Intervention de Bernard Accoyer

Séance en hémicycle du 20 octobre 2015 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Accoyer :

M. le rapporteur nous a expliqué en commission qu’il avait lui-même du mal à cerner les tenants et les aboutissants des tuyauteries sociales ainsi mises en place. Ce qui est certain, c’est que cet article contient des dispositions cherchant à contourner plusieurs décisions prises par la Cour de justice de l’Union européenne et par le Conseil d’État au sujet de l’imposition des non-résidents ayant des biens immobiliers en France. La solution proposée par le Gouvernement tombera à nouveau – c’est une question de temps – sous le coup de la justice communautaire, tandis que ces dispositions constituent une véritable incitation à désinvestir en France.

La transformation de la CSG en impôt que prévoit cet article est surtout prémonitoire de sa fusion avec l’impôt sur le revenu à laquelle le Gouvernement rêve, et dont les familles moyennes seraient, une nouvelle fois, les premières victimes. Nul doute que le Conseil constitutionnel devra se prononcer sur les articles 15 et 17, mais aussi 20 et 39, au regard du principe de clarté et lisibilité de la loi.

Le dogmatisme et l’idéologie marquent ce PLFSS. Plutôt que de réformer notre système de soins, vous préférez, une fois de plus, faire de l’industrie du médicament un bouc émissaire : c’est pourquoi vous choisissez de stigmatiser l’hospitalisation privée ou d’alourdir toujours plus, année après année, les charges pesant sur les entreprises. Le Gouvernement prétend faire de l’industrie bio-pharmaceutique « un des axes majeurs de la nouvelle France industrielle ». Vos actes contredisent en permanence ces belles promesses : ce PLFSS le prouve une nouvelle fois. Cette année encore, le médicament supporte 50 % des efforts d’économies, à hauteur de 1,75 milliard d’euros, alors qu’il ne représente que 15 % des dépenses de l’assurance maladie.

Vous avez affirmé tout à l’heure, madame la ministre, n’avoir procédé à aucun déremboursement. C’est faux : le 16 janvier 2015, par arrêté, vous avez décidé vous-même du déremboursement des médicaments anti-arthrosiques d’action lente, laissant 10 millions de patients atteints d’arthrose sans alternative thérapeutique. Les Français méritent un discours de vérité ! De plus, ce faisant, vous aggraverez les dépenses de prise en charge de l’arthrose soit par des médicaments substitutifs plus chers, ou dont les effets secondaires sont dangereux, notamment pour les personnes âgées qui sont les plus concernées, soit par le recours à la chirurgie par prothèse dont vous connaissez vous aussi les coûts et les conséquences.

Pour la deuxième année consécutive, vous fixez un objectif de croissance négatif pour le chiffre d’affaires de l’industrie pharmaceutique. La clause de sauvegarde, appelée « taux L », est ainsi fixée à - 1 %. Vous reniez ainsi l’engagement pris l’année passée de revenir à un taux de 0 % en 2016. Pire, en appliquant un mécanisme de calcul pernicieux à cette clause, vous avez créé un système pervers dans lequel, en cas de dépassement, l’industrie paierait une taxe toujours plus chère d’année en année. Depuis 2012, le montant des prélèvements spécifiques sur le médicament a augmenté de près de 50 %, pour un montant cumulé de 5,5 milliards d’euros, alors que son chiffre d’affaires n’a cessé de diminuer.

Résultat de ce matraquage irresponsable : l’un des fleurons de l’industrie française est en grand danger. En trois ans, les investissements sur site de production en France ont chuté de 120 millions d’euros. La balance commerciale du médicament a chuté de 30 % sur une année. Pour la première fois depuis dix ans, l’emploi dans le secteur est repassé sous la barre des 100 000 salariés. Enfin, entre 2012 et 2014, sur cent trente molécules enregistrées à l’Agence médicale européenne, huit seront produites en France, contre vingt-huit au Royaume-Uni et trente-deux en Allemagne. Ce quinquennat aura été ainsi marqué par le sacrifice de l’une des fiertés nationales, l’industrie du médicament, pourtant porteuse d’avenir, d’innovation et de nombreux emplois.

L’industrie de la santé n’est pas la seule victime de votre acharnement, de votre logique arbitraire. Le maillage officinal de notre pays est en danger. Les officines sont frappées par les baisses de prix successives et des honoraires contreproductifs. Une officine ferme tous les deux jours, et de plus en plus de pharmaciens sont au chômage – 8 % aujourd’hui. Ces deux dernières années, le chiffre d’affaires des officines est en nette décroissance. Les grossistes répartiteurs, chers à Mme la présidente de la commission des affaires sociales, qui sont des acteurs indispensables dans la distribution des médicaments, sont également victimes des politiques des réductions tarifaires du Gouvernement. Ils sont menacés.

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