Intervention de Ibrahim Aboubacar

Séance en hémicycle du 1er octobre 2015 à 15h00
Actualisation du droit des outre-mer — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIbrahim Aboubacar :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, chers collègues, je voudrai tout d’abord saluer les travaux de la commission mixte paritaire qui s’est réunie mardi dernier et a abouti à ce texte de compromis entre les deux chambres que nous allons adopter dans quelques instants. Cela est dû à l’investissement particulier de nos rapporteurs et je salue à cet égard l’engagement de notre collègue Paola Zanetti tout au long de ces travaux. Cela est dû également à l’intérêt particulier des présidents des commissions des lois de nos deux assemblées qui ont suivi particulièrement ces travaux et je voudrais saluer à nouveau l’attention constamment manifestée par le président Urvoas envers les outre-mer.

Le texte qui nous est soumis a conservé l’essentiel des apports que l’Assemblée nationale avait adoptés en première lecture et je m’en félicite.

Plusieurs points importants concernant le droit applicable dans les outre-mer trouvent une solution. J’évoquerai d’abord les questions foncières dont vous savez qu’elles revêtent outre-mer une importance particulière pour des raisons que chacun connaît, qu’il s’agisse du foncier des zones habitée ou de celui nécessaire au développement de l’agriculture ou au développement économique.

Des solutions hardies ont été dégagées pour la zone des cinquante pas géométriques en Martinique et en Guadeloupe, supposant une implication plus grande des collectivités locales. Cela va dans le bon sens. Il faudra veiller à ce que le processus aille à son terme à l’horizon visé.

Des outils d’intervention ont été créés ou ajustés pour agir à Mayotte et en Guyane en matière de foncier urbain et agricole. Il faudra veiller à ce qu’ils soient rapidement mis en place à Mayotte – où cela fait cinq ans que nous les attendons –, tandis qu’en Guyane le foncier agricole devra faire l’objet d’une attention encore plus soutenue et d’une solution de gestion définitive.

La réflexion sur les questions foncières dans l’ensemble des outre-mer français doit être conduite à son terme, y compris pour un territoire comme Wallis et Futuna où ses incidences sur le développement économique constituent une préoccupation certaine.

La lutte contre la vie chère est également un axe fort de ce projet de loi. Outre l’extension à Saint-Martin du « bouclier qualité-prix » pour les produits de base ainsi que la création d’un observatoire des prix, des marges et des revenus à Saint-Martin et Saint-Barthelemy, qui figuraient dans le texte soumis au Parlement, l’examen de celui-ci a été l’occasion pour nous de souligner notre préoccupation de voir l’effort et la vigilance contre la vie chère maintenus dans l’ensemble des outre-mer.

C’est ainsi qu’a été adoptée une disposition portant suppression des surcoûts de l’itinérance entre la métropole et l’outre-mer pour les communications vocales et les SMS à compter du 1er mai 2016. Nous entendons les objections des opérateurs, mais les délais qui nous séparent de la date d’application de cette disposition devraient être bien suffisants pour opérer les ajustements techniques et juridiques appropriés.

En revanche les dispositions tendant à la remise de rapports au Parlement sur le fret régional ou la fixation du prix des hydrocarbures, qui poursuivent le même objectif et qui avaient été introduites par notre assemblée, ont été supprimées. En effet, nous nous sommes ralliés à l’analyse du président Urvoas qui considère qu’il appartient au Parlement de contrôler l’action du Gouvernement en ce domaine comme en d’autres sans avoir besoin de réclamer de sa part des rapports spécifiques. C’est le chemin que nous allons donc emprunter, en particulier au sein de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer – CNEPEOM – que j’ai l’honneur de présider désormais, et nous comptons sur M. le président de la commission des lois pour nous assister sur ce chemin.

Pendant à la lutte contre la vie chère, il y a la question de la continuité territoriale : le projet de loi modifie opportunément le statut de LADOM, opérateur de la mise en oeuvre de la continuité territoriale dans les outre-mer.

Nous sommes en attente, madame la ministre, de la concertation annoncée sur le contenu de cette politique de continuité territoriale et les travaux de la CNEPEOM pourraient dans ce domaine apporter un éclairage utile sur des questions telles que celle des objectifs à poursuivre ou des priorités à retenir.

La sécurisation de la législation applicable outre-mer est également une préoccupation forte de ce texte, que ce soit pour les collectivités ayant fait l’objet récemment d’une révision statutaire ou pour celles ayant de longue date une organisation particulière.

C’est le cas de Saint-Barthélemy, dont le changement de statut par rapport à l’Union européenne ne doit pas conduire à des vides juridiques. C’est le cas de Mayotte, où la convergence vers le droit commun doit être une action continue, pouvant dorénavant s’appuyer sur le document stratégique « Mayotte 2025 ». L’application du code du travail à cette collectivité est une exigence et une urgence, tant pour la dignité des travailleurs que pour la sécurité juridique des acteurs économiques.

C’est le cas des futures assemblées de Martinique et de Guyane pour lesquelles de nombreuses dispositions sont adoptées en vue de sécuriser le passage entre les deux collectivités de droit commun actuelles et la future collectivité unique : c’est un enjeu fort pour ces territoires, qui dépasse largement les tensions que le rendez-vous démocratique de la fin de l’année pourrait engendrer. Sans m’engager sur ce point, je veux simplement dire ici, en réponse à l’interpellation dont j’ai fait l’objet, que notre objectif est la sécurisation juridique, étant entendu que les collectivités en question et leur exécutif retrouveront leurs compétences de droit commun dès que celles-ci auront été installées.

C’est le cas enfin de la Polynésie française pour laquelle l’ordonnancement particulier qui régit l’élaboration des règles dans des matières qui appellent l’intervention conjuguée de l’État et des institutions locales ne doit pas être source de vides juridiques : un mécanisme permanent, périodique, doit être mis en place à cet effet.

Outre les dispositions visant à la sécurité juridique, nous devons également saluer les mesures qui ont pour objet de renforcer la transparence financière à Saint-Pierre et Miquelon, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

Des mesures attendues en faveur des agents des fonctions publiques de Wallis et Futuna et de Polynésie Française vont remédier à des situations de précarité et donner des perspectives nouvelles aux agents concernés. Cela est important pour le bon fonctionnement des collectivités concernées ainsi que pour le dialogue et la paix sociale.

Des avancées sont également à noter en faveur des agents des collectivités locales du département de Mayotte. Le 29 septembre dernier, les représentants de l’ensemble des organisations syndicales de fonctionnaires présentes à Mayotte ont été reçus au ministère de l’outre-mer par les ministres de la fonction publique et des outre-mer, conformément aux engagements pris en 2013. Les discussions ont porté sur les questions statutaires, les pensions de retraite, l’attractivité des fonctions publiques ainsi que sur le dialogue social. J’appelle à la poursuite de ce dialogue afin de concrétiser les points examinés lors de cette rencontre et d’avancer sur les sujets qui font encore l’objet de divergences, notamment la question de la reconstitution des carrières des agents intégrés dans les fonctions publiques dans le cadre du dispositif mis en place en 2003.

Je terminerai cette intervention en évoquant deux sujets qui préoccupent là encore l’ensemble des outre-mer, et d’abord la question des retards de paiement subis par les entreprises de la part des collectivités publiques, mal endémique qui fragilise le tissu économique local. Nous demandons que l’Institut d’émission des départements d’outre-mer – IEDOM – se penche sur ce problème afin que des solutions soient enfin trouvées.

Le second sujet est celui des statistiques dans les outre-mer. Nous demandons que la publication d’études nationales par l’INSEE ou les services statistiques ministériels s’accompagne systématiquement de la présentation de données chiffrées concernant les outre-mer : il y va de la juste évaluation de l’impact des politiques publiques dans ces territoires et de la définition même de ces politiques. Dans son rapport de l’année dernière, la CNEPEOM avait déjà fortement souligné que cela s’apparentait à de la navigation à vue faute de données fiables et universelles.

Madame la ministre, chers collègues, chacun peut constater qu’il s’agit là d’un texte qui, s’il n’a pas une portée historique, est néanmoins riche et utile et qu’il vise à assurer la sécurité juridique et l’efficacité de l’action des pouvoirs publics et des autres acteurs outre-mer.

Dans ces moments où la jurisprudence du Conseil constitutionnel se resserre sur la notion de cavalier législatif, de tels rendez-vous législatifs doivent être organisés de façon plus systématique pour accompagner la différenciation législative à l’oeuvre outre-mer, qui justifie que ce qualificatif se décline de plus au plus au pluriel.

La CMP a adopté ce texte à l’unanimité de ses membres et – faut-il le préciser ? – le groupe SRC fera de même avec conviction, en vous remerciant, madame la ministre, de l’ouverture dont vous avez fait preuve tout au long de son examen.

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