Permettez-moi tout d'abord de me féliciter de l'effort consenti par le Gouvernement en faveur des programmes 150 et 231 de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » dans un contexte de hausse significative des flux de nouveaux étudiants. Je me félicite que le Gouvernement ait décidé de porter l'augmentation globale des moyens de l'enseignement supérieur à 165 millions d'euros, tout comme je me félicite que ce budget respecte la priorité donnée par la présente majorité à la réussite des étudiants, à la dynamique de site impulsée par la loi du 22 juillet 2013 et à l'accompagnement efficace des établissements.
J'ai souhaité consacrer la partie thématique de mon rapport à la question du patrimoine immobilier des universités, l'un des principaux enjeux pour notre enseignement supérieur dans les prochaines années. Le sujet ayant aussi été abordé par le rapporteur spécial, j'apporterai ici un éclairage complémentaire.
L'augmentation des flux d'étudiants, qui dénote une appétence croissante des bacheliers pour l'enseignement supérieur et crédibilise notre objectif d'élever la proportion de diplômés de l'enseignement supérieur au sein d'une classe d'âge, en la faisant passer de 40 % à 60 % d'ici à 2025, constitue un réel motif de satisfaction. Avec cette nouvelle étape de la massification, par ailleurs défi pédagogique considérable, se pose la question de la capacité d'accueil physique des établissements. Fort de 18,5 millions de mètres carrés, le patrimoine immobilier des universités paraît largement suffisant pour accueillir la totalité des effectifs, mais sa qualité, sa répartition sur le territoire et son entretien sont très inégaux. Selon des estimations dont on ne peut que déplorer la fragilité puisqu'elles ne reposent que sur les données déclaratives des universités, 12 % du patrimoine universitaire nécessiteraient une réhabilitation complète et 27 % des travaux lourds de remise à niveau. Le fonctionnement et l'entretien de ces bâtiments représentent donc des charges financières très lourdes, qu'aggraveront encore les retards depuis des décennies. Cela nécessitera des efforts budgétaires substantiels de la part des pouvoirs publics.
Au-delà des investissements qui devront être consentis, l'objectif de disposer d'un patrimoine immobilier moderne, fonctionnel et adapté aux nouvelles formes de pédagogie ne pourra être atteint que si les universités elles-mêmes progressent sensiblement dans la gestion de leur parc et dégagent d'importantes marges d'économies. En effet, pendant des décennies, elles se sont trop peu préoccupées de cette question, mais, sous l'impulsion de l'État, une réelle prise de conscience a lieu depuis quelques années. Ainsi, toutes les universités ont nommé un vice-président chargé de l'immobilier et se sont dotées de schémas pluriannuels de stratégie immobilière. Ces progrès n'en restent pas moins très inégaux et souvent parcellaires – j'ai pu le constater lors des auditions que j'ai menées.
On peut également déplorer que les indispensables réflexions préalables sur l'évolution des modèles pédagogiques soient encore trop peu engagées dans nos universités. Je pense évidemment au défi de la dématérialisation de la formation. Contrairement aux préjugés, la dématérialisation n'implique pas la disparition des cours présentiels, mais elle encourage sans ambiguïté une véritable révolution des usages, encore beaucoup trop peu anticipée. Dès lors, il est indispensable de s'inscrire dans une perspective de moyen terme et d'élaborer une stratégie globale, qui permette de conforter les ressources que les universités peuvent consacrer à l'entretien de leur patrimoine.
Outre la dotation globale et les CPER, opportunément recentrés sur les réhabilitations, se pose évidemment la question de la dévolution du patrimoine. L'expérimentation menée par les universités de Clermont 1, Toulouse 1 et Poitiers paraît, à ce stade, très prometteuse, les équipes universitaires s'étant manifestement emparées avec professionnalisme de ces nouvelles missions. Cependant, son extension ne pourra se faire que progressivement étant donné les coûts que cela représente pour les finances publiques. Je suggère donc une logique à la fois progressive et vertueuse encourageant les universités à rationaliser et mutualiser leurs pôles immobiliers, les prochaines dévolutions étant réservées aux seules COMUE qui auraient préalablement fourni les indispensables efforts de mutualisation. Dans le même esprit, l'accès aux crédits du PIA 3, que j'appelle de mes voeux dans le rapport, pourrait être lié à la dévolution et traduire, via un apport en capital par exemple, la volonté d'aller vers un transfert à moyen terme et d'accompagner ainsi ce changement de modèle.
Enfin, il faut encourager les universités à faire preuve d'initiative et de créativité pour dégager de plus amples ressources propres, notamment en tirant partie de leur vaste patrimoine pour procéder à des locations temporaires, à des congrès ou à des summer schools, et surtout en s'engageant avec force et conviction dans la mission exaltante de la formation professionnelle. Ainsi participerait-elle pleinement à l'objectif d'élévation du niveau de formation de notre société.
Je suis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement », sous réserve de l'adoption de l'amendement du Gouvernement qui conforte les 100 millions d'euros du programme 150.