Intervention de Marietta Karamanli

Séance en hémicycle du 19 décembre 2012 à 15h00
Retenue pour vérification du droit au séjour et modification du délit d'aide au séjour irrégulier — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'objet du présent projet, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale et le Sénat – je me tourne vers nos collègues de l'opposition pour leur rappeler que les sénateurs de droite ont voté en faveur du texte – est de redéfinir le cadre juridique dans lequel l'administration est amenée à contrôler la régularité de la situation d'un étranger.

Une double jurisprudence a rendu nécessaire ce projet de loi. Dans un arrêt de juillet 2012, la Cour de cassation a jugé que le placement en garde à vue n'était, dans la très grande majorité des cas, plus possible.

Elle tirait ainsi les conséquences d'une jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, qui avait considéré, dans un arrêt d'avril 2011, que les États membres ne peuvent appliquer une législation pénale mettant en péril la réalisation des objectifs de la directive et priver celle-ci de son effet utile. La Cour de justice avait ainsi jugé qu'une peine de prison pour maintien sur le territoire risquerait de compromettre la réalisation de l'objectif poursuivi par ladite directive, à savoir l'instauration d'une politique efficace d'éloignement et de rapatriement des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.

Cela n'exclut pas la faculté pour les États membres d'adopter des mesures, même pénales, une fois que les mesures prévues par la directive ont été appliquées et ont échoué. Plus précisément, la Cour de cassation a jugé qu'il n'était pas possible de placer en garde à vue un étranger soupçonné d'être en situation irrégulière, puisque ce dernier ne peut encourir la peine de prison prévue à l'article L. 621-1 du CESEDA lors d'une procédure uniquement fondée sur le caractère irrégulier du séjour.

Venons-en maintenant aux objectifs du texte et aux améliorations qu'il apporte. Les différents articles du projet forment un tout cohérent, qui a été amélioré par les deux assemblées parlementaires. La commission mixte paritaire a levé les derniers obstacles à son adoption dans les mêmes termes.

L'article 2 définit le cadre juridique dans lequel l'administration sera amenée à contrôler la régularité de la situation d'un étranger. Le Gouvernement a choisi d'instituer un mécanisme de retenue ad hoc, qui présente deux avantages : sa durée est inférieure à celle de la garde à vue et les protections qui l'entourent sont plus importantes que celles prévues pour la vérification d'identité. Cette mesure s'effectuera sous le contrôle de l'autorité judiciaire.

Parallèlement, l'article 5 tire aussi les conséquences de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne. Celle-ci a considéré que les États membres liés par la directive « retour » ne sauraient prévoir une peine d'emprisonnement pour les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier lorsque ceux-ci doivent, en vertu des normes et des procédures communes établies par cette directive, être éloignés et peuvent, en vue de la préparation et de la réalisation de cet éloignement, tout au plus être soumis à une rétention. L'article 5 supprime donc la sanction pénale liée au séjour irrégulier.

Restait la question de l'entrée « passée », si j'ose dire. Une action pouvait théoriquement encore être engagée contre les étrangers entrés irrégulièrement en France et s'étant maintenus depuis sur notre territoire. Le texte amendé prévoit à juste titre que ce délit se constate uniquement en cas de flagrance.

L'article 6 prévoit que l'étranger qui se sera irrégulièrement maintenu sur le territoire français sans motif légitime après avoir fait l'objet d'une mesure régulière de placement en rétention ou d'assignation à résidence, sans qu'il ait pu être procédé à son éloignement, pourra faire l'objet d'une sanction.

Si l'article 5 supprime tout délit lié au séjour proprement dit, le constat s'impose qu'il ne faut pas laisser l'État ne pas réprimer une situation où, malgré toutes les mesures tendant au retour prévues à l'article 8 de la directive, l'étranger ferait échec volontairement, et parfois de façon active, à son transfert.

Dès lors que l'ensemble des mesures ont été engagées et poursuivies et que l'étranger en situation irrégulière est toujours sur le territoire, il est logique, chers collègues, que l'État dispose de moyens juridiques appropriés pour faire respecter la loi.

Si le retour est bien l'objectif, ce qui a conduit la Cour de justice de l'Union européenne à refuser que l'emprisonnement ne soit le substitut des mesures de retour, celle-ci n'a pas entendu que le droit ne prévale pas.

Il serait naïf et faux de croire qu'une obligation qui n'est ni sanctionnable ni sanctionnée demeure une obligation, dans un contexte où, malheureusement, le problème de l'entrée des ressortissants tiers dans l'Union européenne n'est pas encore traité de façon cohérente, équitable et solidaire.

Je rappelle que par les termes de « mesures » et de « mesures coercitives », le droit se réfère à toute intervention qui conduit, de manière efficace et proportionnée, au retour de l'intéressé.

Dans ces conditions, il s'agit de trouver un équilibre et un compromis qui fassent disparaître la sanction pénale en cas de séjour irrégulier et maintiennent le principe d'une dissuasion dans l'hypothèse de l'échec du cadre juridique voulu par l'Union.

Appliquer loyalement le droit de l'Union, rechercher la coopération des États, garantir les droits fondamentaux des personnes, faire diligence sont des objectifs à partager entre États membres.

C'est parce que les autres États de l'Union auront aussi la garantie que le droit est respecté en France qu'ils seront diligents à respecter les procédures communes et à en assurer le respect sur leur territoire.

J'en viens enfin à la nécessaire vigilance qui devra être la nôtre pour vérifier la portée et l'application de la future loi, conformément à l'esprit que nous avons voulu lui donner.

Je ferai à ce titre quatre observations. La première est que nous devrons être vigilants pour vérifier que la limite des 16 heures restera bien l'exception et ne deviendra pas la norme. En effet, elle ne doit pas être conçue comme une contrainte mais comme l'opportunité d'améliorer la réactivité de nos services. Comme l'a indiqué la Commission nationale consultative des droits de l'homme, elle devrait pouvoir aboutir à ce que l'ensemble des services de police puissent vérifier la régularité du séjour des intéressés dans les délais les plus brefs.

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