Intervention de Pascal Brice

Réunion du 30 septembre 2015 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Pascal Brice, directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides :

Monsieur Dufau, je vous confirme la poursuite de notre mobilisation en faveur des minorités religieuses d'Irak – plus de mille personnes de confession chrétienne ou yézidie étant protégées par l'Office depuis maintenant plusieurs mois. Nous l'avons menée avec une grande rapidité : nous avons formé des agents du consulat de Bagdad aux entretiens avec les demandeurs d'asile, ce qui nous a ensuite permis de décider sur dossier de la protection de certains demandeurs. Et nous allons bien sûr poursuivre cette protection.

Il en va de même, monsieur Myard, pour nos opérations en faveur des réfugiés syriens du Proche-Orient : nous avons protégé 500 personnes en 2014, 500 de plus au premier semestre 2015 et nous allons à nouveau en protéger 500 autres d'ici à la fin de l'année. Ces personnes s'ajoutent aux 7 000 Syriens protégés en France depuis 2011. D'autre part, une partie des moyens déployés dans le cadre notre engagement à accueillir 30 000 réfugiés, seront consacrés à la réinstallation et nous allons poursuivre nos missions en la matière.

Quant aux moyens attendus par l'Office en 2016, ils figurent pour partie dans le projet de loi de finances initiale et visent au recrutement de vingt agents supplémentaires et à un abondement de notre subvention de 1,4 million d'euros correspondant à la fois à de la masse salariale et à la prise à bail de locaux complémentaires. De plus, ces crédits devraient faire l'objet d'un abondement supplémentaire à l'initiative du Gouvernement dans le cadre de la discussion budgétaire. Je ne puis être trop précis à ce sujet à ce stade, mais le Premier ministre a rendu des arbitrages globaux concernant les moyens du ministère de l'intérieur et de l'Office. Pour notre part, ces moyens devraient concerner près d'une centaine d'agents pour traiter ces 30 000 personnes supplémentaires en deux ans. Il s'agit de couvrir la masse salariale, des frais de mission en cas de participation éventuelle aux opérations menées dans les « hotspots » et la prise à bail de locaux complémentaires pour accueillir ces agents. Je vous fournis néanmoins ces éléments avec la plus grande réserve : il reviendra au Gouvernement d'en débattre avec vous dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances.

Je confirme à Mme Duflot que, depuis trois ans, le Premier ministre et le ministre de l'intérieur ont fait en sorte, par leurs arbitrages, que l'Office dispose des moyens supplémentaires nécessaires. Des agents supplémentaires ont ainsi pu être recrutés depuis 2012. Nous avons pu créer de véritables emplois de fonctionnaires, ce sur quoi j'insiste car nous mettons six mois à former des officiers de protection. Lorsque j'ai pris mes fonctions il y a trois ans, le Premier ministre alors ministre de l'intérieur m'avait confié avoir été frappé par le turnover des officiers de protection qui s'explique par la difficulté de leur métier. Ce turnover pesait sur la productivité de l'Office et constituait une perte sèche pour les finances publiques, d'où la nécessité de recruter des agents stables et de faire évoluer leurs statuts.

Mme Fort m'a interrogée sur des aspects qui concernent essentiellement le ministère de l'intérieur. Je préciserai simplement que les déboutés du droit d'asile ne relèvent pas de la compétence de l'OFPRA et qu'il est très important qu'il en soit ainsi. L'OFPRA doit continuer à statuer en toute indépendance, comme le prévoit désormais la loi relative à la réforme du droit d'asile, et en toute rigueur. Dans le même temps, du strict point de vue du système de l'asile, l'OFPRA ne peut ni ne doit être aveugle et naïf. Le taux de protection qui augmente et qui est aujourd'hui de 32 % illustre bien que nombreux sont les demandeurs qui ne relèvent pas in fine, après un examen attentif et adapté de leur dossier, du droit d'asile. La contribution de l'OFPRA au bon fonctionnement de ce que le Haut Commissaire aux réfugiés appelle l'intégrité du système de l'asile consiste à faire en sorte, dans un délai rapide, que ce système ne passe jamais à côté d'un besoin de protection. Notre contribution à la question des déboutés du droit d'asile, très présente à l'esprit du Premier ministre et du ministre de l'intérieur, consiste donc à garantir des délais d'instruction rapide – processus dans lequel nous nous sommes engagés et que nous allons poursuivre.

Monsieur Glavany, je ne peux que m'associer à vos propos concernant l'Érythrée. Nous nous mobilisons très fortement en faveur des Érythréens, considérant leur besoin de protection comme absolu en raison de la situation politique de ce pays. En tant que diplomate et que directeur général de l'OFPRA, je fais le même constat que vous quant à la faiblesse des pressions exercées sur cet État. Le sommet euro-africain de La Valette sera peut-être l'occasion d'avancer sur cette question. Le problème est que la demande d'asile des Érythréens est importante, moindre en France même si elle progresse, et que ce régime continue à faire fuir sa jeunesse, notamment en lui imposant un service militaire à durée indéterminée.

Je ne peux que m'associer à vos propos concernant les difficultés du HCR à gérer la présence de réfugiés dans les pays voisins de la Syrie, jusqu'en Égypte. Je suis souvent en porte-à-faux, en tant que directeur général de l'OFPRA, lorsque je rappelle à des observateurs que, contrairement à l'Allemagne, la France présente la particularité d'avoir une politique étrangère et de défense très active. Il n'est par conséquent pas dénué de sens que l'Allemagne soit plus mobilisée que la France dans l'accueil des réfugiés à certains égards. Il importe de mener une action politique et diplomatique et de favoriser l'accueil dans les pays voisins – objet du dernier Conseil européen dont les conclusions visaient à renforcer l'appui au HCR grâce à un effort immédiat. Dans les pays frontaliers de la Syrie mais aussi dans certains pays balkaniques, il convient de faire en sorte que le HCR soit en mesure de mieux accueillir ces flux considérables de personnes.

La question des modalités et crédits d'accompagnement des demandeurs d'asile sort là encore de mon champ de compétences : elle relève du ministère de l'intérieur et de l'OFII. Mais je m'en préoccupe très directement car l'accompagnement social et juridique des demandeurs d'asile dans les CADA, avant l'entretien à l'OFPRA, a un effet décisif sur la capacité de l'Office à statuer avec bienveillance et rigueur. Je ne doute pas que le ministre de l'intérieur aura à coeur de vous y répondre, qu'il s'agisse de l'accueil des réfugiés qui sont déjà présents sur le territoire ou des 30 000 réfugiés annoncés. Le Premier ministre a d'ailleurs indiqué aux élus il y a quelques semaines que des moyens seraient dégagés. Quant à la question de la mise en concurrence des publics, elle ne relève pas non plus de la compétence de l'OFPRA mais le Premier ministre a clairement indiqué que c'était une volonté du Gouvernement que de l'éviter absolument.

Je répondrai d'un point de vue strictement technique à la question majeure du devenir de la Convention de Genève. Je doute, pour ma part, que la communauté internationale soit capable aujourd'hui d'élaborer une convention comparable à celle de 1952. En outre, je suis personnellement très attaché à la distinction entre ce qui relève de l'asile et ce qui relève de la politique migratoire. L'OFPRA statue sur les demandes d'asile en fonction de seules considérations d'asile, ce qui ne signifie pas qu'il soit naïf et qu'il n'y ait pas parmi les demandeurs d'asile de personnes ne relevant pas du droit d'asile. Mais nous devons veiller à cette distinction. La Convention de Genève et les textes européens sur la protection subsidiaire ont la vertu de pouvoir être appliqués de manière très précise tout en offrant à la Cour nationale du droit d'asile, et dans certains cas à l'Office, une capacité d'innovation juridique qui nous permet de répondre à des situations nouvelles. Bref, j'ai la conviction personnelle que la Convention de Genève a encore un bel avenir devant elle.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion