Intervention de Guy Geoffroy

Séance en hémicycle du 7 octobre 2015 à 15h00
Déontologie droits et obligations des fonctionnaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Geoffroy :

…et encore il n’y parvient pas tout à fait. Il entend consacrer certaines valeurs, déjà reconnues par la jurisprudence, qui fondent la spécificité de l’action des agents publics. Pourquoi pas ? Notons cependant que la lettre rectificative à laquelle il a été fait allusion revenait déjà sur la copie initiale du Gouvernement, laquelle ne datait pourtant que de 2013.

Depuis cet été, le projet de loi précise donc qu’un fonctionnaire « exerce ses fonctions dans le respect du principe de laïcité » et qu’il doit à ce titre « s’abstenir de manifester, dans l’exercice de ses fonctions, ses opinions religieuses ». En pratique, qu’apporte cet article au statut ou aux fonctionnaires ? Nous ne sommes pas les seuls à poser cette question. Ainsi, Anne-Yvonne Le Dain a émis quelques observations, en forme de critiques, sur le fait que l’obligation de réserve, consacrée par la jurisprudence du Conseil d’État depuis 1935, ne figure pas dans ce texte. Nous pourrons probablement revenir sur ce point

Madame la ministre, vous avez également envisagé dans ce texte l’extension de la protection fonctionnelle, qui n’est pas inutile. Cet article figure d’ailleurs parmi les mesures que nous tenons à saluer. Le renforcement de la protection fonctionnelle des agents et de leur famille introduit un progrès qui mérite d’être noté. L’article 10 est éloquent à cet égard, puisqu’il concerne non seulement les fonctionnaires mais également leurs ayants droit, qui pourront bénéficier de cette protection s’ils sont eux-mêmes victimes de violences.

Dans ce même article, vous introduisez, madame la ministre, une protection de l’agent faisant l’objet de poursuites judiciaires, alors que le droit actuel ne vise que des poursuites pénales. Or, parfois, les poursuites en dehors du cadre pénal peuvent être plus pénibles que celles menées dans ce cadre. Mais introduire ce dispositif ne suffit pas. Mme la rapporteure et vous-même, madame la ministre, avez souligné que l’essentiel était de faire connaître la protection fonctionnelle, qui ne l’est peut-être pas assez. À ce titre, un important travail de communication en direction des agents trop peu informés devra être mené.

La prise en compte de la situation particulière des praticiens hospitaliers constitue un autre motif de satisfaction. Mais à côté de ces mesures positives, auxquelles j’ajouterai l’amélioration de la situation des contractuels, vous n’avez hélas pas pu vous empêcher – le pourrez-vous un jour ? – de recourir à des symboles et à des discours dommageables. Ainsi, au prétexte d’aligner les principes déontologiques des fonctionnaires sur ceux votés pour les publics visés par les fameuses lois d’octobre 2013, vous n’avez pas résisté à étendre le champ de ces lois aux directeurs, directeurs adjoints et chefs de cabinet d’autorités territoriales. En outre, pour d’obscures raisons, le seuil définissant les collectivités concernées est passé de 70 000, à l’origine, à 20 000 habitants. Ainsi, une quantité incroyable de fonctionnaires devront déclarer à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique tout ce que déclarent les élus. Pourrez-vous nous dire, madame la ministre, à combien vous estimez le nombre de personnes concernées par ces dispositions ? À ce jour, nous n’avons pas d’information sur ce sujet.

L’article 18 bis constitue un autre sujet sur lequel vous auriez pu éviter de commettre ce que j’estime être une erreur inutile. Il n’est d’ailleurs pas trop tard pour le retirer. Il vise à abroger le recours à l’intérim. Nous sommes contre, non parce qu’il faudrait confier au privé certaines activités des fonctionnaires mais parce qu’en réalité, d’après le rapport rédigé en 2013 par la direction générale de l’administration et de la fonction publique, seules 1,5 % des collectivités ont recours à ce dispositif. Vous avez d’ailleurs veillé, madame la ministre, à ce que ces dispositions ne s’appliquent pas à la fonction publique hospitalière, mesure excessive qui aurait posé un vrai problème.

Mais, selon mon expérience, il n’est probablement pas inutile qu’un chef d’établissement professionnel qui doit remplacer du jour au lendemain un professeur de plomberie ou de structures métalliques puisse faire appel à une société d’intérim, laquelle connaît les professionnels disponibles à un moment donné. De même, les services techniques des collectivités territoriales peuvent avoir besoin d’un spécialiste au pied levé. L’intérim, utilisé avec pragmatisme, peut être utile. Je souhaite donc que vous renonciez à cette abrogation.

Voilà pour le fond : nous y reviendrons lors de l’examen des articles. Quant à la forme, vraiment, ce projet de loi, c’est du Feydeau ! En juillet 2013, le Gouvernement présente en conseil des ministres un premier projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, qui contient alors 59 articles. Deux ans après, en juin 2015, il décide de « recentrer le projet de loi sur l’essentiel » et revient à 25 articles. Afin qu’il soit examiné rapidement, il adresse une lettre rectificative au Parlement et demande naturellement l’engagement de la procédure accélérée. Tout cela n’est pas sérieux.

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