Intervention de Thierry Mariani

Séance en hémicycle du 7 octobre 2015 à 15h00
Déontologie droits et obligations des fonctionnaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Mariani :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, avant tout chose, permettez-moi une remarque sur les conditions dans lesquelles nous sommes appelés à débattre. Alors que nous abordons une question majeure, une fois de plus, le Gouvernement a choisi d’engager une procédure accélérée qui biaise profondément le débat parlementaire. Le projet de loi relatif à la déontologie, aux droits et obligations des fonctionnaires est ainsi discuté dans la précipitation malgré l’enjeu.

Par ailleurs, j’avoue ne pas m’expliquer votre tour de passe-passe : l’utilité d’une lettre rectificative paraît limitée puisque, en commission, il vous a semblé bon de reconstituer le texte d’origine par le biais d’amendements.

En juin dernier, le Gouvernement avait ramené le texte de cinquante-neuf articles à vingt-quatre, renvoyant de nombreux sujets à des ordonnances ; mais la commission des lois de l’Assemblée nationale, lors de sa réunion du jeudi 1er octobre, est revenue sur un certain nombre d’entre eux, si bien que la version que nous étudions aujourd’hui en comporte soixante-dix. Avec la procédure accélérée, le moins que l’on puisse dire est que les conditions pour étudier ce texte sont précaires.

Mais j’en viens à son contenu, d’abord pour déplorer qu’il ne soit pas à la hauteur des objectifs. Alors qu’Emmanuel Macron a récemment remis en question l’intérêt d’un statut de la fonction publique pour certaines missions, le projet de loi vient rappeler la spécificité déontologique du métier de fonctionnaire. Lors de ses voeux aux corps constitués le 8 janvier dernier, le Président de la République a formulé le souhait d’une consécration des règles déontologiques s’appliquant aux agents publics à l’occasion du trentième anniversaire de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

Ce texte a donc deux buts : d’une part, prouver l’attachement du Gouvernement au statut de la fonction publique ; de l’autre, consacrer dans la loi « les valeurs fondamentales communes aux agents publics », renforcer les règles de déontologie dans la fonction publique et mieux garantir les droits des agents. Les dispositions du projet de loi visent donc à mieux prévenir les situations de conflit d’intérêts dans l’administration et, au-delà, à rénover le cadre statutaire de l’exercice des fonctions publiques.

Voilà un peu plus de deux ans que ce texte attend d’être débattu puisque, si ma mémoire est bonne, madame la ministre, vous l’aviez présenté en Conseil des ministres le 17 juillet 2013. Cependant, comme on aurait pu le deviner, il manque d’ambition au regard des objectifs annoncés. La déception est donc à la hauteur de l’attente qu’il avait suscitée. Force est de constater qu’il ne rassure pas vraiment les fonctionnaires sur la préservation de leur statut, pourtant au coeur de l’actualité.

Sur le fond, ce projet de loi est aussi l’occasion de graver noir sur blanc un grand principe, celui de la laïcité ; dans son chapitre IV, les valeurs de « probité », d’« impartialité » et de « neutralité », auxquelles sont déjà astreints les fonctionnaires, sont désormais inscrites en toutes lettres. Il est ainsi précisé qu’un fonctionnaire « exerce ses fonctions dans le respect du principe de laïcité ». Cependant, je me demande pourquoi a été retirée du texte la mention qui précisait que « le fait pour un fonctionnaire de manifester ses croyances religieuses, dans l’exercice de ces fonctions, constitue un manquement à ses obligations professionnelles ». Je soutiendrai donc l’amendement de mon collègue Dominique Bussereau tendant à rétablir cette mention, afin de rendre opérationnel le respect du principe de laïcité.

Le texte s’attaque également à la prévention du conflit d’intérêts. Il était temps que les fonctionnaires soient aussi soumis à l’obligation de déposer une déclaration patrimoniale à la Haute Autorité de transparence de la vie publique. Cependant, le dispositif est encore largement perfectible. Si je me félicite que les sanctions soient de nouveau explicitement mentionnées en cas de déclaration incomplète, mensongère ou de non-respect de l’obligation de se déporter ou de mettre fin à une situation de conflit d’intérêts, je constate que le Gouvernement, en multipliant les structures, a rendu le dispositif moins lisible.

La commission de déontologie de la fonction publique a certes des missions renforcées, notamment en matière de contrôle du cumul d’activités et du pantouflage, mais elle ne dispose toujours pas de véritables moyens d’investigation, et se voit même concurrencée par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

En conclusion, je retiendrai surtout la déception que nous inspire ce texte, qui sera, je le crains, le seul texte majeur de la législature sur la fonction publique. Celle-ci avait pourtant besoin d’une réforme de fond, car il est grand temps de la repenser. On ne voit pas, à cet égard, où mènent les déclarations de M. Macron. Le temps des demi-mesures doit cesser : il faut mettre en oeuvre des mesures fortes si l’on veut inverser la tendance. Même si la France a énormément d’atouts, elle a besoin de grandes réformes structurelles. Oui, la France a besoin d’une fonction publique ; oui, la fonction publique doit perdurer, mais elle doit aussi se réformer ; or ce texte nous laisse sur notre faim.

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