Intervention de Cécile Untermaier

Séance en hémicycle du 7 octobre 2015 à 15h00
Déontologie droits et obligations des fonctionnaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

La remise en cause du désintéressement dans une société consumériste, la perte de prestige des valeurs collectives, le poids croissant des cabinets ministériels, la décentralisation, le rejet de la réglementation et de la norme, le sentiment de n’être pas récompensé au mérite, et enfin des conditions matérielles difficiles expliquent en partie ce malaise. Aussi, plus que jamais, il importe de conforter le caractère irréprochable de la fonction publique et de se pencher sur elle.

Ce projet de loi consacre, en son article 1er, les valeurs entourant le service public, valeurs qui doivent susciter de la part de nous tous, en tant que citoyens, une reconnaissance pour tous ceux qui les font vivre scrupuleusement au bénéfice des usagers de l’administration. La jurisprudence administrative a depuis longtemps dégagé des obligations s’imposant aux fonctionnaires, telles que l’impartialité, la probité et la dignité, aux côtés des principes constitutionnels tels que la neutralité et la laïcité. Les agents publics connaissent bien sûr ces règles de conduite, les pratiquent pour répondre à l’intérêt général et à l’exigence de service public qui les habitent, mais il est essentiel aujourd’hui d’asseoir les textes déontologiques sur un fondement législatif. L’affirmation de ces valeurs, auxquelles s’ajoute l’intégrité, ne doit pas laisser penser que l’administration serait à la dérive, bien au contraire : dans son ensemble, elle est intègre et c’est elle qui a contribué au fil des ans, en développant le sens de l’État et de l’intérêt général, à une éthique du service public et de la fonction publique.

Ma deuxième observation porte sur le dispositif de la déclaration de patrimoine et de la déclaration d’intérêts. D’ores et déjà opérationnel pour les élus et les membres du Gouvernement, il est désormais étendu aux fonctionnaires. Néanmoins, au contraire de la loi sur la transparence de la vie publique, nous ne disposons pas de la liste des postes ou emplois soumis à ces deux déclarations. Je comprends qu’il soit difficile de dresser une telle liste, mais le débat qui va suivre permettra d’éclairer la représentation nationale sur le périmètre de chacune d’entre elles, sachant que nous le souhaitons le plus large possible, en particulier pour la déclaration d’intérêts.

Le texte prévoit la transmission de toutes les déclarations de patrimoine à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, en parfaite cohérence avec les lois du 11 octobre 2013 et le statut d’autorité administrative indépendante de ladite Haute Autorité, laquelle contrôle déjà des centaines de déclaration de patrimoine et d’intérêts.

Elle a acquis une qualité d’expertise logiquement mise au service de la fonction publique. En revanche, toutes les déclarations d’intérêts évoquées par le projet de loi sont conservées par le supérieur hiérarchique. Leur nombre, que nous supposons très grand, et leur utilité au quotidien, fonde, à mon sens, la conservation de ces déclarations au sein de l’administration considérée.

Mais, contrairement à ce que prévoyait le projet de loi, c’est-à-dire la possibilité pour le supérieur hiérarchique de saisir la commission de déontologie, la commission des lois a préféré donner à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique la maîtrise des déclarations d’intérêt des fonctionnaires, lorsque celles-ci posent problème.

Il nous semble que la solution à de nombreuses questions réside bien dans le supérieur hiérarchique. Toutefois, en cas de difficultés réelles, il nous apparaît cohérent que le supérieur hiérarchique saisisse alors la Haute Autorité, expert juridique et technique sur les questions déontologiques et de conflit d’intérêts. Ses compétences actuelles, définies par les lois de 2013, ainsi que son action irréprochable jusqu’ici, incitent à recourir à son expertise et à en étendre le champ.

Le recours à la Haute Autorité se justifie aussi afin d’éviter des analyses et des jurisprudences distinctes. Cette disposition répond donc à un objectif de simplification et d’intelligibilité du droit.

Je vous remercie également, madame la ministre, d’avoir accueilli favorablement notre demande de remplacer les ordonnances sur les juridictions administratives et financières par des dispositions que vous aviez d’ailleurs vous-même écrites. Comme je l’ai dit en commission des lois, s’agissant d’un texte emblématique de la prévention du conflit d’intérêts, il aurait été malvenu de confier l’examen de ces dispositions au seul Gouvernement, en lien avec le Conseil d’État et la Cour des comptes. Les magistrats administratifs et financiers sont donc également soumis à ces mêmes mécanismes déontologiques, avec, là encore, un collège de déontologie dédié, disposant de moyens d’investigation et de contrôle.

Les magistrats de l’ordre judiciaire devraient prochainement bénéficier de ce mécanisme déontologique – le contraire serait indéfendable – puisqu’un projet de loi organique sur cette question devrait être discuté prochainement. De même, le projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle devrait comporter des dispositions similaires pour les juges consulaires et prud’homaux. Ainsi, cette culture déontologique s’étendra à toutes les fonctions publiques et aux diverses juridictions, avec au quotidien le recours possible à un déontologue référent pour tout conseil s’agissant de la prévention des conflits d’intérêts.

La lutte contre le pantouflage, telle qu’en dispose l’article 8, a aussi suscité des débats. Nous nous réjouissons de ces dispositions, dont nous souhaitons une application efficace de la part de la commission de déontologie. Les fonctionnaires ne peuvent servir l’intérêt général que s’ils remplissent leur mission pour le compte de la collectivité tout entière et non en vue d’un futur profit personnel. Aussi, la commission de déontologie sera désormais saisie de façon systématique des cas de passage du public dans le privé. Elle pourra également s’auto-saisir et aller chercher l’information. Ses prérogatives renforcées lui permettront donc de remplir enfin l’objectif d’une prévention efficace de situations que nous avons déplorées par le passé. C’est ce que nous souhaitons et que nous espérons.

Je n’évoquerai pas les autres points du texte, tout aussi importants, qui harmonisent le dispositif des sanctions dans la fonction publique, clarifient les conditions du cumul d’activités, dénouent des situations complexes grâce à des droits nouveaux, améliorent le temps de validité d’un concours de la fonction publique territoriale, précisent et renforcent la protection fonctionnelle et d’autres droits et obligations majeures dont mes collègues se feront l’écho.

La déontologie, les droits et obligations des fonctionnaires participent de l’exemplarité de la fonction publique. Les conditions matérielles doivent aussi être au rendez-vous…

1 commentaire :

Le 08/10/2015 à 11:38, laïc a dit :

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"mais il est essentiel aujourd’hui d’asseoir les textes déontologiques sur un fondement législatif."

Tout à fait, ce n'est pas au juge administratif de faire la loi dans ce pays, c'est à l'Assemblée nationale, les députés sont élus pour faire les lois, les juges sont nommés pour les appliquer, pas pour les faire à la place des députés. La jurisprudence est une aberration juridique, c'est de la dictature, car c'est une décision qui prend la place de la loi sans la légitimité républicaine de la loi.

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