L’avis du Gouvernement est évidemment défavorable, et même très défavorable. J’en profite pour bien préciser les choses afin que le compte rendu de la séance en fasse foi pour l’avenir, d’autant plus que d’autres amendements étant dans la même lignée, ma réponse pourra être considérée valable également pour ceux-ci.
Je dirai d’abord que vous-même, monsieur Coronado, et les cosignataires de l’amendement avez raison de souligner que l’exploitation non individualisée des données de connexion associée à des communications internationales est permise plus largement que celle applicable aux communications nationales. Oui, c’est vrai. Et c’est que Mme la rapporteure et moi-même vous demandons de voter. En effet, les traitements automatisés servant à cette exploitation dont je souligne qu’elle sera non individualisée et donc moins attentatoire à la vie privée, doivent avoir, s’agissant des communications nationales, pour seule finalité la lutte contre le terrorisme, alors qu’ils peuvent répondre aux autres finalités de la loi sur le renseignement pour les communications internationales.
Je tiens à rappeler deux faits qui justifient cette différence : pour ce qui est des communications nationales, les services peuvent appliquer les traitements automatisés, à savoir les fameux algorithmes adéquats, sur l’exhaustivité des données de connexion associées à ces communications dès lors que l’opérateur en cause est soumis à la loi française, le personnel dudit opérateur étant chargé d’installer et de mettre en oeuvre ces algorithmes ; tel n’est évidemment pas le cas pour les communications internationales puisqu’il faudrait alors pouvoir intercepter l’intégralité des flux de communication mondiaux de l’ensemble des opérateurs étrangers pour obtenir le même effet d’exhaustivité. Vous imaginez bien que ce n’est pas possible. Les données de connexion sur lesquelles sont mis en oeuvre les traitements dans le champ des communications internationales sont donc loin d’être aussi complètes que dans le champ des communications nationales, ce qui relativise l’atteinte à la vie privée.
Mais je rappelle aussi et surtout que si le Gouvernement et les auteurs de la proposition de loi ont estimé que les garanties apportées aux personnes surveillées à l’étranger pouvaient être moins importantes que celles applicables aux personnes surveillées sur le territoire national, c’est parce que la situation est très différente : les premières ne sont pas sous la juridiction des pouvoirs publics français, qui ne peuvent donc pas exercer sur elles les mêmes prérogatives de puissance publique que sur les secondes. Vous noterez d’ailleurs que le Conseil constitutionnel a refusé de suivre sur ce point l’argumentaire des députés l’ayant saisi pour censurer la loi – elle l’a été pour incompétence négative, cela a été rappelé, y compris par M. Myard tout à l’heure.
Enfin, je tiens à dire aux auteurs de l’amendement qu’ils se trompent en estimant que la précédente version de la loi n’offrait pas aux services la possibilité d’exploitation non individualisée des données de connexion : cette possibilité leur était évidemment offerte car elle est absolument indispensable à la défense et à la promotion de nos intérêts fondamentaux, mais elle l’était de façon moins encadrée. En effet, dans le texte voté en juin, seuls deux niveaux d’autorisation de captation des données étaient prévus et l’exploitation des données de connexion était attachée à la première autorisation. Le texte décomposera désormais la procédure en trois étapes en créant un niveau d’autorisation intermédiaire assorti de ses garanties propres. Le texte de la proposition de loi est donc sur ce point plus protecteur que celui voté en juin. Supprimer cette possibilité reviendrait à vider la loi de sa substance. En effet, s’agissant de la surveillance de communications internationales, il est nécessaire de mettre en place des traitements automatisés pour identifier le routage desdites communications afin de pouvoir procéder à des écoutes ciblées. Je vous demande donc, assez solennellement, de retirer cet amendement.