Intervention de Antoine Herth

Séance en hémicycle du 29 septembre 2015 à 15h00
Débat sur la situation et l'avenir de l'agriculture

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAntoine Herth :

Qui au sein de l’administration s’est jamais posé la question des conséquences économiques du retrait d’un produit de traitement ? Qui sait combien d’emplois nous avons perdus à cause d’une surenchère sur les nitrates, sur la publicité pour le vin, sur la protection du loup ! Il y a bien des études d’impact, mais elles se contentent de mesurer l’effet d’un projet de loi sur le budget de l’État, jamais sur les gains ou les pertes de compétitivité, c’est-à-dire sur notre capacité ou non à générer du PIB.

Enfin, la plus grande des plaies de notre agriculture est l’incapacité de notre élite à la regarder pour ce qu’elle est, à savoir extraordinairement diverse, riche de son histoire et forte de son ancrage dans chacun de nos territoires. Dans les forums, dans les colloques, l’intelligentsia ne jure que par le bio, à la rigueur par les produits fermiers, à peine par les appellations d’origine protégée. Or l’immense majorité de nos concitoyens plébiscite une alimentation standardisée et bon marché, souvent d’excellente qualité, d’autant plus qu’ils ne consacrent à l’alimentation que 12 % de leur pouvoir d’achat contre 29 % au logement. Le monde n’est pas binaire : il n’y a pas une agriculture qui mériterait toutes les éloges et une autre, dite « industrielle », qu’il faudrait mépriser ; il y a une diversité de méthodes de production dont chacune sait tirer le meilleur parti d’un terroir grâce au travail patient de nos agriculteurs.

Aujourd’hui, nos agriculteurs ont perdu la patience. Ils ont besoin qu’on les écoute et qu’on les aide, ils veulent des prix rémunérateurs car leur travail vaut bien un juste salaire. Monsieur le ministre, vous avez bien essayé de décréter un prix du cochon à 1,40 euro le kilo, mais cela n’a pas fonctionné car vous n’avez pas la compétence pour fixer les prix agricoles. À présent, vous déversez quelques millions pour éteindre les incendies qui ravagent nos campagnes et pourrissent la vie des candidats de votre majorité aux régionales. Mais nos agriculteurs veulent une année blanche pour les charges d’emprunt et pour les cotisations sociales ; ils veulent savoir si les 62 millions d’euros que l’Europe leur accorde serviront bien à couvrir ces échéances, à leur permettre de garder la tête hors de l’eau. Cela tombe bien car ce sujet, lui, est de la compétence du Gouvernement, et, cette fois, vous n’aurez plus le droit à l’échec.

Si vous avez encore le courage d’aller à la rencontre des agriculteurs, sachez qu’ils manquent aussi du témoignage d’estime que vous pourriez leur apporter.

Je vous ai longuement et patiemment écouté, monsieur le ministre. Dans un premier temps, vous avez égrené des mesures techniques – je ne suis pas certain que même dix des députés présents puissent en faire le résumé après ce débat – ; et puis, dans un second temps, vous avez cherché la claque de la gauche en provoquant l’opposition : cette posture est symptomatique de ce que vous représentez au sein du Gouvernement, un véritable Janus, à la fois ministre de l’agriculture et porte-parole du Gouvernement, le matin à la rue de Varennes, l’après-midi rue de Solférino.

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