Je ne propose pas l’euthanasie stricto sensu, geste essentiellement décidé par l’équipe médicale, non plus qu’un suicide assisté, geste relevant quant à lui de la seule décision du patient, parfois sujet à une dépression passagère.
Je suggère qu’une aide active à mourir limite, mieux qu’une autre option, tout risque de dérive, tout dérapage, et favorise tous les encadrements possibles dès lors qu’elle est décidée conjointement par le malade lui-même – effectivement remis au centre des décisions – et par un collège médical capable d’assister la personne concernée ainsi que sa famille.
Chacun, bien évidemment, est libre de recourir ou non à cette aide selon ses convictions et sa philosophie. Nul ne force qui que ce soit à choisir cette solution : il s’agit uniquement de permettre à ceux qui le désirent d’en faire la demande.
Bien sûr, la première mission d’un médecin est de soigner et de guérir mais cela ne doit pas se faire au détriment de l’accompagnement de la personne, de l’apaisement de ses douleurs et du respect de ses décisions, mission également inhérente à la fonction de médecin.
Madame la professeur Agnès Buzyn, présidente de l’institut national du cancer, indiquait avant-hier que, selon son expérience, des douleurs extrêmes restent rebelles à tous les traitements. À titre personnel, elle exprimait une opinion très favorable à l’aide active à mourir pour les malades qui l’implorent.
Nous le savons : 3 400 personnes environ font chaque année l’objet d’une euthanasie, d’un suicide assisté ou d’une assistance active à mourir dans nos hôpitaux quand d’autres franchissent les frontières pour y recourir.
Nous connaissons quelques noms, quelques histoires. Les Lambert, Mercier, Imbert et beaucoup d’autres incarnent notre incapacité à répondre à certaines situations de fins de vie et au vide juridique qui les entoure.
L’euthanasie est pratiquée en France, c’est un fait que nul ne conteste. Mais comment être sûr que certaines euthanasies correspondent réellement aux choix individuels, libres et éclairés des malades sur lesquelles elles sont pratiquées ?
Rien ne nous le garantit car notre République continue de fermer les yeux sur cette réalité, tout comme cela a été le cas avec l’avortement ou, plus récemment, l’homoparentalité.
Certes, la proposition de loi de MM. Claeys et Leonetti consacre des avancées sur le plan législatif. Elle entend mettre le patient et non plus l’ensemble des soignants au centre des diverses mesures législatives préconisées, ce qui constitue un progrès.
Cependant, d’un point de vue légal, je ne peux que le constater : la sédation profonde et continue, mesure phare de ce texte, est déjà autorisée. Cette possibilité, en effet, est offerte aux patients depuis le décret de François Fillon du 29 juillet 2010 préconisant la mise en oeuvre de traitements à visée sédative en cas d’arrêt des traitements curatifs.
De la même manière, si l’on peut se féliciter du fait que les directives anticipées soient désormais contraignantes, comme je l’ai souligné précédemment, reste que certains termes de cette proposition de loi mettent à mal la future application de cette mesure.
Comment peut-on être assuré que les directives anticipées du patient seront respectées si l’on donne tout pouvoir à l’équipe médicale de juger de leur caractère « manifestement inapproprié » ?