Intervention de Gérard Cherpion

Séance en hémicycle du 8 octobre 2015 à 9h30
Suppression des freins au développement des entreprises — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Cherpion, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée de la politique de la ville, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, notre président, Christian Jacob, et le groupe Les Républicains ont décidé de déposer et mettre en débat cette proposition de loi visant à supprimer les freins au développement des entreprises.

Ce n’est une surprise pour personne : le climat économique de notre pays n’est pas au beau fixe. Alors que le Président de la République annonce la reprise depuis trois ans, elle ne pointe timidement le bout de son nez qu’aujourd’hui. Selon le Gouvernement, la croissance sera de 1 % en 2015 et de 1,5 % en 2016. Ces prévisions semblent être atteignables, même si l’Organisation de coopération et de développement économiques – OCDE – a déjà baissé ses prévisions pour notre pays. Il est sûr, en tout cas, que cette croissance n’est pas suffisante pour relancer notre pays et, surtout, la création d’emploi. L’emploi, justement, est le premier objectif poursuivi par cette proposition de loi. C’est le premier objectif, car c’est la priorité absolue des Français.

Le travail est au centre de notre société, au centre de la vie des Français. C’est le travail qui fournit les moyens de vivre, de se loger et de développer sa vie familiale en toute indépendance. Et ce sont les cotisations du travail qui permettent une politique sociale de redistribution. Ce que je viens de dire semble tomber sous le sens mais il est toujours utile de le répéter. Il est d’autant plus utile de le répéter que le chômage continue chaque mois de progresser, battant ainsi des records dont personne ne peut se réjouir. Ainsi, le mois dernier, ce sont plus de 20 000 demandeurs d’emploi supplémentaires, sans aucun travail, qui se sont inscrits à pôle emploi. Notre pays compte dorénavant 5 726 300 demandeurs d’emploi toutes catégories confondues. C’est un triste record ! L’inversion de la courbe de chômage, maintes fois annoncée, n’est donc toujours pas d’actualité.

Pourtant, tous les voyants sont au vert : prix du pétrole bas, intervention des banques centrales, taux de change de l’euro équilibré, plan d’investissement de la Commission européenne, bonne croissance mondiale. Malgré tout cela, notre économie ne redémarre pas. L’une des principales raisons est le manque de confiance des entreprises, mais aussi des investisseurs étrangers. Même si quelques avancées ont été faites depuis un an – j’y reviendrai –, le climat n’est pas propice à la création d’emploi, et nombre d’employeurs, sans lisibilité fiscale et sociale, craignent de ne pouvoir assumer leurs responsabilités. En effet, je ne connais pas d’employeur qui licencie par plaisir. Mais, je l’ai dit, même s’il y a eu un changement de cap dans le verbe du Gouvernement depuis un an, il n’a toujours pas été traduit en actes au sein de la majorité. Par ailleurs, un grand nombre de mesures prises depuis 2012 plombe la confiance des entreprises. C’est la raison pour laquelle le groupe Les Républicains a décidé de présenter cette proposition de loi, qui revient sur sept de ces mesures.

Notre groupe assume le fait que ce soit une proposition de loi de suppression de mesures. La raison est simple : dès que l’opposition met la majorité devant ses responsabilités, en faisant des propositions de bon sens, cette dernière fuit le débat. Je prendrai seulement deux exemples. Alors que nous avions présenté une proposition de loi comportant vingt-six mesures l’an dernier, la majorité a décidé d’adopter une motion de rejet, empêchant le débat. Ironiquement, certaines des mesures contenues dans cette proposition ont ensuite été discrètement reprises et votées. Second exemple, notre groupe propose des amendements lors des différentes discussions de projets de loi, et ce sans faire d’obstruction, comme cela a été souvent le cas par le passé. Seuls un peu plus d’un pour cent des amendements du groupe Les Républicains ont été adoptés depuis 2012.

Enfin, nous assumons également de revenir sur des mesures proposées par les partenaires sociaux. Ce n’est pas être contre les partenaires sociaux. Je n’ai d’ailleurs pas à prouver l’attachement que j’ai pour le dialogue social et le respect que j’ai pour ses acteurs. La loi de juillet 2011 pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels, qui porte mon nom, a été élaborée en partenariat avec les syndicats de salariés et les organisations patronales. De même, l’article L. 1 du code du travail, fondement du dialogue social, est à mettre au crédit de Gérard Larcher. Mais il appartient aux représentants du peuple, à la démocratie parlementaire, de tracer un cap pour l’avenir du pays. La démocratie sociale, qui est nécessaire, prépare les décisions qui doivent ensuite être prises par la démocratie politique, seule responsable devant le peuple. Le Parlement ne saurait être le greffier des partenaires sociaux, notamment parce que le mandat impératif est interdit par la Constitution.

L’article 1er propose de supprimer le compte de prévention de la pénibilité. Ce compte partait d’une bonne intention. La réforme des retraites de 2010 le prévoyait d’ailleurs, mais sur des critères médicaux. Aujourd’hui, le dispositif est bien trop complexe, ainsi que le Gouvernement l’a lui-même reconnu en supprimant la fiche individuelle, impossible à remplir par les entreprises, et en limitant le nombre des critères. En 2030, le coût supporté par les entreprises s’élèverait à 2,5 milliards d’euros, pour un montant de cotisations de 800 millions, soit un écart considérable. Il s’agit ni plus ni moins que de constituer, à terme, un nouveau régime spécial de retraite, ce qui va à contre-courant de ce qu’il faut faire. Ce compte se trouve désormais dissous, qui plus est, dans un « compte personnel d’activité ». Ces fluctuations incessantes sont cause d’une grande insécurité juridique et rendent notre système toujours plus complexe. Il nous semble que l’application des lois relatives aux accidents du travail et aux maladies professionnelles, de la réforme des retraites de 2010 ainsi que du dispositif des carrières longues, serait suffisante, moyennant quelques améliorations éventuelles, alors que le dispositif actuel ne fait que constituer un frein à l’emploi.

L’article 2 vise la suppression de la durée minimale hebdomadaire de 24 heures. Celle disposition résulte de l’accord national interprofessionnel – ANI – du 11 janvier 2013, et certains des signataires de l’accord ne cachent pas aujourd’hui leurs regrets. Elle constitue une barrière psychologique, alors que des dérogations existent déjà, notamment pour les étudiants de moins de vingt-six ans ou pour les métiers de l’aide à domicile, où les plages de travail sont souvent courtes et réparties dans la journée, ce qui va d’ailleurs à l’encontre de ce qui avait été souhaité.

L’article 3 tend à abroger plusieurs dispositions de la loi du 29 mars 2014 visant à reconquérir l’économie réelle, dite loi Florange, qui était en fait la traduction d’un engagement du candidat François Hollande. Force est de constater qu’elle n’a pas empêché les fermetures d’entreprises et qu’elle pose même plus de problèmes qu’elle n’en résout, comme je peux le constater dans ma région. De plus elle constitue un obstacle psychologique aux investissements étrangers.

L’article 4 tend à abroger certaines dispositions, notamment en matière d’information obligatoire des salariés, de la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, qui entravent la création d’entreprises de taille intermédiaire, comme le Gouvernement l’a d’ailleurs reconnu en revenant partiellement dessus dans la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, plus connue sous le nom de loi Macron.

L’article 5 tend à supprimer la majoration de la part patronale de la contribution d’assurance chômage pour les contrats à durée déterminée de courte durée. Cette part, normalement fixée à 4 %, alors que la part salariale est de 2,4 %, est en effet portée à 7 % pour les contrats d’une durée égale à un mois, à 5,5 % pour ceux d’une durée comprise entre un et trois mois et à 4,5 % pour les contrats d’usage d’une durée inférieure ou égale à trois mois. Certes, ces contrats présentent un risque de précarisation des salariés et nous ne contestons pas le principe, au demeurant retenu par l’ANI déjà mentionné, d’une modulation des cotisations destinée à faire supporter par les employeurs le coût social de leurs décisions, mais il convient, pour que de telles mesures aient une chance de provoquer un recours plus massif aux contrats à durée indéterminée, de libérer les entreprises des charges financières et administratives qui pèsent sur elles. Par ailleurs, il ressort des données fournies par l’Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce – UNEDIC – que les recettes effectives sont de 70 millions d’euros au lieu des 257 millions espérés, soit un gain sans commune mesure avec la complexité engendrée par le dispositif.

L’article 6 tend à lever les obstacles au financement de l’apprentissage créés par la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, qui a restreint le nombre d’établissements éligibles au barème de la taxe d’apprentissage en fixant une liste limitative de catégories d’établissement susceptibles d’y prétendre. Certes, la régionalisation de la taxe a permis de renforcer les moyens des régions, passés de 1,529 milliard d’euros en 2012 à 1,653 milliard en 2015, mais la part de la taxe dite « barème » a été, quant à elle, diminuée en 2015 d’environ 50 millions d’euros supplémentaires par rapport à son évolution tendancielle, orientée à la baisse depuis 2011. Ont été ainsi exclus du financement les écoles et campus créés sur l’initiative des entreprises, soit 1 400 établissements privés formant chaque année 450 000 étudiants et employant 37 800 formateurs. Cet état de fait, comme l’a reconnu le Premier ministre, obère ce qui constitue une voie vers l’emploi.

L’article 7, enfin, tend à supprimer le plafonnement du nombre de stagiaires dans les entreprises. Un décret a certes été pris la semaine dernière, qui relève ce plafond de 10 % à 15 % de l’effectif d’une entreprise. Il me semble cependant que ce n’est pas une affaire de quotas, mais de responsabilité du chef d’entreprise, à charge pour l’Inspection du travail de contrôler les conventions de stage et leur respect. Cette mesure diminuera inévitablement le nombre total des stagiaires et induira une nouvelle insécurité juridique pour les entreprises, dont certaines prévoient déjà de ne plus prendre de stagiaires ou d’en prendre moins, alors que 1,6 million de conventions de stage sont signées chaque année en toute légalité dans le cadre d’un cursus scolaire ou universitaire.

Madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi est une traduction de l’appel au secours lancé par les entreprises dans notre pays. Notre priorité doit être la libération des forces créatrices d’emploi. Tous nos efforts doivent se diriger vers cette priorité. C’est la raison pour laquelle je vous propose d’adopter cette proposition.

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