Intervention de Dominique Orliac

Réunion du 30 septembre 2015 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Orliac :

Après son rejet au Sénat, nous voici donc amenés à nous pencher de nouveau sur cette proposition de loi sur la fin de vie. C'est un sujet dont nous avons déjà beaucoup débattu en première lecture et à l'occasion de l'examen de la proposition de loi défendue en janvier par notre collègue Véronique Massonneau.

Les radicaux de gauche ont toujours été des précurseurs en la matière : une première proposition de loi avait été déposée dès 1978 par le sénateur Henri Caillavet, et une deuxième allait donner naissance à la loi du 9 juin 1999 « visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs ».

En 2005, la loi Leonetti a proscrit l'acharnement thérapeutique, elle a donné au patient le droit de refuser ou d'arrêter un traitement même si cela met sa vie en danger, et elle oblige le médecin à respecter la volonté du malade. Cette loi accepte donc le « laisser mourir » mais continue d'interdire le « faire mourir ».

Lors de l'organisation des primaires citoyennes, le Parti radical de gauche (PRG) avait défendu l'idée de faire évoluer la loi du 22 avril 2005 dite loi Leonetti, en permettant de légaliser le droit à mourir. Sa proposition a été reprise dans l'engagement 21 du programme de campagne de François Hollande que je cite : « Je proposerai que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d'une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d'une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité. »

Bientôt trois ans après le début du mandat du Président de la République, nous voilà donc amenés à débattre à nouveau de la fin de vie.

Nos deux rapporteurs souhaitent que soit inclus dans le code de la santé publique un droit à une sédation profonde et continue en phase terminale, et que les directives anticipées, jusqu'ici simplement indicatives, s'imposent sous certaines conditions aux médecins. Nous reconnaissons la qualité du travail effectué par nos deux collègues sur une question qui doit, selon nous, dépasser les clivages idéologiques traditionnels. Ce texte émet des propositions positives qui visent à la mise en place d'une organisation plus simple et plus transparente concernant la fin de vie, ce que nous approuvons.

Cependant, pour notre groupe, cette proposition de loi s'apparente à un rendez-vous manqué et certaines propositions contenues dans ce texte ne nous semblent pas être à la hauteur de l'enjeu. En effet, ce texte reste ambigu alors que nous avons besoin de clarté et de transparence, puisqu'il émet des propositions a minima et ne règle pas la question de l'euthanasie ou du suicide médicalement assisté.

La notion de « sédation profonde et continue » ne va pas assez loin : si on laisse la personne s'endormir et mourir, le processus peut prendre du temps, « entre deux et huit jours » indique le professeur Didier Sicard. Cela ne correspond pas à la volonté exprimée par de nombreux Français à plusieurs reprises : pouvoir choisir, en cas de mort inéluctable et de souffrances trop grandes, le moment et le lieu de leur mort.

De plus, la sédation en phase terminale s'accompagne de l'arrêt des traitements et de soins tels que l'alimentation et l'hydratation artificielles, ce qui entraîne souvent des effets très pénibles : faim, soif, phlébites, escarres, infections. En cas d'anesthésie générale, le patient ne ressent pas la faim, nous avez-vous expliqué lors de la première lecture, monsieur Jean Leonetti. Je vous l'accorde, mais l'anesthésie générale ne durera pas plusieurs jours, c'est-à-dire pendant toute la durée d'une sédation profonde.

À notre avis, ce texte reste trop timoré. Il se contente souvent de réaffirmer des principes déjà présents dans la loi du 22 avril 2005 qui est souvent mal comprise et mal appliquée. Nous souffrons d'avoir adopté une loi insuffisante en 2005, ce qui nous oblige à revenir sur le sujet dix ans plus tard. Ne retombons pas dans ce travers. Il est temps de consacrer définitivement ce droit et de garantir le libre choix d'être, sous des conditions strictes, aidé médicalement à mourir dans la dignité.

Pour nous, l'enjeu est bel et bien de permettre à chacun de rester maître de son destin et d'éviter des souffrances inutiles grâce à la mise en place d'une procédure légale claire et transparente. La loi doit permettre à ceux qui le souhaitent de mourir dans la dignité, assistés médicalement s'ils le désirent.

Nous sommes profondément attachés à la création de ce droit car nous sommes convaincus que c'est l'humanisme – et non la morale – qui doit conduire l'action publique et donc guider l'évolution de la loi. Plus encore, ce droit représente pour nous l'incarnation d'une certaine idée du progrès social, de la modernité et de la laïcité, qui sont les véritables fondements de notre République.

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