commission élargie
(Application de l'article 120 du Règlement)
Mercredi 21 octobre 2015
Présidence de M. Pierre-Alain Muet, vice-président de la Commission des finances, de Mme Frédérique Massat, présidente de la Commission des affaires écononomiques, de M. Patrick Bloche, président de la Commission des affaires culturelles et de l'éducation, et de M. Christophe Bouillon, vice-président de la Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
La réunion de la commission élargie commence à neuf heures cinq.
projet de loi de finances pour 2016
Recherche et enseignement supérieur
Mme Frédérique Massat, présidente de la commission des affaires économiques, M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, M. Christophe Bouillon, vice-président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, et moi-même sommes heureux d'accueillir Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, et M. le secrétaire d'État chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Nous sommes réunis en commission élargie afin d'examiner les crédits du projet de loi de finances pour 2016 consacrés à la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Je vous rappelle que, lors de sa réunion du 7 juillet dernier, la Conférence des présidents a reconduit à l'identique les modalités d'organisation de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances. Nous donnerons donc d'abord la parole aux rapporteurs des commissions, qui interviendront pour une durée de cinq minutes. Ensuite, nous entendrons la réponse de Mme la ministre et M. le secrétaire d'État. Puis s'exprimeront, pour deux minutes chacun, les porte-parole des groupes, ainsi que tous les députés qui le souhaitent.
Je précise que nous commencerons par entendre les deux rapporteurs sur l'enseignement supérieur, afin que Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche puisse leur répondre avant de se rendre au conseil des ministres. Nous continuerons ensuite notre discussion en présence de M. le secrétaire d'État.
Cette commission élargie consacrée à l'examen des crédits de la recherche et de l'enseignement supérieur, est la première à laquelle participe, cette année, la commission des affaires économiques. Nous commençons donc avec un beau sujet – M. Franck Reynier est notre rapporteur pour avis pour les grands organismes de recherche.
Dans le cadre de ce projet de loi de finances pour 2016, les crédits dédiés à la recherche d'un montant de 7,71 milliards d'euros sont maintenus, ce qui est louable dans un contexte budgétaire fortement contraint.
Je rappellerai simplement qu'il existe un lien évident entre développement durable, aménagement du territoire et recherche. D'ailleurs, la recherche figure en bonne place dans la loi relative à la croissance énergétique pour la croissance verte. Plus de recherche peut effectivement permettre, dans ce domaine, comme dans d'autres, d'atteindre les objectifs fixés. De même, la fine connaissance des ressources que permet la recherche peut permettre d'accompagner le tout aussi formidable mouvement lancé par la loi pour la reconquête de la biodiversité.
L'exercice auquel nous nous livrons ce matin nous offre permet d'examiner comment s'articulent les moyens, substantiels, de la mission « Recherche et enseignement supérieur » et les objectifs que nous nous sommes donnés.
Pour la deuxième fois, j'ai le plaisir d'être le rapporteur spécial d'un budget qui comprend le programme 150, relatif aux formations supérieures et à la recherche universitaire, et le programme 231, relatif à la vie étudiante. Avec 15,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 15,3 milliards d'euros en crédits de paiement, ce budget confirme la priorité donnée par la majorité à l'enseignement supérieur. En effet, malgré les contraintes budgétaires que nous connaissons tous, les autorisations d'engagement progressent de 1,6 % et les crédits de paiement sont préservés. Le Gouvernement nous proposera en outre un amendement majorant les crédits du programme 150 de 100 millions d'euros.
La rentrée universitaire 2015-2016 s'est caractérisée, pour la septième année consécutive, par une augmentation substantielle du nombre d'étudiants : environ 40 000 étudiants supplémentaires, si l'on fait abstraction des inscriptions à l'université des élèves des classes préparatoires aux grandes écoles. Depuis quelques années, cette augmentation des effectifs étudiants concerne en premier lieu l'enseignement public, qui relève du programme 150, et non plus l'enseignement privé – cela avait longtemps été le cas. Compte tenu de la pyramide des âges de notre pays, il y a tout lieu de penser que ce phénomène se poursuivra au cours des prochaines années. C'est à la fois une chance et un défi pour notre pays. Comment l'appréhendez-vous, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État ? Et comment concilier cette évolution démographique avec nos ambitions pour l'enseignement supérieur, formalisées par la stratégie nationale de l'enseignement supérieure (StraNES), et les contraintes budgétaires qui s'imposent à nous ?
La hausse des effectifs ne rend la question de la gestion du patrimoine immobilier que plus cruciale. Je me suis intéressé plus spécifiquement à la dévolution du patrimoine, qui n'a pour l'instant été accordée qu'à trois universités à titre expérimental. Aboutissement logique de l'autonomie des universités, la dévolution me paraît vertueuse, en ce qu'elle responsabilise les établissements et leur donne plus de visibilité à moyen et long terme. En outre, la possibilité de recueillir, en cas de vente, l'intégralité des produits de cession les incite en outre à rationaliser leur parc immobilier.
Si le coût élevé d'une généralisation du processus de dévolution la rend impossible à court terme, vous paraîtrait-il envisageable, en attendant, de permettre aux universités de bénéficier, en cas de cession, d'une part plus importante, voire de l'intégralité, du produit de la vente des biens immobiliers qui leur sont affectés ? Cela inciterait à la réduction des surfaces et donnerait aux établissements quelques ressources supplémentaires pour l'entretien de leur parc.
Le Président de la République a annoncé un troisième volet du programme d'investissements d'avenir (PIA). Quel rôle le PIA pourrait-il jouer pour l'enseignement supérieur ? Peut-on envisager qu'il soit utilisé pour reprendre la dévolution de leur patrimoine aux universités volontaires ?
Les premières communautés d'universités et d'établissements (COMUE) ont été créées le 1er janvier 2015 et leurs instances se sont mises en place progressivement au printemps. Pouvez-vous nous préciser les modalités de la montée en charge de ces COMUE et quelles compétences leur sont le plus souvent transférées par les établissements membres ?
Au sein des COMUE, l'Université Paris-Saclay (UPS) se distingue par son envergure, par la renommée des établissements qui la composent et par les financements extrabudgétaires dont elle bénéficie. Il s'agit de créer une grande université capable de figurer dans les premiers rangs des classements internationaux. Or la COMUE est un objet juridique purement français, qui n'est pas forcément toujours bien compris à l'étranger. Un degré d'intégration plus élevé qu'actuellement est-il envisagé pour l'UPS ?
Je termine par le programme 231, dont les crédits ont augmenté de plus de 15 % depuis 2012, à la faveur du développement des bourses. Les crédits d'investissement du réseau des oeuvres universitaires et scolaires diminuent pour leur part de 50 millions d'euros par rapport à l'année 2015 en crédits de paiement, alors qu'ils restent stables en autorisations d'engagement. D'après le projet annuel de performances, cela résulte d'une évaluation des besoins de décaissements au regard de l'exécution pluriannuelle des opérations immobilières et des capacités du réseau en termes de trésorerie mobilisable. Le directeur du CNOUS a appelé mon attention sur la particularité du réseau, constitué de 29 établissements, les CROUS, avec 29 trésoreries séparées et très disparates. Certains CROUS ont des trésoreries faibles et des opérations d'investissement en cours, qu'il faut honorer. Rassurez-nous : toutes les précautions seront-elles prises pour que la réduction des crédits d'investissement ne se traduise par des abandons d'investissements qui remettraient en cause la réussite du plan de construction de 40 000 logements à destination des étudiants ?
Permettez-moi tout d'abord de me féliciter de l'effort consenti par le Gouvernement en faveur des programmes 150 et 231 de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » dans un contexte de hausse significative des flux de nouveaux étudiants. Je me félicite que le Gouvernement ait décidé de porter l'augmentation globale des moyens de l'enseignement supérieur à 165 millions d'euros, tout comme je me félicite que ce budget respecte la priorité donnée par la présente majorité à la réussite des étudiants, à la dynamique de site impulsée par la loi du 22 juillet 2013 et à l'accompagnement efficace des établissements.
J'ai souhaité consacrer la partie thématique de mon rapport à la question du patrimoine immobilier des universités, l'un des principaux enjeux pour notre enseignement supérieur dans les prochaines années. Le sujet ayant aussi été abordé par le rapporteur spécial, j'apporterai ici un éclairage complémentaire.
L'augmentation des flux d'étudiants, qui dénote une appétence croissante des bacheliers pour l'enseignement supérieur et crédibilise notre objectif d'élever la proportion de diplômés de l'enseignement supérieur au sein d'une classe d'âge, en la faisant passer de 40 % à 60 % d'ici à 2025, constitue un réel motif de satisfaction. Avec cette nouvelle étape de la massification, par ailleurs défi pédagogique considérable, se pose la question de la capacité d'accueil physique des établissements. Fort de 18,5 millions de mètres carrés, le patrimoine immobilier des universités paraît largement suffisant pour accueillir la totalité des effectifs, mais sa qualité, sa répartition sur le territoire et son entretien sont très inégaux. Selon des estimations dont on ne peut que déplorer la fragilité puisqu'elles ne reposent que sur les données déclaratives des universités, 12 % du patrimoine universitaire nécessiteraient une réhabilitation complète et 27 % des travaux lourds de remise à niveau. Le fonctionnement et l'entretien de ces bâtiments représentent donc des charges financières très lourdes, qu'aggraveront encore les retards depuis des décennies. Cela nécessitera des efforts budgétaires substantiels de la part des pouvoirs publics.
Au-delà des investissements qui devront être consentis, l'objectif de disposer d'un patrimoine immobilier moderne, fonctionnel et adapté aux nouvelles formes de pédagogie ne pourra être atteint que si les universités elles-mêmes progressent sensiblement dans la gestion de leur parc et dégagent d'importantes marges d'économies. En effet, pendant des décennies, elles se sont trop peu préoccupées de cette question, mais, sous l'impulsion de l'État, une réelle prise de conscience a lieu depuis quelques années. Ainsi, toutes les universités ont nommé un vice-président chargé de l'immobilier et se sont dotées de schémas pluriannuels de stratégie immobilière. Ces progrès n'en restent pas moins très inégaux et souvent parcellaires – j'ai pu le constater lors des auditions que j'ai menées.
On peut également déplorer que les indispensables réflexions préalables sur l'évolution des modèles pédagogiques soient encore trop peu engagées dans nos universités. Je pense évidemment au défi de la dématérialisation de la formation. Contrairement aux préjugés, la dématérialisation n'implique pas la disparition des cours présentiels, mais elle encourage sans ambiguïté une véritable révolution des usages, encore beaucoup trop peu anticipée. Dès lors, il est indispensable de s'inscrire dans une perspective de moyen terme et d'élaborer une stratégie globale, qui permette de conforter les ressources que les universités peuvent consacrer à l'entretien de leur patrimoine.
Outre la dotation globale et les CPER, opportunément recentrés sur les réhabilitations, se pose évidemment la question de la dévolution du patrimoine. L'expérimentation menée par les universités de Clermont 1, Toulouse 1 et Poitiers paraît, à ce stade, très prometteuse, les équipes universitaires s'étant manifestement emparées avec professionnalisme de ces nouvelles missions. Cependant, son extension ne pourra se faire que progressivement étant donné les coûts que cela représente pour les finances publiques. Je suggère donc une logique à la fois progressive et vertueuse encourageant les universités à rationaliser et mutualiser leurs pôles immobiliers, les prochaines dévolutions étant réservées aux seules COMUE qui auraient préalablement fourni les indispensables efforts de mutualisation. Dans le même esprit, l'accès aux crédits du PIA 3, que j'appelle de mes voeux dans le rapport, pourrait être lié à la dévolution et traduire, via un apport en capital par exemple, la volonté d'aller vers un transfert à moyen terme et d'accompagner ainsi ce changement de modèle.
Enfin, il faut encourager les universités à faire preuve d'initiative et de créativité pour dégager de plus amples ressources propres, notamment en tirant partie de leur vaste patrimoine pour procéder à des locations temporaires, à des congrès ou à des summer schools, et surtout en s'engageant avec force et conviction dans la mission exaltante de la formation professionnelle. Ainsi participerait-elle pleinement à l'objectif d'élévation du niveau de formation de notre société.
Je suis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement », sous réserve de l'adoption de l'amendement du Gouvernement qui conforte les 100 millions d'euros du programme 150.
Nous avons déjà débattu en commission du rapport d'Anne-Christine Lang et de l'enjeu du patrimoine immobilier des universités.
Cette matinée, je m'en réjouis, nous conduit inévitablement à regarder vers l'avenir, dans un cadre budgétaire stabilisé. Voilà qui nous promet une discussion stimulante sur les moyens budgétaires de l'enseignement supérieur et de la recherche.
C'est un plaisir d'être parmi vous, si nombreux, ce matin. Je remercie plus particulièrement les rapporteurs pour la qualité de leurs rapports.
Au-delà de l'exercice budgétaire, cette séance est aussi l'occasion, pour Thierry Mandon et moi-même, de faire un point sur la toute récente rentrée universitaire.
S'il est bien une priorité du Gouvernement, c'est la jeunesse, l'éducation, l'enseignement supérieur. L'examen, hier, des crédits de l'enseignement scolaire l'a montré, et les propos du rapporteur spécial François André et de la rapporteure pour avis Anne-Christine Lang confirment notre constance en la matière.
Cette rentrée, les effectifs étudiants ont pour la première fois dépassé la barre des 2,5 millions soit environ 38 700 étudiants supplémentaires – nous disposons désormais de chiffres sûrs, alors que les premières estimations se fondaient sur des bases déclaratives. Évidemment, les évolutions sont contrastées selon les filières.
À l'université, qui connaît l'augmentation la plus forte, la première année de licence est redevenue très attractive – c'est une chance. Anne-Christine Lang le rappelait : pendant des années, ce sont plutôt les effectifs de l'enseignement supérieur privé qui ont crû. Voici donc que l'enseignement supérieur public redevient attractif. Cela conduit certaines filières à être particulièrement chargées, voire dans une situation tendue : les sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS) dont les effectifs augmentent de 18 %, le droit où ils augmentent de 11 %, la psychologie et la première année commune des études de santé.
Cette rentrée, les dispositions de la réforme de 2013, qu'avait défendue Geneviève Fioraso, sont pleinement opérationnelles. La structuration du paysage de l'enseignement supérieur est donc redessinée, en particulier avec la mise en place de vingt-cinq regroupements qui partagent une stratégie de développement et mettent en commun des compétences. En outre, l'offre des formations est améliorée, plus claire, plus lisible.
Le Président de la République a fixé l'ambitieux objectif de 60 % de diplômés de l'enseignement supérieur par classe d'âge. Cela passe nécessairement par une démocratisation encore plus forte, une diversité encore plus grande dans l'enseignement supérieur.
Atteindre cet objectif suppose de donner aux universités les moyens d'accueillir ces nouveaux étudiants. Pour la rentrée 2016, c'est un budget ambitieux pour l'enseignement supérieur qui vous est proposé, avec 165 millions d'euros supplémentaires, qui permettront d'accompagner cette hausse des effectifs, le Gouvernement ayant déposé un amendement qui accroît de 100 millions d'euros le programme 150. Ces 165 millions d'euros supplémentaires permettront notamment la création de 1 000 emplois, indispensables si l'on continue d'accorder la priorité à l'accueil et à la réussite des primo entrants dans l'enseignement supérieur.
Cependant, aussi important soit-il, l'effort financier ne peut suffire. Cette rentrée montre aussi la nécessité de repenser l'entrée dans l'enseignement supérieur, avec une refonte du processus d'orientation et une vraie politique reliant l'enseignement scolaire et l'enseignement supérieur pour assurer aux jeunes des parcours de réussite. Cette arrivée croissante de jeunes, traduction de la démocratisation de l'enseignement supérieur que nous avons souhaitée, impose à notre système, tout particulièrement à nos universités, de prendre en compte la diversité toujours plus grande de publics hétérogènes.
Nous avons déjà fait évoluer cette étape cruciale de l'entrée dans l'enseignement supérieur en agissant sur l'offre de formation. Ainsi, cette rentrée voit les dispositions de la loi du 22 juillet 2013 entrer en vigueur, avec une très forte réduction du nombre des intitulés de formation, tant en licence qu'en master, et la mise en place de la spécialisation progressive en licence pour mieux accompagner l'élaboration des projets professionnels des étudiants. Dans le domaine spécifique des études de santé, dix universités expérimentent cette année de nouvelles modalités d'accès en deuxième année pour que des publics plus divers puissent accéder aux métiers médicaux.
Au cours des prochaines semaines, nous irons plus loin encore. Thierry Mandon et moi-même annoncerons d'autres mesures, qui sont actuellement l'objet d'une concertation. Elles permettront d'accompagner encore mieux ces jeunes dans l'élaboration de leur projet et lorsque celui-ci trouve sa traduction dans leur entrée dans l'enseignement supérieur.
L'enseignement supérieur ne saurait cependant se limiter à sa mission de formation initiale. La formation professionnelle continue à l'université doit aussi être développée. C'est une nécessité sociale, parce qu'il s'agit de mettre ainsi l'université au coeur de la société, mais aussi un moyen de développement financier de nos universités, qui peuvent trouver là un modèle économique nouveau, sur lequel miser.
Notre système d'enseignement supérieur, si souvent dénigré, est de qualité. Il compte parmi les plus efficaces du monde – mettons en exergue cette réalité trop méconnue. L'OCDE le montre : 80 % des jeunes Français qui accèdent à l'enseignement supérieur en ressortent avec un diplôme – c'est 10 points de plus que la moyenne des pays membres de l'OCDE. Bien sûr, beaucoup d'améliorations sont encore possibles, notamment en premier cycle, mais gardons à l'esprit ces résultats, déjà excellents.
Une démocratisation encore plus forte de l'enseignement supérieur impose, entre autres priorités, d'aider les étudiants les moins favorisés socialement.
Notre effort pour l'aide aux étudiants a donc été poursuivi. Depuis 2012, ce sont près de 500 millions d'euros supplémentaires qui ont été mobilisés pour des bourses sur critères sociaux, ce qui a notamment permis à 132 500 étudiants supplémentaires, issus des classes moyennes, de bénéficier pour la première fois d'une aide – auparavant, ils n'étaient tout simplement pas concernés. La rentrée 2015 conforte cette politique, qui sera complétée par de nouvelles mesures visant à préserver le pouvoir d'achat des étudiants. Ainsi, pour la première fois, les droits d'inscription n'augmentent dans aucune filière de l'enseignement supérieur public. Par ailleurs, conformément à la loi du 10 août 2014 relative aux stages, le montant horaire minimal de la gratification des stages de plus de deux mois passe de 3,30 euros à 3,60 euros, soit environ 45 euros supplémentaires par mois ; plus de 350 000 étudiants en stage dans les universités bénéficieront de cette mesure. Enfin, la nouvelle prime d'activité destinée à compléter le revenu des travailleurs faiblement rémunérés sera accessible aux étudiants qui travaillent et dont les revenus dépassent 0,78 fois le SMIC, soit un montant net d'environ 900 euros par mois ; cela concerne tout de même 100 000 étudiants salariés.
Le pouvoir d'achat des étudiants, c'est aussi le logement. L'effort de construction de 40 000 nouveaux logements sociaux destinés aux étudiants d'ici à la fin de l'année 2017 sera poursuivi. À la fin de l'année 2015, plus de 20 000 nouveaux logements auront déjà été construits. Dans le parc locatif privé, la généralisation, cette année, de la caution locative étudiante aide les étudiants dépourvus de garant personnel à accéder à un logement. L'année dernière, année de lancement et, en quelque sorte, d'expérimentation, ce dispositif comptait 3 000 bénéficiaires. Aujourd'hui, nous comptons plus de 6 000 demandes, et le champ du dispositif s'étend aussi aux départements et territoires d'outre-mer – ce n'était pas le cas l'année dernière.
Avant l'été, nous avions lancé une concertation nationale en vue d'un plan de vie étudiante, destiné à simplifier les démarches et à renforcer l'accès aux droits, à améliorer la santé et les conditions de vie, à dynamiser la vie de campus et l'engagement des étudiants. Les conclusions de ces fructueux travaux ont été présentées par le Président de la République, au début du mois d'octobre, et nous allons pouvoir mettre en oeuvre les différentes mesures envisagées, mais la circulaire du 23 juillet 2015 facilite d'ores et déjà l'année de césure, conformément à l'engagement du Président de la République. Celle-ci permet à l'étudiant de se consacrer pendant un an à un engagement solidaire, à la création d'une entreprise, à un volontariat international en entreprise (VIE), avant de reprendre son parcours étudiant sans difficulté.
Vous avez eu raison, monsieur le rapporteur spécial, madame la rapporteure pour avis, de vous arrêter sur le sujet de l'immobilier universitaire. Pour que les étudiants réussissent, il faut les accueillir dans les meilleures conditions possibles, notamment dans des locaux à la hauteur de nos objectifs. Or la situation actuelle est contrastée. Un tiers des 18 millions de mètres carrés des établissements d'enseignement supérieur date de moins de dix ans et présente toutes les garanties de qualité que l'on peut souhaiter aujourd'hui, un autre tiers est plus ancien mais permet d'accueillir les étudiants dans de bonnes conditions, un dernier tiers – en fait, 5,6 millions de mètres carrés – est malheureusement beaucoup plus vétuste et devra faire l'objet de travaux dans les prochaines années, qu'il s'agisse d'en améliorer l'efficacité énergétique ou d'adapter les locaux aux nouveaux usages pédagogiques.
Des moyens importants sont d'ores et déjà mobilisés. Il s'agit notamment des investissements prévus dans le cadre des contrats de plan État-région (CPER) conclus pour la période 2015-2020, investissements surtout concentrés sur des opérations de rénovation. Dans ce cadre, l'effort de l'État en faveur de l'immobilier universitaire sera de 1 milliard d'euros, auquel viendra s'ajouter une somme équivalente apportée par les collectivités locales. Par ailleurs, d'autres moyens financiers sont également mobilisés en faveur de l'immobilier universitaire dans le cadre du plan Campus et de certaines opérations spécifiques du type « Campus prometteur » ou « Campus innovant ». Ces financements sont, sur la période 2015-2020, de l'ordre de 2,6 milliards d'euros.
Quant à une possible extension de la dévolution du patrimoine, l'expérimentation de dévolution conduite à ce jour dans trois établissements est certes très satisfaisante comme l'a montré un rapport de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (l'IGAENR). Le coût d'une telle opération ne permet cependant pas de considérer comme réaliste son extension à la totalité des établissements. La Cour des comptes a ainsi estimé à 860 millions d'euros par an le coût d'une dévolution du patrimoine à l'ensemble des universités. Si cette opération est manifestement hors de portée pour le moment, cela ne signifie pas qu'il ne faille pas continuer à y réfléchir. C'est pourquoi votre rapport, madame Lang, m'a beaucoup intéressé, et je propose que nous y travaillions ensemble.
Quant à donner aux universités la possibilité de bénéficier d'une part plus importante, ou de la totalité, des retours sur produits de cession, je suis d'accord avec vous, Madame, monsieur les rapporteurs. Le patrimoine immobilier universitaire mérite d'être géré de façon plus dynamique. Sur certains sites, les surfaces ne sont pas utilisées de manière optimale. Inciter les universités à une gestion plus active de leur immobilier peut passer par une augmentation du taux de retour financier, qui est actuellement de 50 %, mais aussi – Thierry Mandon et moi-même en sommes persuadés – par une simplification et une accélération des procédures, sans doute trop lourdes actuellement. Ce travail est également en cours dans nos services.
La mutualisation des surfaces est une autre modalité de gestion dynamique de l'immobilier universitaire, et nous devons aussi réfléchir. Comme le montrent différents rapports récents, les locaux universitaires sont encore trop souvent gérés au niveau des UFR. De ce fait, les taux d'occupation moyens ne dépassent pas les 70 %. Une gestion plus centralisée et des salles plus modulables permettraient d'optimiser l'utilisation des locaux sans devoir construire de surfaces nouvelles. Ne nous interdisons pas d'inventer et d'innover. Nous y travaillons actuellement, et peut-être Thierry Mandon y reviendra-t-il tout à l'heure.
Avec l'université Paris-Saclay (UPS), l'objectif est bien de constituer un grand ensemble universitaire à forte visibilité internationale. La forme sera forcément différente de celle d'une université classique du fait de la « biodiversité » souhaitée et souhaitable de cet ensemble. Sa visibilité internationale dépendra néanmoins en effet de son degré d'intégration mais aussi de l'agilité, si j'ose dire, de sa gouvernance. En matière d'intégration le chemin parcouru est déjà très important : fusion des écoles doctorales, mutualisation de près de 80 % des masters, signature commune, constitution de schools regroupant les forces dans les grands domaines… Tout cela place l'UPS parmi les COMUE aux délégations de compétences les plus élevées.
La visibilité internationale nécessaire, notamment pour figurer dans certains grands classements internationaux comme celui de Shanghai, implique un degré d'intégration plus poussé. L'UPS est en train d'étudier cette question pour proposer à ses membres les évolutions correspondantes. Ce travail s'inscrit également dans la perspective de l'évaluation de la période probatoire de l'initiative d'excellence (IDEX) – Paris-Saclay a été sélectionné à ce titre en 2011, et l'évaluation doit intervenir à la fin de l'année 2015 ou au début de l'année 2016.
L'ensemble de ces politiques s'inscrivent dans une vision plus stratégique : la stratégie nationale de l'enseignement supérieur, que le Président de la République s'est complètement appropriée et dont il a repris les ambitions. Celle-ci fera l'objet d'un débat au sein des assemblées au début de l'année 2016, exercice inédit qui nous donnera l'occasion de reparler, peut-être plus longuement, des ambitions que notre nation nourrit pour son enseignement supérieur.
Au sein du présent projet de loi de finances, avec 13,82 milliards d'euros, la part de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » consacrée à la recherche est placée sous le signe de la stabilité. En cette période d'efforts budgétaires, la préservation de ces crédits est une bonne nouvelle, qu'il faut saluer.
Néanmoins, à la suite des auditions auxquelles j'ai procédé, j'évoquerai principalement quatre sujets.
Premièrement, malgré la stabilisation globale de l'emploi, la baisse considérable du nombre de départs à la retraite, qui devrait rester très bas jusqu'en 2020, a entraîné une diminution très importante du recrutement. À titre d'exemple, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) recrutera 44 chercheurs en 2016, contre 140 il y a quelques années.
Du fait de cette situation conjoncturelle, les jeunes docteurs embauchés comme contractuels sur un projet de recherche ne peuvent pas trouver de poste stable au-delà de deux contrats de trois ans. Cette situation, navrante pour eux, est par ailleurs dommageable pour la recherche : certains projets, notamment ceux qui relèvent des investissements d'avenir, étant conduits sur dix ans, nous allons perdre en cours de route les chercheurs qui ont été recrutés pour les mener à bien, au moment même où ils arrivent à maturité.
Des remèdes ne pourraient-ils pas être trouvés ? Ne pourrait-on pas, par exemple, permettre aux grands organismes, qui disposent de ressources propres abondantes, de créer sur ces ressources des contrats à durée indéterminée ? Une telle solution, qui devrait bien sûr être négociée avec les organisations syndicales et serait le cas échéant provisoire, ne permettrait-elle pas de pallier une situation du recrutement néfaste à la recherche et dramatique pour les chercheurs, lesquels se trouvent sans solution au moment où leurs talents et leurs compétences atteignent leur maturité ?
Ma deuxième préoccupation concerne la recherche sur projets. Au début de la législature, un rééquilibrage légitime a été opéré entre les crédits récurrents de la recherche et les crédits de l'ANR. Mais n'arrive-t-on pas à un point limite ? L'ANR ne dispose plus que de 560 millions d'euros de crédits d'intervention, et le taux de succès des projets est inférieur à 10 %.
Je suis aussi préoccupé par la situation de la trésorerie de l'ANR. Le caractère pluriannuel des contrats a entraîné des décalages d'exercice entre engagement et paiement. L'ANR s'est ainsi trouvée dotée d'une trésorerie pléthorique. S'il était raisonnable de remettre celle-ci à un niveau cohérent avec les paiements, il semble que nous soyons arrivés à un point où la situation de la trésorerie peut faire courir des risques à des projets déjà votés. Quelle action pensez-vous conduire pour sécuriser les paiements de l'ANR ?
Dans mon rapport, j'ai aussi évoqué la question des coûts complets et des coûts indirects, sur laquelle vous souhaiterez peut-être revenir, monsieur le secrétaire d'État.
Troisièmement, en élaborant notre rapport sur la gestion des investissements d'avenir relevant de la mission « Recherche et enseignement supérieur », Patrick Hetzel et moi-même avons constaté l'effet structurant des IDEX sur le regroupement par site des entités qu'elles fédèrent. Une IDEX, c'est une gouvernance et un projet. La politique des COMUE va, elle aussi, dans le sens du regroupement par site. Dès lors, ne faut-il pas veiller tout particulièrement à la qualité de la gouvernance des COMUE et à l'élaboration d'un projet commun ? Les COMUE sans projet commun bien défini et sans gouvernance solide ne risquent-elles pas de s'étioler rapidement ?
Quatrièmement, dans le cadre du programme d'investissements d'avenir ont été créées les sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT). Or le transfert de la propriété intellectuelle des découvertes aux SATT semble parfois incompatible avec les modes de valorisation développés avec succès par de grands organismes tels que l'INSERM ou, plus encore, le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), lequel estime que le mode opératoire des SATT met en danger son modèle économique. Pour permettre une cohabitation harmonieuse des SATT avec les outils existants, ne faudrait-il pas diversifier leur modèle ?
Enfin, si l'État stratège est unique, l'allocation des crédits de recherche est désormais placée sous l'autorité de deux instances : le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et le Commissariat général à l'investissement. La coordination entre les deux vous paraît-elle satisfaisante ? Si tel n'est pas le cas, comment devrait-elle être améliorée ?
Pour conclure, eu égard à la situation si délicate de la recherche, il me paraît désormais essentiel de sanctuariser les crédits qui y sont affectés. C'est ce que vous avez fait dans le cadre de ce projet de loi de finances. J'émets donc un avis favorable à l'adoption de ces crédits.
On ne peut que partager votre préoccupation quant à l'évolution de la pyramide des âges : de nombreux jeunes chercheurs risquent de ne pas trouver de postes pérennes à l'issue de leurs deux contrats de trois ans, au moment où ils sont en général le plus efficace.
Pour la deuxième année consécutive, le budget de la recherche est en baisse, tant en termes de crédits de paiement que d'autorisations d'engagement. En réalité, un effort conséquent est à nouveau demandé à la recherche cette année, ce qui nous conduit à nous interroger sur la « sanctuarisation » de ce budget, que vous affichez pourtant publiquement. C'est de la pure communication. Votre ton triste et morose, madame la ministre, en est d'ailleurs une preuve flagrante. (Exclamations de plusieurs commissaires de la majorité.)
Après les réductions budgétaires déjà opérées en cours d'année par votre gouvernement – la recherche a connu des annulations de crédits importantes –, c'est une fragilisation supplémentaire pour l'ensemble des organismes de recherche de notre pays. Dans un contexte de concurrence internationale accrue, alors que le déploiement souhaité des activités de recherche des grands instituts et, surtout, des universités supposerait un plan de croissance continu, afin que les uns et les autres soient mieux à même de répondre aux dix défis de la stratégie nationale de recherche, ce budget pour la recherche manque décidément d'ambition, hélas ! Est-il nécessaire de rappeler l'enjeu que représentent les crédits de la mission interministérielle que vous nous présentez ? Ils constituent un investissement majeur, qui conditionne l'avenir. Répétons-le : augmenter le budget de la recherche ne revient pas à aggraver les déficits publics ; au contraire, de telles dépenses constituent des bénéfices, tant en termes de croissance que de perspectives pour l'ensemble des acteurs, qu'il s'agisse des jeunes, des étudiants, des enseignants ou des chercheurs.
Ce cadre budgétaire est, on le voit, assez éloigné de la volonté affichée par le Gouvernement depuis 2013 de rééquilibrer le financement de la recherche en faveur des crédits récurrents. D'autre part, les moyens de la recherche sur projets, matérialisés par les dotations de l'ANR, continuent de baisser, en application des politiques menées depuis trois ans. Comme vous le savez, la diminution constante des financements que peut mobiliser l'Agence et, donc, du nombre de projets qu'elle peut soutenir devient extrêmement décourageante pour l'ensemble des acteurs de la recherche, particulièrement pour les petites structures et les jeunes laboratoires. Rappelons que l'agence gère également les appels à projets des programmes d'investissements d'avenir, qui ne sont pas du même ordre et ne poursuivent pas les mêmes objectifs. Quelle place attribuez-vous aujourd'hui à la recherche sur projets dans notre pays ? Quel avenir fixez-vous à l'ANR, alors que la démission de plusieurs scientifiques de haut niveau membres de comités de l'agence devrait vous alerter ?
La recherche privée forte que nous appelons de nos voeux doit s'adosser à une recherche publique forte, elle aussi. Or les emplois statutaires des principaux opérateurs de la recherche publique n'évoluent plus, alors que la démographie des chercheurs et des diplômés progresse. Il faut mettre fin à la précarisation croissante des jeunes chercheurs, doctorants et post-doctorants. Aujourd'hui, plus largement, se pose la question des perspectives offertes aux étudiants en formation tant initiale que continue et, donc, de l'attractivité même de l'enseignement supérieur et de la recherche pour les nouvelles générations.
Dans son rapport public annuel de 2015, la Cour des comptes a souligné que « le recrutement des chercheurs statutaires était toujours déconnecté des priorités stratégiques nationales ». Ne pensez-vous pas nécessaire de promouvoir un grand plan de recrutement dans la recherche tant privée que publique afin de lui rendre son attractivité ?
La reconnaissance du doctorat et l'insertion des docteurs dans les entreprises doivent être une priorité. En effet, la place des jeunes chercheurs dans les entreprises reste notoirement insuffisante. Des objectifs ont été fixés, en particulier à la suite de l'adoption de la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche en 2013. Pouvez-vous nous présenter les actions engagées et les résultats obtenus, tant en termes de recrutement par les entreprises que de reconnaissance du diplôme dans les conventions collectives et de prise en compte de celui-ci dans les carrières de la fonction publique ?
Une nouvelle stratégie nationale de recherche a succédé à la stratégie nationale de recherche et d'innovation mise en oeuvre à partir de juillet 2009. Si cette dernière avait été fortement soutenue par la programmation de moyens en faveur de la recherche – celle-ci ayant été définie par la loi de programme pour la recherche de 2006 –, tel n'est pas le cas de la stratégie actuelle et de ses dix défis, qui peuvent, au mieux, s'appuyer sur les programmations classique et triennale des lois de finances. Or, une fois les crédits votés, celles-ci sont remises en cause par les multiples annulations de crédits, ainsi que nous l'avons vu cette année encore.
En conclusion, ce budget en baisse n'a ni le souffle ni l'ambition que nous sommes en droit d'attendre. Je ne peux donc qu'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la recherche pour 2016 au sein de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur ».
Comme l'année dernière, je constate une stabilisation des moyens dédiés à la recherche, dans un contexte budgétaire général, il est vrai, extrêmement dégradé. Il est important que nous apportions les moyens financiers nécessaires pour maintenir les recrutements et l'emploi scientifique dans les organismes de recherche. Cependant, alors même que l'innovation figure au premier plan de la Nouvelle France industrielle récemment recentrée sur « l'industrie du futur », vous n'avez pas été en mesure, monsieur le ministre, de concrétiser votre ambition pour la recherche, ainsi que cela apparaît à la lecture du projet de loi de finances pour 2016.
L'ANR, principal opérateur du financement de la recherche sur projets en France, voit ses crédits reconduits en 2016, mais sa situation budgétaire n'en demeure pas moins difficile, ainsi que notre collègue Alain Claeys l'a souligné. Au-delà de ce contexte, je me dois de vous alerter sur la méthode qui a été utilisée à l'égard de l'ANR lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2015 : un amendement a amputé son budget de 20 millions d'euros. Si de telles méthodes devaient à nouveau être employées, je souhaiterais une plus grande transparence et une meilleure information des organismes concernés, car cela rend très complexe la construction de leur budget.
La France connaît un retard grandissant par rapport à ses partenaires étrangers en matière de financement de la recherche sur projets. Dans un monde concurrentiel qui demande souplesse et réactivité, comment notre pays peut-il continuer à soutenir efficacement ses recherches, alors que vous amputez ainsi l'un des leviers de la compétitivité en France de sa capacité d'action ? En outre, comment endiguer la désaffection des industriels vis-à-vis des projets de l'ANR, qui sont pourtant l'outil privilégié de la recherche partenariale ?
Au-delà de ces questions fondamentales pour l'équilibre de la recherche française, j'appelle votre attention, monsieur le ministre, sur certaines difficultés rencontrées plus globalement par les organismes de recherche.
En premier lieu, je souhaite que les établissements publics à caractère scientifique et technologique, auxquels sont demandés des efforts substantiels, continuent à bénéficier de taux réduits de mise en réserve de précaution, sans quoi ils seront contraints de diminuer encore les dotations affectées à leurs unités de recherche.
En deuxième lieu, je reviens sur les difficultés liées à la trop faible prise en compte des coûts indirects induits pour les établissements hébergeurs de projets par les contrats conclus avec l'ANR. Celle-ci prend en compte une part de coûts indirects de 19 %. Une évolution vers un taux global de 25 %, conformément à ce que pratique l'Union européenne, est-elle envisageable ?
En troisième lieu, la question du renouvellement de l'emploi scientifique et du recrutement des jeunes chercheurs inquiète de nombreux organismes : c'est la permanence des savoirs et des compétences qui est en jeu et, de ce fait, le rayonnement et la compétitivité de la France. Votre budget ne donne que peu de perspectives d'embauche aux jeunes chercheurs et risque de décourager les candidats au doctorat. En dix ans, les recrutements à l'INSERM et au CNRS ont diminué de 25 à 40 %. Le Gouvernement compte-t-il revoir son effort en faveur de l'emploi scientifique pour les années à venir ?
Dans le contexte actuel de profonde transformation de la société par le numérique, j'insiste plus particulièrement sur la situation de l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA). L'excellence et l'attractivité de l'INRIA sont reconnues internationalement en matière de recherche en sciences du numérique. Or le budget de l'INRIA pour 2016, bien que stable, ne correspond pas aux attentes placées dans le développement de ce secteur. Au moment où la filière numérique connaît une croissance exponentielle, l'Europe constituant le deuxième marché mondial en la matière, la France dispose, avec ses organismes de recherche, d'un atout de premier plan. Aussi, je souhaiterais que le Gouvernement renforce les moyens de l'INRIA, y compris en termes d'emplois, afin que l'Institut puisse notamment développer des programmes de recherche transversaux ou pluridisciplinaires, qui sont la clé d'innovations et de progrès dans les années à venir.
En conclusion, dans un contexte général de maîtrise des dépenses publiques, j'alerte le Gouvernement sur la nécessité de faire des choix stratégiques de long terme, sur des thématiques plus ciblées. Ces choix sont seuls à même de permettre à la France de préserver ses atouts sur des sujets d'avenir et, donc, porteurs d'innovation. Au vu des éléments que je viens d'évoquer, j'émets un avis défavorable à l'adoption des crédits de cette mission.
Pour vous présenter mon rapport, je vais m'efforcer d'adopter le ton enjoué qui sied aux élus de la Nation enthousiastes que nous sommes ! (Exclamations de plusieurs commissaires de l'opposition.) Il faut mettre un peu d'ambiance, car je vous sens moroses, chers collègues de l'opposition !
Le 7 juillet dernier, la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire m'a désigné rapporteur pour avis pour les crédits du programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables », rattaché à la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur ».
Dans le contexte budgétaire difficile que nous connaissons actuellement, je ne peux que me réjouir du sort relativement propice réservé à la mission interministérielle, dont le budget est maintenu à un niveau quasi identique à celui de l'année dernière. La préservation des moyens alloués à cette mission traduit bien la priorité accordée à la recherche par le Gouvernement, ce qui m'amènera à proposer tout à l'heure à la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire d'émettre un avis favorable à l'adoption de ces crédits.
Concernant le programme 190, le projet de loi de finances pour 2016 prévoit une hausse de 2,18 % des autorisations d'engagement et une augmentation de 2,02 % des crédits de paiement. Cette évolution est tout à fait satisfaisante compte tenu des efforts budgétaires actuels.
J'appelle néanmoins votre attention sur deux points qui me semblent préoccupants.
Premièrement, tous les opérateurs du programme vont voir leur dotation baisser, à l'exception notable du CEA, qui va bénéficier d'une hausse de sa subvention de 5,36 %. Au cours des dernières années, la plupart d'entre eux ont déjà subi des diminutions importantes, en particulier le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), dont la dotation a été amputée de 25 % en 2015 et qui va encore devoir faire face à une baisse de 3,29 % en 2016.
Au cours des auditions que j'ai conduites, j'ai pu constater que les réductions budgétaires appliquées au programme 190 sont perçues comme inévitables par les opérateurs et que les efforts qu'ils sont contraints de fournir pour y faire face leur semblent légitimes, qu'il s'agisse de la réorganisation de leurs équipes de chercheurs ou de la révision de leurs programmes de recherche. Je dois cependant me faire l'écho de leur préoccupation concernant l'avenir proche : s'ils estiment avoir réussi, jusqu'à présent, à préserver leur capacité de recherche, ils sont aujourd'hui persuadés d'avoir atteint les limites en termes de réorganisation – beaucoup d'entre eux m'ont dit « être à l'os », expression certes un peu triviale, mais qui dit bien ce qu'elle veut dire. La hiérarchisation drastique des priorités qu'ils ont imposée à leurs programmes a d'ores et déjà entraîné une diminution notable de la part de la recherche fondamentale, pourtant essentielle pour l'avenir.
D'autre part, si les crédits de recherche provenant de l'État continuent à baisser, les organismes se verront obligés de recourir encore plus largement qu'ils ne le font déjà aux fonds privés, afin de maintenir un niveau constant de recherche. Cela risquerait de les rendre plus dépendants des demandes de recherche du privé, et l'on pourrait craindre une dérive du modèle français de recherche publique, qui vise à soutenir des politiques publiques d'avenir telles que la transition énergétique, vers un modèle « à l'américaine », ce qu'il faut éviter selon moi. Ne serait-il pas souhaitable de relâcher la pression budgétaire sur les opérateurs du programme 190, compte tenu du rôle crucial qu'ils sont censés jouer dans le domaine de la transition énergétique ?
Deuxièmement, les subventions allouées aux programmes incitatifs ont été supprimées. Ces programmes permettaient au ministère de l'écologie de mobiliser les acteurs de la recherche en amont de ses politiques publiques, sur des thématiques émergentes qui n'étaient pas encore traitées par les organismes scientifiques ou prises en compte par les agences de financement de la recherche. Or les subventions octroyées à ces programmes, qui se situaient à hauteur de 20 millions d'euros par an avant 2010 – ce qui permettait une intervention efficace sur une vingtaine de thématiques prioritaires –, puis autour de 9 millions entre 2011 et 2013, ont été réduites à zéro en 2015 et ne seront pas rétablies en 2016. Monsieur le secrétaire d'État, une telle suppression, qui entrave la mise au point des innovations techniques nécessaires à la réussite de la transition énergétique, ne risque-t-elle pas fortement d'obérer l'avenir ?
Je suis parfaitement conscient de la nécessité de contribuer au redressement budgétaire de notre pays. Mais, si la transition énergétique constitue une des priorités du quinquennat – pour ma part, je le souhaite –, ne serait-il pas envisageable de répartir différemment les efforts budgétaires, afin de préserver les programmes de recherche amont nécessaires à la réalisation de ce grand projet ?
La mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » est, cette année encore, l'une des plus importantes du budget de l'État. Le contexte budgétaire nous impose aujourd'hui, nous l'avons dit, une maîtrise des dépenses publiques. Or je n'ai pas l'impression que nous nous engagions véritablement dans cette voie en ce qui concerne les programmes que j'ai été chargé d'examiner.
La France dispose d'une recherche d'excellence reconnue dans le monde. Pour 2016, il lui faut des moyens à la hauteur de ses ambitions. Or je doute que tel sera le cas s'agissant du programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » et du programme 193 « Recherche spatiale ».
Ainsi que M. Plisson l'a indiqué, tous les opérateurs voient leur dotation baisser, à l'exception du CEA. J'appelle notamment votre attention, monsieur le secrétaire d'État, sur la baisse de 0,13 % des crédits affectés à l'Institut de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA). Celui-ci éprouve déjà de grandes difficultés financières en raison de la baisse des subventions, du très faible taux de sélection de ses projets par l'ANR et du programme « Horizon 2020 ». En laissant une fois de plus l'IRSTEA dans l'incertitude budgétaire, nous déstabilisons les chercheurs, et l'Institut ne peut guère envisager de travaux ambitieux. Pour remédier à cette situation, ne faudra-t-il pas augmenter le budget de l'IRSTEA en cours d'année, de même que nous l'avons fait en 2015, avec une subvention supplémentaire de 1,55 million d'euros ? De mon point de vue, ce ne sera qu'un emplâtre sur une jambe de bois ! De plus, cela pose un problème de fond : on ne peut pas voter un budget en sachant d'entrée de jeu qu'il faudra accorder une rallonge.
Pouvez-vous également nous rassurer sur la trajectoire actuelle du financement de la dette de la France à l'égard de l'Agence spatiale européenne (ESA) ? Nous aurons un arriéré de plus de 660 millions d'euros jusqu'en 2021, qu'il est envisagé de rembourser d'ici à 2024. Pouvez-vous nous expliquer comment la France réussira à solder une somme aussi importante en trois ans ? Au demeurant, l'augmentation des crédits du programme 193 est illusoire : elle est uniquement destinée à couvrir la contribution française aux organismes de recherche européens.
Pour réaliser des économies budgétaires, nous devrions, selon moi, développer les alliances entre opérateurs de recherche, en suivant l'exemple de l'Alliance nationale de recherche pour l'environnement (AllEnvi). Actuellement, seuls 200 laboratoires de recherche sont partenaires de près d'une centaine d'entreprises ; je juge que c'est trop peu. Ne pourrions-nous pas envisager des partenariats public-privé en la matière ? J'avais déjà fait cette suggestion l'année dernière.
Dans quelques semaines, la COP 21 devrait sceller un nouvel accord international sur le climat. Compte tenu des enjeux et de l'implication des opérateurs, la COP 21 aurait été l'occasion de redynamiser la politique de recherche. Or nous diminuons les autorisations d'engagement de 0,34 %, alors même que nos voisins allemands présentent un budget en hausse de 7 % pour 2016. Je le déplore.
Compte tenu de ces interrogations et dans l'attente de vos réponses, monsieur le secrétaire d'État, j'ai une position plutôt défavorable à l'adoption des crédits de cette mission.
Avant de répondre, aussi précisément que possible, aux questions elles-mêmes très précises des rapporteurs, que je remercie, je commencerai par un propos plus général, afin notamment de nous assurer que nous faisons tous la même lecture de ce budget et de ses évolutions : si nous voulons avoir une discussion féconde, on ne peut pas qualifier de « baisse » la stabilité des crédits.
Si la France, modeste par le nombre de ses habitants, reste un très grand pays, elle le doit pour l'essentiel à la qualité de sa recherche, qui la tire vers le haut et lui donne une attractivité à nulle autre pareille. La ministre de l'éducation nationale et moi-même en sommes convaincus. Conformément aux déclarations du Président de la République, nous avons décidé de sanctuariser les crédits de la recherche, c'est-à-dire de protéger notre recherche publique des difficultés budgétaires. Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de difficultés – nous allons en parler –, mais telle est l'ambition indispensable qui est au coeur de notre politique.
La France fait partie des quelques grandes puissances scientifiques : avec 3,5 % des publications scientifiques, elle se situe au sixième rang scientifique mondial, et même au quatrième rang si l'on se réfère aux 10 % des publications les plus citées. Elle se place au cinquième rang des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour l'effort de recherche : en 2013, elle a consacré 47 milliards d'euros à la recherche et développement, soit 2,23 % de son PIB. La part publique de ces dépenses est de 16,6 milliards, soit environ 0,8 % du PIB, chiffre comparable à celui des États-Unis ou de l'Allemagne, et supérieur à celui du Japon ou du Royaume-Uni. La France figure donc parmi les tout premiers pays au monde en matière de financement de la recherche publique.
Avec le budget que nous vous présentons aujourd'hui, nous réaffirmons la sanctuarisation des crédits de la recherche en 2016. Ceux-ci connaissent même une progression de 6 millions d'euros, que l'on peut qualifier de faible, mais que l'on ne peut en aucun cas assimiler à une baisse ! Je ne suis pas préparé à une telle gymnastique !
Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit de dédier 7,71 milliards d'euros à la recherche. Les moyens de fonctionnement des opérateurs s'établiront, à périmètre constant, à 5,82 milliards, ce qui correspond à une stabilisation par rapport à 2015. Cette stabilisation ne nous a pas dispensés, bien au contraire, de mener un travail très fin avec les organismes de recherche, à commencer par le plus important d'entre eux, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), afin de trouver dans leur budget des marges de manoeuvre permettant de faire un effort en termes d'emploi scientifique. S'agissant du CNRS, nous pourrons aller légèrement au-delà du remplacement de l'intégralité des départs à la retraite. À cet égard, rappelons que 2 600 chercheurs ont été embauchés dans la recherche publique depuis 2012.
Avec 555 millions d'euros, les moyens d'intervention de l'ANR sont, eux aussi, stables par rapport à 2015. En l'espèce, nous avons probablement atteint un plancher : il ne serait pas de bon aloi de diminuer ces crédits, sauf si l'on considérait que nous n'avons plus besoin d'agence de financement – telle n'est pas ma position.
Les crédits destinés à couvrir les contributions internationales de la France progressent de 7 millions d'euros, principalement pour tenir compte de la nouvelle programmation de l'Agence spatiale européenne, en particulier du très important programme Ariane 6.
La stratégie nationale de recherche (SNR), que plusieurs d'entre vous ont évoquée, avait été prévue par la loi de 2013 et a été publiée en mars 2015. Elle demeure insuffisamment connue non seulement du grand public, mais aussi de ceux qui s'intéressent à la recherche. Nous pourrions d'ailleurs en faire une présentation devant votre Assemblée, sous une forme à déterminer. Elle a une double fonction : maintenir la place de notre pays parmi les premières puissances de recherche mondiales et, surtout, permettre à la recherche française de répondre aux défis scientifiques, technologiques, environnementaux et sociétaux du XXIe siècle.
De ce point de vue, contrairement à ce qui a été proposé il y a quelques instants, je ne crois pas que nous ayons intérêt à spécifier davantage les champs scientifiques auxquels nous devons consacrer des moyens. Je suis absolument convaincu, au contraire, que notre socle de recherche fondamentale est la condition de la pérennité de notre puissance scientifique. Actuellement, les principales innovations sont des innovations de rupture, et c'est la recherche fondamentale qui les rend possibles, c'est-à-dire non pas une recherche qui se déploie dans une direction particulière, mue par tel ou tel objectif de court ou de moyen terme, mais une recherche au spectre le plus large possible.
La SNR a d'ailleurs été élaborée à partir d'une très large consultation de la communauté scientifique et universitaire, des partenaires sociaux et économiques, des pôles de compétitivité, des représentants du monde associatif, des administrations, des agences publiques, des collectivités territoriales, ainsi que d'un certain nombre de parlementaires. La concertation a ainsi fait émerger dix grandes orientations stratégiques, qui vont nous permettre de faire évoluer un certain nombre de nos programmes.
Le Conseil stratégique de la recherche (CSR), installé en décembre 2013, a apporté des éléments de réflexion complémentaires sur certaines propositions et, surtout, a proposé au Gouvernement des critères d'évaluation de l'impact de la SNR. Il a, lui aussi, souligné l'importance de la recherche fondamentale.
Dès 2016, l'ANR prendra en compte, dans sa programmation, les priorités définies par la SNR. Ministères et opérateurs sont également appelés à mettre en oeuvre la SNR en la déclinant dans leurs orientations et dans leurs programmes propres.
Dans le cadre du deuxième programme d'investissements d'avenir, lors de la « journée SNR », qui se tiendra le 3 décembre prochain en présence du Premier ministre, nous annoncerons des financements spécifiques concernant les enjeux transversaux prioritaires.
En définitive, le budget que nous évoquons ce matin s'inscrit dans la continuité de la priorité donnée à la recherche mais aussi dans le cadre d'une réflexion stratégique à moyen et long termes explorant d'autres pistes pouvant permettre d'entrouvrir des perspectives budgétaires qui me semblent indispensables à la recherche publique.
Pour répondre à plusieurs d'entre vous, il est en effet nécessaire de faire un bilan précis des outils de soutien aux politiques d'innovation mises en place ces dernières années, qu'il s'agisse des sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT) ou des instituts de recherche technologique (IRT).
Alain Claeys a posé la question de la pérennité du modèle économique, soulignant la nécessité non seulement d'évaluer les résultats de ces outils mais également de s'assurer que, pour les organismes et les laboratoires publics parties prenantes, l'action des SATT propose un juste retour sur investissement. Intuitivement, j'ai le sentiment que ce n'est pas tout à fait le cas, et la recherche publique, qui se développe considérablement – avec un poids de 660 millions d'euros par an, elle se situe quasiment au même niveau que les instituts Fraunhofer allemands – n'offre pas aux laboratoires qui s'impliquent pleinement et loyalement tout le bénéfice de leurs efforts d'innovation. Cela tient à la conception même de ces outils, et j'ai donc décidé de lancer dans les prochaines semaines une évaluation précise de leur fonctionnement afin d'envisager des adaptations qui, tout en conservant au système son économie générale, permettrait de restituer à la recherche publique le bénéfice des efforts consentis, lesquels contribuent notamment à accroître la compétitivité de nos entreprises.
En ce qui concerne la CDIsation sur ressources propres qui permettrait de résoudre le problème du grand nombre de chercheurs « précaires », les règles de gestion n'autorisent malheureusement pas les organismes publics à financer des emplois pérennes à partir de ressources temporaires. Reste qu'il y a là une vraie difficulté et qu'il nous faut soutenir l'emploi scientifique. Nous avons pour cela engagé un travail extrêmement fin avec les organismes, pour que ceux-ci, au-delà de la règle du « un pour un » – un départ, un remplacement –, trouvent des marges de manoeuvre pour améliorer la situation. C'est notamment le cas au CNRS, où, en 2016, les recrutements seront probablement supérieurs aux départs en retraite.
Pour ce qui est des relations entre notre ministère et le Commissariat général à l'investissement (CGI), ce dernier agit dans le cadre du mandat et selon les orientations qui lui ont été donnés par le Premier ministre, à qui il revient donc de faire évoluer, s'il le souhaite, la nature des programmes d'investissements d'avenir mis en oeuvre par le CGI. Nous avons considérablement renforcé nos relations quotidiennes avec le Commissariat, tant il apparaissait, notamment lors des derniers appels à projet, que certaines ambiguïtés pouvaient provoquer l'inquiétude de la communauté scientifique. Une convention passée entre le CGI et le ministère a ainsi explicité les critères d'appréciation des candidatures.
Reste que la question de l'évaluation des PIA est désormais centrale. Une évaluation globale est en cours, confiée à France Stratégie qui devrait rendre ses résultats au premier trimestre 2016. Nous en tirerons tous les enseignements nécessaires pour mettre en oeuvre le prochain PIA. Par ailleurs, je rappelle que le financement des IDEX du PIA 1 s'effectue par phases, qu'elles seront évaluées pour cela au premier semestre 2016. Quant aux LABEX, leur évaluation vient de s'achever. Le ministère est naturellement très impliqué dans ces opérations, se montrant en particulier très attentif à l'impact de ces crédits dans le champ des ressources humaines.
En ce qui concerne l'ANR, il n'est pas question qu'elle souffre de difficultés de trésorerie. Les autorisations d'engagement sont stables, mais nous sommes actuellement en train de vérifier avec l'agence que les crédits inscrits au budget suffisent. Le Contrôle général économique et financier (CGEFI) et l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) ont de leur côté été chargés d'une mission sur les perspectives de trésorerie de l'Agence, et nous croiserons évidemment nos analyses.
Au sujet des communautés d'universités et d'établissements (COMUE) qui ne possèdent ni IDEX ni I-SITE, il est probable qu'elles ne pourront toutes en être dotées même avec les IDEX qui devraient voir le jour dans le cadre du PIA 2. Elles n'auront donc pas le bénéfice de ces outils, mais le nouveau PIA pourra proposer des instruments de financement innovants. Par ailleurs, les COMUE sont autonomes par rapport aux IDEX et développent une logique propre – offres de formation, développement de services communs – qui leur permet d'avoir une activité réelle.
Sophie Dion m'a interrogé sur les docteurs et l'emploi scientifique. J'aurai, dans les prochains jours, l'occasion de vous présenter les grandes lignes d'un plan visant à améliorer le recrutement des jeunes docteurs. Aujourd'hui, alors que la recherche privée emploie 60 % des chercheurs, contre 40 % pour la recherche publique, elle ne représente que 25 % des débouchés pour les jeunes doctorants, contre 75 % pour la recherche publique. En d'autres termes, c'est d'abord vers le secteur privé que doivent porter nos efforts de valorisation des doctorats. Nous allons pour cela mettre en place un certain nombre d'outils permettant aux trop nombreuses entreprises qui n'embauchent pas de docteur de mieux identifier les avantages d'un tel recrutement. À l'heure où la R&D a un rôle prépondérant dans la stratégie de compétitivité des entreprises, le fait de compter dans ses équipes quelqu'un qui connaît parfaitement son champ scientifique et l'état de la science constitue une plus-value que ne fournit pas un ingénieur. Par ailleurs, les docteurs sont par nature habitués à travailler selon les méthodes de l'innovation ouverte, laquelle constitue une ressource-clef pour la performance et la compétitivité de nos entreprises. N'oublions pas enfin que le crédit d'impôt recherche (CIR) bonifie l'embauche de jeunes docteurs.
Frank Reynier a évoqué la question de la prise en compte des coûts indirects dans les contrats conclus avec l'ANR. Il faut rappeler que la prise en compte de ces coûts se faisait jusqu'au 1er juillet 2015 à un taux de 15 %. À 19 % nous sommes encore en dessous des 25 % pratiqués par l'Union européenne mais, compte tenu de la contrainte budgétaire, je ne suis pas certain que l'on puisse aller au-delà.
En ce qui concerne l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA), il est amené à jouer un rôle déterminant dans la capacité de notre pays à opérer sa transformation numérique. Mais il faut savoir que le numérique est un axe transversal de la stratégie nationale de recherche et que son financement va bien au-delà de la seule loi de finances. Les PIA financent par exemple de nombreux projets en lien avec le numérique – je pense notamment aux appels à projets concernant France très haut débit, les quartiers numériques de la French Tech, les concours d'innovation numérique, la fourniture de services publics numériques ou encore les initiatives d'excellence en formations innovantes numériques (IDEFI-N).
Dans ces différentes lignes du PIA, une seule relève de notre ministère, les IDEFI-N, auxquelles il a été prévu d'affecter un montant de 12 millions d'euros destinés à accompagner une quinzaine de projets présélectionnés. Par ailleurs, d'autres filières d'excellence comme les IDEC, les ISIT, les EQUIPEX ou les LABEX doivent aussi comporter un volet numérique. Cela étant, le débat reste ouvert sur la pertinence de réunir dans un sous-ensemble spécifique, permettant de mieux les identifier, l'ensemble de ces enjeux numériques.
Philippe Plisson m'a interrogé sur les priorités du programme 190, piloté par le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. La recherche est en effet un levier essentiel de la transition énergétique et, plus largement, des politiques conduites par ce ministère. Ce sont 1,4 milliard d'euros qui seront cette année alloués aux organismes de recherche pour faire progresser la connaissance, fournir les données nécessaires à l'éclairage des politiques et encourager l'innovation.
Dans le domaine de l'énergie, 630 millions d'euros sont prévus au PLF pour le maintien du secteur nucléaire et pour le développement des nouvelles technologies de l'énergie.
S'agissant de la recherche dans le domaine des transports, de la construction et de l'aménagement, 102 millions d'euros seront alloués à l'Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (IFFSTTAR) et au Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), afin de mettre l'accent sur la prévention du changement climatique, l'adaptation à ses effets et la mise en oeuvre de la transition énergétique et écologique.
S'agissant de la recherche dans le domaine des risques, 180 millions d'euros sont mobilisés au bénéfice de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) et de l'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN), afin d'optimiser les systèmes de prévention des risques et de renforcer la qualité des activités d'expertise de ces deux organismes. Enfin, 50 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2015 seront consacrés au démantèlement des installations nucléaires du CEA.
Ce sont des efforts assez significatifs, auxquels s'ajoutent tous les crédits destinés à la recherche industrielle aéronautique, qui bénéficieront en priorité au programme Airbus post-2020, porteur de très forts enjeux industriels et commerciaux, un accent tout particulier étant mis sur les performances environnementales puisqu'elles sont un facteur clef de réussite pour une révolution technologique ambitieuse.
Les programmes incitatifs de recherche ont pour objectif d'accompagner l'élaboration, la mise en oeuvre et l'évaluation des politiques publiques du ministère. Ils mobilisent les organismes publics de recherche et sont en cela complémentaires des programmes mis en oeuvre par l'ANR ou l'ADEME. L'objectif de maîtrise des dépenses a conduit, depuis 2015, à ne pas engager de nouveaux moyens sur cette ligne, priorité étant donnée au maintien des dotations de recherche des opérateurs financés sur le programme 190. Cela suppose de leur part des efforts de priorisation et des allégements d'effectifs. Les 6 millions d'euros inscrits au programme en 2016 seront donc uniquement des crédits de paiement, destinés à couvrir les engagements antérieurs. Les conseils scientifiques des différents programmes de recherche pilotés par le ministère pourront toutefois être mobilisés en appui des différentes politiques sectorielles et des actions lancées avec les moyens des programmes correspondants. La ministre de l'écologie a fait savoir qu'elle s'attachera par ailleurs à poursuivre la mobilisation et la valorisation des travaux de recherche utiles à l'accompagnement des politiques qu'elle est chargée de mettre en oeuvre.
Charles-Ange Ginesy m'a interrogé sur les programmes 172 et 193, et fait part de ses inquiétudes au sujet de l'Institut de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA), qui connaît des problèmes de financement. Ces difficultés ont justifié l'octroi d'un complément de moyens en fin d'année dernière. Afin d'avoir une vision claire de l'évolution de la situation financière de l'IRSTEA et de ses perspectives stratégiques, le ministre de l'agriculture et moi-même avons diligenté un double audit de cet organisme par les inspections générales des deux ministères. Parallèlement, il a également été fait appel à un cabinet de conseil privé. Les résultats de ces travaux nous parviendrons d'ici à fin novembre. Nous étudierons alors les mesures à mettre en place pour consolider cet établissement.
En ce qui concerne l'endettement du Centre national d'études spatiales (CNES), cet organisme étant un opérateur de l'État, il ne peut donc contracter des emprunts supérieurs à un an. Cela étant, la contribution de la France à l'Agence spatiale européenne (ESA) transite en effet par le CNES. Pour 2016, la part de la contribution française à l'Agence inscrite au programme 193 se monte à 824 millions d'euros, à quoi s'ajouteront les crédits du PIA et une partie de la cession des parts d'Arianespace. Cela représente une progression de 7,3 millions d'euros par rapport à la loi de finances pour 2015. Ce montant est strictement conforme à la programmation de moyen terme adopté par le conseil d'administration du CNES en juin dernier. Cela va conduire à partir de 2016 à une hausse de la dette de financement à l'égard de l'ESA. Ce déficit devrait être résorbé à l'horizon 2024. Pour le moment la France est en léger excédent de financement en raison d'efforts budgétaires et d'un strict contrôle des engagements. C'est probablement cet effort qu'il faudra prolonger dans la durée.
J'annonce d'emblée que les parlementaires du groupe Socialiste, républicain et citoyen voteront les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Vous nous avez promis, monsieur le secrétaire d'État, une série d'annonces concernant les docteurs. Des dispositifs de soutien existent déjà, comme les conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE), qui existent depuis une trentaine d'années et ont permis de former et d'accompagner plus de vingt-trois mille doctorants. Ne pensez-vous pas, compte tenu de la formidable réussite de ces CIFRE, qui contribuent par ailleurs à accroître la compétitivité de nos entreprises, qu'il conviendrait de les renforcer et d'en étendre le bénéfice aux collectivités territoriales, notamment en matière d'urbanisme ?
Ce budget est un budget en trompe-l'oeil. On ne peut en effet déconnecter les crédits figurant dans le PLF pour 2016 de l'exécution budgétaire 2015 marquée par de nombreuses annulations de crédits. Nous avons donc quelques doutes sur sa sincérité.
La communication ministérielle a été principalement centrée sur les universités, mais qu'en est-il du financement des grandes écoles, des organismes de recherche ou de l'enseignement supérieur privé sous contrat ?
Vous évoquez également la stratégie nationale de l'enseignement supérieur, à propos de laquelle un rapport contenant un certain nombre de préconisations vous a été remis. Qu'avez-vous prévu pour financer ces préconisations ?
Enfin, le ministère nous parle depuis un an de l'évolution du modèle d'allocation des moyens pour les universités – le fameux modèle SYMPA. Pouvez-vous nous indiquer où en est le ministère de ses réflexions sur le sujet ?
Le maintien des crédits alloués à la mission « Recherche et enseignement supérieur » constitue un signal positif. Pour autant, on ne peut se satisfaire des orientations privilégiées. Certes, les budgets des universités augmentent, mais ai-je besoin de rappeler la hausse du nombre d'étudiants ? À la rentrée 2015, les universités devaient accueillir 65 000 étudiants supplémentaires, après une hausse de 30 000 inscrits en 2014. En réalité, les établissements d'enseignement supérieur doivent donc fonctionner avec des dotations toujours plus contraintes.
En outre, les inégalités se creusent entre établissements et entre étudiants. D'après le rapport de l'Association pour l'emploi des cadres (APEC) sur l'insertion des jeunes diplômés, à peine 45 % des étudiants ayant validé cinq années d'études supérieures sont en CDI un an après l'obtention de leur diplôme, contre 70 % des étudiants issus des écoles de commerce ou des écoles d'ingénieurs. Il est malheureusement évident que nous nous dirigeons vers une insertion à deux vitesses. Une politique dédiée à l'enseignement supérieur ne peut se limiter au déploiement de moyens supplémentaires. Il faut donc créer des liens entre le monde du travail et l'université.
En ce qui concerne les crédits de la recherche, le groupe de l'Union des démocrates et indépendants dénonce la baisse des crédits alloués au programme 192 « Recherche économique et industrielle » ainsi que celle des crédits alloués à la recherche agricole – programme 142, action 2. Alors que la France est touchée par une grave crise agricole et industrielle, le Gouvernement décide de diminuer la recherche dans ces secteurs : un comble !
Enfin, nous regrettons que la mission « Recherche et enseignement supérieur » ne transcrive pas deux grandes orientations défendues par notre groupe : d'une part, la création d'écosystèmes économiques, qui permettent de rapprocher universités, centres de recherche et entreprises ; d'autre part, l'affirmation de l'État stratège en matière de recherche et d'innovation au service de la compétitivité.
Pour toutes ces raisons, le groupe UDI votera contre ce budget.
Certes, vous annoncez, monsieur le secrétaire d'État, un budget en sensible augmentation, mais les crédits de paiement de la Mission interministérielle recherche et Enseignement supérieur (MIRES) diminuent à nouveau légèrement et, les effectifs étant, eux, en hausse, ce sont les moyens par étudiant qui diminuent un peu plus chaque année. En 2015, l'État dépensait 3 700 euros par étudiant, il en dépensera 3 600 en 2016.
Ce chiffre doit être distingué de la dépense intérieure d'éducation – la DIE – qui regroupe les dépenses de votre ministère ainsi que les dépenses des autres ministères, des collectivités locales, des entreprises et des ménages. La DIE par étudiant a elle aussi diminué de 2,8 % en deux ans, taux derrière lequel se cachent de profondes disparités : en 2013, la DIE moyenne par élève de classe préparatoire était de 14 800 euros, contre 10 000 euros pour un étudiant à l'université. Qu'avez-vous à dire de cet écart, qui n'est pas acceptable ?
Par ailleurs, le système de bourses universitaires a été revalorisé il y a deux ans, avec la création d'un échelon « 0 bis » et d'un échelon 7. C'est une excellente chose, mais les autres aides n'ont jamais été revalorisées, et ce PLF comporte une diminution de 18 % des aides indirectes, de 3 % des crédits affectés à la santé, aux activités associatives, culturelles et sportives, de 12 % des crédits alloués aux universitaires et scolaires – CNOUS et CROUS. Tout cela contribue aux conditions déplorables d'études, notamment en licence, dénoncées de toutes parts depuis la rentrée 2015. Je vous invite pour vous en convaincre à consulter le site « Ruines d'université ».
Concernant la recherche, la situation est sensiblement la même depuis le début du quinquennat. Les opérateurs ont des budgets globalement stables, les seuls crédits en forte augmentation étant ceux du CIR, en hausse de 63,5 % depuis 2012. Si les caisses de l'État étaient pleines, si les laboratoires de recherche publique avaient de quoi fonctionner correctement et si le CIR avait démontré son efficacité comme effet de levier pour stimuler les investissements privés en matière de recherche et développement, cette situation ne poserait guère problème mais, en temps de rigueur budgétaire, ne pensez-vous pas qu'un véritable débat public devrait être mené pour que les choix concernant le financement public de la recherche soient opérés selon des critères d'efficacité, a fortiori lorsque le Gouvernement refuse les amendements corrigeant les abus les plus manifestes signalés par la Cour des comptes ?
Avec près de 26 milliards d'euros le budget de la recherche et de l'enseignement supérieur – qui demeure le troisième de l'État après l'enseignement scolaire et la défense – devrait être stabilisé, et nous espérons que la rallonge proposée par le Gouvernement sera adoptée à l'issue de l'examen de cette mission. Cependant, nos universités et notre recherche gagneraient à être davantage soutenues, car la recherche constitue un levier essentiel pour le redressement de notre pays. La part de la France dans la production scientifique est de grande qualité et en progression, comparativement à l'Allemagne et au Royaume-Uni.
Concernant le patrimoine immobilier de nos établissements d'enseignement supérieur, comme l'a souligné la rapporteure pour avis Anne-Christine Lang, sa situation est préoccupante. En effet, 40 % des locaux se trouvent dans un état de dégradation que la rapporteure qualifie d'inquiétante, voire de franchement préoccupante pour 12 % d'entre eux. Il est donc urgent de trouver des solutions et des crédits pour accueillir convenablement les étudiants, dont le flux de nouveaux inscrits chaque année est passé de 25 000 au début des années deux mille à quelque 65 000 depuis 2014.
Par ailleurs, si l'ouverture de nouveaux logements est prévue, l'offre actuelle est marquée par de grandes disparités territoriales. Nombre d'étudiants n'ont ainsi souvent pas d'autre choix que de se tourner vers le parc locatif privé pour se loger, ce qui ajoute au coût de leurs études. Enfin, l'accès aux soins est également problématique, les étudiants étant de plus en plus nombreux à renoncer à souscrire une complémentaire santé.
Nous avons bien noté la volonté du Gouvernement de porter à 50 % d'une classe d'âge le taux de titulaires d'un diplôme de l'enseignement supérieur, ambition très louable. Par quels moyens comptez-vous la servir, sachant que le projet annuel de performance de l'année 2014 a dû être revu à la baisse.
Quoi qu'il en soit, le budget consacré à l'enseignement supérieur et à la recherche reste un budget ambitieux bâti avec le souci de préserver l'équilibre entre accès aux études supérieures et débouchés professionnels.
Pour la deuxième année consécutive, les enseignants et les chercheurs étaient dans la rue vendredi dernier pour faire entendre leurs revendications concernant les crédits qui leur sont alloués.
On ne peut que se féliciter du nombre de jeunes qui entrent à l'université mais il faut leur assurer des conditions d'études susceptibles de les mener à la réussite. Or ce n'est guère le cas pour nombre d'entre eux, et j'attire votre attention sur la diminution des moyens affectés aux oeuvres universitaires, qui sont pourtant indispensables à la démocratisation de l'enseignement supérieur.
Vous avez, monsieur le secrétaire d'État, évoqué la recherche publique et la recherche fondamentale, domaines dans lesquels on ne peut parler de stabilisation puisque le budget des grandes infrastructures de recherche est en baisse, comme la subvention allouée au CNRS, tandis que le crédit d'impôt recherche continue d'augmenter. Quels moyens pourtant avons-nous de contrôler son efficacité ? N'a-t-on pas mis en lumière, lors de l'examen du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine le fait que, dans le domaine de l'archéologie préventive, certaines entreprises privées utilisaient le CIR pour baisser leurs tarifs et faire concurrence au service public ?
Pour l'ensemble de ces raisons, les députés du Front de gauche ne voteront pas ce budget.
Je me félicite de la hausse des crédits de l'enseignement supérieur, tout comme je me félicite de la forte augmentation du nombre d'étudiants qui accèdent à l'université. Cela nous impose de leur offrir les conditions de la réussite, notamment dans le premier cycle. Or la loi de 2013 sur l'enseignement supérieur et la recherche entendait asseoir cette réussite sur le « moins trois plus trois », c'est-à-dire la liaison entre le lycée et ce premier cycle de l'enseignement supérieur. La mission d'information menée sur cette question par Dominique Nachury et Émeric Bréhier s'est conclue par une série de préconisations concernant ce dispositif. Où en êtes-vous de sa mise en oeuvre ?
Par ailleurs, dans la mesure où ce n'est pas étranger au « moins trois plus trois », pourrait-on connaître les résultats de l'évaluation de la réforme du lycée menée en 2010 ?
On peut se féliciter de l'augmentation du nombre d'étudiants qui entrent à l'université. Encore faut-il rappeler qu'il s'agit du phénomène purement démographique. Je crois également, au vu de l'état dans lequel se trouvent nos établissements d'enseignement supérieur, que nous devons nous interroger sur l'université que nous voulons offrir aux jeunes Français.
Est-ce par ailleurs parce que vous souhaitez élargir le socle de la recherche que vous malmenez autant de lignes budgétaires de cette mission ? Ainsi, quel avenir réservez-vous à l'Institut national de recherche agronomique, dont vous sacrifiez les crédits, ce qui, à la veille de la COP 21, est assez paradoxal ? Si le fonctionnement et la programmation du CNRS sont assurés pour 2016, il lui sera très difficile en revanche de ne pas réduire à l'avenir certains programmes de recherche. Que nous apprennent ces diminutions de crédits du cap que vous entendez fixer à la recherche ?
Dans le domaine des sciences de la vie et de la santé, la recherche sur la prévention pour la protection de la nature et du vivant pourrait être source de progrès écologique, social et économique, si elle contribuait, grâce à la recherche appliquée sur le terrain, à favoriser l'alimentation locale et à développer de nouvelles pratiques agricoles, comme l'augmentation de 4 ‰ de captage du carbone des sols, l'agro-écologie ou l'agriculture biologique.
Pour ce qui concerne la santé, l'accueil des internes dans les hôpitaux de villes moyennes est compromis par les difficultés matérielles qu'il y a souvent à les y accueillir mais également par l'absence de médecins spécialistes permanents remplacés par des intérimaires, par ailleurs coûteux pour l'État.
Pour ce qui est de la recherche participative enfin, ne considérez-vous pas qu'elle devrait aller au-delà de simples conférences ? L'innovation peut passer par de nouvelles formes de formation supérieure et de recherche. Intégrer les étudiants et les chercheurs dans la vie active et sociale aurait l'intérêt de ne pas enfermer les étudiants dans des facultés trop pleines. L'extranet et l'intranet permettraient de faire le lien entre recherche et besoins humains, sociaux, économiques et environnementaux. À la veille de la COP 21 la mobilité innovante devrait se substituer à la concentration des cerveaux.
Les instituts universitaires de technologie (IUT) ont été créés en 1966 en lien avec l'objectif de diversification de l'enseignement supérieur. Leurs concepteurs avaient assigné à cette innovation universitaire des finalités sociales et professionnelles précises, dans un cadre défini, qui en ont fait une composante originale de l'enseignement supérieur français. En octobre 1965 s'ouvraient quatre IUT expérimentaux, et un décret de 1966 exposait les choix définitifs du Gouvernement, créait les onze premiers IUT et assurait la légitimité des IUT déjà ouverts ; cela concernait mille étudiants.
Le développement des IUT n'a pas été linéaire. Pourtant, leur succès initial se vérifie encore aujourd'hui, solidement assis sur la qualité de la mission que remplissent ces établissements auprès de leurs étudiants et de la valeur de leurs diplômés pour la nation. En 2016, nous fêterons les cinquante ans de cette filière de formation supérieure originale destinée à produire un nouveau profil de diplômés « capables de traduire dans le concret les conceptions de l'ingénieur ou le résultat de recherches théoriques, de transmettre et d'interpréter les instructions générales des responsables supérieurs administratifs, financiers et commerciaux ».
Les IUT pratiquent la professionnalisation à tous les niveaux, en concertation avec les acteurs économiques et sociaux. Ils constituent un espace privilégié d'échanges d'expériences et d'expertises entre enseignants, chercheurs et acteurs professionnels économiques, administratifs et sociaux. Ces échanges croisés se font dans l'intérêt des postulants, des étudiants et des diplômés. Ils contribuent aussi à l'évolution continue de l'enseignement dispensé, en lien avec les mutations économiques de la société.
Les étudiants sont accompagnés, jusqu'au diplôme et préparés à l'activité professionnelle à court, moyen ou plus long terme, comme en témoigne le résultat des enquêtes sur le devenir des diplômés des IUT. Monsieur le secrétaire d'État, entendez-vous valoriser ce travail remarquable d'accompagnement des jeunes ?
Dans son rapport, Anne-Christine Lang plaide pour un transfert direct de la maîtrise du patrimoine immobilier des universités à ces établissements. Si cette perspective peut permettre une gestion qui soit plus en phase avec les besoins des universités, elle peut également faire craindre une dilution de ce patrimoine. Quel est votre point de vue sur cette proposition et les éventuels garde-fous qu'il conviendrait de prendre pour éviter ce risque – même si Mme la ministre a indiqué que cette évolution n'était pas envisageable immédiatement ?
J'attire d'autre part votre attention sur la différence de 50 millions d'euros existant entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement consacrés à l'investissement dans le réseau des oeuvres universitaires et scolaires. Cette différence pourrait conduire à l'annulation et au report de nombre d'opérations d'investissement qui visent, pour la plupart, à la construction et à la réhabilitation de logements étudiants. Pourriez-vous rassurer les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) à ce sujet ?
Le système de répartition des moyens à la performance et à l'activité (SYMPA) était destiné à mieux prendre en compte les besoins spécifiques des établissements en même temps que leurs résultats. Mis en place en 2009, il semble avoir été abandonné. Le Gouvernement avait annoncé un modèle SYMPA II : qu'en est-il ? Le financement des universités par l'État ne pouvant être opaque, il n'y a pas lieu d'abandonner ce modèle mais bien nécessité de l'améliorer en renforçant et en homogénéisant les données à fournir par les établissements et apportant des clarifications au niveau central.
L'objectif de la politique du logement étudiant est de permettre au plus grand nombre d'étudiants possible d'accéder à un hébergement de qualité à moindre coût. D'ici à la fin de l'année 2015, près de 50 % des objectifs du Plan 40 000 aura été atteint. Qu'en est-il des dépenses d'investissement présentées dans le projet annuel de performance ? Pourquoi constate-t-on un écart important entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement de l'action 2 du programme 231 ? Pourriez-vous nous rassurer quant au soutien apporté au Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) et aux CROUS et quant à la poursuite de l'effort fourni par le Gouvernement en faveur de la construction de logements étudiants ?
Dans la continuité de la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche que nous avons adoptée en 2013, nous avons fait de la valorisation des résultats de la recherche l'un des principaux objectifs assignés à notre recherche publique. La production de connaissances par les opérateurs de recherche doit être une source d'innovations irriguant notamment l'économie nationale. La culture de l'innovation, de la valorisation et du transfert des savoirs et des technologies se renforce progressivement au sein de la recherche publique pour raccourcir le cycle de l'innovation et du transfert technologiques. Quels sont les outils prévus dans ce budget 2016 pour renforcer cet élan ?
L'accès aux études supérieures pour tous, citadins et ruraux, suppose de garantir le maillage territorial des universités et autres centres de formation supérieure. C'est en ce sens que la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche avait l'ambition de garantir l'équité entre les territoires en matière d'enseignement supérieur. Si je comprends que la recherche fondamentale s'exerce dans les grands centres universitaires urbains, les antennes universitaires délocalisées devraient garantir un accès égal à l'enseignement supérieur sur l'ensemble du territoire. Certaines zones rurales sont purement et simplement des déserts universitaires et de surcroît, les antennes universitaires décentralisées offrent un choix de formations souvent trop restreint. En obligeant les jeunes bacheliers à déménager pour étudier, on contribue au cercle vicieux de la désertification des territoires ruraux. Quelle politique votre ministère entend-il mener afin d'apporter un souffle nouveau au réseau et à l'offre des antennes universitaires délocalisées ?
Les domaines d'excellence constituent pour la France des facteurs de compétitivité. Nous avons la chance de disposer d'un réseau d'universités prestigieuses et attractives ainsi que de pôles de recherche reconnus qui, chacun, nourrissent l'activité économique en France. Si Sophie Dion a évoqué l'innovation dans le domaine sportif, j'insisterai pour ma part sur l'innovation dans le secteur de l'activité économique. Dans ma circonscription en Dordogne, la filière du cuir profite de toutes les innovations acquises par la recherche, favorisant la création d'emplois et l'attractivité de nos territoires. Le budget de la recherche sera en hausse de 6 millions d'euros pour l'année 2016. Dans le cadre des contrats de plan État-région, les régions jouent un rôle important en matière de recherche et d'enseignement supérieur, contribuant à l'activité (attractivité ?) économique des territoires. Quelles sont les perspectives prévues en matière de contrats de plan État-région et de répartition des moyens de recherche sur le territoire dans ce budget en augmentation ?
Le patrimoine immobilier universitaire est vieillissant, malgré l'effort d'investissement réalisé, notamment grâce aux programmes d'investissements d'avenir (PIA) entre 2007 et 2012. Il est donc nécessaire que des investissements soient effectués en faveur de ce patrimoine. À Saint-Étienne, nous en avons une parfaite illustration. Qu'allez-vous faire pour que la réfection de ce patrimoine soit anticipée, pilotée, priorisée et financée ?
Le premier programme d'investissements d'avenir a institué un mécanisme de financement des universités grâce aux intérêts tirés du placement de dix milliards d'euros sur un compte de l'État. Quel est le montant actuel de ces intérêts ? Quel contrat l'État a-t-il passé avec l'Agence nationale de recherche s'agissant de l'utilisation de ces intérêts en 2015 et dans les années à venir ?
D'autre part, en matière d'investissement dans les locaux de recherche, nous avons connu plusieurs expériences malheureuses de partenariat public-privé : sur le site de l'université Paris-Diderot a ainsi été construite une bibliothèque non accessible au public du fait d'un contrat de partenariat mal rédigé et d'un conflit juridique entre l'université et le fournisseur. Combien y a-t-il de partenariats public-privé en cours dans le secteur universitaire à partir des fonds du programme d'investissements d'avenir ?
De nombreux collègues ont relevé le manque d'ambition du budget de la mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (MIRES). Il semblerait que vous n'ayez pas anticipé la baisse des dotations aux collectivités territoriales qui aura immanquablement un impact, elle aussi, sur le budget des universités françaises. Traditionnellement, les collectivités territoriales sont partenaires des contrats de projet, du plan Campus et de la plupart des projets du programme d'investissements d'avenir (PIA). Or il est certain qu'elles feront des coupes sombres dans ces projets. Certains collègues ont en revanche pressenti cette diminution puisqu'ils proposent que les crédits dédiés au PIA et au Plan Campus soient désormais affectés à d'autres projets que ceux auxquels ils sont normalement affectés. Ils proposent même que certains crédits du PIA abondent le budget dédié à la construction et à la rénovation de l'immobilier des universités. Nous ne pouvons qu'y être opposés : chaque plan ayant son objectif, il convient de le respecter. Il serait désastreux que vous annuliez des crédits du Plan Campus pour les réaffecter ensuite à d'autres missions, vous éloignant ainsi de l'objectif dévolu au PIA, qui vise à soutenir des projets d'envergure, innovants et permettant la reconfiguration d'industries grâce à la recherche. Nous ne pouvons accepter ce tour de passe-passe. Avez-vous l'intention de respecter les différents contrats en cours ?
Ma question s'adresse au sportif de haut niveau qu'a été Thierry Mandon lorsqu'il était étudiant à Saint-Étienne. Monsieur le secrétaire d'État, votre ministère a fait de l'année scolaire 2015-2016 l'année du sport à l'école, de l'école à l'université. Nombre d'initiatives vont donc être prises, en particulier dans l'enseignement supérieur, telles que la conclusion de partenariats avec des clubs sportifs et des fédérations scolaires et universitaires, dans le contexte des grands événements sportifs internationaux organisés pendant cette période. Au-delà de ce label d'« année du sport », comment comptez-vous développer le sport universitaire ? En 2008, Stéphane Diagana et le professeur Gérard Auneau ont rendu un rapport, resté lettre morte, sur le développement du sport à l'université. Ils y soulignaient que 70 % des étudiants souhaitaient pratiquer une activité physique et sportive mais que seuls 20 % d'entre eux le faisaient.
En second lieu, je rejoins Dino Cinieri concernant la réorganisation et la restructuration des sites universitaires à Saint-Étienne. Nous venons d'inaugurer le campus santé-innovation sur le site Nord du centre universitaire hospitalier (CHU) de Saint-Étienne. Dans les cinq prochaines années, le campus de la Tréfilerie sera entièrement rénové grâce au CPER : pourriez-vous faire le point sur le transfert de la faculté de sciences sur le site de Manufacture ?
J'ai appris avec grande surprise que l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) s'apprêtait à déménager son centre de recherche de Rocquencourt. Créé en 1967, ce dernier était à la fois le siège et le principal centre de l'institut. Voilà qui paraît incohérent dans la mesure où l'INRIA est un élément fondamental de développement du projet du plateau scientifique de Paris-Saclay-Satory. Pourquoi les élus locaux n'ont-ils pas été consultés ni informés de ce changement ? Par ailleurs, l'INRIA a un rôle important à jouer dans l'élaboration du véhicule de demain, le véhicule sans pilote, et est censé pour cela coopérer avec l'Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (IFSTTAR), installé sur le plateau de Satory spécifiquement pour ce projet.
Ma collègue Valérie Louwagie et moi-même ayant récemment présenté un rapport d'information sur la Banque publique d'investissement (BPI-France), je ciblerai mon intervention sur le budget « innovation » du programme 192, qui a été réduit de plus de 50 % entre 2009 et 2015, passant de 343 millions d'euros en 2009 à 159 millions en 2015. Cette baisse est souvent légitimée par la montée en puissance parallèle des crédits consacrés à l'innovation dans le cadre du PIA mais ce dernier finance essentiellement de grands programmes collaboratifs de sorte que ses crédits ne sont pas substituables par nature. Il nous faut atteindre un plancher de 200 millions d'euros de crédits si nous voulons réussir à aider nos entreprises. On peut comparer ce volume aux 700 millions d'euros consacrés au seul programme nano 2017. Ces crédits permettent d'accorder des aides de 200 000 à 500 000 euros à près de 3 000 entreprises françaises chaque année. Or, le 15 octobre dernier, il n'y avait plus de moyens pour le faire. Comme l'a souligné M. Nicolas Dufourcq lors de son audition le 29 janvier 2015, c'est le coeur du financement de l'innovation et il n'est pas une entreprise innovante dans notre pays qui n'ait commencé ses activités sans un prêt de ce type. La Suède et la Finlande consacrent à cet objectif cinq à huit fois plus de crédits que la France. Il est donc essentiel de revoir ces choix avec sérieux sans en venir à des clivages qui n'ont pas lieu d'être dès lors qu'il s'agit de soutenir nos entreprises et de créer des emplois.
Encore une fois, les indicateurs de performance illustrent l'utilité et l'efficacité du crédit impôt recherche (CIR). Depuis 2013 au moins, on constate qu'en moyenne chaque euro de CIR est intégralement consacré à des dépenses de recherche-développement, entraînant même dans certains cas un effet multiplicateur. Il est vrai que le dispositif coûte cher mais son efficacité et ses résultats montrent qu'il n'y a pas lieu de vouloir le modifier, comme certains ont tenté le faire la semaine dernière dans l'hémicycle. Les entreprises concernées demandent sa stabilité.
S'agissant des jeunes entreprises innovantes, en principe, depuis le 1er janvier 2004, les jeunes PME indépendantes qui consacrent plus de 15 % de leurs charges à des dépenses de recherche-développement bénéficient d'une exonération de cotisations sociales. En principe – car depuis juin dernier, une circulaire de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) a décidé, contre la volonté du législateur, de réserver ces exonérations aux seuls salariés effectuant plus de 50 % de missions de recherche-développement. Cela est difficile à comptabiliser et surtout illogique car la R&D ne se mesure pas à l'échelle du salarié qui peut être polyvalent. Nous en débattrons dans l'hémicycle lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale mais j'attends une réponse claire du Gouvernement que j'interroge depuis plusieurs semaines à ce sujet. Quand l'exécutif compte-t-il faire annuler cette circulaire dangereuse pour les jeunes entreprises innovantes ? S'agit-il d'une décision unilatérale de l'ACOSS, visant peut-être à combler la baisse de compensation de sa dotation pour 2016, qui passe à 147,7 millions d'euros, contre 162 millions en 2015 ? Ou bien d'un coup de massue volontaire ? Je n'ose y croire et quoi qu'il en soit, il est urgent de rectifier le tir.
Afin de rassurer mes collègues ligériens, je rappellerai qu'un contrat de plan État-région vient d'être signé permettant de financer par trois tiers des projets ambitieux et que, dans ce cadre, c'est le site de Saint-Étienne qui sera le mieux doté de la région Rhône-Alpes.
Depuis plusieurs années, la dotation en faveur de l'industrie est insuffisante. En tant que rapporteur pour avis du programme 134, qui est très lié au programme 192, je suis inquiet depuis l'an dernier pour l'avenir des pôles de compétitivité. Cette politique, lancée il y a un certain temps déjà, a manifestement réussi parce qu'elle allie à la fois la recherche, les entreprises et la formation. Dans ma région, qui compte douze pôles de compétitivité et qui mobilise près d'un tiers du Fonds unique interministériel (FUI), on peut voir les écosystèmes à l'oeuvre. Or, on observe depuis plusieurs années une régression des financements issus de ce fonds. Dans le cadre du programme 134, j'avais réussi l'an dernier à stabiliser les autorisations d'engagement allouées au fonctionnement des pôles de compétitivité. Mais j'observe à nouveau une baisse du FUI, de 100 à 85 millions d'euros. Nous touchons aux limites de ce que le système peut supporter. Or, il ne s'agit pas de grands groupes mais de PME. Quelle est la stratégie à venir ? Souhaitez-vous pérenniser ce système ou le remplacer par un autre ?
Je relaierai les préoccupations des écoles d'ingénieurs dépendant de votre ministère quant aux droits d'inscription fixés par celui-ci à un niveau dramatiquement faible, de l'ordre de 620 euros, d'autant plus handicapant que les écoles relevant des ministères de l'agriculture et de l'industrie ont des droits bien plus élevés. De plus, la réforme de la taxe d'apprentissage a engendré pour les écoles d'ingénieurs une baisse de 30 à 60 % du produit de cette ressource. Enfin, vous demandez aux écoles d'ingénieurs d'accueillir un maximum d'élèves boursiers. Les écoles d'ingénieurs du collégium de l'université de Lorraine comptent 30 à 40 % d'étudiants boursiers bénéficiant de la gratuité de l'inscription – gratuité imposée qui n'est pas compensée aux écoles d'ingénieurs. Ces trois éléments plombent sérieusement les comptes de ces écoles et réduisent presque à néant leur capacité d'investissement. Ne serait-il pas nécessaire soit de revaloriser ces droits d'inscription soit de laisser la liberté aux écoles de déterminer librement le montant de ces droits ? N'est-il pas scandaleux de ne pas compenser cette gratuité ?
D'autre part, vous avez labellisé plusieurs campus des métiers de la qualification ces derniers mois en France. Au-delà de l'effet d'annonce, quelles mesures financières d'accompagnement campus comptez-vous prendre ?
Ce budget traduit l'ambition du Gouvernement à l'égard du programme 231 consacré à la vie étudiant et prépare la massification annoncée des publics étudiants. Cela étant, les remarques de notre collègue rapporteure thématique Anne-Christine Lang concernant la dégradation du bâti sont à prendre au sérieux. Comment anticipez-vous la rénovation de ce bâti sachant que dans le programme 231, vous insistez beaucoup sur l'importance des associations étudiantes, de la socialisation, du sport et de la santé ?
S'agissant de l'attractivité, un programme Max IV consacré à l'énergie solaire, en cours près de Malmö au sud de la Suède, piétine aujourd'hui car les partenaires qui lui sont associés s'en désengagent progressivement. N'est-il pas temps de donner un coup de pouce à ce type de projet, intéressant pour construire un campus européen ?
Enfin, les programmes de conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE) et, plus généralement, l'emploi des docteurs sont un enjeu fondamental, soulevé, notamment, à la suite de la mobilisation des jeunes chercheurs en 2004. Je partage votre propos, s'agissant de la connaissance qu'ont ces docteurs de l'écosystème mais les entreprises ont du mal à accueillir ces diplômés même si des tentatives ont été faites dans les territoires, à l'instar des doctoriales qui visent à favoriser la rencontre des entrepreneurs et des docteurs.
Les crédits du programme 192 continuent à baisser, passant de 975 à 945 millions d'euros. Au sein de cette mission, ce sont essentiellement voire uniquement les dépenses d'intervention qui sont mises à mal. Pourquoi avoir concentré la diminution des crédits sur cette ligne consacrée aux transferts aux entreprises ?
Dans le cadre de la mission d'information consacrée à BPI-France, que j'ai présidée et dont Laurent Grandguillaume fut le rapporteur, les entreprises, les opérateurs de soutien et d'aide au développement et BPI-France ont à plusieurs reprises attiré notre attention sur les effets de ces baisses de crédits de programme. Celles-ci affectent avant tout l'innovation et par conséquent, le développement de nos entreprises. Je m'associe donc pleinement aux propos qui viennent d'être tenus par Laurent Grandguillaume : sera-t-il possible de revoir ces lignes de crédits ? Car si BPI-France assure un soutien important aux entreprises, cette structure est aujourd'hui gênée par le manque de moyens dévolus à l'innovation.
Le budget consacré à la recherche et à l'enseignement supérieur illustre l'absence de vision du Gouvernement en la matière. L'année 2015 n'est pas près d'être oubliée par les universités et les écoles d'ingénieurs puisque vous avez retenu 100 millions d'euros sur leur fonds de roulement, provoquant un véritable traumatisme pour beaucoup. Voulant nous rassurer, le Premier ministre a annoncé que ce prélèvement ne se reproduirait pas. Mais ce budget ne va rassurer ni les chefs d'établissement, ni les étudiants, ni leurs parents. En effet, le système universitaire est saturé et doit faire face à un afflux de plus de 40 000 étudiants supplémentaires. Cet afflux n'a pas été anticipé puisque le budget reste quasi constant. Et l'image des amphithéâtres bondés en ce début d'année est déplorable pour la réputation de notre pays.
Le problème ne concerne pas uniquement le nombre d'étudiants mais aussi leur orientation. À l'heure où le chômage des jeunes est si élevé, malgré tous les subterfuges utilisés par le Gouvernement pour en baisser les chiffres – tels que le service civique ou les nombreux contrats aidés –, il est inquiétant que les disciplines qui accueillent de plus en plus d'étudiants ne soient pas celles qui offrent le plus de débouchés. Ainsi constate-t-on une augmentation de 8 % des effectifs en psychologie et de 10 % en sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS). Voilà qui peut légitimement inquiéter. Comment comptez-vous améliorer l'orientation des étudiants et leur procurer une formation qui leur permette d'obtenir un emploi ?
Je me réjouis de la qualité de ce débat. Si l'on entend parfois certains, par tribune interposée, réclamer que l'on modifie les règles d'entrée à l'université pour en renforcer la sélectivité ou que l'on multiplie par trois ou quatre les droits d'inscription, tel n'a pas été le cas dans cette enceinte. En dépit de quelques oppositions, nos positions sont relativement convergentes sur l'originalité du modèle français d'organisation de l'enseignement supérieur qui vise à conjuguer la démocratisation et la qualité sans barrières à l'entrée – modèle que l'on retrouve d'ailleurs dans d'autres pays européens.
M. Bréhier a insisté à juste titre sur l'intérêt du dispositif CIFRE qui représente aujourd'hui 10 % des doctorants et nous invite à étudier les conditions de son élargissement aux collectivités territoriales. Sauf à être mieux informé de difficultés, il me semble que c'est déjà possible puisqu'au moins trois entités locales en bénéficient : Marseille Provence Métropole, la communauté d'agglomération du territoire de la Côte Ouest et la compagnie d'aménagement des Coteaux de Gascogne. Je suis prêt à étudier précisément comment faciliter l'ouverture de ce dispositif aux collectivités intéressées.
M. Hetzel a tenu des propos généraux n'appelant pas de réponse particulière de ma part mais aussi évoqué le modèle SYMPA. Ce dernier a évolué puisque, aujourd'hui, les écoles d'ingénieurs sont passées à un système différent appelé modèle d'allocation des moyens aux établissements d'enseignement supérieur (MODAL). Le système SYMPA continue d'être utilisé par les universités même s'il reste à l'étude. Nous pouvons tempérer les résultats de ce modèle en faisant évoluer les modalités d'allocation des mille emplois pour tenir compte des évolutions d'effectifs qui touchent inégalement les universités selon les matières enseignées et en opérant des rééquilibrages en matière de taux d'encadrement dans un certain nombre de disciplines. Avant d'entamer une évolution plus profonde du système, nous souhaitons le moduler au regard de ces deux facteurs.
M. Rudy Salles a posé la question générique des relations entre l'université et l'entreprise. Je ne suis pas certain que les possibilités offertes par l'état actuel de la législation soient partout optimisées comme il serait opportun de le faire. Ainsi, la présence d'un représentant du monde économique dans les conseils d'administration des universités, aujourd'hui permise par la loi, me paraît très utile, ne perturbe en rien l'image que l'on peut se faire des missions de l'université et peut améliorer l'adéquation de certaines formations professionnalisantes aux bassins d'emploi.
Mme Attard estime que ce budget manque d'ambition, avis que je ne partage nullement. Je me réjouis pour ma part de la progression de 165 millions d'euros des crédits dédiés aux universités, qui ne fut pas simple à obtenir dans le contexte actuel. Depuis 2012, les programmes 150 et 230 ont progressé de l'ordre de 750 millions d'euros, dont 450 pour la vie étudiante et 300 pour les établissements. Cette progression est d'autant plus significative que notre système d'enseignement supérieur est davantage confronté à un problème de modèle économique global que de dotations de l'État. La démocratisation et l'exigence de qualité qui doit l'accompagner mettent sous tension notre système universitaire. Il serait vain de croire qu'il suffit d'augmenter les moyens budgétaires de l'État pour résoudre ce problème de modèle économique, qui se pose tant en recettes qu'en dépenses. En recettes, les ressources propres des établissements et le rôle à jouer en matière de formation professionnelle continue sont des variables importantes sur lesquelles il faut mettre l'accent. En dépenses, il n'est pas vrai que la progression de la démographie étudiante doive mécaniquement s'accompagner d'une augmentation des mètres carrés disponibles à due proportion : la transformation numérique influera sur les modes d'innovation pédagogique, les méthodes d'enseignement et les modalités d'accueil des étudiants, bien plus profondément que les acteurs du système ne le pensent aujourd'hui. Ne nous faisons pas d'illusions sur les gains de productivité que permettra la transformation numérique mais elle nous conduira à l'évidence à nous poser autrement la question du modèle économique. Ayons donc ces éléments à l'esprit.
L'immobilier, sur quoi Mme Gilda Hobert et d'autres m'ont interrogé, est une question majeure. Aussi les prochains mois devront-ils être frappés du sceau de l'imagination et de l'innovation.
Je ne reviens pas sur les sommes consacrées à la réhabilitation, à la rénovation des bâtiments universitaires, tant dans le budget et dans les CPER que dans les différents dispositifs du plan Campus – Mme la ministre les a déjà donnés – mais, convenons-en, au regard des besoins, ces montants sont tout à fait insuffisants. Convenons-en aussi, notre perspective est la dévolution du patrimoine, mais elle ne peut être généralisée aujourd'hui, eu égard aux sommes absolument considérables qui sont en jeu. Telles sont donc les données du problème : des besoins considérables, un système qui, en l'état actuel, ne permet pas la dévolution et la nécessité de consolider l'autonomie des établissements pour que cette dévolution puisse être envisagée à court ou moyen terme. Je lirai donc avec intérêt les rapports consacrés à ce sujet, notamment celui d'Anne-Christine Lang, et m'investirai pleinement dans une réflexion sur un nouveau modèle qui nous permette de surmonter ce blocage. Nous aurons donc l'occasion, au cours des prochains mois, de nous livrer à une sorte de brainstorming et d'examiner plusieurs pistes.
Mme Buffet, Mme Olivier, Mme Corre, à qui l'évolution des autorisations d'engagement inspire des inquiétudes, m'ont interrogé sur la situation du CNOUS et des CROUS. Les moyens annuels pour le réseau du CNOUS et des CROUS sont composés d'une part de 279 millions d'euros de subventions pour charges de service public, qui permettent de couvrir totalement la masse salariale et, d'autre part, de 93 millions d'euros de dotations en fonds propres, qui permettent le financement des nouveaux logements étudiants et des projets de réhabilitation des restaurants universitaires. Les crédits de paiement connaissent une baisse de 50 millions d'euros sur le titre VII, tandis que les autorisations d'engagement sont maintenues. Pourquoi cette baisse ? Nous avons tout simplement procédé à un ajustement aux nécessités de trésorerie. Compte tenu de la montée en régime des différents programmes, les montants inscrits au budget correspondent aux besoins du CNOUS, mais nous travaillerons naturellement avec CNOUS et CROUS pour que ce pilotage fin de trésorerie soit le plus efficace possible et ne conduit pas au report de programmes envisagés.
Nous ne subissons pas le mouvement de démocratisation de l'enseignement supérieur : nous le souhaitons, nous le revendiquons. Dès lors, je souscris aux propos tenus sur les oeuvres universitaires, d'autant que l'expérience de pays étrangers montre combien il est nécessaire, quand on démocratise, de trouver des dispositifs innovants. Cet accompagnement social a déjà commencé, avec un effort considérable sur les bourses et le logement étudiant, mais aussi avec la réorganisation du système d'enseignement supérieur autour de COMUE, qui permettent, par la mutualisation d'un certain nombre de fonctions, de se poser autrement les questions de la vie étudiante, de l'accueil des étudiants, de l'accueil des étudiants étrangers, voire de la stratégie immobilière et de la réorganisation d'un certain nombre de campus. En tout, cas, les programmes d'accompagnement social de la démocratisation doivent être notre première préoccupation.
Si les crédits du CNRS, d'un montant supérieur à 2,5 milliards d'euros, diminuent d'environ 8 millions d'euros, cette baisse correspond strictement à des redéfinitions de périmètres liées au fonctionnement d'un certain nombre d'équipements de recherche, qui ne nécessitent pas cette année les moyens envisagés les années précédentes. En fait, ces effets de périmètres mis de côté, le budget du CNRS est reconduit.
M. Yves Durand évoque la question majeure de la liaison entre le baccalauréat et le premier grade universitaire. Ce lien trouve une raison d'être nouvelle dans les objectifs que la nation se fixe d'accompagner 60 % d'une classe d'âge jusqu'à à un diplôme de l'enseignement supérieur.
Trois types de questions nous sont posés, auxquelles nous répondrons dans les prochains jours.
Premièrement, comment, dès le lycée, assurer une meilleure préparation des futurs étudiants ? Tout ce qui peut améliorer une meilleure information des lycéens sur la réalité des filières de l'enseignement supérieur est bienvenu – voilà qui répond à une question posée par M. Chevrollier. De ce point de vue, nous devons sophistiquer l'outil d'information et améliorer la transparence des données relatives aux perspectives offertes par les différentes filières universitaires en termes d'emploi et de salaire moyen, un an, deux ou trois ans après la fin des études, car ces éléments orientent nécessairement les choix que peuvent faire les étudiants et leurs familles. Or, aujourd'hui, l'information disponible présente un caractère trop général. De mon point de vue, elle n'est pas satisfaisante. Des travaux sont en cours, dont nous aurons l'occasion de parler dans les prochaines semaines, mais il est indispensable que les futurs étudiants soient, dès le lycée, beaucoup mieux informés qu'ils ne le sont aujourd'hui.
Deuxièmement, qu'en est-il de l'accueil à l'université ? Qu'en est-il des premiers pas d'un étudiant à l'université ? Nous devons travailler sur l'ensemble des éléments d'information qui peuvent lui être donnés, mais aussi sur la rénovation pédagogique des licences, voire l'évolution de l'offre pédagogique d'un certain nombre de licences – les licences professionnelles doivent ainsi être renforcées.
Troisièmement, nous devons examiner la question de la liaison qui doit être assurée par les acteurs concernés entre institutions de l'enseignement scolaire et institutions de l'enseignement supérieur. Je songe notamment à une co-organisation de l'orientation active avec de nouveaux modes de coopération des enseignants du scolaire et du supérieur. De nombreuses expériences sont menées sur tout le territoire, avec succès. Il s'agit de les transposer à grande échelle. Nous ferons donc des annonces importantes dans les prochaines semaines.
Mme Dalloz a parlé d'une université française « en ruines ». Ces propos portent préjudice à nos universités. Quel intérêt y a-t-il à proférer de tels énoncés, qui ne sont pas vrais ? Certes, nos universités connaissent des difficultés, mais elles ne sont pas « en ruines », comme en témoigne leur attractivité – c'est tout de même un bon indicateur. Si tant d'étudiants étrangers veulent étudier en France, c'est parce que nos universités sont d'une très grande qualité. J'étais encore il y a quelques jours au Japon : eh bien, je peux vous assurer que les premières puissances mondiales ne considèrent pas que notre système universitaire est « en ruines ». Il faudrait qu'il soit perfectionné, évidemment, mais je ne peux pas laisser passer des propos comme ceux qu'a tenus Mme Dalloz.
Les moyens alloués à l'INRA ne sont pas sacrifiés : ils sont quasi stables par rapport à l'année dernière. Là encore, on peut juger qu'ils sont insuffisants, ce qui est un point de vue tout à fait légitime, mais nous avons intérêt à nous accorder au moins sur les diagnostics : cela donnera plus de force à nos débats sur les réponses qu'il convient d'apporter.
Madame Allain, les COMUE, notamment les COMUE interrégionales, sont tout à fait adaptées aux régions à faible densité démographique. Elles ont été en partie pensées comme une réponse à cette problématique. Elles permettent une mutualisation des moyens qui favorise le développement de formations pluridisciplinaires de qualité et facilitent le parcours des étudiants dans l'enseignement supérieur. Les établissements universitaires situés dans les territoires ruraux sont souvent en pointe en matière d'innovations pédagogiques. C'est aussi dans ces établissements de petite taille que le taux de réussite des étudiants est le plus élevé. Cela vaut donc la peine d'aller voir sur place les raisons de ces bons résultats. Dans le cadre des réflexions préparatoires au troisième programme d'investissements d'avenir, nous travaillons sur un certain nombre d'idées autour de l'innovation pédagogique.
Monsieur Charasse, vous avez fait un plaidoyer sur la place des IUT. Comme vous, le Gouvernement est convaincu que les IUT sont un outil merveilleux, qu'il faut soutenir. Nous leur accordons ce soutien dans le cadre des contrats d'objectifs et de moyens que nous signons avec eux et avec leur université de rattachement, conformément à ce que prévoit la loi de 2013. Les IUT ont désormais une perspective pluriannuelle et, surtout, sont en mesure de coordonner leur offre de formation.
En outre, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche s'implique beaucoup dans la démarche d'orientation prioritaire des bacheliers professionnels et technologiques vers les STS et les IUT. Lors de la rentrée de 2015, nous avons enregistré, à ce titre, une augmentation de 5 % de l'orientation vers les STS et de 11 % vers les IUT pour les deux premières années. Nous souhaitons aussi la mise en place de passerelles plus nombreuses afin de favoriser la poursuite d'études des titulaires de DUT qui le souhaitent, notamment dans le cadre des contrats de sites.
Non seulement nous portons, comme vous, un regard positif sur les IUT, mais nous pensons qu'ils peuvent jouer un rôle très utile pour favoriser la réussite des jeunes, dans un contexte où le choix des parcours après le diplôme de l'enseignement secondaire est libre.
Mesdames Corre, Nachury et Olivier, j'ai répondu précédemment aux questions concernant la dévolution, le modèle SYMPA, le CNOUS et les CROUS.
Plusieurs d'entre vous, notamment Mme Olivier et M. Grandguillaume, ont estimé qu'il était difficile d'y voir clair dans les dispositifs de soutien à l'innovation, de valorisation de la recherche et de liaison entre la recherche publique et le monde industriel. Nous en sommes, nous aussi, tout à fait convaincus.
Il y a dix ans, il n'existait presque pas d'outils en la matière. La loi Allègre de 1999 en avait créé un certain nombre pour développer l'innovation, mais il s'agissait principalement de permettre à des chercheurs du public de créer leur entreprise ou de participer au développement d'une start-up et, si les choses ne se passaient pas bien, de reprendre leur parcours professionnel antérieur.
Depuis dix ans, les outils nationaux, auxquels il faut ajouter ceux des régions, des départements et des agglomérations, se sont considérablement développés. Le résultat est, lui aussi, considérable : aujourd'hui, l'idée que la recherche publique et les entreprises doivent collaborer et que cela peut leur être mutuellement profitable est acquise. De ce point de vue, les dispositifs ont fait la preuve de leur utilité. En revanche, nous devons réfléchir aux améliorations possibles, en nous interrogeant sur plusieurs points : les résultats concrets de ces dispositifs, leur superposition, la lisibilité générale du système, mais aussi le « retour » pour la recherche publique. Nous allons le faire, avec le ministère de l'industrie.
J'aborde cette question non pas dans une logique d'économies, mais d'un double point de vue. Premièrement, il faut simplifier profondément le système pour le rendre plus lisible. Les établissements consacrent beaucoup trop de temps à répondre aux différents appels à projets pour décrocher tel ou tel morceau de subvention. Les chercheurs du public ou du privé sont ainsi distraits de leur activité de recherche, qui est pourtant leur raison d'être. Deuxièmement, j'y insiste, le retour pour la recherche publique est insuffisant : certaines réussites industrielles, françaises ou autres, sont le résultat direct du travail de qualité fourni par nos organismes de recherche ou nos laboratoires, mais ceux-ci ne bénéficient pas d'un juste retour.
Pour résumer, la culture du rapprochement entre organismes de recherche et entreprises s'étant diffusée, c'est désormais la « récolte » qui compte, tant pour les acteurs du public que pour ceux du privé.
Monsieur Morel-A-L'Huissier, j'ai déjà apporté une réponse sur le rôle des implantations universitaires très décentralisées.
Madame Langlade, dans le cadre des CPER, le Gouvernement a prévu une enveloppe de 1,2 milliard d'euros, répartie entre le volet « enseignement supérieur » et le volet « recherche et innovation ». D'autres moyens sont mobilisés au profit des régions et des territoires : le plan campus a été complété par les opérations « campus prometteurs » et « campus innovants » ; le programme d'investissements d'avenir (PIA) participe, lui aussi, des efforts de soutien aux infrastructures.
Madame Berger, le taux d'intérêt appliqué à la part non consommable des investissements d'avenir est fixé pour dix ans. Les choses sont donc « sécurisées » pour dix ans, mais seulement pour dix ans. Dans le cadre du PIA1, 22 milliards d'euros avaient été mobilisés, dont 7 milliards de dotations consommables et 15 milliards de dotations non consommables. Ces 15 milliards produisent 450 millions d'intérêts par an, soit quelque 4,5 milliards sur la période de 2011 à 2020. Dans le cadre du PIA2, le mécanisme est le même : les dotations non consommables produisent 100 millions d'euros d'intérêts supplémentaires par an, soit 1 milliard sur la période de 2015 à 2025. Bien sûr, ces crédits sont utilisés conformément aux règles du PIA. Il n'y a d'ailleurs pas d'inquiétude à avoir, madame Rohfritsch : les programmes en cours seront poursuivis, et l'argent ne servira pas à autre chose.
Le partenariat public-privé qui pose problème à l'université Paris 7 porte non pas sur une bibliothèque, mais sur un centre de documentation et de recherche ouvert uniquement aux chercheurs. Il y a en effet un contentieux entre l'établissement et l'opérateur – tel est le risque que présentent les partenariats public-privé –, que nous suivons de près.
Actuellement, dix partenariats public-privé sont en cours. Ils représentent 84,8 millions d'euros de crédits de paiement inscrits au projet de loi de finances pour 2016. En outre, sept contrats de partenariat public-privé sont en cours d'attribution. Ils seront signés en 2016 ou dans les années qui suivent. Nous avons confié à M. Stéphane Pellet, inspecteur général de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, une mission de réflexion sur la forme juridique des contrats à venir : convient-il de privilégier la maîtrise d'ouvrage publique ou les partenariats public-privé ? Il ne faut pas être dogmatique en la matière, mais examiner les choses très précisément, afin d'être le plus efficace possible.
Monsieur Juanico, le soutien à la vie sportive dans les établissements universitaires est une dimension que l'on a trop longtemps sous-estimée dans la vie des campus. Dans certains pays étrangers, tels que les États-Unis et les pays nordiques, tous les campus accordent une grande place au sport qui, loin d'être relégué à l'arrière-plan, fait pleinement partie de la vie étudiante. Le Gouvernement a donc décidé d'affirmer l'importance du sport à l'école et à l'université et d'en favoriser la pratique en développant les partenariats avec les fédérations sportives, en valorisant les projets sportifs dans le cadre de notre communication et en mobilisant des moyens supplémentaires dans le programme consacré à la vie étudiante pour que les campus s'adaptent à la pratique sportive.
Monsieur de Mazières, je suis surpris de votre interrogation puisque le projet de déménagement de l'INRIA a commencé en 2007. Il est impossible que des élus aussi compétents que vous aient ignorés ces perspectives pendant huit ans. Nous vous transmettrons tous les éléments qui vous permettront de le vérifier. La raison de fond de ce déménagement est d'ordre scientifique. Le centre Paris-Rocquencourt, qui est l'un des huit centres de recherche de l'INRIA, développe depuis plusieurs années des partenariats fondés sur l'excellence et la complémentarité avec les universités parisiennes que sont l'École normale supérieure (ENS), le Collège de France, l'École des Mines ParisTech. La plupart de ses équipes sont communes à ces universités. Il participe à trois initiatives d'excellence (IDEX) parisiennes et est membre de trois communautés d'universités parisiennes. Par ailleurs, l'INRIA s'est fortement engagé dans le tissu économique parisien au travers des pôles de compétitivité – et notamment de Cap Digital dont il est un membre très actif. À ce titre, la proximité de la French Tech parisienne sera pour l'INRIA le catalyseur de nombreux projets et un atout majeur de développement de l'écosystème économique. Bref, ce déménagement fait absolument partie de la stratégie de développement de l'établissement et suscite l'adhésion d'une majorité très large des 630 scientifiques et des 85 personnels de services de support et de soutien. Il est légitimé sur le plan académique et scientifique, et porté par une grande partie des membres de l'établissement. Je pense donc que ce déménagement a du sens, raison pour laquelle ce projet a fait son chemin depuis 2007 et aboutira prochainement.
Je partage complètement le souci, exprimé par Laurent Grandguillaume, de renforcer l'impact du volet innovation de notre recherche publique et, dans le même temps, de resituer cette nécessité dans la réflexion globale qui s'impose aujourd'hui – façon de répondre aussi à Lionel Tardy.
M. Gagnaire va plus loin en soulevant la question des pôles de compétitivité qui, s'ils ne relèvent pas de mon ministère mais de celui de l'économie, permettent l'articulation entre les écosystèmes qu'ils gèrent et les différentes structures de l'innovation émergeant à partir de l'univers de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cette notion d'articulation fera partie du périmètre de la réflexion que nous allons prochainement engager sur les dispositifs d'innovation.
M. Heinrich est parti de la question des droits d'inscription des écoles d'ingénieurs pour élargir ensuite à juste titre son propos à la question du modèle économique particulier de ces écoles. Il est vrai que celles-ci sont fortement perturbées par l'évolution de la taxe d'apprentissage et même précarisées. C'est pourquoi j'ai proposé à ces établissements d'engager avec eux une réflexion dans les semaines qui viennent. Il ne faudrait pas se contenter d'évoquer les droits d'inscription, en laissant croire que ces derniers constitueraient une recette miracle alors que ce problème de modèle économique doit être appréhendé globalement. Des études internationales et nationales montrent qu'il est difficile de poursuivre des objectifs de démocratisation de l'accès à l'enseignement supérieur, quel qu'il soit, tout en envoyant un signal contraire en termes de droits d'inscription. Dans une étude réalisée en 2013, l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) démontre, mathématiquement, qu'annoncer des augmentations des droits d'inscription dissuadera les personnes appartenant à certaines couches sociales de suivre un parcours d'enseignement supérieur. La nation n'a-t-elle pas plutôt intérêt à diplômer beaucoup plus de ses jeunes ? Je rappelle que, selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), un jeune diplômé de l'enseignement supérieur rapporte 70 000 euros à la nation.
Enfin, MonsieurPremat, il me semble préférable de parler de démocratisation que de massification car la notion de flux démographique sous-tend celles de disparités et d'hétérogénéité des parcours des étudiants. La massification est un terme à proscrire : il donne l'illusion que l'on pourrait élaborer un modèle tayloriste d'université et traiter de plus en plus d'étudiants de la même façon. Or, c'est exactement l'inverse : plus la démographie étudiante sera importante, plus la diversité le sera également et plus il faudra de méthodes pédagogiques adaptées à cette diversité. De ce point de vue, les potentialités du numérique sont à prendre en compte dans les évolutions de moyen terme de notre système d'enseignement supérieur. Les innovations pédagogiques, qu'elles soient liées ou pas au numérique, sont l'une des priorités que nous souhaitons mettre en avant dans le prochain programme d'investissements d'avenir. Une compétition gigantesque, aux enjeux économiques considérables, se prépare en effet au niveau mondial quant aux nouvelles façons d'apprendre. Grâce à la puissance et à l'organisation publiques de l'enseignement supérieur, la France a la capacité d'apporter des réponses innovantes et spécifiques dans cette bagarre économique qui commence. Cela constitue aussi à moyen terme une solution au problème de modèle économique que la démographie étudiante pose à notre système d'enseignement supérieur.
J'espère avoir répondu à Mme Louwagie et à M. Chevrollier.
En conclusion, je me réjouis que nous puissions poursuivre ces débats dans quelques jours dans l'hémicycle. Je retiens de ces trois heures d'échange un autre point de convergence entre celles et ceux qui se sont exprimés, quant au fait qu'un nouvel âge commence pour l'enseignement supérieur. Dès lors que nous nous fixons des objectifs et que la société souhaite être beaucoup plus apprenante, initialement et tout au long de la vie, nous sommes contraints de repenser en profondeur notre modèle d'enseignement supérieur et de recherche. La ministre de l'éducation nationale et moi-même sommes convaincus que nous pouvons le faire en consolidant les bases de ce modèle : la démocratisation, l'accès libre mais organisé de tous les diplômés de l'enseignement secondaire à l'enseignement supérieur, la prise en compte de la nécessité d'accompagner socialement celles et ceux qui font ce choix et l'exigence de qualité en tous points. Nous annoncerons dans les semaines à venir de nouveaux dispositifs contribuant à cette articulation entre la démocratisation et la qualité – que nous appelons la démocratisation exigeante de notre système d'enseignement supérieur et de recherche.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, pour la précision et l'exhaustivité de vos réponses.
La discussion et le vote en séance publique de ces crédits auront lieu le mardi 27 octobre.
La réunion de la commission élargie s'achève à douze heures cinq.
Le Directeur du service des comptes rendus des commissions,
Nicolas VÉRON© Assemblée nationale