Intervention de Jean Leonetti

Séance en hémicycle du 5 octobre 2015 à 21h30
Nouveaux droits des personnes en fin de vie — Article 3

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Leonetti, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Pardon de faire appel à un cas concret : prenons l’exemple d’un patient atteint d’une maladie dégénérative comme une sclérose latérale amyotrophique en phase terminale maintenu artificiellement en vie par une assistance respiratoire.

Si ce patient demande à ce que l’on débranche cette assistance, a-t-on le droit de la lui infliger alors qu’il la refuse de manière réitérée ? La réponse, qui figure dans la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, et est confirmée par la loi du 22 avril 2005, est non. On ne peut pas imposer un traitement à une personne qui le refuse, même s’il l’a antérieurement accepté.

Par conséquent, on va débrancher le respirateur, ce qui va entraîner – on le sait – un étouffement du patient et, à court terme, sa mort certaine. Ce traitement de survie étant suspendu, comment pourrait-on attendre la souffrance réfractaire, dont on sait qu’elle va inéluctablement survenir, pour mettre en place le traitement qui va essayer d’empêcher sa survenance ?

On voit bien qu’on est obligés non seulement – pardon de le dire techniquement – d’associer une sédation profonde, pour ne pas avoir les effets négatifs de l’arrêt d’un traitement, à l’arrêt du respirateur, en procédant d’abord à la première et ensuite au second.

On va donc d’abord endormir le patient pour ensuite débrancher le traitement de survie : il paraît logique que les actes s’enchaînent dans cet ordre.

Nous pourrions prendre d’autres exemples – et ils sont nombreux – que celui que je viens de citer. Bien entendu, il ne s’agit pas d’un patient qui dit à son médecin : « arrêtez mon traitement antibiotique, j’ai droit à une sédation ».

Le dispositif s’applique à un patient dont l’arrêt du traitement va mettre la vie en danger à court terme, et dont on ne peut éviter la souffrance – à la fois atroce et impossible à éviter – entre le moment où le traitement est arrêté et celui où la mort survient.

Effectivement, on associe automatiquement à cet arrêt une sédation profonde et continue jusqu’au décès, qui va survenir parce que le traitement de survie a été arrêté.

Je comprends donc très bien que l’on puisse imaginer que le dispositif puisse s’appliquer à quelqu’un qui dit : « arrêtez mon traitement contre le diabète ». On imagine que ce patient, qui va donc mourir du fait de l’arrêt de son traitement, réclame la même sédation profonde.

Or tout le monde sait que l’arrêt d’un traitement anti-diabétique ne provoque pas la mort dans les secondes qui suivent : un patient dans ce cas peut survivre des semaines, des mois ou même des années. Dans ce cas, il n’aura pas « droit » à la sédation profonde, car il sera éventuellement possible d’examiner si son état s’accompagne d’une souffrance réfractaire.

Si c’est le cas, elle pourra être prise en charge, même dans le cas d’un arrêt de traitement, dans un dialogue singulier entre le médecin et son malade.

En revanche, l’arrêt de certains traitements de survie entraîne la mort immédiatement et de façon inéluctable, mais la certitude quant à sa survenance s’accompagne d’une latence : elle n’arrive pas à la seconde où l’on arrête le traitement.

On va donc vivre ensuite une période, dite agonique, au cours de laquelle on va essayer d’éviter toute souffrance. Voilà pourquoi un deuxième cas est prévu.

Permettez-moi de rappeler le troisième cas : il s’agit de l’arrêt du traitement d’une personne cérébro-lésée qui ne peut pas exprimer sa volonté et pour laquelle on décide de mettre fin aux traitements de survie.

Si on y met fin, il paraît logique, dans ce cas également, que la médecine, ou plutôt la société à travers elle, accepte la volonté du patient et la décision collégiale des médecins. En même temps qu’elle le fait, elle doit aussi garantir la non-souffrance.

Rappelez-vous tout de même le cas de ce jeune homme pour lequel on avait arrêté tout traitement : on a regardé sa mort survenir sans qu’aucun traitement sédatif ou antalgique ne soit mis en place.

Je rappelle également l’article 37-3 du code de déontologie, entré en vigueur en accord avec le Conseil de l’ordre et le Conseil d’État, qui prévoit que lorsque l’on se trouve dans cette situation d’arrêt des traitements par refus d’une obstination déraisonnable, on est bien obligés, par solidarité et afin d’éviter toute souffrance, de mettre en place la sédation profonde et continue.

Par conséquent, il ne s’agit pas de situations imposées, mais de situations dans lesquelles on sait qu’une agonie douloureuse va survenir. Il s’agit de l’éviter pour aboutir à une fin de vie sereine et apaisée dont nous espérons tous, comme l’ensemble des Français, pouvoir bénéficier.

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