Avec le terreau français, nous avons tout pour faire de grandes choses. Cela étant, nous sommes en retard et nous devons accélérer le mouvement si nous voulons, dans les dix prochaines années, compter sur l'échiquier numérique.
Dans nos entreprises, la moyenne d'âge est très jeune. Chez nous, elle est de vingt-neuf ans, dans une société qui compte 360 personnes. Nous créons de nouveaux métiers parce que nous ne trouvons pas dans les métiers existants des gens capables de nous aider et de nous accompagner. En tout cas, la différence entre l'expérience que les gens auraient dans leur domaine et le fait de former des jeunes à faire les métiers dont nous avons besoin n'est pas suffisamment importante pour justifier, notamment, les différences de salaires. Nous préférons aller chercher des jeunes qu'il faut former aux nouveaux métiers plutôt que de recruter des gens plus âgés qui coûtent deux ou trois fois plus cher et qui n'ont pas forcément les compétences nécessaires. Nous avons donc besoin – mais ce n'est pas un scoop – de plus de formation aux nouveaux métiers.
Deuxième point important, il faut plus d'investissements. La venture capital scene, qui sait financer des sociétés comme les nôtres, est cinquante fois plus petite en France qu'aux États-Unis, alors que le rapport de PIB n'est que de six… Nous ne sommes à l'évidence pas armés pour financer des sociétés comme les nôtres. Si l'on veut voir émerger de plus en plus de sociétés dans le secteur de l'économie numérique, il faut aider à structurer tout cet écosystème, sans oublier une nécessaire éducation.
Se pose enfin le problème de notre single market, notre marché intérieur. Nous sommes aujourd'hui présents dans dix-neuf pays. Pour croître, une société française ou européenne doit courir un 110 mètres haies quand une société américaine se contente de courir un 100 mètres… Car pour atteindre un marché adressable de 300 ou 350 millions de personnes, les Américains n'ont qu'une seule régulation, une seule culture et une seule TVA ou presque pour cinquante États. Pour nous, à chaque nouveau pays, c'est une nouvelle culture, mais surtout une nouvelle TVA, un nouveau code du travail, une nouvelle gestion des données et, à chaque fois, un nouveau casse-tête. Quand on a réussi à faire cela, on est certes armé pour le reste, mais il n'y en a pas beaucoup qui y arrivent… Tout ce qui pourra être fait dans le sens de l'unification du code du travail, de la TVA et de la gestion des données au niveau de l'Europe nous simplifiera considérablement la tâche et aidera les sociétés numériques à se développer plus rapidement. Nous aurions alors plus de chances de voir des sociétés démarrer chez nous, avec un vrai potentiel à l'international.