Mes chers collègues, en première lecture, malgré des divergences très marquées, nous avons su nous écouter et respecter les différents points de vue sur un sujet éminemment délicat. Ce sujet est en effet très sensible pour nous, car il fait écho à nos histoires personnelles, mais aussi à celles de ceux qui nous écoutent ou nous liront, et qui peuvent se sentir incompris ou mal compris. Tous, nous avons à l’esprit un ami ou un parent qui a eu une fin de vie douloureuse ou qui souffre de graves handicaps. Tous aussi, nous connaissons de belles histoires, avec des retrouvailles inattendues, des pardons demandés et recueillis. J’espère donc que, comme en première lecture, le respect prévaudra au cours de nos débats – même si, bien évidemment, nous ne serons pas forcément d’accord entre nous.
On nous demande l’égalité face à la fin de vie ou à la maladie incurable ; malheureusement, cela est utopique : on meurt à des âges différents, dans des conditions différentes, plus ou moins entourés et préparés. La seule égalité, c’est que nous mourons tous.
L’enjeu de cette proposition de loi est, une fois de plus – et je veux saluer le travail de Jean Leonetti et Alain Claeys –, d’accepter le laisser-mourir sans permettre le faire-mourir. Toutefois, je regrette qu’au lieu de promouvoir la loi de 2005 pour qu’elle soit mieux appliquée, l’on ait décidé d’en repousser les limites.
Chaque vie vaut la peine d’être vécue. Chaque personne doit être respectée, quel que soit son état de santé ou de dépendance. Toute souffrance doit être soulagée.
J’ai une pensée pour une jeune femme courageuse, Anne-Dauphine Julliand, dont la petite fille était condamnée à court terme, et qui rappelle dans un livre poignant, Deux petits pas sur le sable mouillé, une citation du médecin et académicien Jean Bernard : « Quand on ne peut plus ajouter de jours à la vie, ajoutons de la vie aux jours ». Cette phrase illustre bien ce que sont les services de soins palliatifs. Celui qui meurt a besoin d’affection, de douceur, de compréhension, de soulagement. Il existe bien évidemment des cas particuliers, qui ne peuvent être pris en charge dans le cadre de la loi Leonetti de 2005, mais la loi est faite pour dire la norme générale et s’appliquer à tous, non à des exceptions.
Un mot enfin pour les soignants qui se dévouent pour accompagner les personnes en fin de vie. Leur présence aux côtés des familles est précieuse. Le texte qui sortira de cet hémicycle ne devra pas aller contre leur conscience et leur liberté.