rapport sur le bilan et les perspectives de trente ans de copie privée, nous avions proposé de mettre en place une autorité administrative indépendante. Je vois dans la création de ce pôle public le début de la mise en place de cette autorité.
Nous en venons aux amendements. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement de suppression no 112.
Je suis assez étonné de l’amendement du Gouvernement visant à introduire trois représentants des ministères au sein de la commission pour la rémunération de la copie privée. Les rapports divergent sur ce point, et je suis plutôt d’accord avec celui de la mission d’information de Virginie Duby-Muller et Marcel Rogemont, qui affirme que ces nouveaux membres n’apporteront rien. Ce n’est pas moi qui le dit mais leur rapport.
Ils n’apporteront rien car, objectivement, le représentant du ministère de la culture sera plutôt en accord avec les ayants droit, et c’est logique, celui du ministère de l’industrie plutôt avec les industriels, et celui du ministère de la consommation plutôt avec les consommateurs.
C’est d’autant plus vrai que leur voix ne sera que consultative.
Quel est donc, chers collègues, l’intérêt de cet article, à part d’augmenter le nombre de membres de la commission ? Il ne faudrait pas que la commission pour la rémunération de la copie privée devienne un énième « comité Théodule ». Elle doit être opérationnelle, efficace et juste. Voilà pourquoi cet article 7 bis doit être supprimé.
Défavorable.
L’amendement no 112 n’est pas adopté.
La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement no 114 rectifié .
En 2012, la commission pour la rémunération de la copie privée a implosé. Vous essayez, madame la ministre, de la reformer, à la va-vite.
Mais permettez-moi de vous dire que cette reformation ne peut être qu’artificielle si nous repartons sur les mêmes bases. Trois collèges composés de façon différente aboutiront nécessairement à des blocages sur le coeur du problème, que nous connaissons tous : la fixation des barèmes.
Voilà pourquoi il ne faut pas de réforme a minima. Cet amendement propose de rendre la commission enfin paritaire, car il s’agit de la seule solution.
La répartition actuelle – 50 % de représentants des ayants-droit, 25 % de représentants des industriels et 25 % de représentants des consommateurs – est source de blocages, nous le savons tous, car elle présuppose que l’intérêt des industriels et des consommateurs est le même.
Or, les premiers étant vendeurs et les seconds acheteurs, il est évident que ce n’est pas le cas. Surtout, les ayants droit sont majoritaires et les consommateurs sont sous-représentés.
Cela n’est pas étranger à la hausse des barèmes, pour ne pas dire à leur explosion. Il est sans cesse question de les augmenter, de les étendre, mais jamais de les rendre dégressifs en fonction des capacités de stockage.
Résultat : la France est systématiquement parmi les pays d’Europe dans lesquels les barèmes sont les plus élevés. Elle représenterait à elle seule 60 % des montants récoltés en Europe en 2013.
Sur un DVD par exemple – les chiffres sont intéressants pour le grand public – la redevance pour copie privée s’élève à 90 centimes d’euros en France, contre 27 centimes en moyenne dans le reste des pays européens, selon une étude de l’Union fédérale des consommateurs, l’UFC. Cette situation n’est plus tenable : elle alimente des achats à l’étranger au détriment des produits français.
Comment en est-on arrivés là ? À cause du problème lié aux études d’usage et de la composition de la commission pour la rémunération de la copie privée. Il faut donc, madame la ministre, faire un geste fort, puisque vous ne semblez pas prête à agir sur la règle de majorité en passant à une majorité des deux tiers.
Il faut donc adopter cet amendement qui rend cette commission paritaire, avec une répartition en trois tiers, c’est-à-dire un tiers de représentants de chacune des parties. Voilà qui pourra relancer la commission et favoriser le consensus qui est possible entre les trois collèges.
Il y a trente ans tout juste, dans cet hémicycle, l’unanimité se faisait sur ce qu’on alors appelé la loi Lang qui, à partir d’une exception au droit d’auteur – cela devrait résonner agréablement aux oreilles de Lionel Tardy –, a créé ce qu’on appelle la rémunération pour copie privée.
Réjouissons-nous collectivement que trois décennies plus tard, à travers une collecte d’environ 200 millions d’euros par an, non seulement les ayants droit soient rémunérés, mais encore que 25 % de cette somme, soit environ 50 millions d’euros, soient consacrés au soutien à un certain nombre d’activités et d’événements culturels dans notre pays.
En l’occurrence, ce sont des milliers de petites manifestations qui, dans les territoires, bénéficient, via les SPRD, de ces 50 millions d’euros issus de la rémunération pour copie privée.
En commission, vous avez souhaité, madame la ministre, et vous avez été suivie, élargir à l’éducation artistique et culturelle la bonne utilisation de ces 25 %.
Les trois dernières années, c’est vrai, ont été tumultueuses. Il a fallu notamment que nous intervenions en urgence, j’étais à l’époque dans l’opposition, pour consolider juridiquement, à la suite d’un contentieux européen né d’un contentieux espagnol, ce système qui perdure depuis trois décennies.
Et puis, il y avait effectivement des blocages dans son fonctionnement, et je vous félicite, madame la ministre, d’avoir réussi à les lever. Nous sommes certains que, grâce à la compétence et au talent de Jean Musitelli, son nouveau président, la commission pour copie privée va à nouveau fonctionner.
De ce fait, grâce à la contribution de notre commission au cours de ces trente années et à l’excellent travail de la mission d’information dont Marcel Rogemont était le rapporteur et Virginie Duby-Muller la présidente, un certain nombre de propositions ont été faites, dont certaines trouvent d’ailleurs leur traduction législative dans ce projet de loi.
Je connais depuis longtemps votre combat, monsieur Tardy.
Cela représente 200 millions d’euros, dont 50 millions en soutien à l’activité culturelle. Comment pouvez-vous estimer qu’en ces moments où la maîtrise au moins des dépenses publiques, sinon la réduction des déficits, est à l’ordre du jour…
Le consommateur paie beaucoup de choses bien entendu. Dans ce cas, menez un autre combat, battez-vous contre la redevance audiovisuelle, qu’il faut supprimer également.
Je connais depuis longtemps votre opinion, je la respecte, vous l’exprimez à nouveau dans cet hémicycle, vous êtes pour la suppression de ce modèle de rémunération.
Vous actez ainsi la perte de 200 millions d’euros au bénéfice du secteur culturel, dont 50 millions d’euros pour soutenir l’action culturelle. C’est votre opinion,…
…je la respecte en tant que telle. Permettez-moi d’être en désaccord.
Votre amendement, j’en suis désolé, traduit sinon votre hostilité, au moins votre réserve parce que l’instauration des trois tiers fait exploser le principe même de la commission pour copie privée. Le principe est en effet, la parité, vous le savez, et, contrairement à ce qui est souvent affirmé, les ayants droit ne disposent pas de la majorité à eux seuls. Quelle légitimité y aurait-il donc, si nous votions votre amendement, à ce que ce soient les redevables de la copie privée qui disposent de cette majorité ?
C’est la raison pour laquelle, heureux de l’apaisement qui est intervenu dans le fonctionnement de la commission de la copie privée et pour limiter les risques de recours contentieux, nous souhaitons que cet amendement ne soit pas adopté.
Défavorable.
D’abord, je n’ai jamais été contre la redevance copie privée, je crois qu’il faut le dire et le redire. Vous pouvez reprendre toutes mes interventions à ce sujet, vous ne trouverez aucune opposition de ma part.
Vous nous avez refait l’historique depuis trente ans, c’est bien joli. Nous, nous intéressons à ce qui se passe depuis trois ans. Moi, je suis élu depuis 2007. Il y a eu des blocages à partir de 2011. Ce qui m’intéresse, ce sont les trois dernières années. Il y a un problème de fonctionnement qui n’est toujours pas réglé. Il y a un problème de tarif, exponentiel, qui n’a rien à voir avec la redevance télé dont vous avez parlé. Et puis il y a des sommes qui sont indûment perçues par des professionnels, qui ne sont pas restituées. Il y a donc réellement un problème de fonctionnement.
Je demande donc que l’on trouve des solutions et mes amendements vont dans ce sens, encore une fois dans une optique constructive, monsieur le rapporteur.
Il faut retirer de l’esprit de M. Tardy une idée fausse, selon laquelle la redevance pour copie privée en France représenterait 60 % de ce qui est perçu par l’ensemble des pays de l’Union européenne. C’est faux, pour la bonne et simple raison qu’en Allemagne, lors de l’année qui a été choisie, le montant est passé en raison de disputes judiciaires de 386 à 14 millions mais que, avant 2010, il était de même ordre. L’Italie vient de remettre en place un dispositif de redevance pour copie privée et attend 157 millions de ressources. Ces exemples montrent bien qu’il est faux de penser que les 230 millions perçus en France représenteraient 60 % de la redevance pour copie privée perçue au sein de l’Union européenne.
Second élément, si vous supprimez la parité entre les ayants droit et les autres, c’est-à-dire les consommateurs et les industriels, autant dire qu’il n’y a plus de commission pour copie privée, pour la bonne et simple raison que ceux qui sont pénalisés par l’exception au droit d’auteur, ce sont les ayants droit.
En Allemagne, d’ailleurs, ce sont carrément les ayants droit qui font une proposition, que l’office des brevets arrête ensuite.
Je vous suggère donc, cher ami, de retirer vos amendements. Sinon, c’est le paradigme même du fonctionnement de la commission que vous mettez à bas.
L’amendement no 114 rectifié n’est pas adopté.
Je vous suggère par cet amendement, madame la ministre, de reprendre des préconisations du rapport de Christine Maugüe qui vous a été remis en juin pour éviter qu’il ne termine dans un tiroir ou, plutôt, à même le sol de votre bureau.
Il y en a une qui est intéressante, prévoir que les membres de la commission transmettent aux ministres une déclaration d’intérêts et d’activités. Ce n’est pas absurde étant donné qu’ils sont amenés à fixer les taux d’une redevance. Ce n’est pas rien et on pourrait même faire un parallèle avec les parlementaires et les ministres. L’objectif est bien sûr de prévenir tout conflit d’intérêts.
Cet amendement vise donc à ce que, dans un délai d’un mois à compter de leur prise de fonction, les membres de la commission transmettent à son président et aux ministres chargés de la culture, de l’industrie et de la consommation une déclaration d’intérêts et d’activités, selon des modalités fixées par décret.
Étant rassuré par le fait que Lionel Tardy est un chaud partisan de la rémunération pour copie privée…
…et retirant donc l’interprétation que j’avais donnée de ses positions répétées, c’est en toute confiance que je prends en compte ses amendements.
La transparence est un objectif qui nous réunit toutes et tous, et c’est le sens même du rapport de Marcel Rogemont. Il n’y a pas de chevaliers plus blancs que les autres dans cet hémicycle.
Vous reprenez une proposition de Christine Maugüe. Elle est intéressante et je pense que tout le monde est d’accord pour aller un peu plus loin sur la voie de la transparence. Le seul problème, c’est que la mise en oeuvre d’une telle proposition ne peut passer par la loi, elle relève de la commission pour copie privée, qui doit pour cela modifier son règlement intérieur, mais nous aurons annoncé ici que le législateur souhaite qu’elle le fasse.
Mme Maugüe a évoqué dans son rapport cette proposition qui me paraît effectivement très intéressante mais, comme le rapporteur l’indiquait à l’instant, la mise en oeuvre incombe au premier chef à la commission pour copie privée, qui doit pouvoir modifier son règlement intérieur en ce sens.
La feuille de route dressée par Christine Maugüe fournit une base utile pour un travail partagé et constructif entre l’ensemble des acteurs. Je souhaite que la commission, qui reprend ses travaux après trois ans d’interruption, se saisisse des propositions contenues dans la feuille de route qui relèvent de sa compétence mais je pense, comme le rapporteur, que cela n’a pas sa place dans la loi. Je vous serais donc reconnaissante de bien vouloir retirer votre amendement.
L’amendement no 115 n’est pas adopté.
C’est un amendement qui devrait plaire à M. Rogemont et à Mme Duby-Muller puisque nous suggérons de rétablir une véritable parité au sein de la commission, sans remettre en cause la volonté exprimée par le Gouvernement de renforcer la composition de la commission afin d’inclure des experts issus des ministères principalement concernés.
La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement no 436 .
Je crois que c’est l’occasion de réaffirmer que notre groupe est très attaché à la copie privée. Les 220 millions de recettes sont effectivement essentiels, notamment pour le soutien à toutes les initiatives en matière artistique, et nous avons été heureux d’ajouter l’enseignement artistique. Je tenais à le souligner car, après l’intervention de Lionel Tardy, certains auraient pu se tromper sur notre position.
Je reviens sur le médiateur, madame la ministre. Vous avez répondu tout à l’heure qu’il fallait regarder dans le rapport, et vous aviez raison. On peut y lire que les besoins en personnel de médiation sont estimés à ce stade à un emploi de médiateur, un chargé de mission de catégorie A et une assistante ou un assistant. Ces effectifs devraient être en partie couverts par des redéploiements des effectifs du ministère de la culture et de la communication, les frais de fonctionnement liés aux locaux etc. par redéploiement de crédits. Par contre, n’est pas du tout visée la direction. Cette étude à laquelle vous avez fait référence prouve bien qu’il y a un vrai problème de fonctionnement du médiateur.
Je continue de penser que la présence de représentants des ministres ne changera rien au sein de la commission. Alors, en guise de repli, je vous propose de suivre la recommandation du rapport Lescure. Il préconisait, il est vrai, d’introduire dans la commission pour copie privée des membres nommés par les ministres mais plus précisément des experts et pas forcément des porte-parole de chaque ministre. C’est ce que prévoit cet amendement.
Plutôt que la défense des écuries de chacun, l’intérêt général doit prévaloir pour aboutir à des barèmes justes.
La commission n’a pas souhaité modifier l’article 7 bis et a donc donné un avis défavorable à ces trois amendements, pour deux raisons au moins.
Nous souhaitons ne pas limiter le pôle public créé au sein de la commission pour copie privée comme cela est proposé par les amendements nos 257 et 436 .
Quant à l’amendement no 113 , nous sommes certains que les représentants des ministres seront des personnalités qualifiées.
Défavorable.
Actuellement, le pôle public comprend le président et trois personnes, soit quatre en tout, ce qui permet, comme cela est souhaité, une parité parfaite.
L’article 7 bis est adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures quinze.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly