Intervention de Patricia Adam

Séance en hémicycle du 1er octobre 2015 à 15h00
Surveillance des communications électroniques internationales — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatricia Adam, rapporteure de la commission de la défense nationale et des forces armées :

Monsieur le président, monsieur le ministre de la défense, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mes chers collègues, le Conseil constitutionnel, vous le savez, a validé l’ensemble – j’insiste sur ce point – des principes de la loi sur le renseignement, dont le rapporteur était Jean-Jacques Urvoas et qui a été adoptée par notre assemblée le 25 juin. Il a ainsi légitimé le recours par le Gouvernement à un certain nombre de moyens, au titre de la défense et de la promotion des intérêts fondamentaux de la nation.

S’agissant de la surveillance des communications internationales, le Conseil constitutionnel a exigé une plus grande précision des modalités de déclenchement et de contrôle associées. Ce faisant, il a – je le répète pour ceux qui ne l’auraient pas entendu ou compris – validé la légitimité de l’État à recourir à ces techniques pour défendre et promouvoir les intérêts fondamentaux de la nation. Nous n’avons donc pas à reprendre cette question, déjà largement débattue en commission et dans l’hémicycle. Je remercie Jean-Jacques Urvoas du travail qu’il a effectué sur le sujet. Cette proposition de loi porte donc sur le contrôle et non sur le fond ou sur des moyens nouveaux à donner aux services de renseignement qui travaillent à l’international.

Afin d’éviter tout faux débat, je tiens à rappeler deux points. D’abord, la recherche du renseignement est une prérogative étatique légitime et nécessaire. D’ailleurs chaque pays en use, à la mesure de ses moyens. Ensuite, le secret est indissociable de la recherche du renseignement. À la fois il la permet et il est la condition de sa sécurité. Sans secret, il n’y a pas de renseignement ! De ce besoin du secret résulte souvent un malentendu : le secret n’a pas pour objet de cacher d’éventuelles turpitudes. Il est simplement la condition du recueil du renseignement.

Notre rôle de législateur est donc aujourd’hui de concilier, comme nous l’avons fait dans la loi sur le renseignement, le contrôle juridique sur des activités régaliennes et la préservation de la part de secret nécessaire, dans le respect des libertés individuelles. Tel est l’équilibre trouvé dans la loi sur le renseignement. Et tel est l’esprit du texte que Philippe Nauche et moi-même avons déposé.

L’esprit de cette proposition de loi est donc simple à résumer : il s’agit à la fois d’une loi de contrôle de certaines opérations de renseignement technique et d’une loi qui étend le champ des garanties d’exercice des libertés publiques. En cela, la proposition de loi complète la loi sur le renseignement dont elle reprend à la fois l’esprit et les mécanismes adaptés.

En synthèse, le Premier ministre est l’autorité qui endosse la responsabilité d’autoriser la surveillance des communications électroniques internationales. Compte tenu du champ très vaste et complexe du renseignement recherché, il s’agit d’un acte de gouvernement, qui ne peut pas être soumis à un avis préalable indépendant, c’est-à-dire extérieur, notamment une autorisation administrative, comme cela a été proposé par voie d’amendement. En revanche, toute surveillance autorisée par le Premier ministre sera soumise au contrôle de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement – CNCTR – qui en vérifiera la légalité, et ce immédiatement, comme je le propose par voie d’amendement.

En cas de divergences de vue sur la légalité d’une surveillance, la CNCTR pourra recommander sa suspension au Premier ministre. En cas de désaccord persistant, la commission, son seul président ou seulement trois de ses membres pourront saisir une formation spécialisée du Conseil d’État, qui rendra alors une décision de justice, laquelle s’imposera au Gouvernement. C’est ce que nous avions proposé dans la loi sur le renseignement pour les interceptions de sécurité.

Outre ce travail de contrôle, la CNCTR examinera les demandes d’individus souhaitant vérifier s’ils ne font pas l’objet d’une surveillance illégale. Il s’agit là d’une avancée considérable.

Ce dispositif est inspiré du régime des interceptions de sécurité mais présente tout de même quelques différences, aisément explicables compte tenu de l’échelle internationale du champ d’intervention. Une interception de sécurité vise une personne en particulier, sur le fondement d’éléments connus. En revanche, la surveillance des communications internationales a plutôt pour objet de surveiller des individus dont on ne connaît pas les noms, des zones dans lesquelles agissent des groupes qui menacent notre pays ou des organisations terroristes. Cette différence implique quelques aménagements par rapport au régime des interceptions de sécurité.

La loi propose donc un contrôle renforcé à toutes les étapes de la procédure technique et une traçabilité totale des actions. Cette traçabilité est l’un des outils de contrôle par la CNCTR qui, rappelons-le, aura accès à tout, y compris à la production. Ainsi, le Premier ministre engagera sa responsabilité institutionnelle et politique à chaque étape du processus. Cet engagement se concrétisera par la communication de chaque décision à la CNCTR, qui compte quatre parlementaires, dont deux de l’opposition, parmi ses membres – je tenais à le préciser, au cas où certains l’auraient oublié. Ce contrôle renforcé de la CNCTR et l’implication du Premier ministre garantissent le respect des garde-fous que la loi met à l’activité de surveillance.

En conclusion, je veux me féliciter de l’intérêt que la représentation nationale manifeste pour cette question de la surveillance des communications internationales. Depuis le dépôt de la présente proposition de loi, notre collègue sénateur Philippe Bas en a déposé une autre relative au même objet. Je me félicite de cette convergence de vues ; j’ai d’ailleurs souhaité vous présenter des amendements directement inspirés de son travail.

Pour en terminer, et afin d’éviter de faux débats, je vous invite à répondre simplement à deux questions. Le droit sera-t-il plus protecteur après le vote de la proposition qu’antérieurement ? Pour moi, la réponse est claire : c’est oui !

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