Intervention de Gérard Bapt

Séance en hémicycle du 20 octobre 2015 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les rapporteurs, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 a été adopté par le Conseil des ministres au lendemain même de la célébration du soixante-dixième anniversaire de la création de la Sécurité sociale dans notre pays. Cette création est sans nul doute l’une des plus belles réussites collectives et sociales de l’après-guerre. Il faut bien évidemment rendre hommage, à cet égard, aux pères fondateurs de la Sécurité sociale, héritée du programme du Conseil national de la Résistance. Nous avons tous sur ces bancs, au-delà de nos appartenances politiques, de quoi être fiers de cette richesse qu’est la Sécurité sociale. Nous pouvons être fiers d’avoir su mettre en place et, plus encore, de faire durer un système qui protège nos concitoyens des risques de la vie : la maladie, les accidents du travail restent bien sûr des épreuves individuelles souvent douloureuses, mais une partie au moins de leur poids est supportée collectivement, grâce à la Sécurité sociale.

Pour adopter une perspective positive, trop souvent délaissée dans le pessimisme ambiant, c’est aussi la Sécurité sociale qui nous permet d’apprécier plus sereinement les moments que l’on espère heureux de nos vies : la maternité, mais aussi la retraite, en particulier dans un contexte d’allongement de la durée de vie.

La Sécurité sociale est l’une de nos principales richesses collectives, qu’il nous appartient de préserver afin que nos lointains successeurs dans cet hémicycle puissent encore en célébrer les mérites dans soixante-dix ans. Préserver notre Sécurité sociale nous oblige à faire preuve de responsabilité : il faut que les générations futures bénéficient au moins du même niveau de protection que leurs parents et leurs grands-parents, mais sans supporter le poids de lourdes dettes que nous leur aurions laissées en héritage. La responsabilité, c’est le fil rouge de ce PLFSS, tel qu’il vient d’être présenté par Mme la ministre et M. le secrétaire d’État.

En effet, ce PLFSS s’inscrit pleinement dans la trajectoire de redressement des comptes sociaux, courageusement décidée par le Président de la République et le Gouvernement depuis 2012, et pleinement assumée par la majorité parlementaire. De fait, dans un contexte économique pourtant dégradé, le déficit cumulé du régime général de Sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse n’a cessé de décroître depuis 2012, comme l’attestent les chiffres rappelés par M. le secrétaire d’État au budget : il est passé de 17,5 milliards d’euros en 2012 à 15,4 milliards en 2013 et 13,2 milliards en 2014. En 2015, selon les prévisions réactualisées, le déficit devrait s’élever à 12,8 milliards. En 2016, la situation devrait significativement s’améliorer, avec un déficit cumulé du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse ramené à 9,7 milliards d’euros. Madame la ministre, vous auriez pu vous targuer du fait que, par rapport à son niveau de 2011, le déficit devait être en baisse de 40 % en 2015 et de 50 % en 2016.

La situation du Fonds de solidarité vieillesse est en revanche quasi stable ; son déficit devrait atteindre 3,7 milliards en 2016. Les charges du Fonds tendent en effet à s’accroître mécaniquement en période de crise économique, puisque celui-ci a, en substance, vocation à se substituer aux régimes « assurantiels » de retraite pour le financement des prestations correspondant aux périodes sans cotisations, et notamment les périodes de chômage.

Ces perspectives reposent sur l’hypothèse d’une croissance du produit intérieur brut en hausse, qui passerait de 1 % en 2015 à 1,5 % en 2016. Parallèlement, la masse salariale du secteur privé, qui constitue l’assiette principale des recettes des organismes de Sécurité sociale, croîtrait davantage en 2016 – de 2,8 % – qu’en 2015, où elle devrait s’élever à 1,7 %. La reprise attendue de la croissance repose elle-même sur des hypothèses d’inflation faible à modérée – 0,1 % en 2015, 1 % en 2016. Cette faible inflation, associée à la réduction de l’impôt sur le revenu des plus modestes prévue par le projet de loi de finances, concourt à l’augmentation du pouvoir d’achat des ménages.

Le retour à l’équilibre des comptes de la Sécurité sociale, initialement envisagé dès 2017, a dû être repoussé du fait de la mauvaise conjoncture économique des dernières années ; selon les estimations du dernier rapport de la Commission des comptes de la Sécurité sociale, cet équilibre pourrait être atteint en 2020 ou 2021, vingt ans après la dernière année d’équilibre, qui n’était autre que 2001. Néanmoins, les régimes obligatoires de base devraient être excédentaires dès 2019 ; seul le déficit persistant du Fonds de solidarité vieillesse, estimé à 2,8 milliards d’euros, empêcherait le retour à l’équilibre de l’ensemble des comptes dès cette date.

S’agissant de 2016, et conformément à l’engagement présidentiel de stabilisation du taux de prélèvements obligatoires, l’essentiel de l’effort portera sur les dépenses. C’est principalement l’assurance maladie qui sera mise à contribution : l’ONDAM est en effet fixé à 1,75 %, alors que les dépenses progresseraient mécaniquement de 3,6 % si les efforts nécessaires n’étaient pas engagés.

Mais responsabilité ne rime pas avec austérité. Ce projet de loi marque au contraire la mise en oeuvre de la deuxième phase du pacte de responsabilité et de solidarité, après les premières mesures adoptées dans la loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, dès août 2014. Nous en sommes à la deuxième phase, qui doit redonner des perspectives de croissance à nos entreprises, et donc des perspectives d’emploi à nos concitoyens.

D’une part, l’article 7 de ce projet de loi élargit l’assiette de la réduction de 1,8 point des cotisations familiales aux salaires compris entre 1,6 et 3,5 fois le SMIC. Il s’agit de dynamiser la compétitivité de celles de nos entreprises qui sont les plus exposées à la concurrence internationale.

D’autre part, l’article 8 poursuit la suppression progressive de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, en portant l’abattement sur le chiffre d’affaires de 3,25 à 19 millions d’euros : sont concernées non seulement les PME, qui n’étaient pas encore totalement exonérées, mais aussi les entreprises de taille intermédiaire, dont il faut faciliter la croissance.

Ces mesures ne recueillent pas l’assentiment de tous, y compris au sein de la majorité. Nous aurons donc une nouvelle fois l’occasion d’en débattre, lors de l’examen des amendements.

Ces dispositions engendrent des pertes de recettes pour les organismes de Sécurité sociale. Je rappelle, après M. le secrétaire d’État, que ces pertes sont intégralement compensées par le projet de loi de finances pour 2016 : le budget de l’État financera à l’avenir des dépenses aujourd’hui assumées par la branche famille, essentiellement l’allocation de logement familiale. Cette compensation appelle des réaffectations de recettes au sein de la Sécurité sociale, pour éviter que la branche famille ne soit – j’emploie des guillemets – « gagnante » au détriment des autres branches et organismes qui, eux, seraient « perdants ». L’article 15 procède à ces transferts, dont la complexité est manifeste : dans le rapport de la commission, un schéma essaie d’en rendre compte.

La responsabilité, c’est aussi, bien évidemment, le respect du droit. À cet égard, ce même article 15 tire les conséquences de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne – l’arrêt « de Ruyter » –, en application de laquelle des prélèvements sociaux acquittés par des personnes affiliées à un régime de Sécurité sociale dans un autre État membre ne sauraient être affectés au financement de prestations contributives, qui relèvent d’une logique d’assurance. J’aurai l’occasion de le répéter plusieurs fois en réponse à des amendements déposés sur ce sujet : contrairement à ce que certains semblent croire, cette décision ne nous oblige pas à revenir sur la décision que nous avons prise en début de mandat, consistant à assujettir les non-résidents aux prélèvements sociaux sur les revenus du capital. C’est là une mesure de justice.

Ce PLFSS contribue aussi au « choc de simplification » annoncé par le Président de la République en mars 2013 : l’article 57 opère une refonte des dates et méthodes de revalorisation de certaines prestations sociales, en cohérence avec l’article 33 du projet de loi de finances, de façon à les rendre plus lisibles pour les assurés. Ceux-ci seront mieux à même de comprendre l’évolution du montant de leurs prestations par rapport à celle de l’inflation constatée – et non plus prévisionnelle.

La responsabilité appelle également la proportionnalité des sanctions aux infractions, qui consolide la confiance que les cotisants placent dans le système de protection sociale. À cet égard, l’article 11 met fin à une situation injuste, dans laquelle une simple erreur administrative aboutissait à assujettir aux cotisations sociales l’ensemble du financement par l’employeur d’un régime de protection sociale complémentaire, financement en principe exonéré. Cet article s’inspire du rapport que nos collègues Marc Goua et Bernard Gérard ont remis au Gouvernement en qualité de parlementaires en mission sur l’amélioration des relations entre les URSSAF et les cotisants. Nos deux collègues ont déposé une série d’amendements sur la base de ce rapport. La commission en a accepté deux, pour prévoir notamment que les avertissements et mises en demeure adressés aux employeurs et aux travailleurs indépendants dans le cadre des procédures de recouvrement doivent être précis et motivés.

Agir en responsabilité, c’est aussi savoir saisir les opportunités, comme nous le faisons ici en matière de désendettement. La Caisse d’amortissement de la dette sociale – CADES – doit reprendre à l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale, l’ACOSS, 62 milliards d’euros de déficits cumulés des années 2011 à 2017. Cette reprise devant se faire dans la limite de 10 milliards d’euros par an, ce sont 23,6 milliards qui restent à reprendre.

Compte tenu du niveau historiquement faible des taux d’intérêt, l’article 17 de ce PLFSS propose de faire reprendre la totalité de ces 23,6 milliards en 2016, ce qui permettra à la CADES, qui emprunte sur les marchés pour reprendre les déficits à l’ACOSS, de le faire dans de très bonnes conditions, qu’il serait hasardeux de considérer comme pérennes. Sur mon initiative, la commission a adopté un amendement mettant en cohérence avec les dispositions de cet article le calendrier de reprise de dette par la CADES.

Être responsable, c’est enfin être lucide : l’anticipation de reprise de dette par la CADES, qui est une très bonne idée dans le contexte actuel, n’a pas vocation à solutionner la question de la reprise des déficits postérieurs à 2015, qui devra bien trouver une réponse dans un prochain texte.

L’examen en séance publique sera l’occasion de discuter de nombreux sujets.

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