Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, chers collègues, accompagner le changement, anticiper : ces principes devraient toujours guider les décisions politiques, et ce quel que soit le domaine concerné. Ils devraient guider nos choix économiques, bien sûr, ce qui suppose par exemple d’assurer au plus vite la transition écologique de notre économie – en ce domaine, et à quelques semaines de la COP 21, il y aurait beaucoup à dire, et surtout à faire.
Mais revenons-en à ce texte de loi. Ce que je souhaite tout d’abord souligner, c’est qu’il s’inscrit dans cette exigence d’anticipation et d’accompagnement du changement. Cette proposition de loi doit en effet permettre de répondre aux évolutions en cours des modes de diffusion et de consommation des vidéos.
Aujourd’hui, le taux de croissance annuel du trafic mobile est de plus de 60 % par an. L’arrivée de l’internet mobile, l’essor des tablettes ou encore des smartphones se sont traduits par une véritable explosion des données échangées. Les frontières entre ce qui est lu, écrit et écouté sont de plus en plus ténues, et on assiste à une véritable révolution des modes de diffusion et de consommation des vidéos. Cette révolution affecte également le mode d’accès à l’information avec l’essor des pure players, le succès de Dailymotion, de You tube ou d’iTunes, ou encore l’arrivée de Netflix.
Cette augmentation du trafic mobile n’est pas près de prendre fin, d’où la volonté de cette proposition de loi de prendre en compte cette évolution en libérant des basses fréquences utilisées par la TNT pour répondre aux besoins des opérateurs de télécommunication.
Concernant la TNT, ce texte illustre cette même logique d’accompagnement des changements en cours, tout en anticipant sur les évolutions de demain. Pour libérer la bande de fréquences des 700 mégahertz, il propose en effet une nouvelle norme de compression vidéo, via le passage au MPEG-4, qui permet une modernisation de la diffusion audiovisuelle. Cela signifie très concrètement que la qualité des images de la TNT va être améliorée via la généralisation de la haute définition.
Le texte va même plus loin dans la modernisation de la plateforme hertzienne en proposant un cadre d’expérimentation de l’ultra haute définition.
Aussi nécessaires soient-elles, ces évolutions ne doivent pas se faire n’importe comment. Les débats ont ainsi mis en exergue plusieurs points qui appellent notre vigilance. Je pense notamment à leur incidence sur la reconfiguration du secteur de la téléphonie ou à la nécessité de prendre en compte les impératifs d’aménagement numérique du territoire – des garanties ont d’ailleurs été données en la matière, et je m’en félicite.
Nos débats ont également permis l’expression de craintes quant aux évolutions affectant la TNT. A tout d’abord été évoqué le risque de « l’écran noir », pesant notamment sur les personnes âgées, celles en situation de handicap ou encore celles et ceux qui connaissent des difficultés financières ou qui vivent dans des territoires enclavés. Fort heureusement, les divers dispositifs d’aide prévus devraient parer au risque que cette évolution n’entrave la réception des chaînes de la TNT dans certains foyers.
Subsiste néanmoins la question, comme l’a observé ma collègue sénatrice Corinne Bouchoux, de l’obsolescence programmée du matériel de réception actuellement utilisé. Aujourd’hui, à quelques semaines de la COP 21, alors que l’on sait que le renouvellement accéléré des biens contribue à la surexploitation des ressources non renouvelables qui aboutit à une impasse écologique, sociale et économique, on doit toujours, et même plus que jamais, se poser cette question de la durabilité de nos choix d’équipement.
Faudra-t-il encore changer écrans et boîtiers dans quelques années, dans l’hypothèse – probable – d’un passage à la ultra haute définition ?
D’autres inquiétudes se sont exprimées et doivent être prises en compte, telles que la perte d’audience et la question des coûts pour les diffuseurs et les chaînes. Comme je l’ai évoqué en juin dernier, cette évolution devrait générer une baisse des coûts de diffusion, mais des exceptions peuvent apparaître. Je pense par exemple au coût du remplacement des encodeurs pour les décrochages locaux et régionaux de France 3, auxquels, vous le savez, les écologistes sont très attachés. Alors que la situation financière de France Télévisions est on ne peut plus délicate, l’impact financier de cette évolution mérite toute notre attention.
Je pense aussi à l’impact financier pour les collectivités
territoriales qui organisent elles-mêmes une rediffusion locale dans les zones géographiques non couvertes par les opérateurs de multiplexes.
Enfin, vous le savez, avec mes collègues écologistes, nous regrettons que les recettes attendues de la vente des fréquences soient destinées à alimenter le budget de la défense. Alors que la création manque de moyens et que le budget de la culture pourrait être renforcé – je pense notamment au secteur du spectacle vivant –, l’affectation de ces milliards au budget de la défense est plus que regrettable.
C’est là un choix qui ne fait pas sens pour nous, d’autant moins que notre assemblée débat ces jours-ci du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, dont l’article 2 assigne des objectifs ambitieux à la politique publique en faveur de la création artistique. Malheureusement, aucun moyen supplémentaire n’a à ce jour été prévu pour accompagner ces ambitions.
C’est aussi une occasion manquée d’engager une réflexion globale sur le soutien à la création audiovisuelle et cinématographique qui tienne compte de l’évolution des modes de consommation et de l’utilisation des fréquences par les opérateurs de téléphonie pour diffuser sons et vidéo. Ce texte aurait pu être l’occasion de faire évoluer le modèle du financement de la création en l’élargissant à des acteurs comme les opérateurs de téléphonie, qui sont aujourd’hui tout autant concernés que les chaînes de télévision qui soutiennent la création.
Ces remarques étant faites, ce texte répond à l’ essor du très haut débit mobile et aux évolutions affectant son usage ; il anticipe les besoins à venir tout en permettant une modernisation de la TNT et une meilleure qualité de la diffusion télévisuelle.
C’est pourquoi, tout en réaffirmant ces quelques réserves, notamment quant à l’affectation des recettes attendues de la vente des fréquences à la défense plutôt qu’à la culture, le groupe écologiste votera bien évidemment ce texte.