La conséquence de ce déficit est une dette sociale astronomique, de 170 milliards d’euros, soit 13 points de PIB, que les Français amortissent chaque mois, avec 0,5 point de contribution pour le remboursement de la dette sociale – CRDS – et 0,2 point de contribution sociale généralisée – CGS. Nous en avons amorti 100 milliards d’euros, ce qui – ne l’oublions pas – nous a coûté dans le même temps 45 milliards d’euros d’intérêts. Voilà qui justifie l’effort qui doit être fait à la fois pour redresser au plus vite les comptes et pour amortir cette dette.
Cette dette, vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, doit pouvoir être amortie en 2024. Je rappelle qu’à la création de la Caisse d’amortissement de la dette sociale – CADES –, la dette sociale devait être amortie en 2009. Cet objectif serait donc atteint quinze ans plus tard. Sur ce point, nous devons faire preuve de responsabilité collective, afin de poursuivre dans le même sens.
Ce sens, nous y allons. Je rappelle, là aussi, les chiffres car, dans ce débat, le sujet pourtant essentiel de la réduction des déficits est contesté. Le déficit du régime général s’élevait à 17 milliards d’euros en 2011 ; il atteint 9 milliards d’euros cette année et sera de 6 milliards d’euros en 2016. Le régime général sera à l’équilibre en 2019, avec une branche vieillesse à l’équilibre dès 2016, une branche famille à l’équilibre en 2018 et une branche maladie au quasi-équilibre en 2019.
C’est bien là une rupture avec les politiques du passé, celle des vingt-cinq ans dont j’ai parlé, celle des deux derniers quinquennats. On a laissé filer les déficits avec, probablement, des projets de lois de finances bâtis sur des hypothèses économiques un peu hasardeuses, en tout cas qui ne se sont jamais vérifiées et qui ont effectivement permis de déporter des mesures d’ajustement. En outre, cette rupture avec les politiques du passé s’est soldée par des reculs plus que par des avancées.
Les résultats que j’évoque ne sont pas tombés du ciel : ils sont le résultat de choix politiques forts et courageux. Vous les avez rappelés, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, comme mes chers collègues rapporteurs pour chacune des branches. La politique familiale a été réaffirmée : c’est, je le rappelle, parce que nous avons recentré certaines prestations qu’elle reviendra à l’équilibre. Nous avons aussi plafonné le quotient familial. Toutefois, contrairement à ce qu’affirme parfois la droite de cet hémicycle, nous l’avons plafonné pour transférer 1 milliard d’euros à la Caisse nationale d’allocations familiales et lui permettre de retrouver l’équilibre. Nous avons donc mené une politique de solidarité entre les familles en préservant la politique familiale.
Cela est également vrai des régimes de retraite, qui ont été confortés et sauvegardés. Depuis le Livre blanc sur les retraites de Michel Rocard, auquel j’avais eu l’honneur de contribuer largement, certaines mesures ont été prises, s’agissant notamment des recettes. Sans elles, l’équilibre que vous prétendiez obtenir n’aurait pas été atteint. Nous avons aussi pris des mesures de régulation, qui ont été évoquées par Michel Issindou. Ainsi, nous nous sommes inscrits dans une trajectoire d’équilibre. C’est un message important : nul n’a intérêt à laisser croire aux Françaises et aux Français que cet équilibre ne pourra pas être durablement atteint.
Quant à l’évolution des dépenses de santé – sans doute l’un des dossiers les plus difficiles –, elle est contenue. On connaît la dynamique de cette évolution, une dynamique de demande liée au vieillissement, mais aussi à l’augmentation de la population française : on oublie parfois que les Français sont chaque jour plus nombreux et coûtent donc de plus en plus cher à soigner. Du côté de l’offre, des problèmes redoutables doivent être réglés, tels ceux liés à l’innovation ou à la démographie médicale.
En tout état de cause, la commission des finances constate que les objectifs nationaux des dépenses d’assurance maladie – ONDAM – n’ont jamais été aussi bas ni aussi bien respectés. Contenir la progression des dépenses de santé à 2 ou 3 % représente un effort important, qui doit être poursuivi dans la durée. Nous avons fait ces choix qui, nous le verrons, sont contestés.
Les résultats obtenus depuis 2012 nous permettent d’envisager l’avenir avec optimisme, tout en nous imposant une vigilance de tous les instants sur trois points.
S’agissant des régimes de retraite, les instruments de pilotage sont en place. Le mouvement d’augmentation progressif de l’âge effectif de départ à la retraite, en relation avec l’accroissement de l’espérance de vie, l’est aussi, mais, contrairement à vous, chers collègues de l’opposition, nous n’en faisons pas une obligation : comme le Président de la République le rappelait hier encore, nous renvoyons au libre choix – et je crois que c’est une bonne chose. Sur ces questions, la pédagogie commence à porter ses fruits, l’accord de principe des partenaires sociaux sur les régimes complémentaires le montre.
Une seule question reste en suspens, monsieur le secrétaire d’État : celle du déficit structurel du Fonds de solidarité vieillesse – FSV. On en connaît le principal motif : le chômage élevé ; mais il y en a un autre, c’est que le FSV manque de recettes annuelles. Il nous faudra régler cela, en sus de la question de l’équilibre des régimes de retraite.
En ce qui concerne l’assurance maladie, j’en connais comme vous les tendances lourdes et, comme vous, je pense que c’est une impasse que de penser que le règlement du problème passerait par un déremboursement, qui provoquerait tout au plus un transfert vers des complémentaires, mais n’améliorerait en rien la maîtrise des dépenses de santé et aboutirait probablement à de fortes inégalités devant les soins. La situation est tendue dans le monde hospitalier, monsieur le secrétaire d’État, et il faut s’y montrer attentif. C’est pourquoi nous devons poursuivre, en concertation avec les professions de santé, le travail sur les soins de ville, avec une conviction simple : il ne peut y avoir de liberté pour la médecine de ville sans responsabilité des professionnels, qui doivent apprendre à maîtriser ces tendances.
Troisième sujet de préoccupation : la gestion de la dette sociale. Très justement, on prévoit cette année une anticipation de la reprise de la dette par la CADES ; il restera, le moment venu – mais ce sera bien plus tard –, à gérer le résiduel de dette jusqu’au moment où l’on retournera à l’équilibre, en 2019.