Intervention de Marisol Touraine

Séance en hémicycle du 20 octobre 2015 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 — Présentation

Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, une loi de financement de la Sécurité sociale représente toujours un moment important de la vie parlementaire. C’est un rendez-vous incontournable de l’automne budgétaire qui doit être l’occasion de nous écarter de l’actualité brûlante, de nous extraire de l’urgence du quotidien pour réfléchir, ensemble, à la manière de faire progresser ce qui est au coeur du Pacte républicain : notre modèle social.

« Doit être », j’emploie cette expression à dessein, parce que force est de constater que cela ne va pas de soi. À entendre certains discours, notre Sécurité sociale se résumerait à une somme d’équations financières, grevées par les abus, les excès, les dépenses toujours démesurées. Elle serait devenue un fardeau insoutenable, voué à une remise en cause, voire la liquidation, faute de pouvoir être réformé.

Ce déclinisme de façade masque en réalité le projet funeste, insidieux, porté par certains, de sacrifier la Sécurité sociale des Français sur l’autel d’une crise dont elle participe pourtant à les protéger. Celui de plonger des pans entiers de la solidarité dans la sphère marchande, où la retraite et la santé cesseraient d’être des droits pour devenir des biens.

À ces discours dangereux, passéistes, à rebours des attentes de nos concitoyens, nous répondons depuis trois ans par des actes. Notre conviction ? Les Français ne seront pas plus compétitifs en étant moins bien protégés. Au contraire, depuis soixante-dix ans, c’est la Sécurité sociale qui permet à la France d’aller de l’avant C’est la protection qui permet de se projeter dans l’avenir, d’entreprendre, de prendre des risques, de fonder une famille et de contribuer au fonctionnement de la société. Notre objectif ? Adapter la protection des Français à une société qui change, qui s’ouvre, qui entend le monde battre à sa porte. Notre méthode ? La modernisation et l’innovation sociale. Ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 marque une étape supplémentaire dans cette action.

Tout d’abord, ce texte consolide la démarche, engagée dès 2012, pour faire progresser durablement les droits sociaux des Français. Il suffit de rappeler les progrès considérables accomplis depuis trois ans pour mesurer l’étendue du chemin parcouru. Remboursement à 100 % de l’interruption volontaire de grossesse, revalorisation de 10 % de l’aide à la complémentaire santé – ACS – pour les personnes âgées, suppression des franchises médicales pour l’ensemble des bénéficiaires de l’ACS, modernisation de notre politique familiale pour soutenir davantage les familles modestes, prise en compte de la pénibilité pour la retraite.

Avec ces mesures fortes, cohérentes, une dynamique a été engagée. Et les résultats sont là. En 2013, pour la première fois depuis 2008, le niveau de vie des personnes les plus modestes a augmenté. La commission des comptes de la santé le confirme désormais chaque année : depuis 2012, ce qui reste à la charge des Français en matière de santé diminue régulièrement. Nos concitoyens payaient en moyenne 9,1 % de leurs dépenses de santé de leur poche en 2011, cette part a été ramenée à 8,5 % en 2014. C’est 1 milliard d’euros de dépense en moins pour les Français.

Ce qui compte, bien sûr, c’est ce que chaque Français pris individuellement a déboursé ou déboursera en moins. Mais, pour la collectivité tout entière, c’est un milliard d’euros de dépenses en moins, un milliard que l’on a pu consacrer à autre chose. Derrière les chiffres, il y a un mouvement de fond : en trois années seulement, nous avons effacé cinq ans de hausse continue du reste à charge.

Cette nouvelle donne nous invite à poursuivre : poursuivre en créant de nouveaux droits, poursuivre en modernisant notre protection sociale. C’est ce que prévoit ce projet de loi.

D’abord en créant la protection universelle maladie. Nous avons tous rencontré des hommes et des femmes en situation de rupture de droits. Un changement de situation professionnelle, une évolution familiale, un déménagement : bien souvent, ces étapes de la vie pourtant naturelles entraînent une pluie de formalités administratives, avec une succession d’interlocuteurs qui se renvoient la balle. Bien souvent, les Français qui y sont confrontés – ils sont des millions chaque année – ne peuvent, au moins un temps, faire valoir leur droit à l’assurance maladie et doivent soit avancer des frais qui restent des mois à leur charge, soit renoncer aux soins.

Cette situation est d’autant plus incompréhensible et inacceptable que l’assurance maladie est universelle depuis plus de quinze ans. Elle est d’autant plus incompréhensible qu’en 2015, les nouvelles technologies permettent de simplifier considérablement la vie des assurés.

La protection universelle maladie est une réforme majeure qui donne à chacun la capacité de faire valoir ses droits en simplifiant radicalement les conditions requises pour ouvrir le droit à remboursement. Mais c’est infiniment plus qu’une réforme de simplification : c’est une réforme d’autonomie et de liberté, qui permettra à chaque individu de ne plus être enfermé dans la case qu’il doit aujourd’hui cocher pour être assuré. Les changements de caisse primaire d’assurance maladie se feront rapidement, en quelques clics. Le statut d’ayant droit sera supprimé pour les majeurs. La carte Vitale pourra être obtenue dès douze ans pour les enfants dont les parents le souhaitent. La spécificité des différents régimes sera évidemment maintenue, mais, dans les faits, les statuts d’étudiant, d’épouse ou d’époux, d’indépendant, de salarié ou de chômeur s’effaceront au profit d’une seule et unique citoyenneté sociale.

Oui, la protection universelle maladie fait de la sécurité sociale un espace de libre circulation au sein duquel la carte Vitale, désormais valable toute une vie – pour autant qu’on n’aura pas besoin de la changer pour des raisons strictement matérielles – aura valeur de passeport.

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