Je voudrais aborder la question sous un angle moins technique que Jean-Yves Caullet, puisque nous présentons deux amendements presque identiques.
La question est assez simple : à quoi servons-nous ? Depuis le début de cette législature, nous avons demandé à Philippe Duron, dans le cadre d'une mission Mobilité 21, d'établir la liste des infrastructures prioritaires à financer pour les quinze années qui viennent. Cette liste a fait l'objet d'un consensus assez large, et a permis d'avancer sur la feuille de route en matière d'édification d'infrastructures de transport pour les prochaines années.
Aujourd'hui, suite à la décision de ne pas réaliser l'écotaxe poids lourds – dans laquelle nous avons tous une responsabilité, car nous avons tous voté cette taxe, et nous avons tous accepté de ne pas la mettre en place l'an dernier – l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) n'a pas les moyens de mener la politique que nous avions pourtant définie en début de législature. Je rappelle qu'elle a besoin de 2,5 milliards d'euros par an pour financer le scénario 2 du rapport Duron ; or, aujourd'hui, elle ne dispose que de 1,8 milliard d'euros.
Je souhaite que la commission adopte mon amendement, et nous verrons ensuite quelle est la position du Gouvernement. Nous comprenons qu'il préférerait que la loi de finances rectificative serve de support à une évolution de la fiscalité sur le gazole. Mais j'aimerais que cette discussion se fasse sur la base d'une double utilisation des recettes.
Comme vient de le dire Jean-Yves Caullet, deux utilisations de cette recette sont possibles : financer l'AFITF et accompagner les utilisateurs qui ne peuvent pas avoir recours aux transports collectifs pour l'achat de véhicules propres, ou encourager la dépollution de leurs véhicules grâce aux filtres à particules. C'est très différent de ce que j'entends de la part du Gouvernement ou de ce que je lis dans d'autres amendements. Le Gouvernement annonce par exemple qu'il souhaite augmenter la fiscalité du gazole pour diminuer celle sur l'essence. Cela revient à faire les poches des diésélistes pour remplir celles de ceux qui circulent à l'essence ! Cela aurait un effet terrible, car ceux qui sont obligés de conserver un véhicule diesel sont les plus modestes d'entre nous. Proposer qu'ils financent ceux qui ont la capacité d'acheter un nouveau véhicule ou qui avaient déjà celle de rouler à l'essence, c'est une mesure très curieuse et qu'il est difficile de soutenir.
Pour la première fois depuis longtemps, tous les astres sont presque alignés : les prix des carburants sont exceptionnellement bas, et il existe, autour de la COP21, une prise de conscience mondiale de la nécessité de lutter contre le réchauffement climatique. Si, dans un tel moment, nous n'arrivons pas à augmenter de 2 centimes d'euros la fiscalité du gazole – soit 20 centimes pour dix litres et 2 euros pour cent litres, ce qui permet de parcourir près de mille kilomètres – si nous ne pouvons pas demander cela aux Français pour financer la lutte contre le réchauffement climatique, la conversion du parc automobile et la réalisation d'infrastructures de transport de qualité, alors je ne sais pas quand nous le ferons.