…soit respecté, c’est-à-dire que « toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité ». Certes, depuis une quinzaine d’années, le développement des soins palliatifs, hélas encore trop limité, a permis d’accomplir de réels progrès. Il importe de leur consacrer plus de moyens pour qu’un nombre bien plus important de patients puisse y accéder. C’est d’autant plus nécessaire qu’il existe de fortes inégalités territoriales, certains départements étant nettement sous-dotés en réseaux de soins palliatifs, voire n’en possédant aucun.
Mais pour la très grande majorité des députés de notre groupe, c’est bien la volonté de la personne qui doit prévaloir. La capacité à apprécier ce qui est digne et ce qui est indigne doit lui être reconnue. C’est pourquoi notre groupe avait déposé une proposition de loi en ce sens dès le mois de septembre 2012. Il n’y avait qu’un seul nouveau droit à créer, celui de pouvoir choisir sa mort par la reconnaissance d’une aide active à mourir. Nous étions nombreux en première lecture de la présente proposition de loi – quelque 150 parlementaires, radicaux de gauche, écologistes, socialistes – à avoir proposé par voie d’amendement d’introduire le droit à bénéficier d’une assistance médicalisée active à mourir, relayant ainsi le souhait exprimé par l’immense majorité de nos concitoyens. Hélas, notre amendement n’a pas été adopté, à quelques voix près.
Mais nous ne baissons pas les bras. Pas aujourd’hui ! Pas maintenant ! C’est la raison pour laquelle nous avons déposé de nouveau cet amendement pour la deuxième lecture – nous avons d’ailleurs été les seuls en commission à le faire. Notre amendement vise à introduire le droit à bénéficier d’une assistance médicalisée active à mourir. Je veux le rappeler ici : nous demandons que toute personne majeure et capable ait la possibilité de bénéficier d’une aide active à mourir dans la dignité. Nous ne voulons en aucun cas imposer cette aide à mourir à tous, mais, fervents défenseurs des libertés individuelles, nous voulons laisser la liberté de choisir, liberté refusée en l’état actuel du texte.
Ne vous méprenez pas, mes chers collègues : nous n’opposons pas soins palliatifs, sédation profonde et continue et aide active à mourir ! Ces dispositifs doivent s’entendre comme des possibilités thérapeutiques permettant de respecter les différents choix exprimés par les personnes en fin de vie. Car il relève ici de la dignité mais également de la capacité de l’humain d’endurer, ou non, la souffrance, une souffrance qui n’est pas que physique mais aussi psychologique. Comme l’avait rappelé ma collègue Jeanine Dubié lors des explications de vote à l’issue de la première lecture, « on peut ne pas supporter un corps déformé et décharné, on peut ne pas supporter d’être tributaire de l’autre pour les actes essentiels, on peut ne pas supporter le sentiment d’indignité qu’engendre parfois la maladie, on peut ne pas avoir envie de continuer à vivre ». On a trop caricaturé, dans ce débat, l’aide active à mourir, en utilisant de manière dévoyée le terme d’euthanasie alors qu’il signifie pourtant en grec « belle mort ». La Suisse, les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg, le Québec, pour ne citer que ces exemples, sont-ils des pays où l’être humain n’est pas respecté ? Nous ne le pensons pas.
Il est temps de permettre à chacun de vivre sa fin de vie comme il l’entend. Si les progrès de la médecine et des traitements ont contribué à allonger l’espérance de vie, cela s’est parfois fait au détriment de la qualité de vie et de la dignité. Or, qui est plus à même d’apprécier sa dignité que l’individu lui-même ? Pourquoi la liberté, valeur fondamentale qui oriente la vie de chacun, est-elle si difficile à admettre lorsqu’il s’agit de la fin de vie ? Ainsi, on respecterait l’autonomie de l’individu, entendue comme ce qui permet aux êtres humains de mener et d’accomplir un projet de vie selon leurs convictions et dans les limites imposées par le respect des droits et libertés des autres.
Pour le groupe RRDP, cette proposition de loi, qui ne semble pas être à la hauteur de l’enjeu, s’apparente à un rendez-vous manqué. Son texte reste ambigu alors que, sur ce sujet, nos concitoyens ont besoin de clarté et de transparence. Il fournit des propositions a minima, sans régler la question de l’euthanasie ou du suicide médicalement assisté.
Le terme « sédation profonde et continue », notamment, ne va pas assez loin. Laisser la personne s’endormir et mourir, selon les dispositions de ce texte, peut prendre du temps – entre deux et huit jours, d’après le Pr Sicard, ce qui ne correspond pas à la volonté actuelle et répétée de nombreux Français de pouvoir choisir le moment et le lieu de leur mort en cas de mort inéluctable et de souffrances trop grandes. Il n’est pas mentionné, par ailleurs, que la sédation en phase terminale s’accompagne de l’arrêt des traitements et des soins, telles que l’alimentation et l’hydratation artificielle, qui procure souvent des effets très pénibles – faim, soif, phlébites, escarres, infections.