Intervention de Michel Zumkeller

Séance en hémicycle du 7 octobre 2015 à 15h00
Déontologie droits et obligations des fonctionnaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Zumkeller :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, ce projet de loi représente l’unique occasion, sous cette législature, d’évoquer les droits et obligations des quelque 5,6 millions de fonctionnaires et agents publics que compte notre pays.

En abandonnant, il y a plus de cinquante ans, le concept de fonction publique d’emploi au profit d’une fonction publique statutaire, le législateur a clairement établi les bases de ce qui fait aujourd’hui la spécificité de notre service public. L’accomplissement de missions d’intérêt général n’est pas une activité professionnelle comme les autres. Cette spécificité exige de nos agents exemplarité et respect de la déontologie.

Ainsi, madame la ministre vous attribuez à ce projet de loi plusieurs objectifs : réaffirmer les valeurs qui guident l’action publique, actualiser les obligations et les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires et renforcer l’exemplarité des employeurs publics. Ce projet de loi est aussi présenté comme la transposition à la fonction publique des lois du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique, avec le même objectif, pour le moins ambitieux, de restaurer la confiance des citoyens dans la puissance publique.

Le Gouvernement semble retomber sur les mêmes écueils que pour les lois relatives à la transparence, à savoir la publication des déclarations et la protection des lanceurs d’alerte. Ces lois présentaient en effet, aux yeux du groupe UDI, deux défauts principaux : considérer, d’une part, que les déclarations pouvaient dissuader le fraudeur et instaurer, d’autre part, des lanceurs d’alerte qui s’apparentent parfois davantage à des délateurs en puissance qu’à des défenseurs du bien commun. C’est avec regret que nous retrouvons ces défauts dans le présent texte.

Au-delà de ces réserves, le projet de loi qui prévoit, trente après la loi Le Pors de 1983, de rénover les conditions de l’action publique en modernisant le statut général des fonctionnaires va globalement dans le bon sens.

Dans la lettre rectificative, un grand nombre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi initial étaient absentes, remplacées par de nombreux renvois à des ordonnances. Nous nous félicitons que la commission ait permis, à l’initiative de Mme la rapporteure, de réintroduire la plupart de ces mesures dans le texte.

En premier lieu, le projet de loi veut donner à l’exigence déontologique toute sa place dans le statut général des fonctionnaires. L’article 1er inscrit donc dans la loi les principes de neutralité et de laïcité ainsi que les obligations d’impartialité, de probité et de dignité. Ne devrions-nous pas y ajouter le devoir de réserve, qui est reconnu par la jurisprudence mais ne figure pas dans la loi ? Il s’agit pourtant de l’un des principes fondateurs de la fonction publique.

En second lieu, le projet de loi s’intéresse à la prévention et au traitement des conflits d’intérêts. Sur ce sujet, le texte a été amélioré en commission et permet de répondre à un certain nombre de nos interrogations. Dans un souci de parallélisme avec les lois sur la transparence de la vie publique, le contenu des déclarations a été précisé et une incrimination a été prévue en cas de fausse déclaration.

La commission a également permis de doter la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique de moyens de contrôle suffisants, sur lesquels repose l’efficience du système de déclarations.

En outre, nous approuvons, dans un souci de rationalisation, le choix de la commission de confier à la Haute Autorité le soin d’apprécier les déclarations d’intérêts quand l’autorité hiérarchique n’est pas en mesure de le faire. L’un des enjeux du projet de loi est de promouvoir la déontologie des fonctionnaires et de favoriser l’émergence d’une culture déontologique. Dans cette perspective, il est contre-productif de multiplier les structures chargées du respect des obligations déontologiques. Aussi, nous espérons que cette avancée ne sera pas remise en cause en séance.

Nous devrons aussi régler la question des moyens. Le texte prévoit à la fois un élargissement du champ de compétence de la Haute Autorité et des attributions de la commission de déontologie de la fonction publique. Ces institutions disposeront-elles des moyens leur permettant d’assumer ce nouveau rôle ?

Une autre question demeure, s’agissant de la prévention et du traitement des conflits d’intérêts : la définition du périmètre des agents qui seront tenus de déclarer leurs intérêts et leur patrimoine est renvoyée à des décrets en Conseil d’État. Nous savons désormais, à la suite des précisions apportées en commission par Mme la ministre, que la liste des personnes qui devront déposer des déclarations d’intérêts ne sera pas identique à celle des agents soumis à une obligation de déclaration de situation patrimoniale. Néanmoins, nous ignorons quels agents seront réellement concernés par ces deux types d’obligations. Les termes « emplois dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient » restent très imprécis.

J’évoquerai ensuite les dispositions relatives au cumul d’activité. Ces dispositions reposent sur un principe auquel nous souscrivons : l’agent public, parce qu’il est au service de l’intérêt général, consacre l’intégralité de son activité professionnelle à l’exercice de ses fonctions.

Pour autant, nous devons veiller, ainsi que l’a indiqué la rapporteure, à ne pas déstabiliser le cadre juridique qui s’applique aujourd’hui à des pratiques parfaitement acceptables du point de vue de la déontologie. Une modification de l’article 6 visant à ce que les fonctionnaires restent autorisés à exercer à titre accessoire certaines activités sous le régime de l’auto-entrepreneur a été évoquée. Nous resterons vigilants sur ce point. Renforcer la déontologie au sein de la fonction publique signifie aussi contrôler la compatibilité des activités lucratives avec les fonctions exercées par les agents. Le projet de loi prévoit ainsi de rendre obligatoire la saisine de la commission de déontologie pour apprécier cette compatibilité.

Enfin, nous saluons les différentes mesures introduites en commission sur la modernisation des droits et obligations des fonctionnaires et des garanties disciplinaires des agents publics, ainsi que sur l’amélioration de la situation des agents non titulaires. Phénomène grandissant de notre société, la précarisation des agents contractuels est la conséquence inévitable d’un recours de plus en plus fréquent aux contrats temporaires. Cette question avait été largement traitée par la loi Sauvadet.

La loi du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire avait pour objectif de mettre fin à ces situations que chacun considère comme inadmissibles. Nous saluons la prolongation de deux ans du plan de titularisation des agents non titulaires. Il en est de même de la généralisation du primo-recrutement en CDI pour pourvoir des emplois correspondants à des missions pour lesquelles il n’existe pas de corps de fonctionnaires.

Mes chers collègues, ce projet de loi comporte un certain nombre d’avancées, mais également des défauts, que j’ai évoqués. Pour ces raisons, le groupe UDI s’abstiendra.

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