Intervention de Claire Talon

Réunion du 6 octobre 2015 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Claire Talon :

Merci, Mme Guigou de votre invitation. Je me contenterai de faire remonter auprès de vous les informations qui nous viennent de nos ONG partenaires en Syrie – principalement le Réseau syrien des droits de l'homme et le Violation and documentation center (VDC) – et leur perception de la situation sur le terrain.

Pour répondre à votre question sur les statistiques dont nous disposons, toutes nos associations partenaires indiquent que les frappes du régime sont les plus meurtrières : un peu près de 92 % des morts civiles seraient attribuables au régime d'Al-Assad, que ce soit par le fait des bombes barils, des attaques chimiques, ou des assassinats sommaires – qui auraient coûté la mort de plus de 13 387 enfants depuis 2011. En tout, on estime que 88 000 des victimes documentées sur quatre ans sont attribuables au régime, contre 4088 attribuables à Daech. Enfin, 225 civils, dont 65 enfants et 37 femmes auraient péri du fait des frappes de la coalition, selon le réseau syrien des droits de l'homme.

La majorité des victimes se situent dans les zones « libérées » du pays, et sont le fait des bombes barils, qui sont particulièrement meurtrières. Nous avons aussi des informations concordantes concernant des cas de famine dans les prisons du régime et dans les villes dont le siège affecterait 200 000 personnes. Je rappelle que selon les informations dont nous disposons, 85 000 syriens sont aujourd'hui en détention, dans des conditions qui s'apparentent à des disparitions forcées et sont, pour la plupart, victimes de torture. Par ailleurs, depuis la résolution 2209 du 6 mars 2015, 19 attaques aux chlores perpétrées par le régime ont été répertoriées. On nous a aussi signalé des attaques à la bombe chimique, à l'est d'Alep, perpétrées par Daech.

Sur l'efficacité des frappes aériennes contre Daech. Si l'objectif est de sauver des vies, alors cet objectif n'est pas atteint. Pour sauver des vies, il faut mettre fin aux bombardements du régime syrien avec les bombes barils.

Si les bombardements de la coalition s'inscrivent dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, les informations, dont nous font état nos partenaires, indiquent que les frappes de la coalition sont plus précises que les bombes-baril. Il est donc paradoxalement plus sécurisant pour les populations locales de vivre dans des territoires sous contrôle de Daech que sous les zones libérées du régime, d'autant que le message de Daech et sa rhétorique en sortent renforcés. Ce qui nous remonte du terrain, c'est que le meilleur recruteur de l'OEI est le régime de Bachar Al-Assad. J'ajoute qu'il faut être prudent sur nos actions, parce que Daech comme Al-Nosrah recrutent en se prévalant des atrocités du régime.

S'il s'agit de lutter contre le terrorisme en France, il ne faut pas se leurrer. Le problème du djihadisme en France est avant tout un problème national. En termes de message envoyé aux musulmans de France, ces bombardements sont contre-productifs. Ils alimentent la rhétorique de recrutement de l'OEI en France et en Europe.

Si enfin, il s'agit d'endiguer le flot de réfugiés, ces vagues migratoires ont commencé avant l'irruption de l'OEI sur la scène syrienne, en 2012. Aujourd'hui si les gens fuient, c'est qu'il n'y a pas de perspectives d'avenir. La campagne de circonscription forcée menée par le régime syrien a provoqué la fuite de nombreuses personnes, l'épuisement des moyens humanitaires et la dégradation des conditions de vie dans les pays aux alentours.

La solution réside dans un appui porté à la société civile syrienne qui résiste et qui est demandeuse de soutien international.

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