C'est un plaisir d'être parmi vous, si nombreux, ce matin. Je remercie plus particulièrement les rapporteurs pour la qualité de leurs rapports.
Au-delà de l'exercice budgétaire, cette séance est aussi l'occasion, pour Thierry Mandon et moi-même, de faire un point sur la toute récente rentrée universitaire.
S'il est bien une priorité du Gouvernement, c'est la jeunesse, l'éducation, l'enseignement supérieur. L'examen, hier, des crédits de l'enseignement scolaire l'a montré, et les propos du rapporteur spécial François André et de la rapporteure pour avis Anne-Christine Lang confirment notre constance en la matière.
Cette rentrée, les effectifs étudiants ont pour la première fois dépassé la barre des 2,5 millions soit environ 38 700 étudiants supplémentaires – nous disposons désormais de chiffres sûrs, alors que les premières estimations se fondaient sur des bases déclaratives. Évidemment, les évolutions sont contrastées selon les filières.
À l'université, qui connaît l'augmentation la plus forte, la première année de licence est redevenue très attractive – c'est une chance. Anne-Christine Lang le rappelait : pendant des années, ce sont plutôt les effectifs de l'enseignement supérieur privé qui ont crû. Voici donc que l'enseignement supérieur public redevient attractif. Cela conduit certaines filières à être particulièrement chargées, voire dans une situation tendue : les sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS) dont les effectifs augmentent de 18 %, le droit où ils augmentent de 11 %, la psychologie et la première année commune des études de santé.
Cette rentrée, les dispositions de la réforme de 2013, qu'avait défendue Geneviève Fioraso, sont pleinement opérationnelles. La structuration du paysage de l'enseignement supérieur est donc redessinée, en particulier avec la mise en place de vingt-cinq regroupements qui partagent une stratégie de développement et mettent en commun des compétences. En outre, l'offre des formations est améliorée, plus claire, plus lisible.
Le Président de la République a fixé l'ambitieux objectif de 60 % de diplômés de l'enseignement supérieur par classe d'âge. Cela passe nécessairement par une démocratisation encore plus forte, une diversité encore plus grande dans l'enseignement supérieur.
Atteindre cet objectif suppose de donner aux universités les moyens d'accueillir ces nouveaux étudiants. Pour la rentrée 2016, c'est un budget ambitieux pour l'enseignement supérieur qui vous est proposé, avec 165 millions d'euros supplémentaires, qui permettront d'accompagner cette hausse des effectifs, le Gouvernement ayant déposé un amendement qui accroît de 100 millions d'euros le programme 150. Ces 165 millions d'euros supplémentaires permettront notamment la création de 1 000 emplois, indispensables si l'on continue d'accorder la priorité à l'accueil et à la réussite des primo entrants dans l'enseignement supérieur.
Cependant, aussi important soit-il, l'effort financier ne peut suffire. Cette rentrée montre aussi la nécessité de repenser l'entrée dans l'enseignement supérieur, avec une refonte du processus d'orientation et une vraie politique reliant l'enseignement scolaire et l'enseignement supérieur pour assurer aux jeunes des parcours de réussite. Cette arrivée croissante de jeunes, traduction de la démocratisation de l'enseignement supérieur que nous avons souhaitée, impose à notre système, tout particulièrement à nos universités, de prendre en compte la diversité toujours plus grande de publics hétérogènes.
Nous avons déjà fait évoluer cette étape cruciale de l'entrée dans l'enseignement supérieur en agissant sur l'offre de formation. Ainsi, cette rentrée voit les dispositions de la loi du 22 juillet 2013 entrer en vigueur, avec une très forte réduction du nombre des intitulés de formation, tant en licence qu'en master, et la mise en place de la spécialisation progressive en licence pour mieux accompagner l'élaboration des projets professionnels des étudiants. Dans le domaine spécifique des études de santé, dix universités expérimentent cette année de nouvelles modalités d'accès en deuxième année pour que des publics plus divers puissent accéder aux métiers médicaux.
Au cours des prochaines semaines, nous irons plus loin encore. Thierry Mandon et moi-même annoncerons d'autres mesures, qui sont actuellement l'objet d'une concertation. Elles permettront d'accompagner encore mieux ces jeunes dans l'élaboration de leur projet et lorsque celui-ci trouve sa traduction dans leur entrée dans l'enseignement supérieur.
L'enseignement supérieur ne saurait cependant se limiter à sa mission de formation initiale. La formation professionnelle continue à l'université doit aussi être développée. C'est une nécessité sociale, parce qu'il s'agit de mettre ainsi l'université au coeur de la société, mais aussi un moyen de développement financier de nos universités, qui peuvent trouver là un modèle économique nouveau, sur lequel miser.
Notre système d'enseignement supérieur, si souvent dénigré, est de qualité. Il compte parmi les plus efficaces du monde – mettons en exergue cette réalité trop méconnue. L'OCDE le montre : 80 % des jeunes Français qui accèdent à l'enseignement supérieur en ressortent avec un diplôme – c'est 10 points de plus que la moyenne des pays membres de l'OCDE. Bien sûr, beaucoup d'améliorations sont encore possibles, notamment en premier cycle, mais gardons à l'esprit ces résultats, déjà excellents.
Une démocratisation encore plus forte de l'enseignement supérieur impose, entre autres priorités, d'aider les étudiants les moins favorisés socialement.
Notre effort pour l'aide aux étudiants a donc été poursuivi. Depuis 2012, ce sont près de 500 millions d'euros supplémentaires qui ont été mobilisés pour des bourses sur critères sociaux, ce qui a notamment permis à 132 500 étudiants supplémentaires, issus des classes moyennes, de bénéficier pour la première fois d'une aide – auparavant, ils n'étaient tout simplement pas concernés. La rentrée 2015 conforte cette politique, qui sera complétée par de nouvelles mesures visant à préserver le pouvoir d'achat des étudiants. Ainsi, pour la première fois, les droits d'inscription n'augmentent dans aucune filière de l'enseignement supérieur public. Par ailleurs, conformément à la loi du 10 août 2014 relative aux stages, le montant horaire minimal de la gratification des stages de plus de deux mois passe de 3,30 euros à 3,60 euros, soit environ 45 euros supplémentaires par mois ; plus de 350 000 étudiants en stage dans les universités bénéficieront de cette mesure. Enfin, la nouvelle prime d'activité destinée à compléter le revenu des travailleurs faiblement rémunérés sera accessible aux étudiants qui travaillent et dont les revenus dépassent 0,78 fois le SMIC, soit un montant net d'environ 900 euros par mois ; cela concerne tout de même 100 000 étudiants salariés.
Le pouvoir d'achat des étudiants, c'est aussi le logement. L'effort de construction de 40 000 nouveaux logements sociaux destinés aux étudiants d'ici à la fin de l'année 2017 sera poursuivi. À la fin de l'année 2015, plus de 20 000 nouveaux logements auront déjà été construits. Dans le parc locatif privé, la généralisation, cette année, de la caution locative étudiante aide les étudiants dépourvus de garant personnel à accéder à un logement. L'année dernière, année de lancement et, en quelque sorte, d'expérimentation, ce dispositif comptait 3 000 bénéficiaires. Aujourd'hui, nous comptons plus de 6 000 demandes, et le champ du dispositif s'étend aussi aux départements et territoires d'outre-mer – ce n'était pas le cas l'année dernière.
Avant l'été, nous avions lancé une concertation nationale en vue d'un plan de vie étudiante, destiné à simplifier les démarches et à renforcer l'accès aux droits, à améliorer la santé et les conditions de vie, à dynamiser la vie de campus et l'engagement des étudiants. Les conclusions de ces fructueux travaux ont été présentées par le Président de la République, au début du mois d'octobre, et nous allons pouvoir mettre en oeuvre les différentes mesures envisagées, mais la circulaire du 23 juillet 2015 facilite d'ores et déjà l'année de césure, conformément à l'engagement du Président de la République. Celle-ci permet à l'étudiant de se consacrer pendant un an à un engagement solidaire, à la création d'une entreprise, à un volontariat international en entreprise (VIE), avant de reprendre son parcours étudiant sans difficulté.
Vous avez eu raison, monsieur le rapporteur spécial, madame la rapporteure pour avis, de vous arrêter sur le sujet de l'immobilier universitaire. Pour que les étudiants réussissent, il faut les accueillir dans les meilleures conditions possibles, notamment dans des locaux à la hauteur de nos objectifs. Or la situation actuelle est contrastée. Un tiers des 18 millions de mètres carrés des établissements d'enseignement supérieur date de moins de dix ans et présente toutes les garanties de qualité que l'on peut souhaiter aujourd'hui, un autre tiers est plus ancien mais permet d'accueillir les étudiants dans de bonnes conditions, un dernier tiers – en fait, 5,6 millions de mètres carrés – est malheureusement beaucoup plus vétuste et devra faire l'objet de travaux dans les prochaines années, qu'il s'agisse d'en améliorer l'efficacité énergétique ou d'adapter les locaux aux nouveaux usages pédagogiques.
Des moyens importants sont d'ores et déjà mobilisés. Il s'agit notamment des investissements prévus dans le cadre des contrats de plan État-région (CPER) conclus pour la période 2015-2020, investissements surtout concentrés sur des opérations de rénovation. Dans ce cadre, l'effort de l'État en faveur de l'immobilier universitaire sera de 1 milliard d'euros, auquel viendra s'ajouter une somme équivalente apportée par les collectivités locales. Par ailleurs, d'autres moyens financiers sont également mobilisés en faveur de l'immobilier universitaire dans le cadre du plan Campus et de certaines opérations spécifiques du type « Campus prometteur » ou « Campus innovant ». Ces financements sont, sur la période 2015-2020, de l'ordre de 2,6 milliards d'euros.
Quant à une possible extension de la dévolution du patrimoine, l'expérimentation de dévolution conduite à ce jour dans trois établissements est certes très satisfaisante comme l'a montré un rapport de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (l'IGAENR). Le coût d'une telle opération ne permet cependant pas de considérer comme réaliste son extension à la totalité des établissements. La Cour des comptes a ainsi estimé à 860 millions d'euros par an le coût d'une dévolution du patrimoine à l'ensemble des universités. Si cette opération est manifestement hors de portée pour le moment, cela ne signifie pas qu'il ne faille pas continuer à y réfléchir. C'est pourquoi votre rapport, madame Lang, m'a beaucoup intéressé, et je propose que nous y travaillions ensemble.
Quant à donner aux universités la possibilité de bénéficier d'une part plus importante, ou de la totalité, des retours sur produits de cession, je suis d'accord avec vous, Madame, monsieur les rapporteurs. Le patrimoine immobilier universitaire mérite d'être géré de façon plus dynamique. Sur certains sites, les surfaces ne sont pas utilisées de manière optimale. Inciter les universités à une gestion plus active de leur immobilier peut passer par une augmentation du taux de retour financier, qui est actuellement de 50 %, mais aussi – Thierry Mandon et moi-même en sommes persuadés – par une simplification et une accélération des procédures, sans doute trop lourdes actuellement. Ce travail est également en cours dans nos services.
La mutualisation des surfaces est une autre modalité de gestion dynamique de l'immobilier universitaire, et nous devons aussi réfléchir. Comme le montrent différents rapports récents, les locaux universitaires sont encore trop souvent gérés au niveau des UFR. De ce fait, les taux d'occupation moyens ne dépassent pas les 70 %. Une gestion plus centralisée et des salles plus modulables permettraient d'optimiser l'utilisation des locaux sans devoir construire de surfaces nouvelles. Ne nous interdisons pas d'inventer et d'innover. Nous y travaillons actuellement, et peut-être Thierry Mandon y reviendra-t-il tout à l'heure.
Avec l'université Paris-Saclay (UPS), l'objectif est bien de constituer un grand ensemble universitaire à forte visibilité internationale. La forme sera forcément différente de celle d'une université classique du fait de la « biodiversité » souhaitée et souhaitable de cet ensemble. Sa visibilité internationale dépendra néanmoins en effet de son degré d'intégration mais aussi de l'agilité, si j'ose dire, de sa gouvernance. En matière d'intégration le chemin parcouru est déjà très important : fusion des écoles doctorales, mutualisation de près de 80 % des masters, signature commune, constitution de schools regroupant les forces dans les grands domaines… Tout cela place l'UPS parmi les COMUE aux délégations de compétences les plus élevées.
La visibilité internationale nécessaire, notamment pour figurer dans certains grands classements internationaux comme celui de Shanghai, implique un degré d'intégration plus poussé. L'UPS est en train d'étudier cette question pour proposer à ses membres les évolutions correspondantes. Ce travail s'inscrit également dans la perspective de l'évaluation de la période probatoire de l'initiative d'excellence (IDEX) – Paris-Saclay a été sélectionné à ce titre en 2011, et l'évaluation doit intervenir à la fin de l'année 2015 ou au début de l'année 2016.
L'ensemble de ces politiques s'inscrivent dans une vision plus stratégique : la stratégie nationale de l'enseignement supérieur, que le Président de la République s'est complètement appropriée et dont il a repris les ambitions. Celle-ci fera l'objet d'un débat au sein des assemblées au début de l'année 2016, exercice inédit qui nous donnera l'occasion de reparler, peut-être plus longuement, des ambitions que notre nation nourrit pour son enseignement supérieur.