Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, je suis ravie de vous retrouver pour l’examen de ce projet de loi qui est d’importance, non seulement pour notre fonction publique mais, au-delà, pour l’action publique au sens large, pour son exemplarité et son efficacité. Ce texte est le premier et sans doute le seul de notre législature pleinement consacré aux fonctionnaires, qui forment le corps de la République. C’est un sujet qui tient à coeur, je le sais, aux députés présents.
Déposé en juillet 2013, il y a plus de deux ans, le projet de loi s’inscrivait dans un contexte marqué à la fois par les initiatives prises en matière de transparence de la vie publique et par l’anniversaire des trente ans du « statut », dont le socle a été posé par la loi dite Le Pors du 13 juillet 1983. En conséquence, il portait principalement, mais pas exclusivement, sur la déontologie, d’une part, et sur les droits et obligations d’autre part.
Un peu plus de deux ans plus tard – deux ans qui m’ont permis de mener de nombreuses auditions et consultations – et après le dépôt d’une lettre rectificative en juin 2015, la discussion parlementaire est enfin engagée. C’est là l’occasion pour la représentation nationale d’avancer dans la sérénité et le sérieux, loin des clichés et des stratégies politiciennes qui ont trop souvent visé ces dernières années les fonctionnaires. Trop souvent, le statut a été instrumentalisé pour monter les Français contre les agents publics alors même qu’il a été conçu pour s’assurer que ces derniers étaient bien d’abord au service des citoyens et non des intérêts des uns ou des autres.
Soyons à la hauteur des enjeux qui sont ceux du quotidien des femmes et des hommes qui composent les rangs de la fonction publique avec un sens du dévouement et de l’intérêt général auquel je rends hommage. Le moment dans lequel nous nous inscrivons est important puisque nous sommes entrés, notamment avec les lois relatives à la réforme territoriale, dans une phase de très forte évolution de nos organisations. Il nous faut réussir à accompagner ce mouvement qui s’opère sous le regard vigilant et exigeant de nos concitoyens.
Les membres de la commission des lois ont considérablement amélioré le projet de loi afin, notamment, de faire progresser la justice sociale, dans le respect des prérogatives du Parlement. Je salue à cet égard le Gouvernement, et particulièrement la ministre, pour la qualité d’écoute et de dialogue dont elle a fait preuve vis-à-vis de nos propositions.
Sans revenir sur le détail du texte, je souhaiterais concentrer mon propos sur les apports de la commission des lois, qui a adopté 151 amendements, dont 46 articles additionnels, portant le texte de vingt-cinq à soixante et onze articles.
La commission a tout d’abord réaffirmé et précisé les exigences déontologiques incombant aux fonctionnaires. Elle a renforcé la protection des fonctionnaires lanceurs d’alerte, en facilitant le signalement d’un conflit d’intérêts touchant le supérieur hiérarchique direct et en ajoutant les futurs référents déontologues parmi ses possibles destinataires. Sur proposition des membres du groupe socialiste, républicain et citoyen, elle a confié à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique plutôt qu’à la commission de déontologie de la fonction publique le soin d’apprécier la réalité d’une éventuelle situation de conflit d’intérêts touchant un fonctionnaire, sur saisine de l’autorité hiérarchique.
Sur ma proposition, la commission a également prévu des sanctions pénales en cas de déclaration incomplète ou mensongère des intérêts ou du patrimoine d’un fonctionnaire et renforcé les moyens de contrôle de la Haute Autorité sur les déclarations de situation patrimoniale des fonctionnaires. Elle a permis les échanges d’informations entre la commission de déontologie et la Haute Autorité et rétabli la présence des deux membres représentant chacune des fonctions publiques au sein de la commission de déontologie.
La commission des lois a étendu l’obligation d’établir une déclaration d’intérêts et une déclaration de patrimoine aux directeurs, directeurs adjoints et chefs de cabinet de l’ensemble des exécutifs locaux déjà soumis à la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. Le seuil des collectivités concernées, qui était prévu initialement à 80 000 habitants, a été abaissé à 20 000. Ce sont ainsi 419 communes, au lieu de 52, et 622 EPCI à fiscalité propre, au lieu de 156, qui se verraient appliquer ces dispositions.
Enfin, la commission des lois a défini le cadre déontologique applicable aux membres des juridictions administratives et financières, qui devait normalement faire l’objet d’ordonnances.
La déontologie est loin d’être le seul objet du projet de loi. Sa portée est bien plus large : le texte adopté par la commission des lois propose plusieurs avancées statutaires importantes que je tiens à souligner.
Le projet de loi initial prévoyait déjà d’améliorer la situation des agents non titulaires, en renforçant notamment l’encadrement du recours au contrat et en prenant mieux en compte leur ancienneté. Il proposait aussi d’étendre la protection fonctionnelle des agents et de leurs familles et d’instaurer des mesures concrètes pour améliorer les garanties des agents en matière disciplinaire, en instaurant un délai de prescription là où l’imprescriptibilité de l’action disciplinaire était la règle.
Le travail de la commission des lois sur le volet statutaire a permis d’améliorer très largement le statut des agents de la fonction publique.
À mon initiative, la commission a réintroduit les dispositions du projet de loi initial relatives à la mobilité des fonctionnaires. Elle a donc clarifié les positions statutaires pour les rendre communes aux trois fonctions publiques et simplifié la structure des corps et cadres d’emplois autour de trois mêmes catégories hiérarchiques – A, B et C. Elle a en outre encadré et sécurisé les possibilités de mise à disposition hors de l’administration d’origine du fonctionnaire.
En conséquence, le champ de l’habilitation à légiférer par voie d’ordonnance sur ces sujets a été sensiblement restreint, tout en laissant une marge de manoeuvre au Gouvernement pour traduire dans la loi les mesures issues du dialogue social.
À mon initiative, la commission a également tiré les conséquences de la loi du 12 mars 2012 en matière de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes dans les différentes instances de la fonction publique. Elle a donc actualisé les dispositions statutaires pour y introduire l’obligation de respecter une proportion minimale de 40 % de personnes de chaque sexe dans toute une série d’instances de niveau territorial ou national, que je n’ai pas le temps de vous citer. Elle a également réformé le congé pour maternité ou pour adoption et le congé de paternité et d’accueil de l’enfant des agents publics afin de favoriser l’exercice conjoint de la parentalité entre les hommes et les femmes au moment de la naissance ou de l’adoption.
À mon initiative et à celle du Gouvernement, la commission a par ailleurs renforcé les obligations des employeurs publics vis-à-vis de leurs agents. Elle a permis de mieux protéger l’identité des membres des forces spéciales et de leur appliquer certains bénéfices du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre. Elle a aussi étendu le champ d’application de l’action sociale aux établissements publics de coopération intercommunale et permis aux médecins de prévention qui le souhaitent de poursuivre leur activité jusqu’à l’âge de soixante-treize ans.
Par ailleurs, la commission a adopté plusieurs amendements visant à renforcer l’efficacité de la procédure disciplinaire. Elle a précisé le point de départ du délai de prescription de l’action disciplinaire et l’a aligné sur celui de l’action publique pour les crimes et les délits. Elle a généralisé au sein des sanctions du premier groupe l’exclusion temporaire de fonctions, pour une durée maximale de trois jours, et supprimé la présence du juge administratif lors des conseils de discipline dans la fonction publique territoriale, à l’identique des deux autres fonctions publiques.
À mon initiative ou à celle du Gouvernement, la commission a renforcé les droits syndicaux des agents publics. Elle a étendu le périmètre de la mutualisation des droits syndicaux dans la fonction publique territoriale. Elle a modifié les modalités de calcul de la règle de l’accord majoritaire dans la fonction publique afin de ne prendre en compte que les suffrages exprimés en faveur des organisations syndicales habilitées à négocier et à signer un accord. Elle a amélioré les garanties de carrière des agents exerçant une activité syndicale dans la fonction publique et introduit un nouveau congé de formation de deux jours au profit des représentants du personnel membres des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
Sur proposition de Mme Cécile Untermaier et des membres du groupe socialiste, républicain et citoyen, la commission a amélioré la situation des lauréats dits « reçus collés » en ne décomptant plus les missions de remplacement effectuées par des agents non titulaires, lauréats des concours de la fonction publique territoriale, de la période d’inscription sur liste d’aptitude et en prolongeant d’un an la validité de cette durée d’inscription. Je veux saluer à cette occasion le travail mené depuis plusieurs mois sur cette question par notre collègue Chantal Guittet.
Sur ma proposition ou celle du Gouvernement, la commission a adopté plusieurs amendements visant à améliorer la situation des agents non titulaires en adaptant aux agents contractuels les mesures de protection des lanceurs d’alerte introduites au titre Ier du présent projet de loi, en abrogeant la possibilité de recourir à l’intérim dans la fonction publique de l’État et la fonction publique territoriale, en généralisant le primo-recrutement en contrat à durée indéterminée pour pourvoir des emplois permanents correspondant à des missions pour lesquelles il n’existe pas de corps de fonctionnaires, et en prolongeant de deux ans le plan de titularisation des agents non titulaires mis en place dans le cadre de la loi Sauvadet.
Enfin, à mon initiative, la commission a réintroduit la plupart des dispositions figurant dans la version initiale du projet de loi et relatives aux évolutions statutaires des membres des juridictions administratives et financières. Elle a également adopté quelques mesures nouvelles, en instaurant une nouvelle procédure de référé en formation collégiale pour permettre aux juridictions administratives de juger en urgence les affaires les plus complexes, comme l’affaire « Lambert », en rendant plus accessible aux agents contractuels employés par la Cour des comptes la fonction de rapporteur extérieur ou celle de conseiller référendaire au tour extérieur à la Cour, et en supprimant une incompatibilité de fonction qui n’apparaissait plus justifiée.
En conséquence, le champ de l’habilitation prévu à l’article 25 pour faire évoluer l’organisation des juridictions administratives et financières ainsi que le statut de leurs membres a été restreint, tout en laissant la possibilité au Gouvernement de tirer les conséquences des accords pouvant survenir du fait des avancées du dialogue social au sein de ces juridictions.
Enfin, sur une initiative du Gouvernement dont je me réjouis, la commission a adopté une nouvelle habilitation de codification du droit de la fonction publique, pour le rendre plus accessible.
Je souhaite que nos travaux, aujourd’hui et vendredi, permettent d’améliorer encore ce texte. C’est dans cet esprit que je vous proposerai un certain nombre d’amendements sur les points encore en débat. Je pense ainsi au cumul d’activités. Si je souscris pleinement à la proposition du Gouvernement de mettre un terme à un certain nombre de dispositions et de pratiques, il me semble indispensable de ne pas interdire les activités tout à fait acceptables sur le plan déontologique, ce qui pourrait pénaliser les agents publics aux revenus les plus modestes.
Au-delà de cette question, je tiens à attirer votre attention, madame la ministre, sur un certain nombre de sujets plus spécifiques qui, tout en s’inscrivant dans le champ de la fonction publique, relèvent de cas particuliers qui n’entrent pas dans le périmètre de ce projet de loi. Je pense en particulier aux agents de Pôle Emploi ou de l’administration pénitentiaire, et aux agents dits reclassés de La Poste et de France Télécom. Nous devrons répondre à ces situations.
Si, à titre personnel, j’aurais souhaité que le présent texte de loi nous permette d’aborder plus largement les sujets relatifs la fonction publique, je suis convaincue qu’il fera date. Il permettra que les règles de déontologie irriguent l’action publique et que le dialogue social progresse, ainsi que l’égalité entre les hommes et les femmes et l’exemplarité des employeurs.
Ce projet de loi est une marque de confiance à l’endroit des fonctionnaires pour qu’ils fassent vivre les principes de notre République et l’efficacité de l’action publique au service de nos concitoyens. À nous de leur fournir les outils leur permettant d’assumer cette belle mission.