Intervention de Antoine Herth

Séance en hémicycle du 29 septembre 2015 à 15h00
Débat sur la situation et l'avenir de l'agriculture

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAntoine Herth :

Venons-en aux sept plaies. Le ralentissement de la demande mondiale a pesé dans le marasme que connaît notamment la production laitière. Lorsque l’export se ferme, la concurrence se joue à huis clos, sur le prix bas. Or, la France n’est pas la mieux placée, à cause d’un excès de charges et de contraintes normatives. Une mesure devait apporter un peu d’oxygène aux producteurs et aux transformateurs, celle de la TVA emploi que votre majorité s’est empressée de supprimer dès 2012. Le Président de la République confesse à présent que cela a été une erreur.

C’est bien de le reconnaître. Mais que propose la gauche pour après ? Rien visiblement, comme suite à l’embargo décrété contre la Russie alors que nous savons que les éleveurs de porcs en sont les premières victimes. Ni l’Europe ni la France n’ont pris des dispositions efficaces pour compenser l’impact de cette décision politique, que chacun respecte par ailleurs. Vous annoncez 30 millions pour moderniser les battoirs, mais vous savez comme moi que chaque abattoir de France consomme 500 000 euros par an de plus pour ses charges salariales qu’un abattoir allemand. Dès lors que valent 30 millions ?

Beaucoup de producteurs savent qu’ils ne survivront pas à cette crise ; d’autres découragent leurs enfants de s’engager dans l’aventure. Ce n’est plus le dépit, c’est le désespoir qui les habite. Mais le pire, c’est qu’il n’y a personne pour les écouter, encore moins pour les plaindre. Alors que l’Allemagne et l’Espagne développent leurs unités, il y a en France comme une résignation à voir disparaître cette production, à l’instar de la sidérurgie selon les observateurs. C’est oublier que chaque éleveur de porcs emploie sept personnes et que la fatalité ne fait pas partie du vocabulaire des paysans.

L’été arrivant, nos campagnes ont été frappées par la sécheresse, et vous avez oublié d’en parler : l’herbe est rare, les granges vides et les cultures estivales ont fortement souffert. À cet endroit de mon intervention, il est bon de rappeler la séquence de Sivens : à l’époque, pour être politiquement correct, il fallait demander la réduction de la taille du projet de retenue d’eau et condamner l’agriculture dite « intensive ». Or chacun sait que la maîtrise de l’eau est un facteur stratégique pour les agricultures, sous toutes leurs formes, pour qu’elles puissent faire face au réchauffement climatique. Ce n’est pas d’une réserve d’eau que la France a besoin, mais de 100, 500, peut-être de 1 000.

Et comme si tout cela ne suffisait pas, la fièvre catarrhale ovine a de nouveau frappé en Auvergne, touchant à la fois les bovins et les ovins. Mais je tiens à saluer, monsieur le ministre, la célérité avec laquelle vos services ont réagi et l’annonce que des vaccins vont être distribués. Je souhaite que les éleveurs concernés puissent très vite retrouver leurs marchés. Cette réactivité, que je salue à nouveau, tranche avec la lenteur habituelle de l’administration : dès qu’il faut une autorisation, remplir un formulaire – comme ce fut le cas cette année pour les dossiers de la PAC –, le quotidien des agriculteurs se transforme en galère. M. Macron a beau déclarer, lors de l’inauguration de la Foire européenne de Strasbourg : « Je veux que l’administration passe d’une une logique de contrôle à une logique de conseil », la réalité est malheureusement toute autre. Notre administration est devenue tatillonne, obtuse et souvent arrogante, allant jusqu’à débarquer dans la cour des fermes entourée de gendarmes.

Mais il n’y a pas que l’application de la réglementation qui mérite d’être revue : c’est la réglementation elle-même qui pose problème, car elle est surabondante, contradictoire, stérilisante. À cet égard, le mal s’enracine dans cet hémicycle. En effet, pour faire plaisir à vos amis ou pour jouer sur les subtils équilibres de votre majorité, vous avez fait voter une loi sur l’avenir de l’agriculture un jour et, le mois suivant, vous avez donné votre accord à des propositions de loi allant dans le sens opposé. Où est la cohérence ? Parfois, ce sont les ministres d’un même gouvernement qui, chacun dans leur domaine, prennent des dispositions négatives pour l’agriculture, comme s’il s’agissait de la soumettre au supplice chinois. Où est l’arbitrage interministériel de Matignon ?

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