Intervention de Anne-Marie Escoffier

Séance en hémicycle du 19 décembre 2012 à 21h30
Représentation communale dans les communautés de communes et d'agglomération — Présentation

Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation :

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, j'interviens devant vous, ce soir, au nom du ministre de l'intérieur, Manuel Valls, qui m'a demandé de vous transmettre ses regrets de ne pouvoir être parmi vous aujourd'hui. Il accompagne en effet le Président de la République dans son déplacement en Algérie. En même temps, permettez-moi de vous dire le plaisir qui est le mien d'être ici auprès de vous, car en tant que ministre chargée de la décentralisation, il va de soi que c'est un sujet qui est tout à fait concordant.

Depuis l'origine, le Gouvernement et le ministre de l'intérieur ont accueilli favorablement l'initiative sénatoriale qui nous réunit aujourd'hui. L'intercommunalité est un sujet essentiel pour l'avenir de nos territoires et l'achèvement de la carte intercommunale est une absolue priorité. Il est dès lors important, lorsque cela est possible, d'introduire la souplesse nécessaire pour que ce processus se déroule dans la sérénité. C'est l'objectif de cette proposition de loi.

En matière d'intercommunalité, la volonté du Gouvernement est très claire : plus aucune commune ne doit rester isolée sur notre territoire. Le Premier ministre a rappelé cet objectif lors de sa première réunion avec les préfets le 5 juillet dernier. Le ministre de l'intérieur a eu l'occasion de le faire, dans les mêmes circonstances et avec la même conviction.

Le fait intercommunal est devenu une réalité concrète pour la plupart de nos concitoyens ; il doit l'être pour tous. Le mouvement de rationalisation de la carte intercommunale doit donc être poursuivi, sans ambiguïté. C'est en effet un gage d'une plus grande cohérence et efficacité des politiques publiques, de solidarité entre les territoires. L'enjeu est immense : il s'agit de parachever ce qui sera le cadre de la gouvernance de nos territoires pour les dix ans, les vingt ans à venir.

C'est pourquoi il a été demandé aux préfets de faire aboutir, avant la fin de l'année 2012, les projets qui réunissent les conditions d'acceptabilité requises, en prenant dès que possible les arrêtés de périmètre correspondants.

Néanmoins, depuis le début de la législature, la politique gouvernementale en la matière repose sur une autre conviction forte : l'achèvement de l'intercommunalité et son développement ne se feront pas contre les élus locaux. Le ministre de l'intérieur l'a rappelé aux préfets, Marylise Lebranchu et moi-même l'avons dit aussi : pour réussir l'intercommunalité, il faut faire preuve de souplesse et prendre en compte les réalités du terrain.

Après la réforme territoriale, de nombreux élus locaux ont exprimé des incompréhensions et des inquiétudes ; le Gouvernement les entend. Il nous faut répondre à ces attentes légitimes, faciliter la transition. C'était l'objectif de la proposition de loi dite Sueur-Pélissard, adoptée le 29 février dernier. C'est également l'objectif de ce texte.

Les initiatives parlementaires doivent être écoutées : lorsqu'elles sont de bon sens, comme celle que nous examinons aujourd'hui, elles doivent vivre et prospérer. Ce rôle d'alerte et d'initiative du Parlement est particulièrement important pour ce qui concerne les collectivités territoriales.

L'auteur de la proposition de loi, Alain Richard, s'est fait l'écho de préoccupations légitimes des élus locaux et ce texte s'inscrit, je crois, dans ce processus de dialogue et d'écoute que le Gouvernement a engagé.

Je l'ai rappelé : le Gouvernement veille à garantir l'efficacité, l'effectivité, avec laquelle la rénovation de la carte intercommunale est menée à bien. Mais il entend aussi faciliter au maximum ce processus.

Dans ce cadre, il apparaît nécessaire de mettre en oeuvre des mesures transitoires, qui rendent moins brutale l'application des nouvelles règles de gouvernance des intercommunalités.

En effet, la loi de 2010 instaure des plafonds très stricts pour le nombre de représentants des communes au sein des conseils communautaires, notamment pour les communautés de communes et d'agglomération. De ce fait, de très nombreuses communes ne disposeront plus, désormais, que d'un seul conseiller communautaire. Ce problème se pose, avant le renouvellement municipal de 2014, notamment pour les communautés nouvelles, issues d'une création ou d'une fusion de communautés antérieures. Concrètement, ces nouvelles règles de représentation des communes bouleversent les habitudes de fonctionnement de ces EPCI et ne permettent pas toujours de prévoir une représentation politique qui reflète le poids démographique des communes.

Le cadre imposé par la loi laisse peu de place à l'accord local et ne fait pas confiance à « l'intelligence territoriale ».

Il en va de même pour le nombre de vice-présidents, qui a lui aussi été plafonné de façon très rigoureuse, puisque le plafond traditionnel, qui était de 30 % de l'effectif de l'assemblée communautaire, a été réduit d'un tiers, à 20 %, avec, en plus, un plafond en nombre absolu fixé à quinze. Alors que les périmètres intercommunaux s'étendent, de nombreuses communes, qui disposaient jusqu'alors d'un vice-président, en sont désormais privées.

Ces deux sujets – le nombre de délégués communautaires et le nombre de vice-présidents – avaient été évoqués lors des débats qui ont abouti à l'adoption de la loi Sueur-Pélissard. Le souhait de trouver un accord politique large avait conduit à les laisser en suspens. Pour autant, la nécessité de donner aux communautés une marge d'adaptation avant les échéances de 2014 se fait toujours sentir. Le présent texte propose que les communes membres puissent, à la majorité qualifiée, se doter de 25 % de délégués communautaires supplémentaires, en sus du nombre défini par le tableau. De même, le bureau de la communauté pourrait compter 30 % de vice-présidents supplémentaires, dans le strict respect du seuil de quinze vice-présidents fixé par la loi de 2010.

Le travail accompli en séance publique au Sénat a permis d'éclaircir un certain nombre de points. Le texte a fait l'objet d'un quasi-consensus, et j'espère qu'il en sera de même dans votre assemblée. Je le sais, la question de l'intercommunalité est une préoccupation partagée sur l'ensemble de ces bancs et nous avons collectivement intérêt à favoriser l'achèvement de la carte intercommunale. En ce sens, le Gouvernement estime que le texte issu de votre commission des lois offre un compromis très satisfaisant sur quatre points qui me paraissent mériter d'être soulignés.

Premièrement, la portée de ce texte doit être strictement limitée à son objectif initial. Je suis consciente du fait que les inquiétudes liées à l'intercommunalité dépassent largement les points traités par cette proposition. Mais il ne s'agit ici que de définir des dispositions transitoires et, en aucun cas, d'engager une nouvelle réforme d'ampleur de l'intercommunalité. C'est pourquoi le Sénat s'est attaché à maintenir cet objectif limité, mais essentiel. Je sais que cette préoccupation est également celle de votre rapporteure et de votre commission des lois. Nous verrons au cours des débats si certaines dispositions annexes doivent être supprimées ; je pense notamment à l'amendement de suppression de l'article 4 déposé par Mme Appéré. C'est cette même volonté qui conduira le Gouvernement à s'opposer à des amendements qui s'éloigneraient du champ initial du texte.

Deuxièmement, les dispositions de ce texte doivent être applicables pour autant qu'elles font l'objet d'une volonté partagée par les communes. Tel sera le cas, puisque l'augmentation du nombre de délégués et celle du nombre de vice-présidents ne seront possibles qu'après accord amiable. Pour les communautés dans lesquelles cet accord n'aura pas été possible, le tableau prévu par la loi de 2010 s'appliquera.

Troisièmement, la hausse du nombre d'élus doit être limitée. Sur ce point, je salue le travail que vous avez accompli, madame la rapporteure. Les amendements adoptés par la commission des lois permettent en effet de lever les doutes qui pouvaient subsister autour de la rédaction issue du Sénat. L'accord amiable ne pourra donc porter que sur 25 % de sièges supplémentaires. Pour le nombre de vice-présidents, l'équilibre trouvé par le Sénat – une possible augmentation de 30 %, dans le respect du seuil de 15 % – a été conservé.

Quatrièmement, enfin, dans cette période de très forte contrainte budgétaire, nos concitoyens ne comprendraient pas que cette proposition de loi se traduise par une hausse des dépenses. Dès l'origine, la volonté d'Alain Richard et des sénateurs était qu'une marge de liberté soit accordée aux communes à enveloppe constante. Là encore, vous avez, madame la rapporteure, apporté des précisions nécessaires, notamment avec la définition d'une enveloppe indemnitaire globale.

Pour conclure, j'estime que ce texte sera utile. Il permettra, dans certains cas, de faciliter le processus de fusion de communautés de communes ou d'agglomération. L'intercommunalité prend, je le répète, une place grandissante dans la vie quotidienne des citoyens. Pour cette raison, les conseils communautaires doivent être représentatifs des communes qui composent l'intercommunalité ; c'est l'objet même de ce texte. Nous en sommes tous conscients ici : les Français demeurent extrêmement attachés à l'échelon communal et à la figure du maire. Cet échelon doit être préservé, et l'intercommunalité ne doit pas laisser penser à un effacement de la commune.

Les conseils communautaires doivent, de plus en plus, être aussi représentatifs de la société, et ce sera l'objet de l'élection des délégués au suffrage universel direct. Les EPCI ont acquis une existence concrète pour nos concitoyens, par leurs réalisations ainsi que par leur présence quotidienne. Cette réalité des politiques publiques doit devenir une réalité démocratique

Vous savez que cette nécessaire étape de démocratisation fait l'objet de deux projets de loi – un projet de loi organique et un projet de loi ordinaire – qui seront discutés devant le Sénat dès janvier puis, très rapidement, devant votre assemblée. Ces textes reprennent, bien entendu, les priorités en matière d'intercommunalité fixées par le Président de la République lors de son allocution devant les états généraux de la démocratie territoriale le 5 octobre dernier.

Le Président de la République a été clair : les délégués communautaires seront désormais élus le même jour que les conseillers municipaux, par un même vote. Ce système de fléchage permet de préserver toute la lisibilité du mode de scrutin : un vote unique garantit la légitimité communale, tout en dotant les EPCI d'élus clairement identifiés.

Bien sûr, cette démocratisation n'est qu'une première étape. À mesure que le phénomène intercommunal s'approfondira, le besoin de démocratie dans le bloc communal – communes et intercommunalité – continuera à croître. C'est une condition essentielle pour que perdure le dynamisme de notre démocratie locale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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