Vous avez raison sur le fait que cette question a été évoquée par le Comité consultatif national d’éthique, dans une situation qui, il faut bien le constater, est exceptionnelle. En effet, comme vous le savez, on arrête des traitements de survie environ 20 000 fois par an ; or il n’y a eu qu’une affaire Lambert en dix ans.
Au-delà même du caractère exceptionnel de cette situation, posons-nous la question : une médiation aurait-elle permis un rapprochement des parties, voire un consensus au sein de cette famille déchirée au sujet d’une personne extrêmement malade ? La réponse est évidemment non : la preuve en est que ni la décision du tribunal de Châlons-en-Champagne, ni la décision du Conseil d’État, ni la décision de la Cour européenne des droits de l’homme, ni même la décision de changer d’équipe médicale n’ont permis de trouver un consensus.
Je vous invite également à réfléchir à la question suivante, dont j’ai débattu avec le Comité consultatif national d’éthique : comment la décision se prend-elle ? Le médiateur ne peut prendre une décision qu’à l’unanimité ou sur la base d’un consensus. Autrement dit, il n’y a pas de décision en l’absence de consensus.
J’appelle votre attention sur l’extrême danger qu’il y aurait à prendre une décision dans un cadre non plus collégial, mais collectif. On propose souvent que l’ensemble de l’équipe médicale, puis l’ensemble de la famille – voyez comme ces notions sont floues – prennent la décision. Une main ne risque-t-elle pas de se lever à l’intérieur de cette vaste famille ou de cette vaste équipe pour manifester un désaccord ?
Le problème est de savoir ce que l’on fait en cas de désaccord, or en cas de médiation, on ne prend la décision que quand tout le monde est d’accord. Autrement dit, cette solution marche très bien quand tout le monde est d’accord et qu’on n’en a pas besoin !
Il me semble donc qu’il vaut mieux en rester à la solution d’une décision collégiale, qui permet à la fois de déterminer la responsabilité de ceux qui prennent la décision et de ne pas abandonner ce qui fonctionne dans cent mille cas sous prétexte que cela ne va pas fonctionner dans un cas. L’objectif n’est pas qu’un camp l’emporte sur l’autre ; c’est que tout le monde converge vers une solution qui apparaît comme une évidence, soit qu’il s’agisse de poursuivre les traitements, soit qu’il s’agisse de les arrêter.