Intervention de Ary Chalus

Séance en hémicycle du 7 octobre 2015 à 15h00
Déontologie droits et obligations des fonctionnaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAry Chalus :

Trente ans après la loi du 13 juillet 1983, le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires entend adapter le statut général de la fonction publique afin, d’une part, d’appliquer les dispositifs de prévention des conflits d’intérêts définis par le projet de loi sur la transparence de la vie publique, et d’autre part de renforcer le pouvoir de contrôle de la commission de déontologie de la fonction publique. Le texte prévoit aussi de consacrer certaines valeurs qui fondent l’action des fonctionnaires : neutralité, impartialité, probité et laïcité.

Mais n’est-ce pas aussi une mission noble du service public que d’oeuvrer à l’équité territoriale ? À ce titre, nous devons, sans porter atteinte au principe d’égalité – un de nos piliers républicains, mais qui ne doit pas rimer avec exil perpétuel – permettre le retour au pays des fonctionnaires ultramarins, dans l’intérêt des familles et de la stabilité du tissu social de ces territoires déjà durement frappés. En effet, la précarité économique impose bien trop souvent à nos jeunes le choix entre un chômage endémique ou un voyage qui, bien que constituant théoriquement une opportunité, se révèle souvent sans retour. Certes, la confrontation des expériences et l’ouverture sur l’autre sont bien entendu une source de richesse ; encore faudrait-il, pour que cela bénéficie à nos territoires et à nos populations, qu’il y ait un jour – si possible avant l’heure de la retraite ! – un retour au pays.

J’ai mentionné nos jeunes qui partent vers la France métropolitaine pour se former ou rechercher un emploi, mais que dire de ceux qui sont formés sur place, dans les départements ou territoires d’outre-mer, et qui, ayant réussi à un concours, se voient affectés en France métropolitaine – ainsi ces enseignants néo-titulaires, jeunes diplômés ou contractuels, affectés dans des académies de la France continentale, à plusieurs milliers de kilomètres de leur territoire d’origine ? Pourtant, ils constituent pour nos régions un atout considérable : les contractuels pour leur expérience déjà acquise, tous pour leur connaissance intime du territoire et de sa population.

J’ai eu récemment l’occasion d’appeler l’attention du Gouvernement sur la situation d’une dizaine de nos compatriotes guadeloupéens et martiniquais, enseignants néo-titulaires qui, à l’issue du mouvement inter-académique de 2015, furent contraints de quitter nos régions pour aller enseigner à plus de 7 000 kilomètres, dans d’autres académies de la France hexagonale. S’il est vrai que le recrutement au concours dont ils sont lauréats est national, il n’en demeure pas moins que nous ne pouvons laisser, sans rien dire, nos territoires se vider de manière irréversible d’une partie de nos forces vives. Faciliter la mutation en outre-mer des fonctionnaires qui le souhaitent et qui ont un lien avec ces territoires permettrait de briser cette fatalité.

C’est d’ailleurs pourquoi le Gouvernement, sensibilisé sur ce sujet, avait, fin 2013, commandé à M. Patrick Lebreton, député de La Réunion, un rapport destiné à identifier les moyens susceptibles de mieux faire profiter les ressortissants ultramarins des emplois créés dans leurs territoires, dans le secteur public comme dans le secteur privé. Parmi les recommandations de ce rapport se trouvaient plusieurs mesures phare qui, si elles avaient été mises en oeuvre, auraient fluidifié grandement le système, parfois un peu rigide, il faut bien le reconnaître, des mutations des agents publics dans les départements et collectivités d’outre-mer. M. Lebreton proposait ainsi de donner une assise juridique au concept de centre des intérêts matériels et moraux – CIMM – et d’en faire le pivot pour les mutations outre-mer, de manière, par exemple, à mettre fin au dysfonctionnement des carrières des gardiens de la paix originaires d’outre-mer. Si trente-cinq gendarmes ont récemment été envoyés en renfort dans les zones de sécurité prioritaires du centre de la Guadeloupe, c’est bien qu’il y a un besoin : alors, pourquoi ne pas permettre aux gardiens de la paix ultramarins d’être affectés chez eux ?

Je voudrais aussi remercier Mme Ericka Bareigts, qui travaille sur le sujet depuis le début de son mandat de député et qui n’a eu de cesse de rappeler qu’il s’agissait d’un combat pour une fonction publique plus représentative des bassins de vie qu’elle administre et pour une réponse aux déchirements familiaux et aux drames humains liés aux agents séparés de leurs racines.

Nous avons l’occasion, aujourd’hui, d’apporter une contribution décisive au règlement de ces situations en inscrivant dans la loi la prise en compte des centres des intérêts matériels et moraux des fonctionnaires à l’occasion de leur demande de mutation en outre-mer. Aussi, mon collègue Thierry Robert et moi-même avons déposé deux amendements et, avec nos collègues du groupe RRDP et les députés ultramarins, soutiendrons toutes les initiatives qui iront dans le même sens. Le premier amendement entend donner des outils en vue d’établir un classement des demandes de mutation à partir de barèmes plus équitables et sécurisés juridiquement ; le second vise à apporter une réponse plus efficace aux difficultés rencontrées lors du traitement des demandes de mutation dans les corps de la fonction publique à fort effectif.

Chers collègues, nous pouvons, dans le respect scrupuleux des principes fondateurs de notre République, lever cet obstacle, pour un développement plus harmonieux de la France d’outre-mer. Le groupe RRDP votera ce texte de loi, et j’espère que tous les autres groupes en feront autant.

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