Intervention de éric Carreel

Réunion du 30 septembre 2015 à 9h30
Commission des affaires économiques

éric Carreel, président et cofondateur de Withings :

Vous l'aurez compris, nous sommes des gens passionnés ! Si nous sommes là devant vous, c'est aussi parce que nous savons que nous devons rester humbles, dans la mesure où nous n'avons pas les réponses à tous les problèmes de notre société. Tout à l'heure, il était question de la place de l'homme. C'est une de mes inquiétudes lorsque je vois, autour de moi, des personnes qui, à trente ans, n'ont toujours pas un job stable. C'est triste, car ce qui me fait lever le matin, c'est la pensée que le travail est le plus bel instrument de socialisation, de construction de notre société.

Il y a des moments où vous devez être courageux, mesdames et messieurs les députés. Quand j'entends des politiques se réjouir de la baisse du prix du pétrole, je me dis que c'est totalement stupide ! Nous savons globalement que le prix du pétrole finira par remonter, mais comme on considère que cela fait plaisir à nombre de nos concitoyens de voir le prix de l'essence baisser, on ne profite pas de l'occasion pour augmenter les taxes et préparer demain.

Pour ma part, je transporte des produits depuis la Chine jusqu'en France. Cela fait cinq ans que j'oeuvre pour que certains de ces produits soient fabriqués ici, mais je n'y arrive pas. Je commençais à y travailler lorsque le prix du pétrole et le prix du transport se sont cassé la figure. D'abord, l'économie de mon système était imprévisible. Sur ce point, vous pouvez peut-être nous aider en la matière. Si vous nous dites que dans dix ans, le pétrole coûtera trois fois plus cher, nous aurons le temps de nous y préparer. Ensuite, je ne peux plus, économiquement, faire en sorte que ces produits soient fabriqués ici.

Frédéric a parlé tout à l'heure de la question des dividendes pour encourager les grosses entreprises à acheter des entreprises françaises. Si vous leur montrez que c'est plus efficace fiscalement, leur service de Mergers and Acquisitions (M & A) sera un peu plus actif qu'aujourd'hui, tant il est vrai que nos grands groupes ne sont pas très efficaces.

Quant à l'audace de l'administration, c'est une question que je me suis posée, car dans notre plan industriel, nous nous sommes demandé comment nous pourrions faire. Si je n'ai pas la solution, j'ai une petite proposition à vous faire. Créez le grand prix de l'audace au sein de l'administration, y compris en mettant en avant des échecs. Dans ce fichu pays, on a la culture de la peur de l'échec. Or la peur de l'échec, c'est l'encouragement à l'immobilisme. Organisez une super-fête, une belle campagne de communication pour annoncer que vous remettrez dix prix à dix personnes ou à dix équipes qui ont fait des choses un peu innovantes dans l'administration, y compris celles qui se sont plantées.

Pour ce qui est du financement, changer de braquet dans ce domaine est très important. Cela a commencé à se faire, c'est-à-dire que, globalement, la capacité de financement d'une entreprise qui démarre ou d'une entreprise qui croît s'est nettement améliorée ces quinze dernières années. Mais nous sommes encore très loin de ce que font nos amis américains.

Nous avons été très heureux de dire que les États-Unis perdaient beaucoup plus d'emplois que nous face à la crise financière. À mon avis, c'était une erreur de jugement. Les États-Unis ont compris que cette crise allait aussi signifier une transformation profonde de la société. Ils ont accepté qu'il y ait des secteurs qui crèvent en décidant d'investir à fond dans ce qui est l'avenir, par exemple, la transformation énergétique. Vous devez avoir une très grande agilité. Politiquement, nous devons être capables de changer très rapidement nos modes de financement, nos modes d'encouragement pour financer des choses nouvelles.

J'en arrive à la formation et au recrutement.

Quand je pense à la société française, ce qui m'inquiète le plus, c'est de savoir comment on trouvera un boulot pour tout le monde. À mon avis, cela passe en grande partie par la formation.

Je suis stupéfait de voir, dans mon entreprise, le nombre de fausses formations que nous recevons pour utiliser notre crédit formation. Une des solutions pourrait être que le financement soit décidé par l'intéressé lui-même, qui, du coup, ne sera pas tenté de prendre quelques jours de congé pour suivre une formation bidon, mais sera réellement motivé.

Une transformation très positive dans notre pays, actuellement, c'est qu'on a compris que la formation en alternance changeait tout. Le nombre de formations en alternance se multiplie de façon exponentielle. Cela change tout pour un jeune au niveau de sa motivation. Cela peut aussi tout changer, s'agissant de la motivation d'un adulte qui a perdu son emploi et qui essaie de se former. Je n'ai pas la réponse à la question de savoir comment on peut encourager les entreprises à embaucher une personne qui travaillera une semaine sur deux, pour pouvoir aller se former la deuxième semaine, mais j'estime qu'il faut vraiment creuser cette question.

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