Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, nous sommes ici parce que le Président de la République a souhaité respecter un des engagements qu’il avait pris pendant la campagne électorale de 2012. Cela est suffisamment rare pour être souligné ! Sans ironiser davantage, il apparaît que cette promesse allait de pair avec un déséquilibre dans la loi de 2005, qui nous vaut d’être réunis pour la deuxième fois dans cet hémicycle. Il nous conduit, malgré les efforts de MM. les rapporteurs, à une forme de consensus par dépit, attesté par l’ensemble des voix qui se sont exprimées jusqu’à présent sur le sujet.
Mme Jacqueline Fraysse me permettra de reprendre à mon compte la présentation qu’elle a faite du débat. Elle a indiqué qu’il s’agissait d’encadrer une pratique médicale supervisée par deux principes : la liberté individuelle et le respect de la vie. Je suis parfaitement d’accord avec cette manière de présenter la question. Tout le problème est de savoir à quel niveau respectif on situe la liberté individuelle et le respect de la vie.
Si l’on privilégie le respect de la vie sur la liberté individuelle, il ne faut pas toucher à la loi de 2005 ; dans le cas contraire, comme l’indiquait à l’instant M. Falorni, il faut aller plus loin – ou plus bas, selon le point de vue que l’on adopte –, jusqu’au bout de la logique selon laquelle on pourrait autoriser le suicide assisté ou l’euthanasie car c’est pour moi la même chose.
Au fond, quelle est l’intention de ce texte, une fois que l’on a décrit un cadre politique extrêmement complexe ? Une législation ou une avancée vers l’euthanasie que, visiblement, le Parlement ne veut pas, si j’en juge par le débat à l’Assemblée nationale et au Sénat en première lecture.
Je n’avais pas voté contre cette proposition de loi en première lecture parce que je considérais que les intentions de MM. les rapporteurs étaient faussées ou cachées. Au contraire, ils ont essayé de trouver la manière la plus équilibrée possible de répondre à l’invitation du Président de la République et à la mission qu’il leur avait confiée.
J’ai entendu qu’il fallait soulager la douleur et délivrer les patients d’un traitement que, pour une raison ou une autre, ils ne supportent plus. J’ai entendu que la pratique de la sédation servirait à empêcher la souffrance des patients, en cas de douleurs réfractaires. Mais tout cela figure déjà dans la loi.
Que modifie cette proposition par rapport à la loi de 2005 ? Trois éléments se trouvent modifiés, qui avaient justifié ma position lors du vote en première lecture.
La première modification concerne le caractère irréversible de la sédation. La sédation, bien que n’étant pas en elle-même une pratique à caractère euthanasique, porte la possibilité grave d’une dérive de cette nature. À ce titre, même si la loi peut distinguer la sédation d’une pratique euthanasique, il sera extrêmement difficile d’opérer cette distinction en pratique. En raison de cette dérive possible, le Parlement ne peut pas prendre le risque d’adopter une telle disposition dans la loi.
La deuxième modification a trait aux directives anticipées. La loi de 2005 prévoyait que le médecin les prend en compte ; la proposition de 2015 l’obligera à les suivre. Cette évolution montre, mes chers collègues, le désir de faire primer la volonté des patients sur la compétence et l’art des médecins. Je n’aime pas cette défiance à l’égard du corps médical. Quelle que soit l’appréciation qu’un patient peut porter sur sa propre situation, les médecins restent et doivent rester les plus qualifiés pour connaître celle-ci.
La troisième modification a trait à la nutrition et l’hydratation artificielle. S’il s’agit de soins, elles ne peuvent être arrêtées ; s’il s’agit de traitements, elles peuvent l’être. Ces dispositions, comme vous l’avez rappelé, monsieur Leonetti, figuraient déjà dans la loi de 2005 – je vous avais d’ailleurs interpellé en soulignant ce point problématique de la loi. En effet, lorsque le corps médical ne peut plus prodiguer à un patient la satisfaction de ses besoins vitaux, c’est-à-dire l’hydratation et la nutrition, où se trouve le principe du respect de la vie et de la satisfaction des besoins fondamentaux ?
Dans la mesure où ces différents points ne seront pas modifiés par le débat parlementaire, si j’en crois du moins la volonté du Gouvernement et de MM. les rapporteurs, il est probable que mon vote sera le même qu’à l’issue de la première lecture.