Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, pudeur et humilité doivent nous saisir, alors que nous examinons une nouvelle fois ce texte. Pudeur d’abord, car la mort relève avant tout de l’intime. Elle est l’affaire des seuls individus, qu’ils la fuient ou qu’ils s’y préparent tout au long de leur vie. Humilité ensuite, car, ainsi que l’exprimait le philosophe Emmanuel Levinas, la mort est le « sans-réponse ». La mort n’existe que pour ceux qui restent et nous ne pouvons parler que de la mort des autres. Dès lors, comment trouver les mots justes pour l’évoquer ?
En 2005, la loi Leonetti relative aux droits des malades et à la fin de vie, adoptée à l’unanimité, était parvenue à trouver un subtil équilibre : mieux respecter l’expression et la volonté des malades et prendre en compte les souffrances de ceux qui sont en fin de vie. Cette loi a amélioré le respect et la compréhension de la volonté du malade, en prenant en compte non seulement les douleurs, mais aussi la souffrance des malades en fin de vie, selon la belle distinction qu’autorise notre langue entre la douleur physique et la souffrance morale, plus englobante. Elle a fait progresser les soins palliatifs, fût-ce insuffisamment, et a condamné clairement l’acharnement thérapeutique.
Dix ans après cette loi, il nous fallait pourtant légiférer. Malgré les évolutions qu’a apportées la loi Leonetti, des difficultés subsistent. La douleur des patients n’est pas toujours prise en compte, et l’obstination déraisonnable demeure malheureusement une réalité dans notre pays. L’accès aux soins palliatifs est loin d’être toujours effectif et la formation des médecins demeure insuffisante.
Alors que nous devons légiférer à nouveau, quelques principes doivent nous guider : ni souffrance, ni abandon, ni acharnement. Aborder la question de la fin de vie impose de prendre en compte la dignité de la personne humaine. Il est de notre devoir de faire en sorte de soulager la douleur et la souffrance. Dans ces cas précis, le renforcement des soins palliatifs constitue une priorité. Toute personne qui vit ses derniers instants a le droit d’être accompagnée jusqu’au dernier moment.
Cependant, dans des hôpitaux au personnel surchargé de travail, le risque d’un traitement mécanique et impersonnel demeure. Les proches eux-mêmes ont bien du mal à trouver les mots justes qui pourraient servir à accompagner et à aider les mourants. Avec ce texte et ces mots, c’est à la solitude des mourants que nous voulons répondre. Ces hommes et ces femmes appelés à partir ont besoin d’une attention toute particulière à l’heure ultime de leur vie. Accompagner, veiller, atténuer les peurs et les souffrances, offrir une fin de vie digne et apaisée : tel est notre devoir.
Sur ce sujet intime, il ne serait pas possible de répondre aux attentes de chacun d’entre nous. Il y aura, à côté de ceux qui s’estiment satisfaits par le texte en l’état, ceux qui voudraient aller plus loin et ceux qui trouvent que le texte n’est pas une réponse aux imperfections de la loi Leonetti, mais qu’il opère un profond changement de paradigme. Il s’avère difficile voire impossible de trouver une réponse unique sur un sujet aussi complexe.
Mes chers collègues, la tâche qu’il nous faut désormais accomplir n’est plus seulement d’ordre législatif, mais il convient de mener une véritable réflexion sur la formation du personnel médical. En février 2015, le rapport de la Cour des comptes, cité par Mme Le Callennec, pointait les lacunes dans la répartition des soins palliatifs sur le territoire. En dépit des progrès observés dans le développement de l’offre en établissements de santé, de fortes inégalités territoriales demeurent dans l’accès aux soins. En outre, on ne peut que déplorer la faiblesse extrême de la formation des étudiants en médecine sur ce sujet et la quasi-absence de l’évaluation et de la formation continue des médecins durant leur exercice professionnel.
Une fois les principes définis, nous devons nous attacher à leur mise en oeuvre qui suppose des moyens humains. Les soins palliatifs ne sont pas des exercices mécaniques et la part d’humanité y est essentielle.
Avant de conclure, je souhaite rappeler l’opposition de notre groupe à la légalisation de l’euthanasie ou du suicide médicalement assisté qui revient à accorder à la société, fût-elle représentée par le médecin, un droit sur l’existence de chacun qui outrepasse largement le respect, pourtant souhaité par tous, de la personne.
Nous l’avons souligné en première lecture, cette proposition de loi laisse place à une part d’indicible et d’incertitude, commandée par le respect de la vie. Une large majorité des députés du groupe UDI est favorable à l’équilibre de la proposition de loi. Certains souhaiteraient laisser plus de place à la volonté intime et le choix de la fin de vie à chacun. D’autres sont hostiles à la formulation de ce texte et craignent que ces nouvelles dispositions ne brisent le lien familial et social qui nous unit au plus profond de notre conscience. Ils estiment que, quelles que soient les circonstances, la vie doit être privilégiée.
S’il existe des positions différentes, elles méritent toutes respect mutuel et humilité. C’est pourquoi notre groupe a laissé à chacun de ses membres une totale liberté de vote depuis le début de l’examen du texte. Il en sera bien évidemment de même aujourd’hui. Chacune et chacun des membres de notre groupe se prononcera en son âme et conscience sur cette proposition de loi.